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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 7 septembre 2006, n° 05-04902

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Milleville (Epoux)

Défendeur :

Ruellan, Chantier Naval de la Côte d'Emeraude (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boivin

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Bohuon

Avoués :

SCP Brebion, Chaudet, SCP Gauvain, Demidoff, SCP Bazille, Genicon

Avocats :

Mes Durand, Moncoq

TGI Dinan, du 7 juin 2005

7 juin 2005

Faits - procédure - moyens

Par acte du 13 décembre 2001, M. Ruellan a acquis auprès de M. et Mme Milleville un voilier de type "Feeling" dénommé Sinbad VI, au prix de 227 000 F, soit 34 606 euro,

Le 8 mai 2002 lors d'une sortie en mer l'acquéreur a constaté la présence d'eau dans les fonds. M. Choyer mandaté comme expert a relevé que le joint de fixation du lest était en mauvais état, qu'à l'intérieur les boulons de fixation avaient des traces de rouille, et que dans la partie avant sous la couchette un renfort avait été stratifié,

Les vendeurs ont accepté de prendre en charge les réparations dans une limite de 2 300 euro.

M. Ruellan a alors sollicité en référé la désignation d'un expert.

M. Le Hegarat a été désigné le 17 octobre 2002 et a rendu son rapport le 20 mai 2003.

Le 12 juin 2003 M. Ruellan a assigné M. et Mme Milleville sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil en paiement de 12 605,45 euro, outre 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 7 juin 2005 le Tribunal de grande instance de Dinan a déclaré l'action estimatoire recevable, a condamné M. et Mme Milleville à payer à M. Ruellan la somme de 9 101,82 euro avec intérêts au taux Légal à compter de l'assignation, a condamné la SARL Chantier Naval de la Cote d'Emeraude à verser à M. Ruellan la somme de 375,66 euro avec intérêts à compter de la mise en demeure du 21 août 2003, a débouté M. et Mme Milleville de leur demande de garantie à l'encontre de la SARL Chantier Naval et les a condamnés à lui verser 2 664,01 euro, a ordonné l'exécution provisoire, et a condamné M. et Mme Milleville à payer 1 500 euro à M. Ruellan et 1 000 euro à la SARL Chantier Naval par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. et Mme Milleville ont fait appel le 8 juillet 2005. Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement, de débouter M. Ruellan de toutes ses demandes, de leur décerner acte qu'ils reconnaissent devoir une somme de 859,98 euro à la SARL Chantier Naval et de le débouter de toute autre demande, subsidiairement de condamner la SARL Chantier Naval à les garantir de toutes condamnations, d'ordonner la compensation, et de débouter M. Ruellan de sa demande de dommages et intérêts, et en tout état de cause de condamner solidairement M. Ruellan et la SARL Chantier Naval ou l'un à défaut de l'autre à 3 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils font valoir que M. Ruellan connaissait la défectuosité du bâteau et en a obtenu pour cette raison un moindre prix, qu'il a déclaré "bien connaître le navire pour l'avoir visité et l'accepter en l'état où il se trouvait", qu'il était prévu le "remplacement du passe coque loch", qui a été effectuée, ainsi qu'un assèchement des fonds, après l'acquisition, que la SARL Chantier Naval qui était chargée de l'entretien du navire aurait dû vérifier l'étanchéité de la liaison quille/bordé, ou attirer leur attention sur ce point, qu'elle n'a pas non plus remédié aux entrées d'eau ni conseillé un autre mouillage, qu'elle a au contraire convoyé le bateau à l'automne 2001 vers un mouillage à Saint-Briac connu pour sa houle importante, que l'expert a insisté sur la prédominance des talonnages, que la SARL Chantier Naval a en outre servi d'intermédiaire lors de la vente consenti à eux-mêmes par M. Lotelier, et qu'il n'est pas établi qu'ils connaissaient l'existence d'un vice caché.

M. Ruellan demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à porter le montant des dommages et intérêts à 13 753,48 euro, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 juin 2003, de condamner la SARL Chantier Naval sur le fondement quasi-délictuel à lui verser 375,66 euro outre intérêts à compter de la mise en demeure, de débouter M. et Mme Milleville et la SARL Chantier Naval de toutes leurs demandes, et de condamner solidairement M. et Mme Milleville à lui payer 2 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il fait valoir que selon le rapport d'expertise le vice caché ne trouve pas son origine dans un défaut du passe coque du loch, mais dans un défaut d'entretien, notamment de la liaison coque/quille, et dans plusieurs talonnages, que les époux Milleville savaient avant la vente que leur navire était affecté d'entrées d'eau, qu'il ne résulte en revanche d'aucun élément du dossier qu'il ait été informé de l'existence de voies d'eau, que la mention selon laquelle l'acquéreur prend la chose en l'état ne constitue pas une clause de non-garantie, qu'en toute hypothèse les époux Milleville étant de mauvaise foi ils ne peuvent s'en prévaloir, qu'ils ont reconnu leur responsabilité en acceptant de prendre en charge une partie des travaux de réparation, que l'annonce de vente mentionnait un navire en très bon état, que les factures relatives à l'assèchement ne concernent en rien des entrées d'eau, qu'aucune information n'a été portée à sa connaissance sur les avaries survenues, et qu'il y a lieu d'ajouter dans les dommages et intérêts les frais de gardiennage du bateau.

La SARL Chantier Naval demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de condamner in solidum M. et Mme Milleville à 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que les époux Milleville ont des bateaux depuis 1990 et qu'ils ont toujours eu le même mouillage, qu'elle n'avait pas d'obligation de conseil sur la nature du mouillage, qu'en effet elle n'a jamais assuré le gardiennage et n'avait pour rôle que d'hiverner le bateau et le moteur et de le prendre en charge à Saint-Jacut à la demande des époux Milleville, que l'entretien du bateau a été fait tout-à-fait normalement, qu'il n'est pas prouvé qu'elle assurait cet entretien pour le compte de l'ancien propriétaire M. Lotelier, que selon l'expert le désordre est dû à l'ancienneté du navire et à son utilisation, que M. et Mme Milleville n'ont pas fait état d'une entrée d'eau après avoir acquis le navire, ce qui démontre que le bateau n'avait jamais talonné auparavant, que le bateau était échoué normalement sur fond de vase à Saint-Briac, que les réparations effectuées à la demande des époux Milleville l'ont été dans les règles de l'art, que le remplacement du passe coque ne visait pas à réparer une entrée d'eau inconnue, mais un dommage peu important, et qu'elle n'a jamais servi d'intermédiaire pour la vente mais simplement assisté M. Lotelier.

Sur ses factures elle fait valoir qu'elles sont sans rapport avec le litige, que la somme due est bien de 2 644,01 euro, et que le courrier mentionnant celle de 1 699,56 euro résulte d'une erreur.

Motifs

La cour reprend à son compte les motifs pertinents du jugement, non démentis par les conclusions d'appel, tant en ce qui concerne la demande principale que la demande en garantie et la demande reconventionnelle.

Il convient toutefois de préciser que la clause selon laquelle M. Ruellan déclarait "bien connaître le navire pour l'avoir visité et l'accepter en l'état où il se trouve", n'exclut pas de façon non équivoque la garantie des vices cachés, et doit être interprétée comme une simple acceptation des défauts du bateau expressément relevés par les parties, dont la nécessité de remplacer le " passe coque loch ".

Aussi le défaut d'étanchéité, dans la mesure où il avait été attribué par erreur au "passe coque loch" alors qu'il procédait en réalité d'une cause ignorée des parties, n'était-il pas couvert par la clause d'acceptation en l'état.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Ruellan et de la SARL Chantier Naval les frais engagés par eux en appel et non compris dans les dépens, M. et Mme Milleville seront condamnés à leur verser à chacun 1 000 euro à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, Déclare l'appel recevable; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne M. et Mme Milleville à verser à M. Ruellan et à la SARL Chantier Naval 1 000 euro chacun au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais d'appel, Rejette les autres demandes; Condamne M et Mme Milleville aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.