CA Pau, 2e ch. sect. 2, 12 octobre 1995, n° 94001012
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Lagardère (Epoux)
Défendeur :
Crédit Agricole Mutuel de la Gironde
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Riboulleau (faisant fonction)
Conseillers :
M. D'uhalt, Mme Grenier
Avoués :
Me Marbot, SCP Longin
Avocat :
Me Lamorere
Aux termes d'un acte sous seing privé daté du 28 février 1986 la CRCAM de la Gironde a consenti à M. Jean Jacques Lagardère un prêt de 40 000 F.
Excipiant de la défaillance de l'emprunteur et du cautionnement solidaire de M. Marc Lagardère et de Mme Mauricette Larche épouse Lagardère, la Caisse a saisi le Tribunal d'instance de Mont De Marsan greffe permanent de Sabres qui a retenu que la créance du Crédit Agricole était établi.
Le 11 septembre 1991 le tribunal a rendu un jugement réputé contradictoire dont le dispositif est le suivant :
- condamne M. et Mme Marc Lagardère à payer à la CRCAM la somme de 63 587,53 F et ce outre les intérêts conventionnels de retard, a compter du 3 mai 1990 ;
- condamne M. et Mme Lagardère aux dépens.
M. Mare Lagardère et Mme Mauricette Lagardère ont interjeté appel.
Les éléments actuellement soumis à l'appréciation de la cour ne font pas obstacle à la régularité de la procédure d'ailleurs non contestée par les parties.
La procédure a fait l'objet d'une radiation le 12 mars 1992 faute de conclusions des appelants.
Après remise au rôle, M. et Mme Lagardère font valoir que :
- les intérêts n'étaient pas retenus au niveau du cautionnement
- la première échéance impayée est antérieure de plus de deux ans à l'assignation,
- la " prescription " instaurée par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 est acquise,
- la signature attribuée à M. Marc Lagardère sur l'acte de cautionnement est un faux,
- son épouse ne pouvait à elle seule engager la communauté,
Leurs réclamations sont les suivantes :
- déclarer recevable l'appel des époux Lagardère et y faisant droit,
- constater soit par comparaison, soit en ordonnant une analyse graphologique, que l'acte de cautionnement est un faux,
- réformant, émendant et faisant ce que le premier juge aurait dû faire
- dire et juger que l'action du Crédit Agricole ayant été introduite plus deux ans après le premier incident, il y a prescription, et qu'aucune somme n'est due par les époux Lagardère, en application des dispositions de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978,
- condamner le Crédit Agricole au paiement de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner le Crédit Agricole à verser aux époux Lagardère la somme de 50 000 F à titre de dommages intérêts,
- condamner le Crédit Agricole à une amende civile, en application de l'article 32 du nouveau Code de procédure civile,
- ordonner la mainlevée de toutes inscriptions d'hypothèque que le Crédit Agricole a pris sur les biens des époux Lagardère tant provisoire que définitive
- condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
La caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de la Gironde réplique que :
- l'assignation a été délivrée aux époux Lagardère le 3 mai 1990 dans les deux ans du premier incident de paiement,
- en outre le débiteur principal avait été assigné antérieurement,
Ses demandes sont les suivantes
- dire et juger l'appel des époux Marc Lagardère irrecevable et à tout le moins mal fondé,
- les en débouter comme de toutes leurs prétentions, demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement déféré,
- condamnant toutefois solidairement les époux Lagardère au paiement des sommes requises, condamner sous la même solidarité les époux Lagardère à payer à la CRCAM de la Gironde une indemnité de 5 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- condamner solidairement les époux Lagardère aux entiers dépens.
Décision
Attendu qu'il résulte de l'article 27 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, tel qu'il a été interprété par l'article 2-XII de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 et par l'article 19-IX de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, que le délai biennal prévu par ce texte est un délai de forclusion applicable aux actions nées de contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 1989 ;
Que ce délai biennal qui n'est susceptible ni d'interruption ni de suspension court à compter du premier incident de paiement non régularisé (Cass. Civ. I 22.04.92 - 20.01.93 - 17.03.93) ;
Attendu que dans ses écritures, la CRCAM de la Gironde a tout d'abord indiqué que la première échéance impayée remontait au 10 décembre 1988 (page 4 des conclusions déposées le 1er septembre 1994 au greffe de la cour) ;
Que cette banque a ensuite soutenue que le premier incident de paiement était en date du 10 mai 1988 (page 2 des conclusions déposées le 10 janvier 1995) ;
Attendu au surplus que la Caisse verse aux débats trois relevés de comptes ;
Que deux d'entre eux bien que présentés comme arrêtés au 10 mai 1990, mettent en évidence des calculs différents aboutissant l'un à une somme de 57 688,20 F l'autre à un total de 63 587,53 F sur la base de mensualités non honorées du 10 mai 1988 au 10 avril 1990 ;
Que l'un des décomptes retient un capital restant dû de 21 458,65 F au 10 avril 1990 alors que l'autre relevé aboutit à une somme de 26 712,40 F au titre du capital non amorti à la même date ;
Que le troisième état daté du 20 février 1991 excipe d'échéances impayées du 10 décembre 1988 au 10 février 1991 ;
Que la date de déchéance du terme est différente de celle précédemment retenue ;
Que sur ce dernier relevé la Crédit Agricole sollicite un capital restant dû de 15 826,30 F qui d'ailleurs ne correspond pas aux mentions du tableau d'amortissement ;
Attendu en conséquence que le caractère contradictoire des documents produits par la CRCAM ne permet ni de déterminer la date de la première échéance impayée non régularisée ni même de calculer les sommes qui peuvent lui être dues ;
Que dès lors les réclamations qu'elle a formulées ne saurait prospérer ;
Attendu par ailleurs que les époux Lagardère soutiennent que l'acte de cautionnement est un faux mais ne versent aux débats aucun document ;
Qu'en conséquence la cour ne peut procéder aux comparaisons d'écritures qu'ils suggèrent ;
Que leurs prétentions doivent être écartées y compris celles afférentes à la main levée d'inscription d'hypothèque, sûretés dont ils ne justifient pas qu'elles aient été prise sur leurs biens par le Crédit Agricole qui n en fait pas état ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, En la forme, déclare l'appel recevable, Au fond, Infirme le jugement rendu le il septembre 1991 par le Tribunal d'instance de Mont de Marsan greffe permanent de Sabres, Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes ; Laisse les dépens à la charge de la CRCAM de la Gironde. Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Maître Marbot, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.