Cass. soc., 28 mars 2007, n° 05-45.423
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Dragon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mazars (faisant fonction)
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 septembre 2005) que M. X a été engagé le 1er janvier 1991 en qualité de cadre commercial par la société "Le Cabinet Dragon" aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Marsh ; qu'un contrat de travail écrit contenant une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, a été signé le 24 octobre 1994, nommant le salarié sous-directeur, à compter du 1er janvier 1995 ; que licencié par lettre recommandée du 30 juillet 2004, pour insuffisance professionnelle et désaccord sur la stratégie du groupe, le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis de six mois ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la fixation d'une provision à titre de dommages-intérêts et à obtenir une mesure d'instruction sur le montant exact de son préjudice, et de l'avoir condamné à payer à M. X une somme en réparation du préjudice subi, alors, selon le moyen : 1°) que l'obligation de loyauté inhérente à tout contrat de travail se distingue d'une clause de non-concurrence destinée à prendre effet à l'issue de ce contrat ; que la cour d'appel a relevé que la lettre de licenciement de M. X du 30 juillet 2004 énonçait : "votre préavis que vous êtes dispensé d'effectuer, commencera à courir à la date de première présentation de ce courrier (...) Cette dispense de préavis n'est accordée qu'avec le maintien express durant cette période de votre obligation de loyauté envers l'entreprise et l'interdiction, sauf notre accord, de travailler à la concurrence (...) A l'issue de votre de travail, vous êtes dégagé de toute clause de non-concurrence" ; qu'il résultait des termes clairs et précis de ce courrier, d'une part, que la société Marsh ne dispensait M. X d'effectuer son préavis que sous réserve du maintien de son obligation de loyauté au cours de cette période de préavis, d'autre part, qu'elle dégageait son salarié de toute clause de non-concurrence pour la période postérieure à l'expiration du délai de préavis ; qu'en affirmant que la dispense de préavis n'avait pas été soumise à la condition de respecter l'obligation de loyauté puisque la lettre de licenciement précisait que la dispense n'était accordée qu'avec le maintien de la non-concurrence, qui était nulle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre du 30 juillet 2004, violant par là-même l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la dispense de préavis par l'employeur n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat de travail prend fin ; qu'il en résulte que le salarié reste tenu jusqu'à la fin du délai-congé à une obligation de loyauté envers son employeur même lorsque ce dernier l'a dispensé d'exécuter le préavis ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-8 du Code du travail ; 3°) que la renonciation à un droit peut être assortie de réserves ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Marsh n'avait dispensé M. X de l'exécution de son préavis qu'à la condition expresse que celui-ci respecte son obligation de loyauté au cours de cette période ; qu'en affirmant que le salarié étant dispensé de l'exécution de son préavis, n'était plus tenu d'une obligation de loyauté envers son employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 122-8 du Code du travail ; 4°) que la lettre de mise en demeure adressée à un salarié de cesser ses actes de concurrence à l'égard de son employeur ne saurait, en l'absence d'intention malveillante ou de négligence, constituer une faute civile ayant causé un préjudice à son destinataire ; qu'en se bornant à énoncer que caractérisait un abus de pouvoir de l'exposante justifiant sa condamnation à réparation, le fait pour la société Marsh d'avoir, par lettre du 15 décembre 2004, mis en demeure M. X de cesser ses agissements, après qu'elle eut découvert que celui-ci avait créé une société concurrente se livrant à des actes de concurrence en cours de préavis, sans relever aucune autre circonstance susceptible de révéler une faute de la société Marsh à mettre en demeure M. X de cesser des agissements qu'elle pouvait légitimement croire illicites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu qu'à lui seul, le fait pour un salarié non tenu par une clause de non-concurrence, de se mettre après la rupture de son contrat de travail, au service d'une entreprise concurrente, n'est que la manifestation du principe de libre exercice d'une activité professionnelle ;
Et attendu, d'abord, qu'ayant constaté qu'en raison de l'absence de contrepartie financière, la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail était nulle, la cour d'appel qui a retenu sans dénaturer la lettre de licenciement que, sauf à le soumettre à la clause de non-concurrence illicite, l'employeur ne pouvait, pendant le délai-congé, interdire au salarié de travailler pour la concurrence, a estimé à bon droit que le salarié dispensé de l'exécution de son préavis, n'était plus tenu par une obligation de loyauté envers son employeur ;
Attendu, ensuite, que n'étant pas démontré que le salarié s'était livré à des actes de concurrence déloyale, la société ne pouvait imposer au salarié, libre de toute obligation, de cesser sa nouvelle activité, fut-elle concurrente ; que la cour d'appel qui a souverainement apprécié le préjudice causé par cet abus de pouvoir, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.