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Décisions

CA Angers, ch. com., 29 mai 2007, n° 06-00563

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Finamo (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Ferrari

Conseillers :

Mme Lourmet, M. Fau

Avoués :

SCP Chatteleyn, George

Avocat :

Me Renaudier

CA Angers n° 06-00563

29 mai 2007

La société Finamo, SA, exploite un hypermarché à l'enseigne Hyper U à Mûrs-Erigné.

Elle compose, avec 17 autres exploitants de magasins Hyper U de la région Ouest, un groupe informel, qui, représenté par l'un de ses membres, négocie chaque année, avec divers fournisseurs, une convention dénommée "accord cadre Hyper U Ouest" qui a pour objet de fixer la rémunération des services rendus par les magasins Hyper U à chacun des fournisseurs qui contracte avec eux.

Après enquête, la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Maine-et-Loire a mis en cause les contrats de coopération commerciale intitulés "Accords HU, mise en avant. Action de développement du volume et du CA", passés en 2002 par la société Finamo, en application des accords-cadres, avec cinq fournisseurs du secteur des produits frais : les sociétés Sodebo, LDC traiteur, Herta, Jean Brient et Stalaven,

La Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Maine-et-Loire a fait grief à la société Finamo d'avoir facturé à chacun d'eux, en exécution du contrat le concernant, une prestation qui ne correspond pas à un service rendu effectif et, partant, d'organiser des pratiques restrictives de concurrence, visées à l'article L. 442-6,1, 2°, a), du Code de commerce.

Le 20 août 2004, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, exerçant l'action prévue par l'article L. 442-6, III, a fait assigner la société Finamo pour obtenir:

- l'annulation des clauses des accords cadres et accords commerciaux relatives aux services intitulés "mise en avant. Action de développement du volume et du CA",

- la restitution des sommes payées indûment en vertu de ces clauses, soit au total 15 787,86 euro HT, au Trésor public, à charge pour lui de les reverser à chaque fournisseur concerné suivant les montants facturés,

- la cessation des pratiques dénoncées,

- et la condamnation à l'amende civile prévue par le texte précité, pour un montant de 30 000 euro.

La société Finamo a opposé des exceptions de nullité de l'assignation, prises d'une part du défaut de pouvoir de Michel Jupin, directeur départemental de la concurrence, consommation et répression des fraude du Maine-et-Loire, agissant en tant que représentant du ministre, et, d'autre part, de l'absence à la procédure des fournisseurs, parties aux contrats, objet de la demande en annulation. Elle a conclu subsidiairement au débouté des demandes comme mal fondées.

Le Tribunal de commerce d'Angers, par jugement du 15 février 2006, après avoir écarté les exceptions de nullité, a annulé les clauses qu'il a jugées illicites, ordonné la restitution de l'indu au Trésor public à charge de le reverser aux fournisseurs intéressés, condamné la société Finamo à une amende civile de 5 000 euro et dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit du ministre de l'Economie.

LA COUR,

Vu l'appel formé contre ce jugement par la société Finamo;

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 mars 2007, par lesquelles la société Finamo, appelante, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour:

- d'annuler l'assignation,

- d'écarter comme incompatibles avec la Convention européenne des Droits de l'Homme les dispositions de l'article L. 442-6, III, du Code de commerce, en ce qu'elles autorisent le ministre à demander l'annulation de contrats et la répétition de l'indu sans que soient présents les fournisseurs cocontractants,

- subsidiairement, de débouter le ministre de ses demandes,

- encore plus subsidiairement de "ramener le montant de l'amende civile réclamée à de plus justes proportions";

Vu les dernières conclusions signifiées le 26 mars 2007, par lesquelles le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, représenté par le directeur départemental de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Maine-et-Loire, intimé formant appel incident, conclut à la confirmation du jugement sauf en ses dispositions défavorables, réitère ses prétentions initiales, y compris celle tendant à la cessation des pratiques dénoncées, demande que le montant de l'amende civile soit fixée à 30 000 euro et sollicite une indemnité de procédure de 3 000 euro en première instance outre celle de 5 000 euro pour l'instance d'appel.

SUR CE,

1 - Sur l'exception de nullité de l'assignation prise du défaut de pouvoir du délégataire du ministre

Attendu que l'article L. 442-6 du Code de commerce, fondement de l'action, est issu de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, modifié par la loi du 1er juillet 1996 dite loi Galland, puis par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) ;

Que ce texte permet au ministre chargé de l'Economie d'agir en justice relativement aux pratiques restrictives de concurrence ;

Attendu que le décret 83-167 du 12 mars 1987 autorise le ministre de l'Economie à déléguer, par arrêté, sa signature pour les actes relatifs à l'action prévue à l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aux fonctionnaires appartenant au cadre A des services extérieurs de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes;

Attendu qu'en application de ce décret et par arrêté ministériel du 27 mai 2004, puis du 30 juillet 2005, Michel Jupin, directeur départemental, a reçu délégation permanente à l'effet de signer dans la limite de ses attributions et de sa compétence territoriale les actes relatifs à l'action de l'article L. 442-6 du Code de commerce;

Attendu qu'ainsi, l'assignation du 20 août 2004 porte qu'elle est délivrée à la requête du ministre de l'Economie, représentée par Michel Jupin, ès qualités, qui l'a signée;

Attendu que la société Finamo soutient, en premier lieu, que Michel Jupin n'avait pas le pouvoir de signer l'assignation ; qu'elle fait valoir que le ministre poursuivant ne peut se fonder sur l'autorisation de délégation de signature résultant du décret du 12 mars 1987, dès lors qu'elle n'a été donnée que pour les actes relatifs à l'action prévue à l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et non pour ceux relatifs aux actions prévues par le texte actuellement en vigueur, dans sa rédaction résultant de la loi NRE, qui n'a plus rien de commun avec le texte initial ;

Mais attendu que la validité de l'arrêté ministériel du 27 mai 2004, portant délégation de signature au profit de Michel Jupin pour tous les actes relatifs à l'action de l'article 442-6, n'ayant pas été contestée devant la juridiction administrative, la société Finamo n'est pas fondée à soutenir que le délégataire n'était pas habilité à signer au nom du ministre l'assignation délivrée sur le fondement de ce texte ;

Attendu qu'en second lieu, la société Finamo se prévaut, pour la première fois en cause d'appel, de l'absence de pouvoir spécial de Michel Jupin pour représenter le ministre devant la juridiction commerciale, comme l'exige l'article 853 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle en déduit non seulement que l'assignation est nulle mais encore et tout à la fois que le ministre n'a pas régulièrement comparu, que ses pièces et écritures auraient dû être écartées des débats et ses demandes déclarées irrecevables par le jugement, dont il est demandé infirmation de ce chef (conclusions p 11 in fine);

Mais attendu que les délégations permanentes de signature successivement consenties par le ministre à Michel Jupin relativement aux actes de l'action prévue par l'article L. 442-6 du Code de commerce emportent pour celui-ci pouvoir de représenter le ministre devant le tribunal de commerce saisi sur ce fondement, sans qu'il ait à justifier de tout autre pouvoir spécial ;

2 - Sur l'exception de nullité de l'assignation prise du défaut de pouvoir du ministre pour introduire l'action en l'absence des fournisseurs parties aux contrats

Attendu que la société Finamo fait valoir, sur le fondement des principes de droit interne, que le ministre de l'Economie ne peut pas, en l'absence à la procédure des fournisseurs concernés, demander l'annulation des contrats qu'ils ont signés avec elle et la répétition de l'indu ; qu'elle n'oppose pas de fin de non-recevoir aux demandes formées de ce chef mais sollicite l'annulation partielle de l'assignation quant à ces demandes ;

Attendu que, cependant, l'article L. 442-6, III du Code de commerce, qui désigne les personnes et autorités ayant le pouvoir d'exercer les actions de substitution prévues par ce texte, ne subordonne pas leur mise en œuvre à la présence à la procédure des partenaires commerciaux victimes des agissements dénoncés;

Que le ministre de l'Economie tient de ces dispositions légales le pouvoir d'agir en nullité et en répétition de l'indu de sorte que l'exception de nullité de l'assignation prise du défaut de pouvoir n'est pas fondée; qu'en effet, les modalités d'exercice de l'action, en particulier la question de savoir si l'intervention des parties signataires du contrat dont l'annulation est poursuivie par l'autorité publique est nécessaire, n'ont pas d'incidence sur la validité-même de l'acte introductif de l'instance engagée contre le seul distributeur;

3 - Sur l'exception d'incompatibilité de l'article L. 442-6 du Code de commerce avec la Convention européenne des Droits de l'Homme

Attendu que, dans sa rédaction initiale, l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'habilitait le ministre chargé de l'Economie qu'à exercer une action en responsabilité contre, notamment, le distributeur soumettant son fournisseur à des pratiques illicites de concurrence;

Attendu que cette action ne lui conférait pas le pouvoir de demander l'annulation judiciaire d'une convention à laquelle il n'était pas partie, ni de se substituer aux victimes des pratiques prohibées pour solliciter à leur place la réparation du préjudice en découlant ou encore la restitution de prix ou valeurs ; qu'elle ne pouvait tendre, selon l'interprétation qui en a été donnée, qu'au rétablissement de l'ordre public économique par la cessation des pratiques restrictives de concurrence ;

Attendu que, dans le but de renforcer les sanctions contre les pratiques abusives et faciliter la réparation des préjudices subis par les victimes réputées faibles, le texte désormais applicable, dans sa rédaction résultant de la loi NRE, habilite expressément le ministre, comme le Ministère public, à exercer, en outre, une action de substitution en faveur de la partie lésée pour demander en ses lieux et place de constater la nullité des clauses ou contrats illicites, la répétition de l'indu et la réparation des préjudices subis;

Attendu que le ministre dispose ainsi d'un pouvoir propre pour agir devant la juridiction civile à raison d'une situation contractuelle individuelle, en se substituant à la partie contractante qu'il tient pour victime;

Attendu qu'aucun dispositif légal n'est prévu pour que cette partie puisse faire valoir son point de vue sur le contrat qui la lie au distributeur, sur les sommes considérées comme indues par l'autorité publique qui en réclame la restitution pour son compte ou encore sur le préjudice qu'elle subit, préjudice dont la réparation n'est pas ici demandé ;

Attendu qu'à juste titre, la société Finamo soutient qu'en procédant judiciairement sans appeler à l'instance les parties aux contrats concernées, l'action de substitution exercée par le ministre porte atteinte à la liberté des opérateurs tenus pour lésés de disposer de leurs droits individuels comme ils l'entendent ;

Attendu que la défense des intérêts purement privés des fournisseurs ne peut, sans méconnaître leurs droits fondamentaux garantis notamment par l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, être conduite par le ministre à leur insu, sans qu'ils y soient associés, voire même contre leur gré;

Attendu que l'intérêt supérieur de l'ordre public économique ne justifie pas cette atteinte ; qu'il est suffisamment protégé par l'exercice, par l'autorité publique, de l'action tendant au prononcé de l'amende civile et à la cessation des pratiques illicites, laquelle revient à empêcher - mais seulement pour l'avenir - l'exécution des contrats passés en violation des prescriptions légales;

Attendu qu'en permettant l'absence des fournisseurs, contractuellement liés au distributeur, du débat judiciaire relatif à la nullité des stipulations qu'ils ont passées entre eux et aux restitutions subséquentes, le distributeur est de surcroît privé de son droit à un procès équitable ;

Attendu que l'article L. 442-6,III, en ce qu'il permet au ministre d'agir hors la présence des fournisseurs, est en conséquence contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, mais seulement en ses dispositions relatives à l'action - ici exercée - tendant à ce que soit constatée la nullité des clauses ou contrats illicites et la répétition de l'indu ; que ces dispositions doivent dès lors être laissées inappliquées et les demandes formées de ce chef écartées ;

Attendu que ce texte, en ce qu'il habilite le ministre à agir en cessation des pratiques illicites et aux fins d'amende civile, ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués par la société Finamo, de sorte que les demandes présentées de ce chef sont recevables ;

4 - Sur le fond : l'absence de service effectivement rendu

Attendu que l'article L. 442-6,1, 2°, a), sanctionne civilement le fait pour tout commerçant d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ;

Que le ministre poursuit l'application de ce texte à raison de contrats de coopération commerciale consentis par la société Finamo à ses fournisseurs qui organiseraient au profit de celle-ci une rémunération sans contrepartie réelle ;

Attendu que le contrat-cadre type intitulé "accord cadre hyper U Ouest" prévoit quatre sortes de prestations pouvant être fournies par le distributeur Hyper U, à charge de rémunération par le fournisseur, définies comme suit:

- I. prospectus promotionnel

- II. mise en avant

- III. tête de gondole

- IV. animation-démonstration

Attendu que, par ailleurs, - et c'est l'objet du litige - le contrat-cadre prévoit sur une annexe insérée en dernière page, après la signature des parties, une rubrique finale intitulée "A titre indicatif" comportant la clause suivante :

"En contrepartie des prestations sur l'année et suivi des actions nommées ci-dessus, le fournisseur prévoit de rémunérer les magasins Hyper U de la façon suivante :" (suit un tableau déterminant les modalités de la rémunération) ;

Attendu que les sociétés Sodebo, LDC traiteur, Herta, Jean Brient et Stalaven ont chacune signé en 2002, avec le représentant du groupe des exploitants Hyper U de la région Ouest, un accord-cadre de ce type comportant l'annexe ci-dessus décrite, respectivement les 28 février, 7 mars, 14 mars, 12 mars et 26 février 2002, lequel dispose que la rémunération prévue s'applique entre le 1er avril 2002 et le 31 mars 2003;

Attendu que, sur l'accord-cadre signé de quatre des fournisseurs ci-dessus, a été ajoutée, sous l'intitulé "A titre indicatif", la mention manuscrite suivante "pour MEA (mise en avant), tract, développement de la gamme";

Attendu que ces accords-cadres fixent la rémunération du distributeur Hyper U au titre de la rubrique "A titre indicatif", calculée, pour 4 des fournisseurs, en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé sur l'année avec une progression par paliers, et, pour l'un (la société Herta), par forfait selon le montant du chiffre d'affaires;

Attendu qu'en exécution de cette clause des accords-cadres 2002, la société Finamo a consenti aux fournisseurs ci-dessus un ou plusieurs contrats, datés de 2002, dits de prestation de service, fixant la rémunération du distributeur au titre des "accord HU-mise en avant-action de développement du volume et du CA";

Que la société Finamo précise, en réponse au grief d'antidate formulé par le ministre, que ces contrats, quoique revêtus de la date du début de la période d'application prévue à l'accord-cadre, sont établis "en fin de période de validité" ;

Attendu qu'en vertu de ces contrats, la société Finamo a facturé aux 5 fournisseurs des prestations dénommées "mise en avant sur action de développement du volume et du CA" ;

Attendu que le ministre soutient que cette prestation facturée ne correspond à aucun service rendu par le distributeur aux fournisseurs;

Attendu que la société Finamo fait pour sa part grief au demandeur et au tribunal, qui a accueilli la demande du ministre, de sanctionner une imprécision des contrats, alors que le caractère effectif de la prestation, contrepartie de la rémunération qu'elle a perçue des fournisseurs, est, selon elle, évidente;

Qu'elle ajoute que le ministre ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'absence de contrepartie, la loi du 2 août 2005 ayant inversé la charge de la preuve n'étant pas applicable à l'instance en cours;

Attendu que la personne représentant la société Finamo - Bernadette Thareau, attachée de direction - entendue au cours l'enquête menée par la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a déclaré que la rémunération mise en cause est perçue "uniquement si toutes les actions prévues dans l'accord cadre Hyper U sont réalisées (type tête de gondole, mise en avant, prospectus). Ces actions font déjà l'objet d'un contrat particulier et d'une rémunération propre, mais le contrat "action de développement du volume et du chiffre d'affaires" permet au fournisseur un suivi des relations pour l'année";

Attendu qu'ainsi et selon les explications fournies lors de l'enquête pour la société Finamo, en concordance avec le libellé de la clause figurant sur l'accord-cadre, "le suivi des relations pour l'année" résultant de l'accomplissement des prestations de coopération commerciale constitue la contrepartie de la rémunération perçue de manière complémentaire à celle déjà payée par les fournisseurs au titre de ces prestations;

Attendu qu'à juste titre, le ministre fait valoir que cette contrepartie est fictive dès lors que les actions menées par le distributeur à l'avantage du fournisseur sont déjà rémunérées par celui-ci et qu'aucun service supplémentaire n'a en réalité été fourni par la société Finamo ; que d'ailleurs, les services d'enquête ont établi que d'autres fournisseurs, tel l'Oréal, ont bénéficié et payé les prestations de coopération commerciale prévues par l'accord-cadre pour l'année 2002 sans avoir pour autant négocié le contrat de "suivi des prestations" et se voir appliquer la rémunération en litige ;

Attendu que la société Finamo oppose, dans ses conclusions, après avoir rappelé que la rémunération contestée est calculée suivant l'évolution du chiffre d'affaires réalisé par les fournisseurs avec Hyper U, que "l'avantage pour le fournisseur est incontestable car le distributeur Finamo est incité à travailler de plus en plus avec lui; c'est la raison pour laquelle le barème est incitatif et que plus le chiffre d'affaires est élevé, plus le distributeur progresse dans les tranches du barème, plus le fournisseur est rémunéré et plus le distributeur bénéficie d'un avantage commercial important";

Attendu qu'ainsi, la société Finamo considère que la rémunération qu'elle a perçue au titre de la prestation facturée sous le libellé "mise en avant sur action de développement du volume et du CA" est la contrepartie de l'avantage qu'elle procure au fournisseur en étant elle-même incitée à développer son chiffre d'affaires avec lui ;

Mais attendu que l'accroissement du chiffre d'affaires, objectif partagé par les deux partenaires commerciaux, ne constitue pas en lui-même une prestation de service effectivement rendue par le distributeur à son fournisseur ; que tous les avantages attachés aux services consentis aux fournisseurs comme les prospectus promotionnels, la mise en avant des produits, les têtes de gondole et l'animation-démonstration, font déjà l'objet d'une rémunération ; que, quoique la société Finamo soutienne le contraire, la contrepartie aujourd'hui alléguée est étrangère à celle visée dans l'accord cadre comme " contrepartie des prestations sur l'année et suivi des actions nommées ci-dessus ";

Attendu que la rémunération obtenue par la société Finamo auprès de ses fournisseurs pour la réalisation du service facturé sous le libellé "mise en avant sur action de développement du volume et du CA", qui n'est pas réel, n'est dès lors pas justifiée par une contrepartie effective et n'est pas licite au regard de l'article L. 442-6,1, 2°, a) du Code de commerce ;

Attendu que le moyen de défense invoqué par la société Finamo, suivant lequel il est de principe que le paiement fait en connaissance de cause de la facture par le fournisseur concerné justifie de l'accomplissement du service facturé et de sa valeur, ne peut pas faire obstacle à l'application de ce texte, si les conditions en sont réunies ;

5 - Sur la sanction des pratiques illicites

Attendu qu'en conséquence de ce qui précède, le ministre est bien fondé à demander que soit ordonnée la cessation des pratiques dénoncées, qui sont réitérées par la société Finamo chaque année, ainsi que le démontre la production des accords-cadres 2003 et les contrats passés pour son exécution ; que la demande sera accueillie, le jugement déféré ayant omis de statuer sur cette prétention ;

Attendu qu'en outre, l'atteinte portée par la société Finamo à l'ordre public économique et les répercussions qui s'en suivent pour les fournisseurs et consommateurs justifient le prononcé de l'amende civile prévue par l'article L. 442-6, III, pour un montant de 15 000 euro, lequel n'est pas hors de proportion avec la gravité des faits qui lui sont imputés, l'étendue du dommage causé à l'économie par les pratiques qu'elle a mises en œuvre et sa situation ;

Attendu que l'appelante, qui n'obtient pas gain de cause, supportera tous les dépens et une indemnité de procédure globale de 5 000 euro allouée au ministre pour les frais de première instance et d'appel;

Par ces motifs, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : 1° - rejeté les exceptions de nullité de l'assignation introductive d'instance ; 2° - jugé que la rémunération perçue par la société Finamo au titre de la prestation libellée "mise en avant, action de développement du volume et du chiffre d'affaires" ne correspond à aucun service commercial effectivement rendu; 3° - et condamné la société Finamo aux dépens; Le réformant pour le surplus et ajoutant, Déclare irrecevables les demandes en annulation des clauses et accords illicites et en répétition de l'indu, formées par le ministre chargé de l'Economie sur le fondement de l'article L. 442-6, III, du Code de commerce; Ordonne à la société Finamo de cesser les pratiques jugées illicites; La condamne à une amende civile de 15 000 euro; La condamne à payer au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Finamo aux entiers dépens.