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Décisions

CA Grenoble, 2e ch. civ., 4 avril 2005, n° 03-03497

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

La Redoute (SAS)

Défendeur :

Felfli, Compagnie AGF (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brenneur

Conseillers :

MM. Dubois, Froment

Avoués :

SCP Hervé Jean Pougnand, SCP Grimaud

Avocats :

Selarl Fizellier, Me Gourounian

TGI Grenoble, du 30 juin 2003

30 juin 2003

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société La Redoute à l'encontre d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Grenoble du 30 juin 2003 qui a condamné la SCI La Redoute à payer:

* à Monsieur Felfli la somme de 7 997,17 euro

* à la compagnie AGF les sommes de 9 866,65 euro et 10 482,39 euro

* aux deux ensembles une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Exposé des faits et des moyens des parties

Le 10 juillet 1997, Monsieur Felfli a commandé auprès de La Redoute un téléviseur qui lui a été livré selon facture d'achat du 24 juillet 1997.

Le 17 mai 1998, Madame Felfli a mis en marche le téléviseur et constaté de la fumée et des flammes sortant de l'arrière de l'appareil.

L'incendie s'est propagé dans l'appartement de Monsieur Felfli et a occasionné d'importants dommages aux biens mobiliers et immobiliers.

Un rapport de clôture d'expertise a été établi le 3 décembre 1998 par le Cabinet Sudexa. Les différentes compagnies d'assurance concernées par ce sinistre n'ayant pu tomber d'accord sur le montant des indemnisations, notamment celles revenant à Monsieur Felfli, selon exploit en date du 15 octobre 2002, Monsieur Felfli et la compagnie AGF ont assigné La Redoute sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes:

- M. Felfli : 7 997,17 euro à titre de dommages et intérêts,

- Les AGF : 20 349,05 euro en remboursement des sommes versées.

Sur quoi, LA COUR,

Attendu que pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions régulièrement déposées, le 22 septembre 2004 pour La Redoute et le 27 septembre 2004 pour M. Felfli et les AGF;

Sur la recevabilité de la demande de M. Felfli

Attendu que M. Felfli et les AGF soutiennent que pour avoir procédé au règlement des sommes allouées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile par les premiers juges, la société La Redoute devrait être regardée, conformément aux articles 410 et 558 du nouveau Code de procédure civile, comme ayant implicitement acquiescé au jugement et tacitement renoncé à son appel.

Attendu cependant que les premiers juges ont assorti la décision querellée de l'exécution provisoire; qu'il s'ensuit que la présomption de renonciation à l'appel, instituée par l'article 558 du nouveau Code de procédure civile, ne s'applique pas;

Attendu que la connaissance du vice par M. Felfli remonte au 3 décembre 1998, date du rapport de clôture de l'expertise;

Attendu que selon l'article 1648 du Code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée à bref délai à compter de la découverte du vice;

Que tel n'est pas le cas de l'action en garantie des vices cachés intentée suivant exploit du 15 octobre 2002 sur le fondement d'un rapport de clôture d'expertise d'assurance en date du 3 décembre 1998; que vainement M. Felfli et les AGF font état de pourparlers, alors que la lettre du 29 avril 1999 de l'assureur de La Redoute, la Compagnie Gerling, énonce clairement: " Nous n'entendons pas faire droit à votre recours " et que la lettre du 28 juin 1999, à laquelle M. Felfli fait référence, démontre seulement que, 7 mois après le rapport du 3 décembre 1998, aucun accord n'avait pu être encore trouvé avec l'expert Equad, intervenant dans l'intérêt du fabricant Sagem ; qu'aucun courrier postérieur n'est produit;

Attendu que M. Felfli soutient encore subsidiairement que la responsabilité de La Redoute peut être également retenue sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et qu'en fournissant un produit défectueux et de ce fait dangereux pour les personnes et les biens, la société La Redoute a manqué à son obligation de sécurité.

Attendu cependant qu'en matière d'obligation de sécurité, l'article 1386-17 du Code civil issu de la loi du 19 mai 1998, qui transpose en droit interne l'article 10 de la Directive européenne n° 85-374 du 24 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, dispose que : " " l'action en réparation (...) doit être intentée dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a ou aurait du avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ";

Attendu que bien que la loi du 19 mai 1998 ne soit pas applicable aux produits mis en circulation avant son entrée en vigueur intervenue le 21 mai 1998, ladite loi ne fait que transposer l'article 10 de la Directive européenne susvisée dont la Cour de cassation s'était directement inspirée pour sanctionner l'obligation de sécurité avant son entrée en vigueur;

Attendu que la société La Redoute n'était que le fournisseur de l'appareil litigieux et non son fabricant; que ce dernier était connu de M. Felfli depuis l'origine; qu'il s'agit de la société Sagem, d'ailleurs représentée à l'expertise d'assurance;

Attendu que M. Felfli et la Compagnie AGF, qui n'ont pas intenté l'action dans un délai de trois ans, sont irrecevables à agir contre La Redoute sur le fondement de l'obligation de sécurité;

Attendu qu'à titre infiniment subsidiaire, M. Felfli soutient que son action peut être également retenue pour non conformité du téléviseur livré, sur le fondement de l'article 1604 du Code civil, ce fondement n'étant pas soumis à l'exigence d'un bref délai;

Attendu cependant que le téléviseur était atteint d'un vice caché et non d'un défaut de conformité; que la demande de M. Felfli ne peut prospérer sur ce fondement;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, Reforme le jugement entrepris, Et statuant a nouveau, Déclare Monsieur Felfli et la Compagnie AGF forclos et en toute hypothèse irrecevables en leur action, exercée contre la société La Redoute, simple fournisseur, sur le fondement des vices cachés et ou défauts de sécurité du téléviseur litigieux; Dit que l'action ne relève pas de l'action pour non conformité de l'article 1604 du Code civil, mais qu'elle relève de l'action pour vices cachés qui est présente; Condamne Monsieur Felfli et la Compagnie AGF à restituer les sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire du jugement dont appel. Déboute La Redoute du surplus de ses demandes, Condamne M. Felfli et la Compagnie Assurances Générales de France (AGF) aux dépens de première instance et d'appel que la SCP Hervé-Jean Pougnand pourra recouvrer en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Prononce par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.