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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 27 mars 2007, n° 04-02743

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SAB (SA)

Défendeur :

JTD (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Sanvido

Conseillers :

MM. Polanchet, Vignes

Avoués :

Me Graciano, SCP Dumont-Pauthier

Avocats :

Mes Boudara, Letondor

T. com. Lons-le-Saunier, du 5 nov. 2004

5 novembre 2004

Faits et prétentions des parties

La société SAB, ayant pour activité principale la conception, l'assemblage et le soudage de pièces automobiles, a sollicité, le 17 juillet 2003, la société JTD, avec laquelle elle avait été en relation d'affaires par le passé, pour obtenir une offre de prix pour une pièce référencée 93146, à raison d'une commande de 20 000 pièces par mois.

Une commande a été régularisée le 4 août 2003 portant sur 15 000 pièces, 5 000 pièces devant être livrées le 2 septembre 2003 et 10 000 pièces le 11 septembre suivant.

Dans ce cadre a été matérialisé un bon de commande le 13 novembre 2003, portant sur 22 000 pièces, dont il a été accusé réception le lendemain.

Faisant grief à la société SAB d'avoir rompu abusivement la relation contractuelle le 20 novembre 2003, la société JTD l'a assignée, par acte du 2 mars 2004, devant le Tribunal de commerce de Lons-le-Saunier afin d'obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement du 5 novembre 2004, auquel la cour se réfère pour l'exposé complet des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le tribunal a:

- constaté que la vente intervenue entre les parties de 14 novembre 2003 était parfaite,

- constaté la rupture unilatérale de la convention aux torts exclusifs de la société SAB,

- prononcé sa résiliation,

En conséquence,

- condamné la société SAB à payer à la société JTD les sommes de:

* 40 014 euro HT en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2004,

* 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 31 décembre 2004, la société SAB a interjeté appel de cette décision.

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées le 15 juin 2006 par l'appelante aux termes desquelles elle demande la cour:

- d'annuler (sic) le jugement, dire qu'aucun contrat ne s'est formé entre les parties à la suite de la commande du 13 novembre 2003 et condamner en conséquence la société JTD à lui restituer la totalité des sommes versées en exécution du jugement attaqué,

- Subsidiairement, de dire que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par un contrat d'entreprise qui pouvait être unilatéralement rompu et que la société JTD a été suffisamment indemnisée par le versement de la somme de 2 000 euro qu'elle a effectué,

- de condamner la société JTD à lui restituer la totalité des sommes versées en exécution de la décision,

En tout état de cause, de condamner la société SAB à lui payer une indemnité de 3 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions déposées le 8 décembre 2006 par la société JTD tendant à la confirmation du jugement, au débouté de la société SAB de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 euro en remboursement de ses frais irrépétibles;

Vu les pièces régulièrement produites,

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 1er février 2007;

Motifs de la décision

Attendu qu'après avoir obtenu, suite à sa demande du 17 juillet 2003, une offre de prix de la société JTD, la société SAB passait une commande le 4 août 2003 pour 15 000 embouts référencés 9346, en matière XC 18 Pb, au prix de 1,83 euro HT unitaire franco et que la société JTD accusait réception le 10 septembre suivant de ce qu'elle qualifiait de "commande de dépannage ", en précisant qu'elle appliquait pour les 25 000 premières pièces un prix de 221 euro le mille, soit 0,22 euro pièce;

Que le 11 septembre 2003, la société SAB commandait 25 000 embouts 9346, matière TU 37 BK, au prix de 221 euro le mille HT, soit 0,22 euro HT pièce, à raison d'une cadence de 5 000 pièces par semaine, la première livraison partielle devant intervenir courant de semaine 39/03;

Que toutefois par télécopie du 11 septembre 2003, la société JTD lui faisait connaître que le prix applicable s'entendait de 221 euro le cent (2,21 euro) pour 25 000 pièces;

Qu'un accusé de réception de commande était établi le 17 septembre 2003, mentionnant un prix de 2 210 euro le mille, soit 2,21 euro l'unité;

Que la société SAB ne conteste pas avoir accepté cette dernière condition, en précisant toutefois qu'au pied du mur, elle ne pouvait causer de difficultés à son principal client;

Attendu que la société SAB passait une nouvelle commande le 13 novembre 2003 portant sur 22 000 embouts référencés 9346, au prix unitaire de 2,21 euro HT, à raison d'une cadence de 5 000 pièces par semaine ; que toutefois la société JTD accusait réception le lendemain de cette commande en mentionnant bien un prix HT de 2 210 euro le mille, soit 2,21 euro HT l'unité, mais en faisant référence à des quantités de 4 000 pièces par semaine et en ajoutant un forfait de 500 euro correspondant aux frais supplémentaires d'usinage;

Que par lettre du 20 novembre 2003, la société SAB faisait connaître à la société JTD son souhait d'annuler la commande du 13 novembre, en faisant référence à une erreur de planification dans ses services, et en s'engageant à honorer l'ensemble des frais engagés au titre de cette commande;

Qu'il résulte de la raison invoquée par l'appelante à l'appui de son annulation de commande, faisant référence à un motif interne, que les dernières conditions émises par la société JTD ne nécessitaient aucune contre offre et avaient été acceptées par la société SAB, laquelle, pour des considérations propres à son entreprise, avait en définitive décidé de ne pas y donner suite;

Attendu qu'au terme du rappel de cette chronologie, il doit être considéré que les relations existant entre les parties ne s'analysent pas en des relations commerciales suivies au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce, mais comme des relations ponctuelles matérialisées par des contrats de vente successifs et que l'annulation de commande intervenue le 20 novembre 2003 ne constitue pas une rupture de marché ; qu'en conséquence cette annulation peut seulement donner lieu à indemnisation conformément aux conditions générales de vente stipulées à l'article 2.2 du bon de commande aux termes duquel toute annulation de commande entraînera le remboursement de tous les frais engagés: outillage, matière, main-d'œuvre, etc... ;

Attendu que la société JTD produit un décompte des frais engagés à la suite de la commande de l'appelante du 13 novembre 2003, qu'elle qualifie de " débours latéraux " et évalue à 26 941 euro HT;

Qu'elle est également bien fondée à solliciter réparation pour la perte de gain consécutive à l'annulation de la commande et qu'en fonction des éléments soumis à son appréciation, la cour, en infirmant le jugement déféré, évaluera le préjudice total de l'intimée à la somme globale de 30 000 euro, de laquelle il y a lieu de déduire 2 000 euro déjà versés par l'appelante;

Attendu que la société SAB qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens et sera condamnée à payer à l'intimée une indemnité de 1 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Infirme le jugement rendu le 5 novembre 2004 par le Tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, Statuant à nouveau, Condamne la société SAB à payer à la société JTD les sommes de : * vingt huit mille euro (28 000 euro) à titre de solde de dommages-intérêts consécutifs à l'annulation de commande, * mille deux cents euro (1 200 euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne la société SAB aux dépens d'instance et d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Dumont-Pauthier, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.