CA Chambéry, ch. civ., 9 janvier 2007, n° 05-02891
CHAMBÉRY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Créatis (SA)
Défendeur :
Bianchi (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bertrand (faisant fonction)
Conseillers :
M. Grozinger, Mme Simond
Avoués :
SCP Fillard/Cochet-Barbuat, SCP Dormeval-Puig
Avocats :
Mes Alias, Bigre
Procédure et moyens des parties
Par jugement en date du 19 juillet 2005, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits et de la procédure, le Tribunal d'Instance de Thonon-les-Bains a :
- débouté la SA Créatis de sa demande,
- condamné la SA Créatis à verser à Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe de la cour le 8 décembre 2005, la SA Créatis a interjeté appel de cette décision.
Vu l'article 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par la SA Créatis le 6 novembre 2006 qui demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de :
- condamner Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès à lui payer la somme de 6 578 euro outre intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et jusqu'à parfait paiement, ainsi que la somme de 15 euro au titre des frais au Fichier National des Incidents de Remboursement des Crédits aux Particuliers,
- condamner solidairement Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès au paiement de la somme de 526,24 euro au titre de l'indemnité contractuelle de 8 % outre intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et jusqu'à parfait paiement,
- débouter Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
Vu l'article L. 311-21 du Code de la consommation,
- ordonner la remise en état antérieur des parties en raison de l'effet rétroactif de la nullité,
- condamner Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès solidairement à lui rembourser la somme de 6 578 euro,
- condamner Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès solidairement à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées par Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès le 17 novembre 2006 qui demandent à la cour de confirmer le jugement et de :
- débouter la SA Créatis de ses demandes sur le fondement de l'article L. 121-26 du Code de la consommation,
- dire que le contrat est nul,
- condamner la SA Créatis à leur payer la somme de 2 000 euro de dommages et intérêts, et celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement versées aux débats ;
Motifs de la décision
A la suite d'un démarchage à domicile, Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès ont signé le 19 juillet 2002 avec la société Panorimmo un contrat portant sur une mission de communication pour la transmission d'un bien immobilier durant 24 mois pour un montant ferme et définitif de 6 578 euro.
Le même jour, ils ont signé avec la SA Créatis une offre de crédit accessoire à cette prestation de service Panorimmo d'un montant de 6 578 euro, crédit gratuit remboursable en une seule mensualité au terme du contrat qui pouvait advenir avant l'expiration du délai de 24 mois en cas de vente de l'immeuble ou en cas de non renouvellement de l'ordre de mission, les prestations Panorimmo étant à exécution successive et nécessitait l'envoi par le client de coupons bimestriels de renouvellement.
La signature concomitante des deux contrats s'accompagnait d'une opposition anticipée sur le prix de vente de l'immeuble accordée dès le 19 juillet 2002 au profit de la SA Créatis arrêtée à la somme de 6 578 euro correspondant au montant intégrale de la rémunération du prestataire de service.
La SA Créatis versait à la société Panorimmo la somme de 5 065,06 euro le 30 juillet 2002, retenant la somme de 1 512,94 euro en vertu d'une convention de partenariat signée entre les professionnels le 19 septembre 2001, le crédit affecté présenté comme gratuit donnant lieu à la retenue d'une commission de gestion et de recouvrement.
La maison de Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès sis à Thonon-Les-Bains était vendue le 27 février 2003 par l'intermédiaire d'une agence immobilière classique.
Refusant de payer le crédit souscrit auprès de la SA Créatis, cette dernière assignait Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès par acte du 20 juillet 2004.
La SA Créatis conteste l'application de l'article L. 121-26 du Code de la consommation relatif au démarchage faite par le tribunal et qui interdit avant l'expiration du délai de rétractation d'obtenir du client un engagement quelconque ce qu'elle avait fait en faisant signer l'opposition anticipée sur le prix de vente de l'immeuble.
Elle indique que l'article L. 122-22 du Code de la consommation exclut expressément les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier, que tel est le cas du démarchage bancaire désormais codifié par les articles L. 341 et suivants du Code monétaire et financier, le contrat de crédit à la consommation étant soumis aux dispositions des articles L. 311-1 à L. 311-37 du Code de la consommation.
En tout état de cause, la SA Créatis fait valoir que l'opposition établi à son profit et liée à la vente de l'immeuble ne peut constituer une contrepartie au sens de l'article L. 121-26 du Code de la consommation.
Les deux contrats sont interdépendants, l'offre préalable de crédit était dénommée "accessoire à une prestation de service Panorimmo". Le contrat principal Panorimmo prévoit le financement au moyen d'un crédit in fine remboursable en une seule fois à la vente du bien et dans un délai ne pouvant excéder 24 mois. Dès lors le contrat de crédit proposé par démarchage à domicile à l'occasion d'une prestation de service doit être non seulement conforme à la loi sur le démarchage à domicile mais également à la loi sur le crédit à la consommation et les articles L. 121-21 et suivant s'appliquent.
Le mandataire de la SA Créatis a fait signer à Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25 du Code de la consommation ce qu'il convient d'analyser comme une autorisation de paiement considérée comme une contrepartie ne pouvant être donnée avant l'expiration de ce délai.
Il convient de souligner que le contrat de crédit précisait que l'obligation de remboursement perdurait même en cas de contestation sur l'exécution du contrat de prestation de service et quelque soit l'intermédiaire réalisant la vente même si ce n'était pas la société Panorimmo, que l'absence d'envoi successif de deux coupons de renouvellement de l'ordre de mission initial constituait une cause de résiliation du contrat de crédit et que ce défaut permet à la société Panorimmo de considérer le bien comme vendu et lui permet de mettre un terme à toutes les prestations mentionnées dans l'ordre de mission. Il apparaît clairement que quelque soient les prestations exécutées, Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès étaient tenus de payer l'intégralité du crédit.
Le contrat de crédit est donc nul pour non respect des dispositions de l'article L. 122-26 du Code de la consommation.
Il est également nul comme l'a retenu le tribunal pour non respect des dispositions de l'article L. 311-20 du Code de la consommation qui indiquent que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la fourniture de la prestation financée et en cas de prestation à exécution successive, à compter du début de la prestation et cessent en cas d'interruption de celle-ci.
Or il s'avère que la SA Créatis a réglé la société Panorimmo de l'essentiel de la somme empruntée le 30 juillet 2002 avant l'exécution par la société Panorimmo des prestations de service auxquelles elle s'était engagée, les cinq parutions parues dans la revue Panorimmo édition nationale étant postérieures, la première en octobre, novembre 2002.
Le contrat de crédit étant nul, Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès sont tenus de rembourser au prêteur le montant du capital emprunté qui a été versé au prestataire de service soit 5 065,06 euro outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2004. La SA Créatis sera déboutée de sa demande en paiement des frais d'inscription au Fichier National des Incidents de Remboursement des Crédits aux Particuliers, l'article L. 333-4 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi 18 janvier 2005 précisant que les frais afférents à cette inscription par l'organisme de crédit ne peuvent être facturés à l'emprunteur.
La SA Créatis ayant commis des fautes dans l'exécution du contrat de crédit à l'origine du préjudice subi par Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès sera condamnée à leur payer à la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Une compensation entre les deux sommes sera ordonnée.
Succombant partiellement la SA Créatis sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais engagés en appel, la somme allouée en première instance étant confirmée.
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, Dit partiellement fondé l'appel interjeté par la SA Créatis, Prononce la nullité du contrat de crédit accessoire du contrat de prestation de service de la société Panorimmo pour non respect de l'article L. 121-26 et L. 311-20 du Code de la consommation, Condamne Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès à restituer le capital versé directement à la société Panorimmo soit 5 065,06 euro outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2004, Condamne la SA Créatis à payer à Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts, Ordonne la compensation entre les deux sommes, Condamne la SA Créatis à payer à Monsieur et Madame Bianchi Patrick et Agnès la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais engagés en appel, la somme allouée en première instance étant confirmée, Condamne la SA Créatis aux entiers dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Dormeval-Puig conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.