Livv
Décisions

Cass. crim., 7 novembre 2006, n° 06-82.178

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Delbano

Avocat général :

M. Charpenel

Avocat :

Me Foussard

Angers, ch. corr., du 8 nov. 2005

8 novembre 2005

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Hervé, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 2005 qui, pour tromperie, mise sur le marché de substances classées comme vénéneuses et infraction à la réglementation sur l'étiquetage, l'a condamné à 5 000 euro d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 5132-1, L. 5132-8 et L. 5432-1 du Code de la santé publique, des articles 1 et 2 de l'arrêté du 7 août 1997, des articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, des articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé X coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise des préparations faisant l'objet d'une interdiction de mise sur le marché, et coupable de mise sur le marché à destination du public de produits interdits, ensemble condamné Hervé X à une amende de 5 000 euro avec sursis ;

"aux motifs que " le prévenu, directeur général de la société Y, ne conteste pas la responsabilité éventuelle pouvant découler de ses fonctions ; que sur le fond, les incertitudes qui pouvaient exister concernant l'assimilation couleurs fines - siccatifs, ont été résolues par l'avis de la Cour de justice des communautés européennes, qui saisie du problème, a répondu sans ambiguïté que les dispositions communautaires applicables "interdisent la mise sur le marché en vue de leur vente au grand public des produits siccatifs contenant des composés de plomb toxiques pour la reproduction" ; que cette difficulté étant résolue la défense des prévenus s'est adaptée, en faisant valoir que la société Y pouvait cependant commercialiser les produits en cause dans la mesure où ceux-ci étaient destinés à un usage professionnel ; que la cour ne peut que se référer, comme le tribunal d'ailleurs, aux procès-verbaux de la direction générale de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes selon lesquels il a été constaté dans plusieurs grands magasins et à de multiples reprises que les produits litigieux étaient présentés à la vente en libre-service au grand public, que ces flacons ne comportant pas la mention " réserver aux utilisateurs professionnels", soit ne comportaient pas cette mention de façon visible ; que les recherches effectuées et les procès-verbaux consécutifs sont sans ambiguïté ; que sur une liste de 131 clients fournie par la société Y, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont relevé la présence de 18 établissements ayant vocation à vendre au grand public, en ce compris la librairie Doucet au Mans, ouverte à tout un chacun, scolaires compris ; que des avis ponctuels sur les risques des produits et les conditions de vente aient pu être donnés à certains clients, ne font pas disparaître les constatations opérées et ne constituent pas une attitude générale et constante de précaution et d'informations exigée par les textes applicables, laquelle permettrait de dire que le prévenu a respecté ses obligations ; que ce non respect, ou ce respect insuffisant de ses obligations par un chef d'entreprise est nécessairement conscient et volontaire ; que le défaut d'intention évoqué n'est pas pertinent ; qu'il y a bien eu une mise sur le marché dans des conditions irrégulières, et une tromperie concomitante des clients distributeurs de la société Y " ;

"alors que, que ce soit sous l'angle de la tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, ou sous l'angle de la mise sur le marché, la prévention dénonçait le fait pour la société Y International d'avoir mis sur le marché des produits interdits à la vente ; qu'en décidant que les deux infractions visées par le titre de poursuite étaient constituées en retenant, non pas la mise sur le marché de produits interdits, mais l'absence d'avis sur les risques des produits considérés comme devant être réservés à certains utilisateurs, quand la mise en vente d'un produit interdit et l'omission de conseil ou d'information lors de la mise en vente d'un produit sont deux faits distincts, les juges du fond ont méconnu les termes de la prévention et violé les textes susvisés et notamment l'article 388 du Code de procédure pénale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 5132-1, L. 5132-8 et L. 5432-1 du Code de la santé publique, des articles 1 et 2 de l'arrêté du 7 août 1997, des articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé X coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise des préparations faisant l'objet d'une interdiction de mise sur le marché, et coupable de mise sur le marché à destination du public de produits interdits, ensemble condamné Hervé X à une amende de 5 000 euro avec sursis ;

"aux motifs que " le prévenu, directeur général de la société Y, ne conteste pas la responsabilité éventuelle pouvant découler de ses fonctions ; que sur le fond, les incertitudes qui pouvaient exister concernant l'assimilation couleurs fines - siccatifs, ont été résolues par l'avis de la Cour de justice des Communautés européennes, qui saisie du problème, a répondu sans ambiguïté que les dispositions communautaires applicables "interdisent la mise sur le marché en vue de leur vente au grand public des produits siccatifs contenant des composés de plomb toxiques pour la reproduction" ; que cette difficulté étant résolue, la défense des prévenus s'est adaptée, en faisant valoir que la société Y pouvait cependant commercialiser les produits en cause dans la mesure où ceux-ci étaient destinés à un usage professionnel ; que la cour ne peut que se référer, comme le tribunal d'ailleurs, aux procès-verbaux de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes selon lesquels il a été constaté dans plusieurs grands magasins et à de multiples reprises que les produits litigieux étaient présentés à la vente en libre-service au grand public, que ces flacons soit ne comportaient pas la mention " réserver aux utilisateurs professionnels ", soit ne comportaient pas cette mention de façon visible ; que les recherches effectuées et les procès-verbaux consécutifs sont sans ambiguïté ; que sur une liste de 131 clients fournie par la société Y, les agents de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes ont relevé la présence de 18 établissements ayant vocation à vendre au grand public, en ce compris la librairie Doucet au Mans, ouverte à tout un chacun, scolaires compris ; que des avis ponctuels sur les risques des produits et les conditions de vente aient pu être donnés à certains clients, ne font pas disparaître les constatations opérées et ne constituent pas une attitude générale et constante de précaution et d'informations exigée par les textes applicables, laquelle permettrait de dire que le prévenu a respecté ses obligations ; que ce non respect, ou ce respect insuffisant de ses obligations par un chef d'entreprise est nécessairement conscient et volontaire ; que le défaut d'intention évoqué n'est pas pertinent ; qu'il y a bien eu une mise sur le marché dans des conditions irrégulières, et une tromperie concomitante des clients distributeurs de la société Y " ;

"alors que, faute d'avoir mentionné les textes que la société Y International aurait dû respecter et les sanctions pénales dont elle faisait l'objet pour avoir manqué à son obligation d'information, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles L. 5132-1, L. 5132-8 et L. 5432-1 du Code de la santé publique, des articles 1 et 2 de l'arrêté du 7 août 1997, des articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé X coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise des préparations faisant l'objet d'une interdiction de mise sur le marché, et coupable de mise sur le marché à destination du public de produits interdits, ensemble condamné Hervé X à une amende de 5 000 euro avec sursis ;

"aux motifs que " le prévenu, directeur général de la société Y, ne conteste pas la responsabilité éventuelle pouvant découler de ses fonctions ; que sur le fond, les incertitudes qui pouvaient exister concernant l'assimilation couleurs fines - siccatifs, ont été résolues par l'avis de la cour de justice des communautés européennes, qui saisie du problème, a répondu sans ambiguïté que les dispositions communautaires applicables "interdisent la mise sur le marché en vue de leur vente au grand public des produits siccatifs contenant des composés de plomb toxiques pour la reproduction" ; que cette difficulté étant résolue la défense des prévenus s'est adaptée, en faisant valoir que la société Y pouvait cependant commercialiser les produits en cause dans la mesure où ceux-ci étaient destinés à un usage professionnel ; que la cour ne peut que se référer, comme le tribunal d'ailleurs, aux procès-verbaux de la direction générale de la concurrence et de la consommation, de la répression des fraudes selon lesquels il a été constaté dans plusieurs grands magasins et à de multiples reprises que les produits litigieux étaient présentés à la vente en libre-service au grand public, que ces flacons soit ne comportaient pas la mention " réserver aux utilisateurs professionnels ", soit ne comportaient pas cette mention de façon visible ; que les recherches effectuées et les procès-verbaux consécutifs sont sans ambiguïté ; que sur une liste de 131 clients fournie par la société Y, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont relevé la présence de 18 établissements ayant vocation à vendre au grand public, en ce compris la librairie Doucet au Mans, ouverte à tout un chacun, scolaires compris ; que des avis ponctuels sur les risques des produits et les conditions de vente aient pu être donnés à certains clients, ne font pas disparaître les constatations opérées ; et ne constituent pas une attitude générale et constante de précaution et d'informations exigée par les textes applicables, laquelle permettrait de dire que le prévenu a respecté ses obligations ; que ce non respect, ou ce respect insuffisant de ses obligations par un chef d'entreprise est nécessairement conscient et volontaire ; que le défaut d'intention évoqué n'est pas pertinent ; qu'il y a bien eu une mise sur le marché dans des conditions irrégulières, et une tromperie concomitante des clients distributeurs de la société Y " ;

"alors que, premièrement, l'arrêté du 7 août 1997 ne comporte l'édiction d'aucune règle relativement aux informations que le vendeur a l'obligation de fournir aux clients et qu'il ne peut justifier légalement la condamnation prononcée ;

"alors que, deuxièmement, faute d'avoir constaté une tromperie sur une qualité substantielle, résultant par exemple de l'inaptitude à l'emploi auquel ils étaient destinés, les juges du fond, qui se sont bornés à faire état d'un manque d'information, n'ont en tout état de cause pas caractérisé une tromperie sur la qualité substantielle du produit et qu'à cet égard également, la condamnation est dépourvue de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Y International, dont Hervé X est le directeur général, fabrique des siccatifs, qui sont des produits contenant du plomb utilisés pour activer la dessiccation des couleurs en peinture et qui sont essentiellement destinés aux artistes peintres ; qu'Hervé X a été poursuivi, notamment, pour tromperie sur l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de trois siccatifs, blanc de courtrai, brun de courtrai et huile noire, en les présentant comme des produits faisant simplement l'objet d'une interdiction de vente au grand public en libre-service alors qu'ils faisaient l'objet d'une interdiction de mise sur le marché ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de tromperie, l'arrêt, après avoir énoncé que les dispositions de droit communautaire applicables interdisent la mise sur le marché, en vue de la vente au grand public, des produits siccatifs contenant des composés de plomb toxiques pour la reproduction, retient que les siccatifs fabriqués par la société Y étaient offerts à la vente dans dix-huit magasins en libre-service et qu'ils étaient présentés dans des flacons dont l'étiquetage ne mentionnait pas de façon visible que l'usage était réservé aux professionnels ; que les juges ajoutent que, si des avis ponctuels ont été fournis, à certains clients, sur les risques des produits, il n'est pas possible d'en déduire une attitude générale et constante de précaution et d'information ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 5132-1, L. 5132-8 et L. 5432-1 du Code de la santé publique, des articles 1 et 2 de l'arrêté du 7 août 1997, des articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, des articles 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que en ce que l'arrêt a condamné Hervé X à payer une indemnité à l'association FO Consommateurs de la Sarthe (AFOC 72) ;

"aux motifs que " la partie civile sollicite la confirmation des dispositions civiles la concernant ; que le prévenu ne les critique pas autrement que par sa demande de relaxe " ;

"alors que, dans ses conclusions d'appel, Hervé X soulignait que l'AFOC 72, à la supposer fondée à demander des dommages-intérêts, ne pouvait solliciter réparation que dans la seule mesure où les agissements en cause intéressaient les consommateurs du département de la Sarthe n'ayant dans son objet que de défendre les consommateurs de ce département ; qu'en estimant qu'Hervé X n'élevait aucune contestation à l'égard de la demande de la partie civile, les juges du fond ont dénaturé les conclusions dont ils étaient saisis" ;

Attendu que, pour allouer des dommages-intérêts à l'association "FO consommateurs de la Sarthe", le jugement retient, notamment, que les faits dont le prévenu a été déclaré coupable ont porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs que défend cette association ;

Attendu qu'en adoptant ces motifs, d'où il résulte qu'a été uniquement réparé l'intérêt collectif des seuls consommateurs du département de la Sarthe, la cour d'appel a justifié sa décision ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;

Attendu que, la peine prononcée, étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef de tromperie, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen, qui discute l'infraction de mise sur le marché de substances classées comme vénéneuses ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.