CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 6 mars 2007, n° 06-00365
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cétélem (Sté)
Défendeur :
Dorbes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dreuilhe
Conseiller :
MM
Avoués :
SCP Boyer-Lescat-Merle, SCP Sorel-Dessart-Sorel
Avocats :
Me Musqui, SCP Morvilliers Sentenac Delahaie Givry
Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte du 18 mai 2005, la société Cétélem assignait Serge Dorbes devant le Tribunal d'instance de Toulouse en paiement d'une somme totale de 6 796,04 euro, outre les intérêts au taux contractuel, en remboursement d'un crédit accordé le 11 avril 1995.
Il s'avérait que le débiteur faisait l'objet d'une procédure de surendettement depuis le 12 avril 1999 ayant abouti à un plan conventionnel de redressement d'une durée de 172 mois et qu'en outre il était interdit bancaire jusqu'au 23 mars 2009.
L'analyse d'un courrier adressé le 21 juin 2004 par la société Cétélem à Dorbes amenait le premier juge à conclure que le crédit dont le remboursement était réclamé était différent de celui ayant donné lieu à la signature de l'offre préalable an date du 11 avril 2005.
Par ailleurs, reprenant les affirmations du défendeur, le premier juge considérait comme établi que ce nouveau crédit avait été proposé par Cétélem à Dorbes pour permettre à celui-ci de contrevenir aux dispositions du plan de surendettement.
En conséquence, le tribunal d'instance rendait le 22 novembre 2005 un jugement déclarant que l'organisme de crédit avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard du défendeur et ordonnant la réouverture des débats afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur la sanction encourue par la demanderesse pour avoir accordé un prêt sans qu'une nouvelle offre préalable ait été signée.
La société Cétélem relevait appel de cette décision le 23 janvier 2006, dans des conditions de forme et de délai non critiquées.
L'appelante conteste avoir commis la faute qu'a retenue à son encontre le premier juge.
Elle affirme que contrairement aux allégations de Dorbes, celui-ci ne l'a jamais informée de ce qu'il faisait l'objet d'une procédure de surendettement. A fortiori, elle se défend d'avoir proposé un stratagème à l'intimé pour lui permettre de contrevenir aux dispositions de son plan de redressement.
La société Cétélem soutient également qu'il n'y a pas eu de second contrat. Elle expose que Dorbes a souscrit un crédit en compte en 1979, lequel a été converti en 1995 en crédit utilisable par fractions assorti d'une carte de crédit dénommée "carte Aurore", le montant du découvert utile immédiat étant de 31 250 F et celui du découvert maximum de 80 000 F. Ce compte n'a pas fonctionné de 1997 à juin 2004 ; à l'occasion de la réception d'une publicité relative à ce compte, l'intimé a récupéré la somme disponible sur celui-ci, soit 6 097,96 euro. C'est donc en exécution de l'offre préalable du 11 avril 1995 que les fonds ont été mis à sa disposition, la somme remise n'excédant pas le montant du découvert maximum contractuellement prévu.
La société Cétélem conclut donc à la réformation du jugement entrepris et elle demande à la cour de condamner Dorbes à lui régler les sommes suivantes :
- mensualités échues et non payées : 963 91 euro
- capital net à échoir : 5 365,36 euro
- indemnité légale de résiliation : 466 77 euro
Total : 6 796,04 euro
outre les intérêts conventionnels au taux de 16,92 % à compter du 7 mars 2005, date de résiliation du contrat.
Elle réclame en outre 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dorbes expose qu'en juin 2004 il a reçu un courrier lui offrant de lui verser la somme de 6 097,96 euro sur simple demande sans aucune autre formalité. Il a alors pris contact avec son conseiller financier auprès de Cétélem, lui a indiqué qu'il se trouvait en situation de surendettement et ne pouvait rembourser plus de 50 euro par mois.
Son interlocuteur lui a répondu que la somme qui lui avait été proposée serait mise à sa disposition par l'intermédiaire de son compte "carte Aurore". L'organisme de crédit ayant ultérieurement réclamé des versements mensuels de 243,91 euro, l'intimé a fait connaître à la société Cétélem qu'il ne pouvait régler des sommes aussi élevées et l'organisme préteur l'a alors assigné devant le tribunal d'instance.
Dorbes conteste que le courrier qui lui a été adressé le 21juin 2004 était une offre de réutilisation de la convention conclue en 1995.
Il fait valoir en effet que l'organisme de crédit ne pouvait porter le montant du découvert utile au maximum autorisé, cette faculté étant exclue par le contrat en cas d'évolution défavorable de la situation financière de l'emprunteur.
L'intimé fait valoir que la société Cétélem ne pouvait ignorer qu'il était soumis à un plan conventionnel de redressement élaboré par la commission de surendettement des particuliers.
Il reproche à l'appelante de lui avoir octroyé un crédit au mépris du principe de proportionnalité imposé au prêteur par la jurisprudence.
Il soutient qu'en ne le dissuadant pas de contrevenir au plan de surendettement et en lui proposant au contraire un stratagème pour parvenir à ce résultat frauduleux la société Cétélem a engagé sa responsabilité.
Dorbes conclut donc au rejet des prétentions adverses ; à titre reconventionnel, il réclame 6 797,86 euro en réparation du préjudice qu'il a subi et, compte tenu de l'absence de nouvelle offre préalable, il demande à la cour de prononcer la déchéance du droit aux intérêts. Il sollicite enfin l'allocation d'une indemnité de 1 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Le premier juge a conclu à l'existence d'un second contrat relevant dans le courrier du 21juin 2004 des indications relatives à la date de signature de la convention, au numéro du compte et au montant du crédit différent de celles de l'offre préalable du 16 avril 1995.
Cette interprétation apparaît erronée car il est constant que ce courrier a été adressé à Dorbes avant que celui-ci ne demande à bénéficier du crédit de 6 797,96 euro qui lui était offert, donc antérieurement à la date à laquelle aurait été conclu ce supposé second contrat.
En outre, la lecture du courrier du 21juin 2004 permet de constater qu'il concerne le compte Aurore dont l'intimé est titulaire et qu'il constitue l'information annuelle relative aux conditions de reconduction de la convention. Il ne s'agit donc pas de la proposition d'un nouveau crédit (le renouvellement d'un contrat ne pouvant logiquement intervenir avant sa conclusion).
Dans ces conditions, même si le délai prévu pour délivrer l'information annuelle n'a pas été respecté et même si la numérotation du compte a changé, il n'apparaît nullement démontré que le crédit octroyé à Dorbes en juin 2004 l'ait été en exécution d'un contrat autre que celui signé par les parties le 16 avril 1995.
D'ailleurs, il y a une contradiction manifeste entre le reproche qui est fait à la société Cétélem d'avoir aidé l'emprunteur à contrevenir au plan de redressement en mettant à sa disposition des fonds par l'intermédiaire du compte Aurore et l'affirmation que les parties ont conclu un nouveau contrat.
Le contrat du 16 avril 1995 n'ayant jamais été résilié pouvait continuer de recevoir exécution sans qu'il soit nécessaire que l'emprunteur et l'organisme de crédit signent une nouvelle offre préalable.
La seule question qui se pose est celle de savoir si la société Cétélem était ou non informée de la situation de surendettement de l'intimé.
Ce dernier affirme, dans ses conclusions, avoir averti son conseiller financier quand il lui a téléphoné, alors que dans la lettre de réclamation du 7 octobre 2004, Dorbes indique que son interlocuteur était déjà au courant.
En définitive, la prétendue collusion entre l'organisme de crédit et l'emprunteur n'est établie par aucun élément de preuve objectif.
Cette version des faits repose uniquement sur les allégations de l'intimé, individu de mauvaise foi qui n'a pas hésité à transgresser le plan de redressement qu'il avait accepté en souscrivant un nouveau crédit, alors qu'il avait l'obligation de ne pas aggraver son passif.
La preuve de la faute qu'a cru devoir retenir le premier juge n'étant pas rapportée, c'est donc à tort que le tribunal d'instance a décidé que la société Cétélem avait engagé sa responsabilité à l'égard de l'emprunteur. En conséquence, la demande reconventionnelle de Dorbes sera rejetée.
Il résulte des pièces produites par l'organisme de crédit (offre préalable, relevé de compte, courrier de mise en demeure, décompte détaillé de la créance) que les prétentions de l'appelante sont justifiées tant dans leur principe que dans leurs quantum. Il convient donc de condamner l'intimé au paiement des sommes réclamées.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et devant la cour. Il y a lieu de lui accorder l'indemnité qu'elle réclame en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement du Tribunal d'instance de Toulouse en date du 22 novembre 2005; Condamne Serge Dorbes à payer à la société Cétélem la somme de 6 797,04 euro avec intérêts au taux de 16,92 % à compter du 7 mars 2005 ; Condamne Serge Dorbes à payer 2 000 euro à la société Cétélem en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec autorisation à la SCP Boyer Lescat Merle, avoués, de recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.