CA Paris, 1re ch. H, 19 juin 2007, n° ECEC0760269X
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Philips France (SAS), Sony France (SA), Panasonic France (SA), Avantage (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
M. Le Dauphin, Mme Mouillard
Avoués :
SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Gaultier-Kistner
Avocats :
Mes Saint Esteben, Reille, Lazarus
Selon la nomenclature INSEE, on distingue, au sein des produits électroniques, les produits électroménagers, dits produits blancs, et les produits électroniques grand public dits produits bruns, qui comprennent les téléviseurs, les produits vidéo (magnétoscopes, DVD et caméscopes etc), les produits haute-fidélité (chaînes électroacoustiques, platines laser etc) et les produits audio (radios, baladeurs, autoradios etc).
A l'époque des faits, objet de la présente affaire, le secteur des produits bruns se caractérisait par la présence:
- de nombreux fabricants (Aïwa France, Akai France, Goldstar France, JVC France, JVC Vidéo France, Panasonic France, Philips France, Samsung Electronic France, Sharp Electronics France, Sony France, Thomson Multimédia Marketing France, Toshiba Système France, Yamaha Electronique France, Bang et Olufsen, Denon, Brandt, Grundig, Pioneer France, Daewoo Electronique)
- de nombreux distributeurs, ces derniers pouvant être regroupés en:
distributeurs spécialistes (Groupes Fnac, Darty et Fils, Conforama),
groupements indépendants (Gitem, Connexion, Expert France, Boulanger, Groupe 1, Pro&Cie),
hypermarchés à dominante alimentaire (Carrefour, Cora, Casino, Leclerc, Système U, Intermarché),
grands magasins (La Samaritaine, Galeries Lafayette, Le Printemps, BHV),
petits distributeurs locaux,
entreprises de vente par correspondance (La Redoute, Camif, 3 Suisses),
entreprises de vente sur Internet (Rue du Commerce, Clust, Marcopoly, Pixmania),
- de grossistes, de centrales d'achat et de centrales de référencement auxquelles appartenaient souvent les grossistes (Pulsat, Référence, etc).
Dans la région de Grenoble où la plaignante exerçait, on comptait une dizaine de grossistes parmi lesquels la société SNER (Société Nouvelle d'Electro-Radio), membre de la centrale de référencement Pulsat, et la société SCIE CREL (Société Commerciale Industrielle et Electrique et Comptoir Radio Electrique Lyonnais), membre de la centrale de référencement Référence.
Créée en juillet 1997, la SARL Avantage relevait de la catégorie des petits distributeurs locaux puisqu'elle avait pour objet la vente au détail de produits bruns, sous l'enseigne TVHA, dans son magasin situé à Grenoble.
Elle a demandé les conditions de vente de divers fournisseurs de produits bruns puis, en septembre 1997, a signé un contrat de distribution agréé Sony et lui a passé sa première commande.
Le 11 novembre 1997, elle a fait paraître dans la presse une publicité portant sur des produits Sony et Toshiba en annonçant des prix entre 15 % et 30 % inférieurs aux prix publics indiqués par certains fournisseurs et ceux pratiqués par certains distributeurs,
Se plaignant de l'attitude de fournisseurs et de grossistes, tels des refus d'ouverture de compte, refus de transmettre les documents commerciaux, refus ou retards de livraison, motivés selon elle par le fait qu'elle pratiquait des prix "discount" et n'appliquait pas les prix conseillés par les fournisseurs, elle a, le 28 mai 1998, saisi le Conseil de la concurrence de ces pratiques.
Le Conseil de la concurrence a notifié:
- aux sociétés Philips France et SCIE CREL un grief d'entente en vue de boycotter la société Avantage et l'empêcher de s'approvisionner en produits de la marque Philips à des conditions non discriminatoires, faute pour elle de respecter les prix conseillés par Philips,
- aux sociétés Philips France, Sony France, Toshiba Système France, Panasonic France SA, Yamaha Electronique France, Pioneer France SA des griefs d'entente verticale avec chacun de leurs distributeurs respectifs ayant pour objet de fixer les prix de revente au détail des produits bruns de leur marque et de faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence.
Le 5 décembre 2005, le Conseil de la concurrence a rendu une décision n° 05-D-66 par laquelle, après avoir écarté le premier grief, faute de démonstration de l'accord de la SCIE CREL aux pratiques de boycott de la société Avantage préconisées par la société Philips, il a statué comme suit sur le second grief:
- article 1er : il n'est pas établi que les sociétés Pioneer, Toshiba et Yamaha ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
- article 2 : il est établi que les sociétés Philips France, Sony France et Panasonic France ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
- article 3 : sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes:
à la société Philips France 16 millions d'euro.
à la société Sony France 16 millions d'euro.
à la société Panasonic France 2,4 millions d'euro.
LA COUR,
Vu les recours en annulation, subsidiairement en réformation, formés contre cette décision, respectivement:
- le 13 janvier 2006 par la SAS Philips France (ci-après la société Philips);
- le 16 janvier 2006 par la SA Sony France (ci-après la société Sony);
- le 16 janvier 2002 par la SA Panasonic France (ci-après la société Panasonic);
Vu le mémoire déposé le 14 février 2006 par la société Philips à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 2 octobre 2006, par lequel cette société demande à la cour:
- en tout état de cause, de déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée l'intervention volontaire de la société Avantage,
- à titre principal, d'annuler la décision attaquée en ce qui la concerne, de juger qu'elle n'a pas enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- subsidiairement, de réformer la décision en ce qu'elle la condamne à payer, à titre de sanction pécuniaire, une somme de 16 millions d'euro, en réduisant très substantiellement le montant de cette sanction, d'ordonner en conséquence la restitution des fonds payés, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil;
Vu le mémoire déposé le 13 février 2006 par la société Sony à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 2 octobre 2006, par lequel cette société demande à la cour :
- à titre principal, d'annuler la décision attaquée pour :
violation des règles de la procédure devant le Conseil de la concurrence ;
absence de vérification de la valeur probante de certaines preuves,
non-respect du standard de preuve requis en matière d'entente verticale ;
absence de démonstration d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants de l'existence d'une entente verticale sur les prix ;
- à titre subsidiaire, de réformer la décision du chef du montant de la sanction, non justifiée au regard de la gravité des pratiques, du dommage à l'économie et du périmètre et de la nature de l'infraction, et disproportionnée dès lors que le Conseil de la concurrence aurait dû tenir compte du chiffre d'affaires réalisé par elle dans le seul secteur de l'électronique grand public concerné par la décision et sur les seules catégories de produits pour lesquelles l'infraction a été constatée;
Vu le mémoire déposé le 14 février 2006 par la société Panasonic à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 2 octobre 2006, par lequel cette société demande à la cour:
- à titre principal, de constater que le Conseil de la concurrence a utilisé des moyens de preuve déloyaux, en conséquence d'annuler la décision, à défaut, compte tenu de la durée excessive de la procédure, ayant porté atteinte à l'exercice normal de ses droits de la défense, d'annuler la décision, d'ordonner le remboursement immédiat par le Trésor Public de l'intégralité des sommes versées par elle au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- à titre subsidiaire, de constater qu'il n'est pas établi qu'elle ait "évoqué" avec ses distributeurs leurs prix de revente des produits de sa marque, qu'un alignement des prix des distributeurs sur les prix conseillés par elle n'est pas prouvé, que l'existence d'un système de contrôle par elle des prix de vente de ses distributeurs n'est pas prouvé, que la durée excessive de la procédure a influencé à la hausse le montant de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre et réformer la décision en ce qui concerne le montant de cette sanction, et ce, au niveau qui paraîtra adéquat à la cour, d'ordonner le remboursement immédiat par le Trésor Public du trop-perçu des sommes versées par elle au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- à titre très subsidiaire, de constater que la gravité des pratiques et le dommage à l'économie n'ont pas été suffisamment motivés parle Conseil de la concurrence, que la sanction pécuniaire infligée a un caractère manifestement disproportionné, en conséquence d'annuler, à défaut de réformer la décision en ce qui concerne le montant de cette sanction, et ce, au niveau qui paraîtra adéquat à la cour et d'ordonner le remboursement immédiat par le Trésor Public du trop-perçu des sommes versées par elle au titre de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- de condamner le ministre chargé de l'Economie à lui payer la somme de 40 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu le mémoire en intervention de la société Avantage, déposé le 16 septembre 2006;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 22 mai 2006;
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 16 mai 2006, tendant au rejet des recours;
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience;
Ouï à l'audience publique du 2 avril 2006, en leurs observations orales, les conseils des parties requérantes qui ont la parole en dernier, M. Joseph Pernot représentant la société Avantage, ainsi que le représentant du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public;
SUR CE :
- Sur la recevabilité de l'intervention de la société Avantage
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 4 et 7 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, devenus respectivement les articles R. 464-14 et R. 464-17 du Code de commerce, que le demandeur au recours doit, dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la déclaration, en adresser une copie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux parties auxquelles la décision du Conseil de la concurrence a été notifiée et que ces parties peuvent, lorsque le recours risque d'affecter leurs droits ou leurs charges, se joindre à l'instance devant la cour d'appel par déclaration écrite et motivée déposée, dans les conditions prévues à l'article 2, dans le délai d'un mois qui suit la réception de cette lettre;
Considérant qu'à cet égard, les sociétés Philips, Sony et Panasonic ont notifié leurs recours respectifs à la société Avantage, qui les a reçus le 18 et le 26 janvier 2006;
Que la déclaration d'intervention de la société Avantage a été déposée au greffe le 16 décembre 2006, soit au-delà du délai d'un mois prévu par l'article 7 susvisé ; que la société Avantage, qui se prévaut en vain du défaut de communication spéciale et préalable, à son endroit, des pièces produites par les requérantes au soutien de leurs recours, qu'aucun texte ne prévoit à ce stade de la procédure, est donc irrecevable en son intervention;
- Sur la régularité de la procédure suivie devant le Conseil :
* Sur la recevabilité des éléments de preuve produits par la société Avantage
Considérant qu'au soutien de sa saisine, la société Avantage a produit des cassettes contenant les enregistrements de conversations que son responsable, M. Pernot, avait tenues avec les représentants de fournisseurs ou de grossistes avec lesquels il était entré en relation, accompagnées de leur retranscription écrite;
Que le Conseil ayant refusé d'écarter ces enregistrements bien qu'il fit argué qu'ils avaient été obtenus de façon déloyale pour avoir été recueillis à l'insu des interlocuteurs de M. Pernot, les requérantes lui font le grief d'une erreur de droit en ce qu'il a refusé d'appliquer le principe général de la loyauté de la preuve et a rattaché les règles de preuve de la procédure suivie devant lui à celles de la procédure pénale;
Mais considérant qu'en l'absence de texte réglementant la production des preuves par les parties à l'occasion de procédures suivies devant lui sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le Conseil de la concurrence, qui bénéficie d'une autonomie procédurale tant à l'égard du droit judiciaire privé national qu'à l'égard du droit communautaire, a retenu, en se fondant sur sa mission de protection de l'ordre public économique, sur le caractère répressif de ces poursuites conduisant au prononcé de sanctions pécuniaires et sur l'efficacité qui en est attendue, que les enregistrements en cause, qui étaient produits par la partie saisissante et non par les enquêteurs ou le rapporteur, ne pouvaient être écartés au seul motif qu'ils avaient été obtenus de façon déloyale, qu'ils étaient recevables dès lors qu'ils avaient été soumis à la contradiction et qu'il lui appartenait seulement d'en apprécier la valeur probante;
Qu'à cet égard, c'est en vain que la société Sony conteste la valeur probante des enregistrements des représentants de la SCIE CREL et de la SNER, qui lui sont opposés par la décision déférée, aux motifs erronés qu'elle n'a pas été entendue sur ces enregistrements et qu'il n'a pas été demandé aux personnes enregistrées de produire un élément matériel quelconque corroborant leurs déclarations ; qu'en effet, le Conseil de la concurrence a retenu à juste titre l'authenticité de ces enregistrements après avoir relevé que les représentants des la SCIE CREL et de la SNER, lorsqu'ils avaient été entendus par les enquêteurs (points 160 et 161), avaient reconnu avoir tenu les propos enregistrés et les avaient même précisés ; que c'est donc à bon droit que ces enregistrements ont été maintenus au dossier pour y être confrontés aux autres éléments de preuve recueillis, les parties étant ainsi mises en mesure d'en discuter le contenu devant le Conseil de la concurrence;
* Sur la durée de la procédure
Considérant que, six ans et demi ayant séparé la saisine de la notification des griefs, la société Panasonic poursuit l'annulation de la décision en arguant de la durée excessive de la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence pour une affaire qui ne présentait pas de complexité particulière, de nature selon elle à compromettre l'efficacité et la crédibilité de l'action répressive du Conseil de la concurrence ; qu'elle fait valoir qu'eu égard à la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence de plus en plus rigoureuse, si la décision avait été rendue plus tôt, la sanction prononcée, qui est de cinq fois celle proposée par le Commissaire du Gouvernement, aurait été moins lourde, et en déduit une violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et celui de la prévisibilité des peines ; qu'elle ajoute enfin elle a été mise dans l'impossibilité de contester certaines présentations factuelles retenues par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes;
Mais considérant que la durée excessive d'une procédure n'en justifie l'annulation que lorsqu'il est établi, concrètement, qu'elle a fait obstacle à l'exercice normal des droits de la défense ; que ne caractérisent une telle atteinte ni le montant de la sanction prononcée, qui doit seulement répondre au principe de proportionnalité posé par l'article L. 464-2 du Code de commerce sans excéder le seuil prévu par ce texte, ni l'invocation, sans autre précision, de l'impossibilité de répondre à des griefs;
* Sur l'atteinte au principe de la contradiction
Considérant que la société Panasonic tire une autre atteinte aux droits de la défense du fait que le Conseil de la concurrence l'a sanctionnée pour un grief partiellement abandonné par le rapporteur, en retenant un nombre de familles de produits bruns concernés par l'entente plus important que celui visé par le rapporteur (cinq au lieu de trois);
Mais considérant que l'article 36 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, devenu l'article R. 463-11 du Code de commerce, dispose que le rapport prévu à l'article L. 463-2 dudit Code "soumet à la décision du Conseil de la concurrence une analyse des faits et de l'ensemble des griefs notifiés"; qu'il en résulte que le Conseil n'est pas lié par les appréciations du rapporteur et doit statuer sur la totalité des griefs notifiés; que la société Panasonic, qui ne saurait ignorer ce principe et qui ne prétend pas avoir été privée de la faculté de présenter ses observations en défense conformément aux textes précités, y compris en séance, a donc été mise en mesure d'exercer pleinement ses droits de la défense;
* Sur la valeur probante des procès-verbaux d'audition des représentants de la SCIE CREL et de la SNER
Considérant que la société Sony reproche au Conseil de ne pas avoir écarté des débats les procès-verbaux d'audition des représentants des société SCIE CREL et SNER, en date respectivement du 18 septembre 2002 et du 5 décembre 2002, qui ne reprennent pas les questions posées aux personnes dont les déclarations ont été recueillies;
Mais considérant, d'abord, que le procès-verbal du 5 décembre 2002, intéressant un représentant de la SNER, n'a pas été contesté devant le Conseil de la concurrence, seule la SCIE CREL ayant discuté celui du 18 septembre 2002 ; qu'en tout état de cause, ces procès-verbaux pouvaient être maintenus au dossier dès lors qu'ainsi que le Conseil l'a rappelé, aucun texte n'impose la transcription des questions posées à l'occasion de l'établissement des procès-verbaux prévus par l'articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code de commerce ; qu'il n'est au demeurant pas argué que les personnes entendues n'eussent pas été informées de l'objet de l'enquête préalablement à leurs déclarations, ni fait état de faits précis établissant l'existence de manœuvres déloyales de la part des enquêteurs qui les auraient conduites à se méprendre sur la portée de leurs déclarations;
- Sur le fond
Considérant que, pour considérer établis les griefs d'ententes sur les prix, la décision retient qu'est démontrée, par un faisceau d'indices graves, précis et concordants, l'existence d'un accord de volontés entre chacune des entreprises requérantes, fabricant de produits bruns, et ses distributeurs en vue d'appliquer des prix uniformes, cet accord résultant de:
- l'invitation du fabricant à mettre en œuvre des tarifs conseillés, matérialisée par l'évocation des prix de détail entre ce fabricant et ses distributeurs,
- l'acquiescement des distributeurs aux tarifs communiqués, matérialisé par leur application effective ou par la signature de contrats de coopération commerciale impliquant le respect de la politique commerciale ou de communication du fabricant par le distributeur,
- l'existence de mécanismes de contrôle conférant un caractère de stabilité à l'entente en cause;
Que les requérantes contestent chacune des branches du faisceau d'indices;
* Sur l'entente imputée à la société Philips
Considérant que la décision retient l'existence, de novembre 1997 à fin 1998, d'une entente entre ce fabricant, qui diffusait oralement les prix conseillés, et l'ensemble de ses distributeurs, entente révélée à la fois par la concentration remarquable des prix de vente au détail des produits de la marque à travers l'ensemble des relevés de prix figurant au dossier sur les téléviseurs, magnétoscopes, chaînes Hi-fi et lecteurs DVD, par la signature, par certains revendeurs, du contrat de coopération Philips comprenant la "charte partenaire qualité Philips" ainsi que par la mise en place de mécanismes de contrôle des prix;
Considérant que la société Philips critique cette motivation en faisant valoir que ne sont pas rapportées:
- la preuve de l'évocation des prix de détails entre elle-même et ses distributeurs, aucun élément en ce sens n'ayant été relevé et seuls deux grossistes isolés ayant, de façon imprécise, fait allusion à une telle pratique alors que le tarif de base de la SNER est insusceptible d'établir l'entente alléguée et que les catalogues visés par la société Avantage ne contiennent aucune référence Philips non encore commercialisée à la date d'édition de ces catalogues;
- la preuve de mécanismes de contrôle des prix publics à son initiative;
- la preuve de l'acquiescement des distributeurs, d'une part parce que n'est pas démontrée l'application effective, par les distributeurs, des prix prétendument conseillés, la notion d'alignement remarquable n'étant pas définie par le Conseil, son analyse statistique de même que les relevés de la société Avantage n'étant pas fiables et la décision ne caractérisant pas à suffisance que l'alignement prétendument observé ne pouvait être expliqué par d'autres causes que l'entente alléguée, d'autre part parce que l'analyse du Conseil quant à la "charte partenaire qualité" est erronée;
Qu'elle fait valoir en outre, dans ses écritures relatives au dommage à l'économie, que, dès lors que la décision se fonde sur le tarif SNER, qui n'a été publié qu'en mai 1998, l'entente qui lui est imputée n'est pas démontrée pour la période antérieure commençant en novembre 1997;
Mais considérant tout d'abord que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil a retenu qu'il résultait des propos tenus au téléphone - confirmés lors de leurs auditions respectives - par le président de la SCIE CREL (point 52, 56, 122-123 et 160) et le représentant de la SNER (points 67 et suivants et 161), qui s'exprimaient plus spécialement à propos de la société Philips et de ses interdictions de vente opposées à la société Avantage dès novembre 1997, que ce fournisseur leur indiquait oralement, par l'intermédiaire de ses représentants, à quel prix de sortie devaient être vendus ses produits, le responsable de la SNER précisant même qu'il était en mesure de communiquer ces prix, qui n'étaient "pas un secret" (point 71); que ce dernier a du reste déclaré ultérieurement (point 161) que tous les fabricants de produits bruns font en sorte que les prix de revente conseillés lors de la sortie d'un nouveau produit soient respectés par les revendeurs au moins dans les 3 ou 4 premiers mois pour les caméscopes, et 6 mois pour les téléviseurs haut de gamme et pour les lecteurs DVD à cette époque, et que le tarif SNER tient compte des recommandations des fournisseurs et des relevés de prix IFR; qu'enfin, le dirigeant de la société Marcopoly, société de vente par Internet, a complété cette description générale du fonctionnement du marché en indiquant (point 164) que, lorsqu'il envisageait de pratiquer un "dépositionnement" de prix sur un produit, "en général en fin de vie", il sollicitait d'abord l'accord du fournisseur, ajoutant que c'étaient les marques elles-mêmes qui étaient le plus souvent à l'origine de ces "dépositionnements" et que tous leurs commerciaux procédaient à des contrôles afin de faire respecter les prix conseillés; qu'en l'état de déclarations aussi claires, compatibles avec la force commerciale déployée par la société Philips sur la région Rhône-Alpes (point 265), et alors que la référence aux relevés de prix de l'institut IFR, loin d'invalider la thèse d'une communication des prix conseillés lors de la mise sur le marché, explique au contraire comment chacun des distributeurs adapte ensuite ses prix en suivant les variations pratiquées par l'ensemble des distributeurs sous la tutelle du fabricant, ainsi que l'a décrit le dirigeant de la société Marcopoly, c'est à juste titre que la décision retient que le catalogue de la SNER reflète les prix conseillés par ce fabricant, afin de les comparer avec ceux effectivement pratiqués par l'ensemble des distributeurs, qu'ils soient livrés par l'intermédiaire de ce grossiste ou directement par Philips, en soulignant encore que, dans le cas d'un produit non encore commercialisé, la concentration remarquable des prix pratiqués ne peut s'expliquer que par la communication directe aux distributeurs, par le fabricant, du prix de vente au public ; que, contrairement à ce que soutient la société Philips, les catalogues à partir desquels la société Avantage a élaboré les tableaux recensant les prix pratiqués contenaient des produits non encore commercialisés, puisqu'est visé notamment un combiné téléviseur-magnétoscope (référence 21 PV688) qui figure aux catalogues de vente par correspondance de la Redoute et des Trois Suisses parus au cours du printemps 1998, alors que ce produit ne devait être commercialisé qu'au cours du troisième trimestre (annexe 6, cote 340 de la saisine, datée du 29 juin 1998);
Qu'ensuite, c'est également à juste titre qu'ayant relevé que le contrat de coopération commerciale, et ses annexes, conclu entre Philips et ses distributeurs, impose à ces derniers, d'une part, d'éviter les publicités qui seraient " en contradiction avec les campagnes de publicité nationales de Philips ou néfastes pour l'image de marque de Philips", d'autre part, "d'informer Philips de tous les faits constatés chez les adhérents susceptibles de (...) porter atteinte à l'image de marque de Philips", le Conseil a estimé que ces stipulations, qui permettent en réalité à Philips, sous couleur de s'assurer du respect de sa politique de communication, d'avoir accès aux documents publicitaires qui comportent tous le prix de vente des produits et, partant, de contrôler les prix pratiqués, cette surveillance étant renforcée par l'obligation faite aux adhérents de dénoncer tout manquement constaté, confortaient les déclarations des deux grossistes (SNER points 71, 79, 87 et 161- SCIE CREL points 52 et 127) selon lesquelles les contrats signés avec la société Philips les obligeaient à respecter les prix de détail conseillés ; que c'est donc vainement que cette société conteste avoir mis en place des mécanismes de contrôle des prix pratiqués, cependant décrits avec insistance par les représentants de la SNER et de la SCIE CREL (et résumés aux points 297 à 300 de la décision) pour expliquer leur embarras en suite de l'interdiction qui leur avait été signifiée par le fabricant de livrer la société Avantage parce qu'il ne respectait pas les prix conseillés, et qu'elle se prétend étrangère à la surveillance que les distributeurs exercent les un envers les autres alors que les stipulations contractuelles qu'elle leur fait signer les y incitent; qu'au demeurant, le dirigeant de la SCIE CREL a relaté avoir subi des pressions de la part des représentants régionaux de la société Philips (point 160), cependant que celui de la SNER, dont Philips était le principal fournisseur, a précisé avoir reçu un appel directement de la direction centrale de Philips à ce sujet (point 161), témoignant ainsi de l'efficacité du système de remontée des informations en cause et de l'attention que lui prêtait le fabricant;
Qu'enfin, c'est par une juste appréciation - que la cour fait sienne - des convergences constatées au sein des relevés produits par la partie saisissante, confortées par les constatations ultérieures des enquêteurs (rapport d'enquête pages 33 à 42) et déduites de nombreuses observations portant sur des références variées communes à l'ensemble des distributeurs (67 prix de téléviseurs, 27 prix de chaînes Hi-fi, 54 prix de magnétoscopes), sans qu'il soit nécessaire, comme le soutient la société Philips, que soient relevées un minimum de trente observations par référence pour au moins trente références, que le Conseil a estimé que ces convergences traduisaient une concentration remarquable des prix autour de ceux conseillés par le fabricant, qu'ayant été constatées pour des enseignes appartenant à des types de distribution distincts, comme telles offrant des services variables pour des coûts nécessairement différents, elles ne pouvaient s'expliquer par un parallélisme spontané des comportements et que, rapprochées des déclarations des deux grossistes, qui s'exprimant en novembre 1997, décrivaient une pratique bien installée, en soulignant l'intransigeance de la société Philips quant au respect de ses prix de revente, elles établissaient l'application généralisée de ces prix par les distributeurs;
Qu'ainsi, l'entente reprochée à la société Philips est établie pour la période considérée;
* Sur l'entente imputée à la société Sony
Considérant que la décision retient l'existence, de novembre 1997 à fin 1998, d'une entente entre ce fabricant, qui diffusait ses prix conseillés, et l'ensemble de ses distributeurs, entente révélée à la fois par la concentration remarquable des prix de vente au détail des produits de la marque à travers l'ensemble des relevés de prix de vente au détail figurant au dossier sur les téléviseurs, magnétoscopes, chaînes Hi-fi et lecteurs DVD, et l'existence de mécanismes de contrôle des prix pratiqués parles distributeurs, au moyen du contrat de coopération Marketing et du passage des représentants ou responsables régionaux;
Considérant que la société Sony estime que le Conseil de la concurrence n'a pas respecté le standard de preuve en matière d'entente verticale qui suppose, non seulement d'établir l'acquiescement ou l'accord de volonté des distributeurs pour participer à une pratique anticoncurrentielle qui leur serait proposée, mais aussi la nécessité d'identifier les distributeurs pour lesquels cette preuve serait rapportée, en précisant pour chacun d'eux la preuve directe ou les éléments de preuve suffisants de leur participation à l'infraction; qu'elle fait valoir à cet égard qu'il n'existe pas de contrat matérialisant l'infraction qui aurait pu justifier l'absence d'identification ou la mise en cause des distributeurs et que ne sont rapportées ni la preuve d'une "invitation" à participer à une entente qu'elle aurait adressée à ses distributeurs ni celle d'un acquiescement de chacun de ses distributeurs à cette offre puisque l'essentiel des distributeurs de l'électronique grand public visés par la saisine (35) a été délibérément ignoré, tant lors de l'enquête administrative qu'au cours de la procédure suivie devant le Conseil qui a mis hors de cause la quinzaine d'entre eux, qui avaient comparu à l'occasion de l'examen de la demande de mesures conservatoires, cependant que ceux, rares, qui ont fait l'objet d'investigations directes ont formulé des déclarations contradictoires;
Qu'elle conteste aussi le faisceau d'indices retenu par le Conseil en faisant valoir qu'aucun élément ne démontre qu'elle ait communiqué des prix conseillés à ses distributeurs, alors que ces derniers ont indiqué se fonder sur les relevés de prix constatés effectués par des instituts indépendants, comme les relevés IFR, ni qu'elle ait exercé un contrôle des prix pratiqués ; qu'elle ajoute qu'en ce qui concerne les relevés de prix produits, ils n'ont été retenus qu'au prix d'une violation du principe du contradictoire puisque les distributeurs concernés, qui les avaient contestés, n'ont pas été mis en mesure de s'exprimer devant le Conseil, qu'ils ne sont ni pertinents ni représentatifs, qu'ils ne permettent pas d'établir une situation d'alignement des prix puisqu'ils ne concernent pas toutes les catégories de produits ni toute la période pendant laquelle la décision retient que l'entente a perduré, que, ne présentant pas de caractère de stabilité, ils ne peuvent révéler l'existence d'une police des prix, le taux de respect variant rapidement, sur quelques mois, et sans pouvoir s'expliquer uniquement par l'obsolescence des produits, qu'enfin le Conseil n'a pas répondu à l'argument de la veille tarifaire effectuée par les distributeurs entre eux;
Mais considérant, tout d'abord, que, pour déclarer l'entente établie, la décision ne se fonde pas sur la signature d'un contrat proposé par la société Sony qui contiendrait des stipulations à caractère anticoncurrentiel mais sur le comportement des distributeurs traduisant leur acquiescement à la pratique proposée par cette société ; que, contrairement à ce qui est allégué, l'enquête n'a pas porté sur une liste étroite de distributeurs puisqu'ont été relevés les prix pratiqués dans tous les types de distribution, seules les investigations complémentaires visant à vérifier si des distributeurs pratiquant une politique tarifaire plus agressive, à l'instar de la société Avantage, avaient été confrontés à des difficultés similaires, ayant été limitées à ces distributeurs ; que les déclarations des personnes ainsi entendues qui, quoique ne faisant état d'aucun incident marquant, précisaient cependant ne pas se fournir directement auprès de la société Sony mais auprès de grossistes, n'étant pas de nature à influer sur la valeur des autres éléments du dossier, il ne peut être reproché au Conseil de ne pas les avoir retenues comme éléments à décharge dans l'appréciation de l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence de l'entente;
Qu'ensuite, la démonstration, à l'égard d'un fabricant, d'une entente avec ses distributeurs n'exige pas que ces derniers soient identifiés ni que la participation individuelle de chacun d'entre eux soit établie avec précision lorsque, comme en l'espèce, est démontrée l'application généralisée, de leur part, des prix conseillés, expression de leur acquiescement à l'invitation du fournisseur, étant observé au demeurant que ce dernier, lorsqu'il est poursuivi, a tout loisir de faire valoir, devant le Conseil, ses propres contestations des éléments de preuve figurant au dossier, ce qui rend inopérant le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire;
Qu'à cet égard, le Conseil a retenu à juste titre, par une appréciation que la cour fait sienne (point 307) que la société Sony communiquait les prix conseillés à ses distributeurs, cette communication étant prouvée en l'espèce par la remise du tarif de base, assorti de prix de vente au détail TTC manuscrits, au représentant de la société Avantage lors de l'ouverture de son compte en septembre 1997, puis par la transmission par télécopie, dès octobre suivant, d'un correctif pour les prix qui avaient changé entre-temps, ainsi que par les déclarations concordantes des deux grossistes SNER et SCIE CREL quant à ce fait, étant encore souligné que le dirigeant de la SNER a précisé en particulier (point 161) que Sony, qui était son deuxième fournisseur, agissait, comme les autres fabricants de produits bruns, pour que les prix de revente conseillés lors de la sortie d'un nouveau produit soient strictement respectés par les revendeurs, au moins dans les 3 ou 4 premiers mois pour les caméscopes, et 6 mois pour les téléviseurs haut de gamme et pour les lecteurs DVD à cette époque, et que le tarif SNER tenait compte des recommandations des fournisseurs et des relevés de prix IFR, étant précisé que la référence à ces relevés de prix n'est pas - ainsi qu'il a été dit ci-avant à l'occasion de l'examen des moyens de la société Philips - contradictoire avec l'application des prix de vente des nouveaux produits conseillés par les fournisseurs;
Que, si, en ce qui concerne la mise en place d'un mécanisme de contrôle des prix, la société Sony critique avec raison les motifs de la décision relatifs au contrat de coopération marketing Sony, inopérants dès lors que les contrats en cause sont tous postérieurs à 2000, l'existence d'un tel système n'en est pas moins démontrée, en premier lieu, par les démarches effectuées auprès de la société Avantage dès que celle-ci a commencé à commercialiser, avec des réductions substantielles, les produits acquis auprès de la société Sony, le représentant régional de la marque s'empressant, deux jours après la diffusion de la publicité s'y rapportant, de rencontrer le responsable de ce revendeur pour obtenir de explications sur les prix de "- 20 %" pratiqués par lui, en second lieu, par les déclarations concordantes des grossistes SNER et SCIE CREL, tous deux ajoutant même (point 83 et 106) que les représentants des marques passent les trois-quarts - ou 70 % - de leur temps à faire remonter les prix, contredisant ainsi l'argument de veille tarifaire invoqué par la requérante;
Qu'enfin, c'est en vain que la société Sony critique la pertinence des relevés de prix effectués tant par la société saisissante que par les enquêteurs, le Conseil objectant à juste titre que, si ces relevés suffisaient à asseoir une démonstration statistique de l'application généralisée, par les distributeurs, des prix conseillés par les fabricants - ce qui supposerait un appareil statistique considérable et, compte de tenu de l'importance du champ d'étude (grand nombre des marques, multitude des points de vente et dynamique temporelle), vraisemblablement une centaine de milliers de relevés -, ils suffiraient, à eux-seuls, à caractériser cet élément de l'entente et le dispenseraient de recourir à la preuve par un faisceau d'indices ; qu'en l'espèce, les contestations de la société Sony ne peuvent être suivies, le Conseil ayant, par des motifs pertinents que la cour adopte (points 309 à 319), démontré en quoi les convergences constatées suffisaient à caractériser une situation d'alignement de prix pendant la période retenue et confortaient ainsi les déclarations des deux grossistes SNER et SCIE CREL selon lesquelles les prix conseillés étaient appliqués par l'ensemble des distributeurs ; que d'ailleurs, les mesures de rétorsion appliquées à la société Avantage par la société Sony, réduction de l'encours sans incident de paiement, livraisons différées voire refusées au prétexte d'indisponibilité des produits, conduisant le distributeur à saisir le juge des référés, traduisent la détermination de cette société à voir la discipline commune maintenue;
Que l'entente est donc établie à l'encontre de la société Sony;
* Sur l'entente imputée à la société Panasonic
Considérant que la décision retient l'existence, de novembre 1997 à fin 1998, d'une entente entre ce fabricant, qui diffusait une liste de prix de revente conseillés (Prix de Vente Maximum Conseillé à partir du 1er avril 1998), et l'ensemble de ses distributeurs, entente révélée à la fois par la concentration remarquable des prix de vente au détail des produits de la marque à travers l'ensemble des relevés de prix figurant au dossier sur les téléviseurs, magnétoscopes, chaînes Hi-fi et lecteurs DVD, et l'existence de mécanismes de contrôle des prix pratiqués par les distributeurs;
Considérant que la société Panasonic objecte que sa position sur le marché français, où la demande est concentrée et où elle dépend d'acheteurs puissants alors que ses parts de marché sont faibles, qu'elle souffre d'un déficit de notoriété, qu'elle ne dispose d'aucun produit incontournable et qu'elle-même était en difficulté à l'époque des faits, ne lui permet pas d'imposer quelque comportement que ce soit à l'égard de ses distributeurs, ni de mettre en œuvre des mesures de rétorsion en cas de résistance de ceux-ci, partant de mettre en place une série d'ententes verticales sur les prix de revente de ses produits ; qu'elle ajoute que la simple communication d'une liste de prix conseillés à ses distributeurs, qu'elle ne conteste pas et qui est licite en soi, ne vaut pas évocation des prix avec ceux-ci, faute de négociation préalable avec eux ; qu'elle estime encore que l'alignement sur les prix n'est pas démontré, le Conseil ayant refusé à tort de tenir compte des relevés effectués par la société CMI, qu'elle avait produits et qui démontraient le contraire, au motif qu'ils étaient moins fiables que ceux de l'institut IFR, alors que ces deux sociétés, également reconnues par la profession, appartenaient au même groupe depuis juillet 1998 et ont d'ailleurs fusionné en octobre 2000 ; qu'elle souligne aussi que, pour considérer l'alignement établi, la décision compare les prix relevés par l'institut IFR, non avec sa liste de prix de vente conseillés mais avec ceux pratiqués par les distributeurs, un tel rapprochement étant dénué de pertinence, et alors que, de toute façon, l'analyse des relevés IFR pour mai-juin 1998 démontre l'absence d'alignement significatif pour les téléviseurs (taux d'alignement 20 %) pour les magnétoscopes (52 %) pour les chaînes Hi-fi (79 %) ; qu'elle fait valoir enfin que le dossier ne contient pas d'indices concordants démontrant l'existence d'un contrôle, par elle, de la politique tarifaire de ses distributeurs, seules les déclarations contradictoires ou évasives de témoins ayant été recueillies;
Considérant que, si la communication des prix de revente conseillés par le fabricant à un distributeur n'est pas illicite en soi, il y en revanche entente sur ces prix lorsqu'il résulte des engagements de ce distributeur ou des comportements des parties - application par le distributeur des prix communiqués et mise en place, par le fabricant, de mécanismes de contrôle des prix pratiqués - que ces prix sont en réalité considérés par les parties comme imposés ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le Conseil a retenu que, dans cette hypothèse, l'évocation des prix avec le distributeur s'entend de tout procédé par lequel le fabricant fait connaître à ce distributeur les prix auxquels il souhaite que ses produits soient vendus au public, sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait eu de négociation préalable, et que tel est le cas en l'espèce de la diffusion, par la société Panasonic, d'une liste de "Prix de Vente Maximum Conseillés";
Considérant qu'en revanche, c'est à juste titre que la société Panasonic conteste les deux autres éléments constitutifs de l'entente;
Qu'en effet, à la différence des sociétés Philips et Sony, les témoignages recueillis n'ont pas mis en cause précisément la société Panasonic, seul le dirigeant de la SCIE CREL ayant mentionné, au titre des fournisseurs imposant les prix, en sus de Philips et Sony, "Panasonic, Technics, tous les gens qui arrivent un petit peu", sans autre précision quant aux méthodes employées, et celui de la société Marcopoly ayant, pour souligner la généralité de la pratique en cause, indiqué que tous les commerciaux des marques auprès desquelles il se fournit directement contrôlent les prix, cependant qu'en ce qui concerne Panasonic, il est établi que l'essentiel de ses commandes passait par l'intermédiaire de grossistes et qu'il a attesté par la suite n'avoir subi aucune pression de la part de ce fournisseur (pièce 5); qu'en outre, les autres professionnels entendus parce qu'ils pratiquent une politique de prix bas, soit n'ont rien déclaré à son propos (Rue du commerce, Clust, points 165 et 166), soit ont expressément exclu toute pression de sa part, notamment le directeur commercial de la Satair, distributeur agréé Panasonic, dont les propos avaient été enregistrés par la partie saisissante, qui a déclaré au cours de l'enquête qu'aucun commercial ou contrôleur de Panasonic n'était venu "jusqu'à présent" pour vérifier ses prix de revente, niant même la notion de prix de vente imposé de la part de ce fournisseur (point 162) et le responsable des achats à la SERAP qui a précisé, pour sa part, n'avoir aucun problème particulier avec Panasonic depuis deux ou trois ans (point 163) et, selon une attestation produite par la requérante (pièce 6), même avant cela;
Qu'en outre, l'alignement significatif des prix retenu par le Conseil demeure contestable, en l'état des relevés contradictoires effectués par la société CMI, produits par la requérante et écartés péremptoirement par la décision au profit de ceux de l'IFR alors qu'un responsable de cet institut atteste de la parenté des deux établissements et de la fiabilité supérieure des travaux de la société CML (pièce 3), et que les relevés de l'IFR eux-mêmes n'établissent, dans des proportions significatives, qu'une convergence de prix à propos des chaînes Hi-fi ; qu'au surplus, le tableau figurant au point 336 de la décision, qui a seulement pour objet, à partir des seuls relevés IFR, de souligner la concentration des prix pratiqués, ne permet pas de savoir si les prix dominants sont proches de ceux conseillés par le fabricant;
Que dès lors, un faisceau d'indices suffisamment précis, graves et concordants établissant l'entente alléguée n'est pas caractérisé et la société Panasonic doit être mise hors de cause;
* Sur les sanctions
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2, II, du Code de commerce, en sa rédaction applicable en la cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction, et le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos;
Considérant que la société Philips, se fondant sur une analyse économique établie à sa demande (Professeur Nussenbaum), soutient que la Conseil n'a pas correctement pris en compte la gravité des pratiques qui lui sont reprochées, s'agissant d'une entente verticale d'une durée limitée, qu'il a largement surestimé le dommage à l'économie, sur un marché où la concurrence inter-marques est vive, où le taux d'innovation est élevé, où les prix sont en constante diminution, où les barrières à l'entrée sont faibles, et où la comparaison des prix entre concurrents est facilitée par les sociétés comme IFR ou GFK, les catalogues publiés par certains distributeurs et les clauses de remboursement de la différence, qu'à tout le moins, il s'est fondé sur des considérations incohérentes, en retenant une taille de marché inappropriée, en se fondant sur une augmentation de 1 à 2 % des produits pour toute l'année 1998, sans tenir compte de l'affaiblissement de l'alignement avec le temps et en incluant les caméscopes dans son estimation alors qu'elle n'en vend pas, qu'enfin, le Conseil n'a pas tenu compte de sa situation particulière, qui est structurellement déficitaire depuis 1998-2004, et a négligé les éléments de minoration de la sanction comme l'absence de limitation avérée de la concurrence inter-marques, l'absence d'entente horizontale, son absence de pouvoir de marché, la responsabilité de la distribution dans la mise en œuvre de la pratique reprochée, le fait que ne sont concernés que les nouveaux produits dont les prix baissent de toute façon rapidement, les effets positifs des ententes verticales tels la limitation des coûts de transaction et la stimulation de la demande grâce au développement des services ;
Considérant que la société Sony soutient pour sa part que le Conseil n'a pas tenu compte des déclarations de l'ensemble des "discounters" (Rue du commerce, Clust, Serap, Connexion) qui ont indiqué commercialiser les produits de sa marque sans rencontrer de difficultés d'approvisionnement ou d'immixtion dans leur politique tarifaire, qu'elle souligne qu'un écart de prix de 1 à 2 % retenu par la décision serait peu significatif à l'égard du consommateur qui pouvait continuer à se fournir auprès de "discounteurs" précités, que d'autres opérateurs de dimension internationale n'ont pas été poursuivis de sorte qu'il est erroné d'énoncer que ce type de comportement est la norme dans le secteur, qu'il ne peut lui être imputé à charge que la société Philips a commis les mêmes faits, que la décision ne procède à aucune analyse économique du secteur de l'électronique grand public, notamment quant à la place des différents fabricants et aux évolutions de leurs parts de marché, ni d'ailleurs du marché aval de la distribution, qu'au demeurant l'analyse économique qu'elle produit (Professeur Montet) démontre qu'aucun effet nocif des accords verticaux de prix n'a jamais été décrit en théorie, ni en fait constaté, qu'ainsi la gravité des faits n'est pas correctement motivée; qu'elle ajoute qu'en ce qui concerne le dommage à l'économie, le Conseil a retenu arbitrairement une augmentation de 1 à 2 % des prix de détail, alors qu'elle démontre que ses prix n'ont cessé de baisser pendant la période incriminée, que le secteur concerné est très dynamique, avec un offre très atomisée, des innovations nombreuses, une baisse continuelle des prix de détail, l'absence de barrières à l'entrée, l'introduction constante de nouvelles marques ainsi que des transferts importants de parts de marché entre les différents opérateurs, cependant que le marché aval de la distribution se caractérise par une faible concentration et l'entrée de nouveaux opérateurs tels les "discounteurs" et les revendeurs à prix réduits sur Internet; qu'elle ajoute que le calcul du dommage à l'économie et la sanction pécuniaire qui lui est infligée ne tiennent pas compte du périmètre et de la nature de l'infraction sanctionnée, en lui faisant supporter une réparation de 46,5 % du dommage à l'économie et sans tenir compte de la participation des distributeurs, que les chiffres retenus pour ce calcul incluent à tort les caméscopes, non visés par l'entente en cause, et qu'enfin, la sanction est disproportionnée en ce qu'elle tient compte de la totalité de chiffre d'affaires au lieu de ne retenir que ceux réalisés dans le secteur de l'électronique grand public;
Considérant cependant que c'est à juste titre que la décision retient la gravité de ces ententes, qui ont privé le public de la possibilité d'acquérir les appareils des marques Philips et Sony aux prix plus avantageux qui auraient résulté d'une véritable concurrence par les prix entre réseaux de distribution, alors que les consommateurs consacrent une large place de leurs revenus à l'acquisition de ces produits, et qui ont été mises en œuvre par des groupes d'envergure internationale, dont les comportements sont susceptibles de constituer des modèles dans le secteur, les deux grossistes entendus décrivant du reste ces pratiques comme généralisées, par une assertion qui n'est pas incompatible avec le fait que, dans la présente affaire, seuls deux fabricants sont sanctionnés;
Que s'agissant du dommage à l'économie, a été pris en compte avec raison le fait que ces pratiques ont duré pendant 14 mois et qu'elles ont affecté un marché évalué, en tenant compte des observations des parties quant aux caméscopes non concernés par l'entente (12 %), à environ 2,2 milliards d'euro, cependant que, pendant la période 1998-2002, les parts respectives de Philips et de Sony sur ce secteur étaient, respectivement, pour les chaînes Hi-fi de 14 % et 28 %, soit au total de 42 %, sur les lecteurs DVD de 17 % et 17,5 % soit au total de 34,5 %, sur les magnétoscopes de 24 % et 9,8 % soit au total de 33,8 %, et sur les téléviseurs, de 29 % et 17 % soit au total de 46 % ; que le raisonnement tenu par le Conseil, selon lequel une hausse des prix de 1 à 2 % sur les prix de ces produits engendrerait une atteinte au surplus des consommateurs de 22 à 44 millions d'euro, n'est pas utilement critiqué dès lors que le texte susvisé ne lui impose pas de calculer précisément le dommage à l'économie, mais de déterminer l'ordre de grandeur de ce dernier afin d'en tenir compte dans la fixation proportionnelle de la sanction, et sans avoir à préciser la part imputable à chaque entreprise impliquée ; qu'enfin, il ne peut être sérieusement contesté que les prix minimum suppriment tout concurrence intra-marque par les prix, les distributeurs étant dissuadés de consentir des réductions de coûts et de marge, et que plus les parts de marché cumulées des opérateurs concernés sont importantes, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de fabricants majeurs sur ce secteur, plus l'uniformisation des prix constatés favorise une coordination des comportements entre fournisseurs sur un niveau de prix élevé;
Qu'au demeurant, c'est contre ce que le dossier révèle que les requérantes soutiennent que le dommage à l'économie serait négligeable parce que le marché est dynamique et concurrentiel, alors qu'aucun des "discounteurs" qu'elles citent comme ayant une politique de prix bas ne pratique des réductions aussi importantes que celles tentées par la société Avantage (15 à 30 % par rapport à la distribution traditionnelle) et qu'il résulte de l'enquête administrative qu'au-delà de la particularité du marché des produits bruns qui veut que les prix de détail aient tendance à diminuer eu égard à l'obsolescence rapide des produits, constamment renouvelés, une baisse significative des prix de ces produits n'a été constatée qu'à partir de 2000, cependant qu'à l'époque de l'entente en cause, la société Sony et la société Philips occupaient sur ce marché une place prépondérante que peu étaient en mesure de leur contester (rapport page 32);
Qu'enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes au travers des consultations qu'elles produisent, les effets restrictifs de concurrence engendrés par une telle entente verticale excèdent manifestement ce qui est nécessaire à l'obtention de gains d'efficacité, notamment ceux tendant à éviter les comportements parasitaires, assurer la qualité de la distribution et préserver l'image de marque des produits, dont il n'est pas soutenu au demeurant qu'ils ne pourraient être obtenus par des moyens moins dommageables, ainsi que le Conseil l'objecte avec pertinence;
Considérant enfin qu'en tenant compte de la situation particulière des requérantes, notamment de leur chiffre d'affaires global réalisé en France au cours du dernier exercice clos - ainsi que le prévoit l'article L. 464-2 qui ne vise pas le chiffre réalisé dans le secteur d'activités concerné - et de leur comportement personnel, chacune ayant à sa manière, exercé des mesures de rétorsion sur la société Avantage parce qu'elle refusait d'entrer dans l'entente, enjouant de sa puissance pour tenter de l'asphyxier, la société Philips en exerçant des pressions sur les grossistes susceptibles de la livrer, la société Sony en entravant, par diverses mesures insidieuses, son déploiement commercial, le Conseil a fait une exacte appréciation du principe de proportionnalité prévu par le texte susvisé en fixant à 16 millions d'euro la sanction infligée à chacune d'entre elles;
Considérant que le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution de la décision, assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt valant mise en demeure, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Panasonic tendant à cette restitution;
Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Déclare irrecevable l'intervention de la société Avantage; Sur les recours de la société Philips et de la société Sony, les rejette; Sur le recours de la société Panasonic, infirme la décision et, statuant à nouveau, dit qu'il n'est pas établi que la société Panasonic ait enfreint les dispositions de l'article L. 464-1 du Code de commerce et met cette dernière hors de cause; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Laisse à chacune des parties, sauf à la société Panasonic, la charge de ses dépens, et dit qu'en ce qui concerne cette dernière, les dépens seront supportés par le Trésor Public.