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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 17 septembre 1996, n° 96000550

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Holtzer

Défendeur :

Crédit Commercial de France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Biecher

Conseillers :

M. Roux, Mme Grenier

Avocats :

Me Garreta, SCP Madar Danguy

TGI Pau, du 21 nov. 1995

21 novembre 1995

Par jugement en date du 21 novembre 1995, le Tribunal de grande instance de Pau rejetait l'exception d'incompétence soulevée par Patrick Holtzer et se déclarait compétent pour statuer sur le litige l'opposant au Crédit Commercial de France.

Holtzer a formé contredit, il fait valoir:

- qu'en laissant fonctionner pendant plus de trois mois son compte personnel en position débitrice, le Crédit Commercial a réalisé une opération de crédit relevant des dispositions de la loi du 2 janvier 1978, qui relève de la compétence exclusive du tribunal d'instance;

- que le premier juge a estimé qu'il fallait se placer à la date à laquelle le solde débiteur du compte était devenu exigible, pour en déterminer le régime applicable et qu'à cette date le crédit accordé était supérieur au plafond de 140 000 F;

- que de 1990 à 1991 le solde débiteur n'a jamais excédé ce maximum;

- que la banque ne peut exiger de l'exigibilité ou non du solde débiteur à son seul gré pour tenter d'échapper aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 janvier 1978;

- qu'il est important de savoir dans quelles conditions le compte aurait excédé le seuil unique de 140 000 F et pour quelle cause ce seuil a été dépassé;

- qu'il n'est aucunement établi que le compte ait été débiteur pour une somme de plus de 140 000 F pour une période continue de trois mois, ce qui entraîne de piano l'application de la loi du 5 juillet 1978.

Il est conclu à la recevabilité du contredit et à ce que le tribunal d'instance soit déclaré compétent. A titre infiniment subsidiaire, il est demandé de dire que le solde débiteur de Holtzer sera soumis au régime de la loi du 10 janvier 1978 pour toutes les périodes pendant lesquelles le solde débiteur n 'a pas excédé pendant une période continue de trois mois, la somme de 140 000 F, il est demandé en outre une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Crédit Commercial de France réplique:

- que le contredit formé par Holtzer plusieurs mois après l'introduction de l'instance, est parfaitement dilatoire;

- qu'il entend se soustraire par tous moyens à ses obligations;

- que les moyens développés devant le premier juge sont repris.

Il est conclu au débouté du contredit et demandé une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts et que l'affaire soit évoquée au fond. Il est demandé en outre une somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi :

Attendu qu'il apparait à la cour que le contredit formé par Holtzer l'a été dans les conditions de forme et de temps prévues par le nouveau Code de procédure civile et est donc recevable en la forme;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que le compte ouvert par Holtzer au Crédit Commercial de France, avec le bénéfice de facilités, compte utilisé à des fins non commerciales, a fonctionné pendant plus de trois mois de façon constante en position débitrice, ce qui assimile une telle opération à une opération de crédit tombant sous le coup des dispositions d'ordre public de la loi du 10 janvier 1978;

Attendu que la cour ne saurait retenir l'argumentation développée par Holtzer selon laquelle le compte a été débiteur de p/us de 140 000 F, mais jamais pendant une période continue de plus de trois mois ce qui écarterait l'exception prévue par l'article 3 de la loi en ce qui concerne le plafond applicable, ni celle développée à titre subsidiaire selon laquelle il y aurait lieu d'appliquer la loi de 1978 pour les périodes durant lesquelles le solde débiteur n 'a pas excédé pendant une période continue de trois mois la somme de 140 000 F;

Attendu que la cour estime que cette argumentation aboutirait à ajouter à la loi des dispositions qui n'y sont pas contenues;

Attendu qu'elle estime, comme le premier juge, que la date d'exigibilité du solde débiteur fixe le point de départ de la prescription biennale édictée par l'article 27 de la loi et détermine en même temps le régime juridique qui lui est applicable;

Attendu que le montant du solde débiteur étant alors supérieur au plafond légal de 140 000 F, l'ouverture de crédit consentie à Holtzer ne relève pas des dispositions de la loi du 10 janvier 1978, quand bien même elle n 'avait pas atteint ce chiffre antérieurement;

Attendu qu'il apparait dès lors que le Tribunal de grande instance de Pau était bien compétent pour connaître du litige;

Attendu qu'il apparait à la cour qu'elle est juridiction d'appel de la juridiction qu'elle estime compétente;

Attendu qu'elle estime de bonne justice d'évoquer le fond de donner à cette affaire une solution définitive, considérant de surcroit que si le contredit formé ne saurait être considéré comme uniquement dilatoire, son caractère partiellement dilatoire ne saurait être écarté;

Attendu que la cour invitera donc les parties en cause à constituer avoué conformément aux dispositions de l'article 90 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que la cour estime devoir accorder au Crédit Commercial de France une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et rejeter la demande de dommages et intérêts formée par ce dernier;

Attendu que Holtzer sera condamné aux dépens.

Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de contredit et en dernier ressort, Déclare recevable en la forme le contredit formé par Holtzer à l'encontre du jugement du Tribunal de grande instance de Pau en date du 21 novembre 1995. Au fond, l'en déboute et dit que le tribunal compétent est le Tribunal de grande instance de Pau. Evoquant pour une bonne administration de la justice, invite les parties en cause à constituer avoué dans le délai d'un mois de la notification du présent arrêt. Déboute le Crédit Commercial de France de sa demande de dommages et intérêts. Condamne Holtzer au paiement d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le condamne en outre en tous les dépens.