Livv
Décisions

CA Chambéry, 1re ch. civ., 9 janvier 2007, n° 05-03016

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sancey

Défendeur :

Rouaud

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jacquet

Conseillers :

M. Leclercq, Mme Ferreira

Avoués :

SCP Fillard-Cochet-Barbuat, SCP Dormeval-Puig

Avocats :

Selarl Pascal Braud & Catherine Soret, Me Britsch-Siri

TGI Thonon-les-Bains, du 1er sept. 2005

1 septembre 2005

Faits, procédure, prétentions des parties

M. Claude Rouaud est propriétaire d'une parcelle de terrain sise à Bonne sur Ménoge (74) lieudit Sous Asnières cadastrée section B N° 3286 pour une surface de 10a 50 ca.

Le 24 mai 2004, Me Andrier, notaire à Annemasse, a dressé procès-verbal de carence à l'encontre de M. Rouaud suite à son absence au rendez-vous de signature de la vente de ladite parcelle à M. Félix Sancey.

Le 14 juin 2004, M. Félix Sancey a fait assigner M. Claude Rouaud devant le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains à l'effet de voir déclarer la vente parfaite moyennant le prix de 31 255 euro et M. Rouaud être condamne à lui payer 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Rouaud a conclu au rejet des demandes de M. Sancey, faisant valoir que son consentement avait été vicié lors de son acceptation puisqu'il est apparu que sa parcelle faisait partie d'un dossier de demande de permis de construire.

Par jugement en date du 1er septembre 2005, le tribunal a :

- constaté la nullité de l'accord litigieux formalisé par les lettres de M. Félix Sancey et M. Claude Rouaud datées respectivement des 19 et 20 août 2003,

- rejeté les demandes afférentes formées par M. Félix Sancey à l'encontre de M. Claude Rouaud,

- condamné M. Félix Sancey à payer à M. Claude Rouaud la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

-condamné M. Félix Sancey aux dépens.

M. Félix Sancey a interjeté appel du jugement par déclaration reçue le 21 décembre 2005.

Par conclusions récapitulatives déposées le 4 septembre 2006, M. Félix Sancey, appelant, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a implicitement constaté l'accord sur la chose et sur le prix intervenu entre les parties, la vente étant parfaite, conformément à l'article 1583 du Code civil ; qu'en effet, dans son courrier en date du 20 août 2003, M. Rouaud s'est expressément engagé à vendre sa parcelle à M. et Mme Sancey pour un prix de 31 255 euro et n'est jamais revenu sur son engagement ; que c'est M. Rouaud qui les a contactés d'abord par l'intermédiaire d'agents immobiliers, puis ensuite directement ; que c'est encore lui qui a fait le choix de Me Andrier comme notaire,

Que M Sancey n'est aucunement à l'origine du permis de construire qui a été sollicité par la SCI les Demeures des compagnons à laquelle il est totalement étranger ; que si M. Rouaud a été laissé dans l'idée que son terrain n'avait aucun intérêt sur le plan des droits à construire cela n'est pas du fait de M. Sancey mais de la société Multicom,

- réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire par décision qui vaudra acte de vente entre les parties et transfert de propriété que M. Claude Rouaud a vendu à M. Félix Sancey une parcelle en nature de terre d'une surface de 10a 50ca, sise sur le territoire de la commune de Bonne sur Ménoge (74) lieudit "Sous Asnière", référencée au cadastre section B n° 3286 et tous les droits qui y sont attachés,

- dire que la vente est intervenue moyennant le prix net vendeur de 31 255 euro consigné par l'acquéreur,

- ordonner la publication de l'arrêt à la conservation des hypothèques compétente qui recevra l'extrait des minutes à titre de publication légale, en application de l'article 28-4°e du décret du 4 janvier 1955, à l'initiative de la partie la plus diligente,

- condamner M. Claude Rouaud à payer tous les frais et droits d'enregistrement afférents à ladite publication,

- condamner M. Claude Rouaud à lui payer les sommes suivantes :

* 6 000 euro à titre de dommages - intérêts en réparation de ses préjudices consistant à avoir laissé les fonds chez le notaire depuis le 18 mai 2004 sans avoir la jouissance du bien, outre intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance en date du 14 juin 2004,

* 4 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner M. Claude Rouaud aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées le 20 octobre 2006, M. Claude Rouaud, intimé, demande à la cour de :

- constater qu'il n'y a pas eu de consentement donné marquant un accord sur la chose et sur le prix, l'offre de M. Sancey portant sur une parcelle B 2286 au lieu de B3286 et pour une contenance différente ; que les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers,

- en tout état de cause, vu les articles 1109 et 1110 du Code civil, constater que son consentement a été vicié dans le cadre de l'échange de correspondances des 19 et 20 août 2003 puisqu'il résulte d'un courrier émanant de la mairie de bonne en date du 23 novembre 2004 qu'un permis de construire avait été délivré le 18 décembre 2001 portant notamment sur la parcelle B3286 et que ce permis avait fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif ; qu'il ignorait totalement cette situation ce qui n'était pas le cas de M. Sancey,

- dire que l'erreur porte sur les qualités substantielles du bien puisque s'il avait eu l'entière connaissance des éléments de constructibilité attachés à son terrain lorsque celui-ci, tout en longueur, est rattaché aux terrains voisins, il n'aurait pas consenti à la vente dans ces conditions, l'attestation délivrée par la société Multicom le 2 novembre 2004, démontrant que le prix de vente du terrain peut être estimé à 60 euro le m²,

- confirmer en conséquence le jugement querellé,

- condamner M. Sancey au paiement d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi la cour

Attendu que, dans son courrier du 20 août 2003, M. Rouaud a accepté l'offre d'achat faite par M. Sancey sur la base d'un prix correspondant à un terrain non destiné à recevoir une construction ;

Que ceci est d'ailleurs expressément mentionné en page 7 du projet d'acte établi par le notaire le 20 février 2004 puisqu'il est indiqué que "l'acquéreur déclare qu'il n'envisage pas de construire le terrain objet des présentes et le destine à un jardin d'agrément ; par conséquent, il requiert le notaire soussigné de régulariser les présentes sans demander un document administratif permettant de déterminer la constructibilité dudit terrain".

Attendu que ce projet d'acte avait été précédé d'un courrier du conseil de M. Sancey en date du 15 janvier 2004 dans lequel celui-ci "attirait l'attention du notaire sur la nécessité d'une réitération dans les meilleurs délais compte tenu de l'existence de la procédure pendante devant le Tribunal administratif de Grenoble sur le permis de construire qui a été délivré sur la parcelle concernée";

Que ce courrier porte comme référence une affaire Sancey contre la Commune de Bonne ;

Qu'il est en conséquence patent que M. Sancey a en toute connaissance de cause proposée à M. Rouaud de contracter sur la base d'éléments qu'il savait faux ;

Qu'il est en outre certain, vu la différence entre l'offre et le projet de construction envisagé sur son terrain, que M. Rouaud a donné son consentement à la vente en ayant été laissé dans l'ignorance dudit projet ;

Qu'en effet, il résulte du permis de construire accordé par la commune que la SCI les Demeures des compagnons envisageait d'édifier 9 bâtiments pour 1 119 m² de Shon, ce qui donnait à la parcelle une valeur bien supérieure à celle s'attachant à un terrain d'agrément ;

Qu'il convient en conséquence de dire que le consentement de M. Rouaud a été vicié par le silence dolosif de M. Sancey et de confirmer pour ces motifs, le jugement entrepris.

Attendu qu'il convient de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant, Condamne M. Félix Sancey à payer à M. Claude Rouaud, en sus de celle qui lui a été allouée par le jugement, la somme de 1 500 euro, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront supportés par M. Félix Sancey, partie appelante, avec distraction au profit de la SCP Dormeval-Puig, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code précité.