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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 12 septembre 2006, n° 05-10064

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bordier

Défendeur :

Raoux, Millon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lambrey

Conseillers :

M. Veyre, Mme Varlmoff

Avoués :

SCP Ermeneux-Champly-Levaique, SCP Primout-Faivre

Avocats :

Mes Mouzon, Barthelemy-Tempier

TGI Aix-en-Provence, du 3 mars 2005

3 mars 2005

Faits et procédure

Vu le jugement rendu réputé contradictoirement le 3 mars 2005 par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence dans le procès opposant Philippe Bordier, Serge Raoux et Daniel Millon ;

Vu la déclaration d'appel de Philippe Bordier en date du 12 mai 2005 ;

Vu l'appel provoqué diligenté par Serge Raoux à l'encontre de Daniel Millon suivant acte du 11 mai 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Philippe Bordier le 18 mai 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Serge Raoux le 7 juin 2006 ;

Daniel Millon qui ne comparait pas n'a pu être touché à sa personne ; l'arrêt sera donc rendu par défaut en raison de sa défaillance.

Sur ce :

Sur la genèse du litige

Le 15 mars 2001, Serge Raoux a acquis de Daniel Millon, se disant le représentant de Ristralcar, un véhicule d'occasion de marque Mercedes, modèle 1998, affichant un kilométrage de 73 000 kilomètres, pour le prix de 230 000 F.

Serge Raoux a revendu ce véhicule à Philippe Bordier selon acte de cession en date du 30 novembre 2001 pour un prix de 222 500 F soit 33 919,91 euro, le compteur affichant alors un kilométrage de 90 000 kilomètres tel que mentionné dans la promesse d'achat signé par ce dernier le 5 novembre 2001.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 décembre 2001, Philippe Bordier sollicitait l'annulation de cette vente au motif qu'après enquête, il venait d'apprendre que le kilométrage parcouru par le véhicule était bien supérieur à celui affiché au compteur.

En l'état du refus manifesté par Serge Raoux et de l'échec des pourparlers engagés, il a fait assigner celui-ci devant le tribunal de grande instance suivant acte en date du 19 août 2002 aux fins d'obtenir, à titre principal, l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles du véhicule ayant vicié son consentement. Serge Raoux a appelé en garantie Daniel Millon.

Suivant ordonnance en date du 11 avril 2003, Robert Hazan a été désigné en qualité d'expert pour procéder à l'examen du véhicule litigieux.

Il a déposé son rapport le 14 décembre 2003 en concluant qu'il était en mesure "de confirmer que le kilométrage du véhicule avait été modifié après la vente du véhicule à Ristralcar, qu'en fait, il avait parcouru 213 047 km depuis sa première mise en circulation ce qui permettait d'estimer sa valeur au jour de la vente à Philippe Bordier à 24 000 euro que rien ne permettait de prouver que Serge Raoux connaissait la modification du compteur kilométrique".

Au vu de ses conclusions, le premier juge a :

- prononcé la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de celui-ci,

- condamné Serge Raoux à rembourser le prix de vente du véhicule augmenté des intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2001,

- condamné Philippe Bordier à restituer le véhicule,

- condamné Ristralcar et Daniel Millon à relever et garantir Serge Raoux des condamnations prononcées à son encontre au profit de Serge Raoux.

Philippe Bordier a interjeté appel de cette décision qui n'a pas fait droit à sa demande en dommages et intérêts. Serge Raoux, par la voie d'un appel incident, demande uniquement que le jugement soit infirmé en ce qu'il a retenu un manquement à son obligation de renseignement dans les motifs de la décision, sans en tirer d'ailleurs aucune conséquence.

Sur le dol

Sans solliciter expressément l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles, Philippe Bordier demande que soit retenu le dol à l'encontre de Serge Raoux, ou minima, sa réticence dolosive.

Le dol peut effectivement être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il l'avait connu, l'aurait empêché de contracter. Il est parfaitement établi que Serge Raoux qui exerce la profession de fonctionnaire municipal, est un particulier et en conséquence, il appartient à Philippe Bordier de justifier que celui-ci avait connaissance du caractère erroné du kilométrage inscrit au compteur du véhicule.

Son argumentation repose principalement sur le fait que lorsque Ristralcar a procédé à la vente du véhicule à Serge Raoux, il a été inscrit sur la facture "kilométrage non garanti".

Il convient cependant d'objecter que pour un particulier normalement avisé, contractant avec un professionnel dont il n'a pas de raison particulière de mettre en doute l'honnêteté, le kilométrage figurant au compteur est habituellement le kilométrage réel du véhicule et qu'en l'espèce. Serge Raoux n'avait aucune raison de suspecter une manipulation à ce niveau puisque Ristralcar lui avait indiqué, certificat de cession à l'appui, qu'elle avait acquis ce véhicule d'une société Alegria Sound, le 12 février 2001, avec un kilométrage de 70 000 kilomètres parfaitement compatible avec un kilométrage de 73 000 kilomètres un mois plus tard. Il convient d'ailleurs de relever que l'expert n'a pu déceler une modification du compteur qu'après avoir procédé à de nombreuses recherches qui, à l'évidence, ne pouvaient relever de la compétence d'un acquéreur non professionnel.

De même, aucun élément ne permet de retenir que Serge Raoux aurait du s'apercevoir de ce que les documents présentés par Ristralcar pour justifier de l'origine du véhicule étaient faux.

Ainsi, il apparaît que Philippe Bordier n'établit nullement que Serge Raoux avait connaissance de ce que le kilométrage parcouru par le véhicule était bien supérieur à celui affiché au compteur. Il ne peut qu'être débouté de sa demande au titre du dol allégué tant par rapport à l'annulation du contrat pour vice du consentement qu'à la résolution de la vente pour vice caché.

Sur l'annulation de la vente pour erreur

Il convient de constater que les parties sont d'accord pour solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles ayant vicié le consentement de Philippe Bordier, le premier juge ayant justement retenu que le kilométrage d'un véhicule qui reflète son utilisation, son état d'usure et influe sur sa longévité, constitue l'une de ses qualités substantielles.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par Philippe Bordier

L'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur n'exclut pas la possibilité de solliciter des dommages et intérêts en cas de déloyauté d'un des cocontractants ayant provoqué ou favorisé l'erreur. En l'espèce, le premier juge a retenu que Serge Raoux qui avait annoncé à Philippe Bordier un kilométrage de 90 000 kilomètres en se contentant d'ajouter le kilométrage de 73 000 kilomètres déclaré par Ristralcar à celui qu'il avait parcouru, avait manqué à son obligation de renseignement en ne révélant pas l'incertitude qui pesait sur ce kilométrage.

Cependant, comme il a été vu supra, ce kilométrage correspondait à celui affiché au compteur et que Serge Raoux, simple particulier, n'avait aucune raison de mettre en doute cette indication.

Dès lors, il apparaît que Philippe Bordier ne justifie nullement d'une faute à l'encontre de Serge Raoux, même non intentionnelle, qui permettrait de retenir la charge de celui-ci une obligation d'indemnisation du préjudice qui pourrait résulter de l'annulation de la vente.

Sur les demandes formées par Philippe Bordier en production de pièces

Philippe Bordier formule plusieurs demandes tendant à la production de pièces rendues sans objet en l'état de l'annulation de la vente avec pour corollaire la restitution du véhicule à Serge Raoux. Il en sera débouté.

Sur l'appel en garantie formé par Serge Raoux à l'encontre de Daniel Millon

Des constatations de l'expert, il ressort à l'évidence que le compteur du véhicule a été manipulé après la vente du véhicule à Ristralcar, raison sociale sous laquelle exerçait Daniel Millon.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné Daniel Millon à relever et garantir Serge Raoux des condamnations prononcées à son encontre au profit de Philippe Bordier.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Philippe Bordier supportera les entiers dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt de défaut, en dernier ressort et en matière civile, Vu les appels, Confirme le jugement du 3 mars 2005, Y ajoutant, Déboute Serge Raoux de ses demandes en productions de pièces, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Philippe Bordier aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.