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Décisions

CA Poitiers, ch. corr., 16 juin 2006, n° 05-01025

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Leader Distribution Aunis Saintonge (SARL), Distribution Leader Price (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vignau

Conseillers :

MM. Hovaere, Cleva

Avocats :

Mes Reye, Obadia

TGI Saintes, ch. corr., du 28 avr. 2005

28 avril 2005

Décision dont appel :

Le tribunal a :

Sur l'action civile :

- débouté la société Leader Distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price de leurs demandes compte-tenu de la relaxe prononcée ;

- condamné solidairement la SARL Leader Distribution Aunis Saintonge et la SNC Distribution Leader Price à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 15 000 euro à la SA Y et la somme de 10 000 euro à Frédéric X ;

- laissé les dépens à la charge de l'Etat ;

Appel a été interjeté par :

- SARL Leader Distribution Aunis Saintonge, le 10 mai 2005,

- SNC Distribution Leader Price, le 10 mai 2005,

Décision :

LA COUR, visant son délibéré,

Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus,

Vu les appels susvisés, réguliers en la forme,

Sur l'action civile :

En cause d'appel le litige porte uniquement sur la publicité comparative effectuée entre les produits distribués par Leader Price et les produits Y1 courant mars 2003 dans des magasins situés pour chaque enseigne à Royan.

La publicité comparative a consisté à exposer à l'entrée du magasin Y1 deux caddies remplis de denrées émanant pour le premier du centre Y1, pour le second de la surface Leader Price et de mentionner les éléments suivants:

"STOP

INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS

valeur du caddie Leader Price 68,89 euro

valeur du caddie E. Y1 52,79 euro

Achats effectués le 17 mars 2003."

Les sociétés Leader Price reprochent à la société Y (centre Y1) d'avoir trompé le consommateur sur les qualités substantielles des produits comparés, en laissant croire aux consommateurs que les produits Y2 distribués par le Centre Y1 étaient intrinsèquement comparables, avec les mêmes caractéristiques objectives que les produits Leader Price, et d'autre part à M.X, responsable du centre Y1, d'avoir effectué une publicité comparative illicite en faisant porter la comparaison uniquement sur le prix, sans tenir compte de la composition intrinsèque et la qualité des produits comparés.

Les sociétés parties civiles demandent à la cour de:

- infirmer le jugement déféré,

- constater que les éléments de l'infraction prévues aux articles L. 213-1 et L. 213-6 du Code de la consommation, sont démontrés à l'égard de la société Y qui est ainsi coupable de tromperie,

- condamner la société Y à verser à chacune des parties civiles la somme de 10 000 euro à titre indemnitaire outre 7 500 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- constater que les éléments de l'infraction de publicité comparative illicite prévus aux articles L. 121-1, L. 121-8 et suivants du Code de la consommation sont démontrés à la charge de M. X,

- condamner Monsieur X à verser à chacune des parties civiles la somme de 10 000 euro à titre indemnitaire outre 7 500 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux de diffusion régionale pendant 15 jours, aux frais des auteurs de la publicité comparative illicite,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La société Y et Monsieur F. X soutiennent que les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation sur la publicité comparative ont été respectées ; que la comparaison a en effet porté sur des produits de même nature, qui répondent à un même besoin et ont un même objectif; qu'il s'agit de surcroît de produits de même dénomination en sorte que la comparaison opérée correspond parfaitement aux conditions de licéité posées par la loi; qu'enfin les texte législatifs composant le droit positif n'ont énoncé aucune interdiction de comparaison exclusive par les prix à condition que les règles d'objectivité et de loyauté de la comparaison soient respectées.

La société Y et Monsieur F. X demandent à la cour de confirmer au plan civil le jugement déféré en ce y compris les condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Leader Price et d'y ajouter pour chacun la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la procédure n'ayant plus qu'un caractère civil.

Le Ministère public s'en rapporte à justice.

Sur ce :

Aux termes de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, toute publicité qui met en comparaison des biens ou des services en identifiant, implicitement ou explicitement un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1°) elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur;

2°) elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;

3°) elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

La comparaison doit porter sur des produits non pas identiques mais répondant à un même besoin ou ayant le même objectif.

De même, n'est pas illicite une publicité qui met en œuvre une comparaison exclusive par le prix à la condition que les règles d'objectivité et de loyauté soient respectées.

En l'espèce, les photographies versées en copie montrent deux caddies remplis de produits alimentaires et ménagers et les tickets de caisse produits par les prévenus, établissent qu'il s'agit de produits de consommation courante, composant "le panier de la ménagère". Les produits répondent donc à un même besoin et ont un même objectif; il s'agit en outre de produits de même dénomination.

Les sociétés appelantes soutiennent que les produits présentés dans les caddies et mis en comparaison, sur le seul critère du prix, provenant de Leader Price et de Y1, ne sont absolument pas comparables tant en ce qui concerne la qualité des produits entrant dans la composition qu'en ce qui concerne leur teneur en matière première ou leur poids ; les sociétés appelantes versent aux débats un tableau comparatif faisant état d'importantes différences de qualité et de poids entre les produits Leader Price et de Y1.

Or, ce tableau fait référence, non pas à un procès-verbal réalisé au centre Y1 de Royan exploité par la société Y mais à des procès-verbaux réalisés dans d'autres centres Y1 situés dans différents lieux du territoire national.

Les sociétés Leader Price ne fournissent aucun procès-verbal dressé dans le centre Y1 de Royan, qui établirait le contenu des chariots et encore moins la composition des produits qui y sont contenus.

La cour ne dispose que de la copie des tickets de caisse, dont l'examen montre que la comparaison a porté sur des produits de même nature, répondant aux mêmes besoins : se nourrir, se laver, nettoyer.

En l'état des éléments de preuve soumis à l'appréciation de la cour, il ne résulte pas que les produits comparés ont présenté des différences de qualité.

La comparaison opérée par le centre Y1 répond aux conditions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation.

Les règles d'objectivité et de loyauté ayant été respectées, les parties civiles seront déboutées de leurs demandes.

Elles ont agi de manière hâtive et téméraire sans avoir pris le soin de réunir les éléments de nature à démontrer le manque d'objectivité de la publicité comparative opérée par le centre Y1. Les sociétés appelantes se sont bornées à produire en justice des pièces de procédure et documents tirés d'autres litiges ayant opposé les centres Y1 aux surfaces Leader Price.

Une telle légèreté a nécessairement causé un préjudice à la société Y et à M. X et justifie l'allocation à leur profit de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 472 du Code de procédure pénale.

Le tribunal a fait une exacte appréciation d'un tel préjudice.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles.

La demande d'une somme de 3 000 euro formulée par chaque prévenu au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel est irrecevable ;

La procédure conserve son caractère pénal et seule la partie civile peut bénéficier des dispositions relatives au remboursement des frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement sur appel sur intérêts civils, en matière correctionnelle et en dernier ressort, reçoit les appels des parties civiles, réguliers en la forme, confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions civiles et ce y compris les condamnations au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale, déclare irrecevables la société Y et Monsieur X Frédéric en leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.