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Décisions

Cass. com., 6 février 2007, n° 05-21.948

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Les Oliviers (FARL)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Main

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan

Cass. com. n° 05-21.948

6 février 2007

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 novembre 2005), que la société Les Oliviers, qui a exploité de 1997 à 2001 une maison de retraite à Saint-Etienne dans des locaux loués à la société anonyme immobilière d'économie mixte de la commune de Saint-Etienne (SAIEM), a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques anticoncurrentielles qui auraient été mises en œuvre, sur le marché local de l'hébergement des personnes âgées dépendantes, par la commune de Saint-Etienne, par la SAIEM et par le Centre communal d'action sociale (CCAS), établissement public auquel la commune avait confié la gestion de quinze résidences pour personnes âgées; que la société Les Oliviers a fait valoir que le CCAS pratiquait des prix d'hébergement abusivement bas et abusait, grâce à des subventions d'équilibre versées par la commune, de la position dominante qu'il détenait sur le marché en cause; qu'elle a en outre invoqué des faits d'entente et un abus de dépendance économique résultant du fait que le montant excessif du loyer imposé par la SAIEM ne lui permettait pas une exploitation équilibrée; que, par décision n° 05-D-05 du 18 février 2005, le Conseil a dit la saisine irrecevable s'agissant des premiers faits dénoncés et l'a rejetée pour le surplus faute d'éléments suffisamment probants;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Les Oliviers, représentée par son liquidateur amiable, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil estimant que les faits d'abus de position dominante dénoncés ne relevaient pas de ses attributions, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 13 et 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 respectivement codifiées aux articles L. 464-8 et L. 410-1 du Code du commerce, que le Conseil de la concurrence et, sur recours la Cour d'appel de Paris, sont compétents pour connaître de toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques; que relève ainsi de la compétence du Conseil de la concurrence l'examen d'un comportement global caractérisé par un ensemble de pratiques générales détachables de décisions administratives particulières, imputé à un opérateur économique auquel il est reproché l'abus d'une position dominante sur un marché donné, peu important que cet opérateur ait agi dans le cadre d"une mission de service public pourvu qu'il n'ait mis en œuvre aucune prérogative de puissance publique et que le comportement incriminé touche à une activité économique exercée en concurrence avec des opérateurs privés et non à la gestion d'un service public régalien ou remplissant une mission de caractère exclusivement social fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de caractère commercial; qu'en l'espèce, la société Les Oliviers incriminait le comportement anticoncurrentiel adopté par le Centre communal d'action sociale de la ville de Saint-Etienne sur le marché local des résidences pour personnes âgées dépendantes sans mettre en cause la légalité des décisions concourant à l'organisation de l'activité de service public gérée par cet opérateur; que dès lors que le Centre communal d'action sociale ne remplissait pas une mission exclusivement sociale mais exerçait une activité marchande consistant à commercialiser des services auprès du grand public et n'appelant pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, les griefs formés à son encontre par la société Les Oliviers relevaient de la compétence du Conseil de la concurrence; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

Mais attendu que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;

Attendu qu'après avoir rappelé que la commune de Saint-Etienne a confié au CCAS la gestion de résidences pour personnes âgées auparavant exploitées en régie directe, les modalités de ce transfert résultant, selon le Conseil, de conventions des 8 septembre 1997 et 14 mai 1998 prévoyant notamment la possibilité pour le CCAS de percevoir des subventions de la commune, la cour d'appel, qui retient, par motifs propres et adoptés, que la contestation de la gestion par le CCAS de quinze résidences met directement en cause l'organisation et le fonctionnement du service public de l'hébergement des personnes âgées tel qu'il résulte des conventions de transfert, que la décision d'allouer une subvention au CCAS relève des prérogatives de puissance publique de la commune et que les prix de journée des établissements sont fixés par le président du conseil général, a fait l'exacte application des dispositions invoquées en décidant que ces décisions, dont l'appréciation de la légalité relève du juge administratif, n'entraient pas dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence; que le moyen n'est pas fondé;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Les Oliviers, représentée par son liquidateur amiable, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil estimant que les faits d'exploitation abusive de dépendance dénoncés n'étaient pas établis, alors, selon le moyen : 1°) qu'une entreprise peut se prévaloir des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance de 1986, aujourd'hui codifiées à l'article L. 420-2 du Code de commerce, pour autant qu'elle se trouve dans un rapport de client à fournisseur avec l'auteur des pratiques dénoncées, qu'un tel rapport existait en l'espèce dès lors que la société Les Oliviers exerçait son activité dans des locaux qu'elle louait à la SAIEM; que la cour d'appel a violé le texte précité en tirant argument de l'existence d'un bail pour décider que la société Les Oliviers ne pouvait invoquer le bénéfice de ses dispositions; 2°) qu'en se bornant à retenir que la société les Oliviers ne démontrait pas qu'elle était dans l'impossibilité de rechercher d'autres locaux pour exercer ses activités sans vérifier de façon concrète si du fait de la nature particulière de ses activités, cette entreprise ne se trouvait pas, comme elle le faisait valoir, dans l'impossibilité de déménager dans des conditions acceptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce ;

Mais attendu que, pour rejeter l'argumentation de la société Les Oliviers qui soutenait que le montant excessif du loyer qui lui était imposé par la SAIEM constituait une exploitation abusive de son état de dépendance économique d'autant qu'elle n'avait pu obtenir une autorisation d'ouverture pour les 80 lits demandés, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'après que la société Les Oliviers se soit vue refuser, le 16 juillet 1996, l'autorisation d'ouvrir un établissement de 80 lits, les parties ont librement négocié le 7 octobre 1996 une augmentation du montant du loyer correspondant à la prise en charge par la locataire d'une partie des travaux nécessaires à l'accueil de personnes âgées dépendantes, et que la société Les Oliviers, qui a bénéficié d'un long délai avant d'obtenir le 26 février 1998 une autorisation d'ouverture, ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de rechercher d'autres locaux pour exercer son activité moyennant paiement d'un loyer plus adapté à ses perspectives de rentabilité ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que l'état de dépendance économique dont se prévalait la société Les Oliviers n'était pas établi, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.