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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 1 décembre 2006, n° 05-11517

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marcelle (Epoux)

Défendeur :

Lajus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

M. Laurent-Atthalin, Mme Delmas-Goyon

Avoués :

SCP Bommart-Forster-Fromantin, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Vitry, Fontas

TGI Créteil, du 29 mars 2005

29 mars 2005

Le 15 mars 2000, Michel Lajus a vendu son bateau dénommé "le Château", destiné à la navigation fluviale, à Eliane Giacinti, épouse Marcelle, pour le prix de 150 000 F, soit 22 867,35 euro, étant précisé que le vendeur conserverait la jouissance du bateau jusqu'en juin 2002; aux termes d'un avenant du même jour, il a été convenu que Michel Lajus recevrait en paiement, une somme de 90 000 à 100 000 F lors de la vente du bateau dénommé "Mimosa" appartenant à Roger Marcelle, la différence devant être réglée mensuellement;

Le 18 avril 2002, Roger Marcelle a vendu le bateau "Mimosa" à Michel Lajus pour le prix de 16 769 euro (110 000 F), étant précisé que les parties reconnaissent que par la vente du bateau "Mimosa" Roger Marcelle s'acquittait par compensation partielle du prix du bateau "le Château";

Invoquant divers désordres affectant le bateau "Mimosa", Michel Lajus, après avoir obtenu la désignation de Monsieur Mascart en qualité d'expert, a assigné les époux Marcelle aux fins d'annulation de la vente du bateau "Mimosa" sur le fondement des articles 1641 à 1645 du Code civil, de paiement du prix du bateau "le Château" et d'indemnisation de son préjudice;

Par jugement du 29 mars 2005, le Tribunal de grande instance de Créteil a prononcé l'annulation de la vente du bateau "Mimosa", ordonné sa restitution par Michel Lajus à Roger Marcelle en contrepartie du paiement du bateau " le Château ", condamné Eliane Marcelle à payer à Michel Lajus la somme de 22 867,35 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2004, Roger Marcelle à payer à Michel Lajus la somme de 2 533,62 euro au titre des frais avancés par ce dernier pour l'achat du bateau "Mimosa", et les époux Marcelle in solidum à verser à Michel Lajus une indemnité de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Au soutien de sa décision, le tribunal a essentiellement retenu que :

- l'expert judiciaire a constaté que l'état de la pénichette "Mimosa" n'est pas satisfaisant d'un point de vue sécurité et respect de la réglementation applicable, que l'examen de la carène montre une " coque atteinte du phénomène d'osmose, dont le degré de gravité est proche du rédhibitoire ", en raison d'un vice propre du matériau, le bateau, la navigation, étant dépourvu de valeur dans la mesure où le coût de dommages est supérieur à sa valeur vénale,

- le bateau "Mimosa" est affecté d'un vice caché dès lors que ce vice affecte la carène, c'est-à-dire la partie immergée de la coque, et que l'expert n'a pu constater son état réel qu'en le mettant hors d'eau et en utilisant un appareillage spécifique de mesure d'hygrométrie pour connaître l'état de dégradation des polymères des œuvres vives, le vice du matériau, dont l'ampleur n'a été révélée que grâce aux opérations d'expertise, étant caché en sa gravité et son étendue,

- les mentions de l'acte de vente, aux termes desquelles le bateau est " vendu dans son état actuel " et Michel Lajus " déclare bien le connaître et l'avoir visité pour l'accepter dans l'état où il se trouve ", ne sauraient caractériser une clause d'exclusion de garantie valide dans la mesure où elles ne précisent pas la nature des vices non garantis, en l'espèce les vices cachés, afin de permettre à l'acheteur non-professionnel d'être pleinement informé,

- la circonstance que Michel Lajus a des relations dans le milieu des plaisanciers ou qu'il est capable de procéder à un changement de bougie ou d'huile du moteur ne fait pas de lui un expert en navigation,

- sur les désordres allégués à titre subsidiaire affectant le bateau " le Château ", le tribunal ne peut en tout état de cause se prononcer sur une demande non chiffrée,

- Eliane Marcelle ne fournit aucune justification de ce qu'elle aurait versé, ainsi qu'elle le prétend, 20 mensualités de 2 000 F chacune;

Vu les conclusions déposées le 14 juin 2006 par Eliane et Roger Marcelle appelants, aux termes desquelles, reprenant la thèse soutenue en première instance, ils font valoir pour l'essentiel que,

- il résulte des mentions de l'acte de vente que Michel Lajus a expressément et volontairement renoncé à toute réclamation sur l'état du navire, alors qu'ayant des connaissances très approfondies en matière de navigation et de bateaux, il était compétent pour apprécier l'état exact du " Mimosa ", sur lequel il avait effectué des travaux d'entretien et de mécanique en compagnie de Roger Marcelle, et s'engager valablement à le prendre dans l'état où il était,

- il ressort du rapport d'expertise que pour la plupart, les dommages étaient apparents lors de la transaction, l'expert précisant, d'une part, que la cause des détériorations des polymères ne doit pas être apparentée à un vice caché, d'autre part, que les désordres affectant le bateau étaient apparents et décelables tant par l'acheteur que par le vendeur,

Ils demandent en conséquence à la cour, infirmant le jugement déféré, de débouter Michel Lajus de ses demandes, subsidiairement, de tenir compte des désordres existant sur le bateau "le Château" tels qu'ils seront chiffrés par une expertise que la cour pourrait ordonner, et de condamner Michel Lajus à leur payer la somme de 2 000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions déposées le 20 janvier 2005 par Michel Lajus, intimé, par lesquelles il sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts sur la somme de 22 867,35 euro au 29 juillet 2004, alors qu'il convient de le fixer au 1er octobre 2002, date de l'assignation, et la condamnation d'Eliane et Roger Marcelle à lui verser une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que pour un exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement déféré et aux écritures ci-dessus visées;

Considérant que même si les dommages qui affectent la carène du bateau " Mimosa " caractérisent un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil, ainsi que l'a retenu le tribunal, force est de constater que figure dans le contrat de vente de ce bateau une clause manuscrite selon laquelle il est "vendu dans son état actuel";

Que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, Roger Marcelle est en droit de se prévaloir de cette clause d'exonération de garantie qui, en raison de la généralité de ses termes, s'applique tant aux vices cachés qu'aux vices apparents de la chose vendue;

Que la vente dont s'agit est une vente entre non-professionnels;

Qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que Roger Marcelle aurait eu connaissance du vice rendant son bateau impropre à l'usage auquel il est destiné;

Que la clause d'exonération de garantie est donc opposable à Michel Lajus, qui l'a expressément acceptée;

Considérant, en conséquence, qu'infirmant le jugement déféré, il convient de débouter Michel Lajus de ses demandes;

Considérant, par ailleurs, qu'il convient de condamner Michel Lajus à verser à Eliane et Roger Marcotte une indemnité de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Que Michel Lajus sera condamné aux dépens de première instance et d'appel;

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute Michel Lajus de ses demandes, Condamne Michel Lajus à payer à Eliane et Roger Marcelle une indemnité de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toute autre demande des parties, Condamne Michel Lajus aux dépens de première instance et d'appel, et admet la SCP Bommart-Forster, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.