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Décisions

Conseil Conc., 11 juillet 2007, n° 07-MC-05

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Demande de mesures conservatoires présentée par la société towerCast

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Mouzon, Mme Bourguignon, par Mme Perrot vice-présidente présidant la séance, M. Flichy, M. Honorat, Mme Xueref, Mme Behar-Touchais, membres.

Conseil Conc. n° 07-MC-05

11 juillet 2007

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre, enregistrée le 16 février 2007 sous les numéros 07/0017 F et 07/0018 M, par laquelle la société towerCast a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de la société TDF qu'elle estime anticoncurrentielles et a demandé que des mesures conservatoires soient prononcées sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu l'avis adopté par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (" CSA ") le 3 avril 2007 sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce ; Vu l'avis n° 2007-0276 adopté par l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (" ARCEP ") le 26 avril 2007 sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce ; Vu la décision n° 07-S-02 du 26 juin 2007 par laquelle le Conseil de la concurrence a renvoyé les dossiers enregistrés sous les numéros 07/0017 F et 07/0018 M à l'instruction ; Vu les observations présentées par la société towerCast, la société TDF et le commissaire du Gouvernement ; Vu les décisions de secret des affaires n°s 07-DSA-96, 07-DSA-97, 07-DSA-100, 07-DSA-131 ; Vu les décisions relatives à une demande d'autorisation d'utilisation de pièces classées en annexe confidentielle n°s 07-DECR-20, 07-DECR-21, 07-DECR-22 , 07-DECR-23, 07-DECR-25 ; Vu les décisions de secret des affaires et de déclassement n°s 07-DSADEC-12 et 07-DSADEC-13 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés towerCast et TDF entendus lors de la séance du 3 juillet 2007 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Par lettre enregistrée le 16 février 2007, la société towerCast a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société TDF. Elle a également demandé au Conseil de prononcer des mesures conservatoires tendant à faire cesser ces pratiques.

2. La société towerCast considère que les marchés affectés par les pratiques de TDF sont le marché de services de diffusion de la radio en mode FM, le marché de services de diffusion de la télévision analogique terrestre et le marché des services de diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT). Par ailleurs, towerCast estime que la concession du site de la Tour Eiffel forme en tant que tel un marché pertinent. La société saisissante soutient que TDF est en position dominante sur l'ensemble de ces marchés.

3. Elle fait valoir que TDF a abusé de cette position dominante en premier lieu en mettant en œuvre des manœuvres dilatoires dans le cadre du renouvellement de la convention d'occupation domaniale pour la diffusion hertzienne de radio et de télévision depuis le site de la Tour Eiffel, en second lieu en proposant des prix de cession de ses équipements excessivement élevés. Selon towerCast, ces manœuvres de TDF ont consisté, dans un premier temps, à refuser de lui communiquer les données nécessaires à la construction de son offre et puis à fixer " unilatéralement et arbitrairement " un prix de cession qu'elle juge " exorbitant, injustifié et inéquitable ", pour le matériel devant obligatoirement être acquis par un nouvel occupant pour assurer la continuité du service prévue à l'article 2.6.2 du cahier de la consultation. La saisissante affirme que du fait de ces manœuvres dilatoires et de ce prix de cession exorbitant, elle a été mise dans l'impossibilité de présenter une offre compétitive à la ville de Paris lors du renouvellement de la concession du site de la Tour Eiffel, la société TDF étant ainsi assurée de rester titulaire de la convention d'occupation domaniale.

4. Elle ajoute dans sa saisine que la concurrence a été faussée non seulement en ce qui concerne l'attribution du marché représenté par la convention d'occupation domaniale, mais également sur les marchés de gros aval de la diffusion hertzienne des radios FM et de la télévision analogique et numérique. Elle souligne en effet que le changement de titulaire de la convention lui aurait permis de concurrencer effectivement les offres de diffusion faites par TDF aux éditeurs et de remettre en cause le quasi-monopole que détient actuellement TDF, s'agissant de la diffusion hertzienne depuis la Tour Eiffel. Elle signale, en particulier, que l'appel à candidatures que le CSA s'apprête à lancer auprès des radios privées FM dans la région Paris Ile-de-France et dans le département de l'Oise pour le renouvellement des autorisations d'usage de fréquences devrait lui fournir l'opportunité de proposer aux radios des offres concurrentes de celles de TDF pour la diffusion de leurs fréquences depuis la Tour Eiffel.

5. Dans ses observations du 4 juin 2007, la société towerCast signale que l'appel à candidature du CSA a été lancé et qu'elle a, en conséquence, déposé auprès de TDF une demande d'offre de gros d'hébergement sur le site de la Tour Eiffel. Elle dénonce toutefois le délai excessif avec lequel TDF lui a fourni une offre financière lui permettant de finaliser ses propres offres aux radios. Enfin, la société towerCast a transmis au Conseil, le 25 juin 2007, copie d'un courrier adressé le même jour à TDF dans lequel elle expose que le niveau de prix fixé par TDF pour cette offre de gros d'hébergement, mis en regard des prix de détail proposés par TDF aux radios, fait apparaître une marge négative qui ne lui permet pas de prendre position sur le marché, ce d'autant plus que TDF ferait valoir aux radios la nécessité de signer au plus vite les nouveaux contrats de diffusion que cette société leur propose.

6. La société towerCast a assorti sa saisine d'une demande de mesures conservatoires.

B. LE SECTEUR

1. HEBERGEMENT ET DIFFUSION HF

7. Dans le cadre de l'analyse des marchés menée en application de l'article L. 37-1 du Code des postes et communications électroniques (avis 06-A-01 du 18 janvier 2006 du Conseil et décision n° 06-0161 du 6 avril 2006 de l'ARCEP), ont été distingués les marchés de gros des services de diffusion de radio en mode AM, les services de diffusion de radio en mode FM, et les services de diffusion hertzienne terrestre de télévision.

8. De plus, les marché de gros " aval ", mettant en présence les radios, les chaînes (pour la télévision analogique) ou les multiplexes regroupant les chaînes (pour la télévision numérique) en tant que demandeurs et les diffuseurs en tant qu'offreurs ont été distingués des marchés de gros " amont ", sur lesquels les opérateurs de diffusion achètent, dans les zones où ils ne gèrent aucune infrastructure de diffusion, l'accès aux infrastructures d'un tiers afin d'y installer leurs propres équipements.

9. Les sites de diffusion sont des points hauts associés généralement à des bâtiments techniques. Sur ces sites, la chaîne technique de diffusion fonctionne de la manière suivante :

- l'ensemble des équipements et installations nécessite une alimentation électrique qui doit être sécurisée ainsi qu'un système de ventilation et de climatisation (fonctions d'hébergement " pur ") ;

- les signaux doivent être reçus sur le site, soit par un système de réception sans fil satellitaire ou terrestre, soit par des moyens filaires (fonctions d'alimentation en signal et de traitement du signal) ;

- les signaux une fois reçus, un émetteur opère leur modulation et leur amplification (fonction d'émission) ;

- puis, les signaux sont pris en charge en sortie d'émetteur pour diffusion par voie hertzienne à partir d'antennes situées sur un pylône, une tour ou un bâtiment au moyen de multiplexeurs (les équipements de multiplexage permettent de constituer le spectre de fréquences qui sera diffusé sur un système d'antenne), de guides d'onde et de feeders (ceux-ci permettent de relier les multiplexeurs aux équipements antennaires sur le pylône) et enfin des équipements antennaires. L'ensemble de ces traitements appartiennent à la catégorie de la diffusion Haute Fréquence (HF).

L'image ci-dessous illustre ces différentes fonctions pour la TNT.

<emplacement image>

10. Les activités et équipements décrits ci-dessus n'appartiennent pas aux mêmes catégories, et ne sont pas obligatoirement sous la responsabilité des mêmes acteurs. Sont ainsi clairement distinguées les parties " réception du signal ", " émission " et " diffusion HF ". L'opérateur de diffusion est au moins propriétaire de ses émetteurs. Ses émetteurs sont accueillis par un hébergeur lorsqu'il n'est pas lui-même propriétaire, occupant ou locataire du point haut. Sur la partie multiplexage-câbles-antennes, deux options sont envisageables : soit ces équipements appartiennent en propre à l'opérateur de diffusion, soit l'émetteur du diffuseur est interconnecté avec le système antennaire de l'hébergeur. Le partage entre les équipements de l'hébergeur et ceux du diffuseur peut donc varier. L'ARCEP précise ainsi dans l'avis du 26 avril 2007, visé ci-dessus, rendu au Conseil sur la saisine de la société towerCast qu'en matière de diffusion il existe deux prestations principales : une prestation d'hébergement sur site et une prestation de diffusion HF (dans ce cas, l'hébergeur prend en charge le signal de l'opérateur de diffusion hébergé à la sortie de l'émetteur).

2. LE CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE

11. La loi du 30 septembre 1986 disposait en son article 51 qu'" une société dont les statuts sont approuvés par décret, et dont la majorité du capital est détenue par des personnes publiques, assure la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunication, des programmes des sociétés nationales mentionnées à l'article 44. " Par cet article, la société TDF se voyait conférer le monopole de la diffusion des programmes des entreprises de radiodiffusion publiques, et notamment des chaînes de télévision publiques. Ce monopole a ensuite été restreint à la diffusion analogique des programmes des entreprises de radiodiffusion publiques par la loi du 1er août 2000. Enfin, l'abrogation de l'article 51 par la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 a fait perdre à la société TDF le monopole de diffusion en mode analogique des programmes des entreprises de radiodiffusion publiques.

12. La loi du 31 décembre 2003 citée ci-dessus a transposé la directive communautaire 2002-77-CE du 16 septembre 2002 qui prévoit en son article 2 que " les États membres ne peuvent accorder ni maintenir de droits exclusifs ou spéciaux pour l'établissement et/ou l'exploitation de réseaux de communications électroniques ou pour la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public.

Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires afin de garantir à toute entreprise le droit de fournir des services de communications électroniques ou de mettre en place, d'étendre et d'exploiter des réseaux de communications électroniques.

Les États membres font en sorte qu'aucune restriction ne soit imposée ni maintenue à la fourniture de services de communications électroniques sur les réseaux de communications électroniques mis en place par les fournisseurs de services de communications électroniques sur les infrastructures fournies par des tiers, ou au moyen d'un usage partagé de réseaux, d'autres installations ou sites, sans préjudice des dispositions des directives 2002-19-CE, 2002-20-CE, 2002-21-CE et 2002-22-CE ".

13. Enfin, comme indiqué précédemment, la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a planifié l'extinction définitive de la diffusion hertzienne des services de télévision en mode analogique, qui doit intervenir au plus tard le 30 novembre 2011. A compter de cette date, les programmes audiovisuels diffusés sur ondes hertziennes le seront uniquement en mode numérique. Les éditeurs de services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique (TF1, France 2, France 3, France 5/Arte et M6) devront assurer, selon l'article 96-1, la diffusion de leurs services par voie hertzienne terrestre en mode numérique auprès de 95 % de la population française. La couverture sera complétée, selon l'article 98-1, par la diffusion satellite.

3. LA REGULATION SECTORIELLE

14. L'ARCEP, dans sa décision du 6 avril 2006 prise après avis du Conseil de la concurrence, a considéré que la société TDF avait une influence significative sur le marché de gros amont de la diffusion hertzienne terrestre des services de télévision et qu'une régulation ex ante devait être mise en place. Aussi, une obligation de séparation comptable lui a-t-elle été imposée en vue, " d'une part, d'assurer la transparence des prix des offres de gros et des prix de transferts internes à l'entreprise verticalement intégrée et de ce fait, de garantir le respect de certaines obligations comme celle de non-discrimination lorsqu'elle s'applique et, d'autre part, de prévenir d'éventuelles pratiques de subventions croisées ". Les modalités de mise en œuvre de cette obligation doivent être précisées dans une décision qui doit intervenir prochainement.

15. Par ailleurs, l'ARCEP a imposé à la société TDF des obligations au titre de la régulation ex ante sur le seul marché amont de gros de la diffusion hertzienne terrestre des services de télévision en mode numérique : TDF doit faire droit aux demandes d'accès à ses bâtiments et pylônes dans des conditions non discriminatoires et à des tarifs non excessifs et publier une offre d'accès.

16. L'ARCEP a estimé, dans la décision du 6 avril 2006 déjà citée, que " (...) la concurrence sur le marché aval sur un support hertzien terrestre est fonction en grande partie de celle qui se développe sur le marché amont ". Aussi, a-t-elle conclu " (...) qu'il convenait d'évaluer l'impact de la régulation du marché amont sur la situation concurrentielle du marché aval avant de mener une analyse de ce marché. "

4. LE SITE DE LA TOUR EIFFEL

a) L'importance du site

17. Dans l'avis du 3 avril 2007 rendu au Conseil sur la saisine de la société towerCast, le CSA souligne l'importance du site de la Tour Eiffel pour les marchés de la diffusion hertzienne : " Parmi les principaux sites de diffusion audiovisuelle, celui de la Tour Eiffel se distingue par la couverture particulièrement étendue qu'autorise sa hauteur. Il permet ainsi de couvrir environ 11 millions d'habitants de l'Ile-de-France, soit 18 % de la population métropolitaine. Le site est utilisé pour la diffusion de l'ensemble des services de télévision analogique et de TNT ainsi que de 30 fréquences radiophoniques. En comparaison, le deuxième site d'émission de services radiophoniques en importance, la tour des Mercuriales à Bagnolet, ne diffuse que dix fréquences. Par ailleurs, le site de la Tour Eiffel est utilisé par la Défense nationale et doit servir aux communications du Gouvernement en temps de crise. Il présente donc une très grande importance, pour les pouvoirs publics comme pour les éditeurs de services, au regard de la nécessité de continuité de réception des services audiovisuels ".

Pour la diffusion des services de télévision analogique et de TNT

18. L'ensemble des chaînes de télévision présentes sur le marché français sont diffusées depuis le site de la Tour Eiffel. Il s'agit notamment des six chaînes de TV analogiques (TF1, France 2, France 3, Canal +, France 5/Arte, M6) et des cinq multiplexes de la TNT réunissant 28 chaînes.

19. L'accès aux sites de diffusion de services de télévision en mode numérique, parmi lesquels celui de la Tour Eiffel, est régulé par l'ARCEP dans les conditions, notamment tarifaires, prévues par sa décision n° 06-161 en date du 6 avril 2006 portant sur " les obligations imposées à TDF en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels ".

Pour la diffusion des fréquences radiophoniques

20. En matière de services de radiodiffusion FM, l'agglomération parisienne dispose de l'un des paysages radiophoniques les plus riches et diversifiés d'Europe avec 57 services publics ou privés diffusés sur 48 fréquences. Cette situation a pour corollaire une pleine occupation de la bande FM.

21. Le site de la Tour Eiffel permet actuellement de diffuser 30 programmes de radios qui représentent 68 % des radios autorisées à Paris par le CSA (France Inter, France Culture, France Musique, France Info, RFI, NRJ, Nostalgie, RTL, RTL 2, Europe 1, RFM, RMC, OUI FM, NOVA, etc...).

22. Néanmoins, la diffusion radiophonique à l'intérieur de l'agglomération parisienne se heurte à des obstacles. Ainsi, des difficultés de réception persistantes affectent un nombre substantiel de foyers situés à l'est de Paris, à proximité du site de diffusion des tours Mercuriales. Un aménagement des modalités d'accès au site de la Tour Eiffel pourrait cependant contribuer à résoudre ces difficultés. En effet, lors de la consultation publique préalable à l'appel général aux candidatures portant sur l'Ile-de-France et sur l'Oise, lancée le 21 février 2006 par le CSA, deux pistes d'amélioration ont été suggérées pour améliorer la réception dans les zones où celle-ci n'est pas satisfaisante, comme l'est parisien :

- " D'une part, l'exploitation de sites de diffusion alternatifs à la Tour Eiffel a été évoquée. Toutefois, la mise en œuvre et l'effectivité de cette solution apparaissent incertaines.

- D'autre part, selon un nombre important de contributeurs, la solution la plus efficace consisterait à faire diffuser le plus grand nombre possible de radios depuis la Tour Eiffel. Toutefois, ce regroupement supposerait une concurrence effective et, pour ce faire, l'ouverture des infrastructures de diffusion radio du site à plusieurs prestataires techniques. Il impliquerait également d'assurer, par la société d'exploitation du monument, la mise à disposition de surfaces et de locaux supplémentaires afin d'implanter les émetteurs et de permettre un accès mutualisé aux conduits d'acheminement des signaux (" feeders ") et aux antennes émettrices implantées sur le pylône de la Tour Eiffel ".

23. Aussi, le CSA " a estimé souhaitable que le plus grand nombre possible de radios puissent être diffusées depuis la Tour Eiffel et qu'à cet effet, l'ouverture à plusieurs prestataires techniques des infrastructures de diffusion radiophonique en mode FM du site soit garantie, comme c'est déjà le cas pour les équipements de diffusion télévisuelle en mode numérique. C'est dans ce sens que le CSA a écrit au Maire de Paris, le 4 avril 2006, pour appeler son attention sur ces enjeux au moment où la convention d'occupation du domaine public de la Tour Eiffel arrivait à échéance ".

24. Par ailleurs, le CSA procède actuellement au renouvellement de 66 % des autorisations d'usage de fréquences pour les radios privées d'Île-de-France. Ce renouvellement va entraîner la signature de nouveaux contrats de diffusion entre les radios et leurs diffuseurs pour une durée maximale de 5 ans à compter de septembre 2007. Ce point sera développé plus amplement ci-après.

25. Il résulte de ces éléments que le site de la Tour Eiffel présente un caractère " pratiquement irremplaçable " pour l'ensemble des radios FM parisiennes.

b) Les caractéristiques techniques du site

26. Des contraintes fortes et spécifiques pèsent sur le site de la Tour Eiffel, tant du fait de la configuration et de l'exiguïté des locaux que des obligations qui s'imposent à l'occupant compte-tenu d'une part de l'existence sur ce site d'un service public touristique, et d'autre part de contraintes de sécurité et de défense nationale.

27. Ainsi, dans l'avis du 3 avril 2007 le CSA précise : " Par ailleurs, pour les opérateurs de diffusion, le site de la Tour Eiffel se caractérise par des contraintes d'exploitation spécifiques. Celles-ci sont d'abord liées à l'activité touristique du monument [...]. La fréquentation importante du monument contraint fortement l'espace susceptible d'être utilisé par les diffuseurs et oblige ceux-ci à protéger et masquer les équipements. Toute modification des installations susceptibles d'avoir des conséquences, mêmes minimes, sur le bâtiment nécessite l'autorisation de la ville. En outre l'occupant du site d'émission est soumis à des sujétions liées aux usages précédemment évoqués de défense nationale et de communication gouvernementale en temps de crise ".

28. Au cours de leur audition du 26 mars 2007, les représentants de la mairie de Paris ont également souligné : " les modalités d'entretien et de maintenance sont très spécifiques. Le site de la Tour Eiffel est un site contraint en terme d'espace notamment ".

29. Enfin l'ARCEP considère dans l'avis du 26 avril 2007 que la Tour Eiffel est un site de diffusion hors du commun. En effet, " le caractère exigu du site, couplé aux contraintes d'extension particulièrement fortes, ainsi que son implantation dans un milieu urbain dense démultiplient les enjeux liés à la sécurité et à la continuité de diffusion et accentue les contraintes opérationnelles d'exploitation du site ".

C. LES ENTREPRISES

1. TOWERCAST

30. La société saisissante, towerCast, est une filiale à 99,9 % du groupe radiophonique NRJ Group. Créée en 1986, towerCast a notamment pour activité la diffusion des services de radio en modulation de fréquence (FM) par voie hertzienne terrestre, principalement en France. Elle dispose à cet effet d'environ 500 sites de diffusion et a réalisé sur l'exercice 2003-2004 un chiffre d'affaires de 17,7 millions d'euro.

31. Elle propose également des services d'études, d'hébergement et de maintenance des équipements techniques des réseaux de téléphonie mobile (GSM, UMTS) et de transmission haut-débit de données par faisceau hertzien (WiMax, boucles locales radio). Depuis le lancement de la télévision numérique terrestre (TNT) en mars 2005, towerCast a aussi pour activité la diffusion des services de télévision numérique.

32. Dans la région parisienne, elle diffuse des programmes de radio en mode FM à partir de la tour Mercuriale du Ponant, située à proximité de la porte de Bagnolet, ainsi que deux radios à partir du 3ème étage de la Tour Eiffel.

2. TDF

33. TDF était à sa création, en 1975, un établissement public à caractère industriel et commercial disposant du monopole de la radiodiffusion et de la télédiffusion hertzienne. TDF est devenue une société anonyme en application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée le 1er août 2000, relative à la liberté de communication. Elle a principalement pour activité la diffusion des services audiovisuels et radiophoniques. TDF développe également ses activités dans les domaines des services d'information multimédia et de la diffusion sur Internet. En 2005, la société TDF SA a réalisé un chiffre d'affaires de 722 127 millions d'euro pour un résultat net de 195 millions d'euro.

34. Comme il a été indiqué au paragraphe 11, l'article 5l de la loi du 30 septembre 1986, qui conférait à TDF le monopole de la diffusion et de la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés analogiques de télécommunication, des programmes de Radio France, RFI et RFO et du groupe France Télévision, a été abrogé par la loi n° 2003-1365 du 3l décembre 2003. Après une période transitoire, TDF a donc perdu son monopole légal en 2005.

35. TDF est le premier groupe diffuseur audiovisuel en France et en Europe. Il détient l'ensemble des 115 sites principaux de diffusion de la télévision analogique, dits " points hauts historiques " ou réseau primaire, dont la Tour Eiffel, le pic du Midi, l'aiguille du Midi et le Puy-de-Dôme, et environ 90 % des 3 551 sites du réseau secondaire. Sur le segment aval de la diffusion de programmes de télévision en mode analogique, il détient un quasi-monopole et diffuse l'ensemble des programmes des chaînes télévisées hertziennes. A ce jour, TDF ne propose pas d'offre d'hébergement sur ses sites pour la diffusion télévisuelle en mode analogique.

36. S'agissant de la diffusion radiophonique, TDF ne proposait pas non plus d'offre d'hébergement avant le renouvellement de la convention d'occupation domaniale de la Tour Eiffel, et réalise environ 80 % du chiffre d'affaires concerné.

37. TDF est également présente sur le marché des services de diffusion de la TNT, appelés à remplacer la télévision analogique traditionnelle dont l'arrêt est programmé pour 2011. Sur ce marché, TDF a annoncé le 12 septembre 2006 le rachat de la société Antalis, et totalise, à la suite de cette acquisition, 80 % du chiffre d'affaires. Conformément aux obligations qui lui ont été imposées par l'ARCEP dans le cadre de la régulation du secteur, TDF propose des offres d'hébergement pour la diffusion de la TNT sur ses sites.

38. Dans la région parisienne, les principaux sites de diffusion de TDF sont :

- la Tour Eiffel (diffusion des radios du groupe Radio France, dont France Inter, France Info, France Culture, France Musique, Le Mouv', FTP et France Bleu Île-de-France),

- la tour de Romainville aux Lilas (diffusion de Radio Courtoisie, France Maghreb, France Culture et France Musique),

- la tour Mercuriales du Levant, située à proximité de la porte de Bagnolet (diffusion des radios TSF, Beur FM et Aligre).

D. LES PRATIQUES DENONCEES

39. Les pratiques dénoncées par towerCast concernent toutes des pratiques d'éviction de towerCast par TDF. Certaines de ces pratiques se situent sur l'amont du marché : elles concernent divers comportement de TDF relatifs à la délivrance d'informations indispensables à ses concurrents pour formuler une offre lors du marché de renouvellement de la concession de la Tour Eiffel, ainsi qu'au niveau de prix auquel TDF entend céder ces équipements indispensables. Selon la plaignante, le prix de cession élevé des équipements annoncé par TDF aurait privé towerCast de toute possibilité de concurrencer efficacement TDF lors de l'appel d'offres, c'est-à-dire de proposer une rémunération attractive pour la ville de Paris et d'être ainsi sélectionnée. D'autres pratiques utilisent, d'après la plaignante, un autre moyen pour évincer towerCast : il s'agit de celles qui imposeraient à cette dernière un " ciseau tarifaire " lui interdisant de proposer aux radios des offres de diffusion attractives sur le marché aval. Ces deux séries de pratiques alléguées seront examinées successivement.

1. LES PRATIQUES LIEES A LA SELECTION DE L'OCCUPANT DU SITE DE LA TOUR EIFFEL

a) La convention d'occupation domaniale

40. Le 24 mars 2006, la mairie de Paris a publié un appel à candidatures pour le renouvellement de la convention d'occupation domaniale pour la diffusion hertzienne de programmes de radio-télévision depuis le site de la Tour Eiffel.

41. Conformément à son article 1er, la convention a pour objet " de concéder à la société occupante [...] le droit d'occuper et d'exploiter, sur le domaine public de la ville de Paris :

- une emprise de terrain [...] ainsi que les locaux édifiés sur et sous ce terrain,

- sur la Tour Eiffel, divers emplacements, [...], situés sur les étages et au sommet, ainsi que les cheminements des câbles. Les emplacements comprennent notamment deux plates-formes et une structure support d'aériens nécessaires à la mise en place et à l'exploitation d'installations d'émission et de réception ".

b) Déroulement de la procédure

42. Le 29 août 2006, la mairie de Paris a communiqué un " cahier de consultation " fixant la procédure de l'appel d'offres et les conditions de sélection du futur occupant du site de la Tour Eiffel aux sociétés TDF et towerCast qui lui avaient adressé leurs candidatures.

43. L'offre de chaque opérateur est constituée, outre sa réponse technique à un cahier des charges, de la redevance annuelle versée à la ville de Paris, d'une proposition d'investissement en équipements pendant la durée du contrat et d'un prix de reprise en fin de contrat. Ces éléments, et en particulier la redevance versée annuellement à la ville et le prix de reprise final, dépendent du prix des équipements, des coûts propres mis en œuvre par les opérateurs en équipements et prestation de services, ainsi que des hypothèses portant sur les revenus que les opérateurs pensent pouvoir tirer de leur activité sur le site.

44. Pour towerCast, qui n'est pas le concessionnaire sortant propriétaire des équipements, la formulation d'une offre dépend étroitement des prix que lui consent TDF pour l'utilisation (en tant que propriétaire ou locataire) des équipements en place. Pour TDF, cette partie des coûts lui est spécifique. La société towerCast a donc besoin de connaître ce prix pour pouvoir formuler une offre en réponse à la ville de Paris.

45. Le dépôt des offres était initialement prévu le 11 octobre 2006. Les sociétés, après une demande de towerCast, ont bénéficié d'un délai supplémentaire. La date finale de remise des offres a alors été fixée au 31 octobre 2006. TDF et towerCast ont répondu dans le délai imparti. La mairie a ensuite laissé aux candidats la possibilité d'améliorer leur offre jusqu'au 21 décembre 2006. La société towerCast et TDF ont adressé leur offre ultime à la mairie de Paris du 21 décembre 2006.

46. Après un avis favorable unanime rendu le 5 février 2007 par la commission d'arrondissement concernée (VIIème arrondissement de Paris), le conseil municipal a autorisé par délibération du 12 février 2007 le maire de Paris à signer avec TDF la convention d'occupation domaniale pour la diffusion hertzienne de programmes de radio-télévision depuis le site de la Tour Eiffel. Le même jour, la société towerCast a saisi le président du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l'article L. 555-1 du Code de la justice administrative, afin qu'il soit ordonné à la ville de Paris de différer la signature de la convention.

47. Par une ordonnance du 13 février 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu la signature du contrat jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête formée par towerCast, au plus tard jusqu'au 5 mars 2007. Toutefois, la mairie de Paris a informé le juge des référés de la signature du contrat, le même jour, moins d'une heure avant la notification de l'ordonnance en question. Elle lui a indiqué qu'en conséquence, l'ordonnance ne pouvait recevoir d'exécution. Constatant que les pouvoirs du juge des référés précontractuels ne peuvent être exercés après la conclusion du contrat, le tribunal administratif a constaté le non-lieu à statuer dans une ordonnance du 5 mars 2007.

48. La société towerCast a par ailleurs introduit, le 12 avril 2007, une procédure au fond demandant au tribunal administratif de Paris l'annulation de la convention signée. Le tribunal n'a pas encore statué à ce jour.

c) Redevance et prix de reprise au terme de la convention

49. Par courriers datés du 21 décembre 2006, TDF et towerCast ont fait parvenir à la mairie leur proposition finale (améliorée par rapport à la proposition du 31 octobre 2006) concernant, d'une part, le niveau de la redevance annuelle versée à la mairie et, d'autre part, la valeur de reprise des équipements par la mairie en fin de convention, en cas de changement d'occupant.

L'offre de TDF

50. TDF a fait deux propositions (1), la première dans le cas où la convention n'aurait pas prévu une clause de rendez-vous, stipulant que la ville et TDF conviennent de se revoir cinq ans après le début de la convention, et la seconde dans le cas où une telle clause aurait été prévue.

51. Sans clause de rendez-vous, TDF confirmait sa proposition de versement d'une redevance annuelle fixe et indexée (2) qu'elle portait à 3,7 Meuro sur la durée totale souhaitée de la convention (10 ans). TDF diminuait par ailleurs le montant plafonné de reprise des immobilisations par la ville de Paris en fin de convention à 5,6 Meuro pour la partie hébergement et 10,4 Meuro pour la partie " diffusion HF " (système antennaire) (3).

52. Avec clause de rendez-vous, TDF proposait que le montant de la redevance soit maintenu à 3,7 Meuro par an sur les cinq premières années, avec la même clause d'indexation. Par ailleurs, TDF annonçait un programme prévisionnel d'investissements sur 10 ans à 45 Meuro hors taxes, comprenant notamment 20 Meuro de travaux liés à l'arrivée du " switch over ", c'est-à-dire le passage à la diffusion en mode numérique. TDF proposait par ailleurs une valeur de reprise de 4,5 Meuro pour la partie hébergement et de 5,5 Meuro pour la partie " diffusion HF ", sous réserve de la réalisation effective des travaux liés au " switch over ".

53. Enfin, de manière à permettre un partage des installations sur le site de la Tour Eiffel, TDF acceptait de "répondre favorablement à toute demande de diffusion émanant d'un opérateur tiers".

L'offre de towerCast

54. L'offre de towerCast était, quant à elle, fondée sur plusieurs hypothèses et simulations dépendant des revenus liés à l'hébergement, des coûts d'exploitation, des investissements prévus pendant la durée de la concession, mais aussi des coûts de reprise des équipements de TDF. La redevance proposée était ainsi liée aux coûts d'investissement et de reprise des équipements en fin de convention.

55. Dans son offre finale adressée à la mairie de Paris le 21 décembre 2006, towerCast proposait une redevance de 1,9 Meuro pour toute la durée du contrat. Cette proposition se fondait notamment sur l'hypothèse d'un prix d'achat de 17 Meuro pour les biens de TDF considérés comme indispensables pour assurer la continuité du service. Toutefois, afin de prendre en compte les éventuelles conditions de cession plus avantageuses susceptibles de provenir des négociations futures avec TDF, et d'intéresser ainsi la mairie de Paris aux conclusions de ces négociations, towerCast proposait plusieurs scénarios :

<emplacement tableau>

56. Dans son projet de délibération, la mairie de Paris a relevé que le montant de redevance annuelle proposé par towerCast était compris entre 1,9 et 2,7 Meuro selon les hypothèses de prix de cession.

57. Le programme de travaux proposé par towerCast se chiffrait à 19,8 Meuro avec l'hypothèse d'une clause de rendez-vous, indépendamment du coût de rachat des équipements actuellement propriété de TDF. La société towerCast proposait par ailleurs une indemnité de reprise des équipements en fin de convention plafonnée à 7,5 Meuro (avec clause de rendez-vous).

58. La saisissante a précisé qu'elle avait présenté son offre en qualité d'hébergeur de sociétés de diffusion, par un partage des installations sur le site de la Tour Eiffel, au bénéfice de ses concurrents et de ses clients.

d) La question de la cession des équipements et du prix de cession

59. Comme mentionné ci-dessus, la mairie de Paris a spécifié dans le cahier de consultation que l'opérateur lauréat devrait assurer la continuité du service de la diffusion (article 2.6.2. de la convention). Pour ce faire, elle indique que le futur occupant " précisera à cet effet un planning d'installation coordonné avec celui de l'éventuel retrait des installations existantes. L'occupant prendra les lieux libres de toutes les installations appartenant à l'occupant précédent sauf accord passé avec ce dernier. Compte tenu du contexte nouveau d'ouverture à la concurrence, il est attendu du précédent occupant qu'il négocie de bonne foi la cession des actifs dont il entendrait se défaire dans des conditions permettant la continuité du service public sans aucune interruption ".

60. Les éléments qui suivent ont trait aux échanges entre towerCast, TDF, et la mairie de Paris, la saisissante, parfois relayée par la ville, demandant à TDF de lui communiquer des informations et des prix pour la cession d'équipements. La société towerCast a ainsi, en date du 13 septembre 2006, adressé un premier courrier à la société TDF, dans lequel elle expliquait, qu'afin de pouvoir rédiger une proposition, et notamment estimer le montant de la redevance, elle souhaitait " la liste des actifs que vous envisageriez de céder, qu'il s'agisse d'équipements aériens, de cheminements de câbles, de câbles, d'équipements de sécurité, et tout autre matériel actif ou passif. (...) "

61. TDF adresse à towerCast, le 18 septembre 2006, la réponse suivante :

" Il n'appartient pas à TDF de fournir à l'un des candidats des éléments complémentaires relatifs à la consultation. La responsabilité de l'information des candidats relève de la seule responsabilité de la ville, dans le respect du principe d'égalité.

S'agissant de la continuité des activités, TDF estime que celle-ci peut être assurée de plusieurs façons, notamment par l'hébergement des équipements sur le site, leur cession éventuelle n'étant qu'une modalité parmi d'autres. "

62. La société towerCast s'est alors adressée à la mairie de Paris, qui, le 28 septembre, a demandé par courrier à TDF de communiquer à la société towerCast les informations utiles à la procédure de renouvellement de la convention, afin de respecter le principe d'égalité entre les candidats.

63. Dans un courrier du 5 octobre à la ville de Paris, towerCast précise ainsi à nouveau sa demande :

" Nous estimons que la cession de certains équipements est indispensable pour assurer la continuité de service :

- Aériens TV Analogique et TV Numérique normal et secours

- Aériens FM 1, 2, 3 et 4 + secours

- Tous les feeders et cheminements

- Alimentation électrique du 6ème étage

- Installation électrique des locaux techniques (TGBT....)

- Groupes Electrogènes

- Transformateurs Moyenne Tension et équipements de gestion

- Multiplexeurs RF radio et Télévision

faute de pouvoir remplacer ceux-ci sans engager des travaux considérables, induisant nécessairement des interruptions de service inconcevables.".

64. Cette demande est relayée auprès de TDF par la ville de Paris dans un courrier du 12 octobre 2006, dans lequel la ville rappelle :

" Comme l'indique le cahier de consultation, il est attendu de l'actuel occupant qu'il négocie de bonne foi la cession des équipements dont il entendrait se défaire, dans des conditions permettant la continuité du service public sans aucune interruption "

65. A la suite de l'intervention de la mairie de Paris, TDF adresse, le 10 octobre 2006, un courrier à towerCast, auquel sont annexées des listes d'équipements, dans lequel il précise :

" TDF n'a pas encore défini à ce stade, la liste des équipements qu'elle déciderait éventuellement de céder dans une telle hypothèse [à un nouvel occupant]. Il est évident que cette liste ne pourrait être établie qu'après une discussion approfondie avec le nouvel occupant. Cependant, si la cession de certains biens était envisagée, sous toutes réserves et sans que cela vaille engagement de TDF d'une quelconque manière, TDF n'exclurait pas de céder les équipements listés en annexe 3 qui pourrait être revue dans le cadre de négociations. Je souhaite toutefois attirer votre attention sur le fait que, selon nous, dans l'hypothèse du choix d'un nouvel occupant par la ville, il serait nécessaire d'envisager une solution d'utilisation par celui-ci des équipements antennaires sur la Tour qui resteraient propriété de TDF et dont TDF en assurerait l'exploitation, les relations entre opérateurs étant régies sur le site dans le cadre d'offres réciproques d'hébergement et de diffusion HF.

66. Dans un courrier adressé le 16 octobre à la ville de Paris, TDF écrit encore :

" Comme je vous l'avais indiqué précédemment, TDF considère que la continuité du service peut être assurée dans des conditions résultant de l'application du droit des communications électroniques sans qu'il soit nécessaire de procéder à la cession d'équipements de communication comme ceux évoqués par towerCast.

Afin de faciliter l'information que vous sollicitez à l'égard de towerCast, je vous communique ci-joint, dans le prolongement de nos précédents courriers, des éléments relatifs à des équipements d'environnement qui figurent dans la liste que vous nous avez transmise (ventilation/climatisation, groupes électrogènes, transformateurs MT/BT, TGBT, monte charge, caméras de surveillance, détection incendie). Ces équipements permettent d'assurer la fourniture d'énergie et de climatisation nécessaires à l'activité de diffusion. Cependant, TDF est bien sûr prête à assurer elle-même ces prestations pour le compte d'un éventuel nouvel occupant, dans le cadre d'un contrat de prestations de services.

L'évaluation globale, à ce stade, des équipements cités en annexe, intégrant le montant des travaux des aménagements réalisés sur le site, s'élève à environ 15 Meuro. Les autres équipements listés dans votre courrier en référence (aériens, feeders multiplexeurs RF) nous semblent pouvoir rester propriété de TDF, et être traités vis-à-vis d'un éventuel nouvel occupant du site par des offres d'hébergements et de diffusion HF. "

67. Puis, le 23 octobre suivant, TDF envoie le courrier suivant à la mairie de Paris :

" Etant entendu que nous considérons toujours que les équipements concernés cités ci-après doivent en toute hypothèse rester propriété de TDF, afin d'assurer dans les meilleures conditions la continuité des services. En conséquence le présent courrier ne peut pas être considéré comme un quelconque engagement de céder les équipements à un éventuel autre occupant du site. Notre évaluation globale, à ce stade des équipements suivants :

- Aériens TV analogique et TV numérique

- Aériens FM

- Feeders et guide d'ondes

- Multiplexeurs RF radio et TV

est de l'ordre de 12 Meuro.

Ce montant tient compte de la valeur des matériels intégrés dans un environnement exceptionnellement complexe, et de la conception et l'ingénierie de ces matériels uniques. "

68. Le 3 novembre 2006, la mairie de Paris demande à TDF de bien vouloir lui transmettre tout document explicitant les montants proposant et les situant par rapport à la valeur nette comptable des équipements.

69. La saisissante réagit à ces propositions dans un courrier adressé à TDF, daté du 23 novembre 2006 :

" La continuité de ce service n'est techniquement envisageable que si une partie des équipements de diffusion déjà installés sur le site de la Tour Eiffel sont cédés par TDF au futur occupant du domaine public, dont notamment l'ensemble des systèmes antennaires de diffusion radio et de télévision numérique ou analogique, l'ensemble des systèmes de multiplexage, les équipements électriques et les groupes de froid. "

La société towerCast se réfère dans ce même courrier à un courrier de la mairie de Paris en date du 4 octobre 2006, selon lequel " "pour des questions d'encombrement, de poids sur les structures de la Tour mais aussi esthétiques et donc de validation par les ABF, il est a priori exclu d'installer de nouveaux chemins de câble allant du sol au sommet", et ajoute qu'" il en est de même des systèmes antennaires, qui ne peuvent être dupliqués sans entraîner d'importantes dégradations de la qualité de service de la radiodiffusion ".

S'agissant du prix de 27 Meuro proposé par TDF, towerCast écrit :

" Nous sommes très surpris par ce montant qui excède la valeur d'équipements de diffusion similaires à l'état neuf. Votre estimation nous paraît d'autant plus surprenante que certains des équipements concernés sont vieux de plus de 15 ans et ont donc été largement amortis. De surcroît, une partie de ces équipements concerne la diffusion de la télévision analogique, dont le gouvernement a programmé l'arrêt en 2011.

Par ailleurs, un prix de cession aussi élevé ne nous permet pas de soumettre une offre de redevance compétitive et de présenter un compte d'exploitation équilibré dans le cadre de l'appel à candidatures lancé par la mairie de Paris.

Afin de comprendre les raisons qui justifieraient votre proposition de prix, nous vous prions de bien vouloir nous communiquer les éléments suivants :

- un inventaire exhaustif et détaillé des équipements concernés par cette proposition (y compris les pièces de rechange). A cet égard, les éléments communiqués dans votre lettre du 10 octobre dernier sont trop vagues pour nous permettre d'évaluer leur valeur ;

- les principales caractéristiques techniques de chacun de ces équipements (marque, puissance, date de mise en service, conditions de garantie) ;

- le prix et la valeur nette comptable de chacun de ces équipements, qui vous ont déjà été demandés par la mairie de Paris dans sa lettre du 3 novembre dernier (cf. lettre jointe en annexe ci-après). "

70. TDF précise dans un courrier qu'elle adresse à la mairie de Paris le 24 novembre 2006 :

" Ces estimations sont fondées sur une évaluation de la valeur nette économique des biens concernés (y compris tous les travaux d'aménagements du site associés). Celle-ci est établie à partir de la valeur de remplacement réévaluée à fin 2005 de ces biens en prenant en compte un amortissement économique sur la durée de vie économique de ces biens. Cette méthodologie s'apparente à la méthode dite des "coûts de remplacement" communément utilisée par les économistes et les Autorités Nationales de Régulation des Communications Electroniques pour calculer les annuités de rémunération des investissements (amortissements et rémunération du capital). Elle a par ailleurs été validée par les Commissaires aux Comptes de TDF fin 2002. Les modalités de calcul de la valeur nette économique des biens sont précisées en annexe.

• La valeur de remplacement réévaluée à fin 2005 des biens a été établie en prenant en compte les coûts nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre soit les systèmes antennaires, soit les équipements d'environnement du site, coûts estimés aux conditions économiques de 2005.

• Sur la base des calculs établis selon la méthodologie visée ci-dessus, la valeur nette économique des systèmes antennaires TV et FM (aériens TV analogique, TV numérique et FM, feeders et guide d'onde, multiplexeurs RF radio et TV) a été estimée à environ 12 Meuro et la valeur nette économique des équipements d'environnement (ventilation/climatisation. groupes électrogènes, transformateurs MT/BT, TGBT, monte charge, caméras de surveillance, détection incendie, y compris aménagements du site associés) a été estimée à environ 15 Meuro.

Ces valeurs nettes économiques sont supérieures aux valeurs nettes comptables calculées sur la base soit d'amortissement dégressif, soit d'amortissement linéaire c'est-à-dire sur la base de méthodes certes pertinentes d'un point de vue comptable, mais non pertinente d'un point de vue économique. "

Cette lettre est accompagnée d'une annexe décrivant les modalités de calcul de la valeur nette économique des biens et précisant :

" La formule de valorisation (A) présuppose que la durée de vie réelle du bien est égale à la durée de vie moyenne pour le domaine technique considéré. Dans la réalité, les durées de vie réelles font l'objet d'une grande dispersion et ce n'est pas parce qu'un bien a éventuellement dépassé la durée de vie moyenne de son domaine technique (durée de vie économique) qu'il a une valeur économique nulle, même si, dans les comptes de l'entreprise, sa valeur nette comptable peut être nulle.

Lorsque l'on applique cette méthode au cas particulier d'un parc de biens existants, autant il est logique d'appliquer une durée de vie moyenne pour celle des futurs biens de renouvellement, autant il faudrait normalement tenir compte de la réalité en matière de durée de vie réelle individuelle des biens à estimer.

Dans le cas d'un parc comprenant de nombreux biens dont la nature et les durées de vie résiduelles sont très dispersées, même lorsqu'il s'agit du même domaine technique, il nous semble raisonnable de considérer qu'en moyenne la durée de vie résiduelle est égale à la moitié de la durée de vie économique du domaine technique considéré.

Ceci revient à appliquer la formule de valorisation explicitée plus haut, en prenant, pour chaque domaine, un âge égal à la demi-durée de vie économique du domaine, cette durée de vie étant celle validée par les commissaires aux comptes de TDF lors de la mise en place des comptes IFRS. "

71. TDF adresse également le 30 novembre 2006 à towerCast un courrier dans lequel elle insiste à nouveau sur le fait que la continuité du service n'impliquerait nullement la cession des biens de TDF à un nouvel occupant mais " peut être assurée selon différentes modalités, notamment au travers d'offres d'hébergement ".

72. Entendus par les rapporteurs le 2 avril 2007, les représentants de TDF ont déclaré, s'agissant de l'existence de solutions alternatives à la cession : " Il aurait pu y avoir une solution dans laquelle towerCast aurait hébergé les équipements de TDF sur le site (notamment le système antennaire). La location des équipements de TDF, de manière temporaire (dans le cas d'un renouvellement) ou sur une longue durée, était aussi une solution. Ces différentes possibilités existaient aussi en matière d'énergie (sous-traitance à TDF ou à un fournisseur d'énergie). Les contraintes de sécurité ou de continuité existent pour toutes les solutions. Quand nous avons renouvelé les antennes, nous avons ainsi dû prévoir des modalités de changement échelonné. Ces contraintes peuvent être satisfaites s'il y a un seul ou plusieurs opérateurs sous réserve de leur professionnalisme et de leur habilitation en termes de défense. Il n'y a pas eu de discussion autour de ces solutions avec la ville et towerCast. towerCast n'a pas semblé envisager de solutions alternatives à la cession ".

73. Au sujet de la valorisation des équipements, les représentants de TDF ont déclaré lors de cette même audition : " Nous n'avons pas le système d'informations qui nous permette de calculer précisément les coûts courants économiques. Mais nous avons procédé à une estimation approchée, en tenant compte des âges réels et nous avons obtenu respectivement 12,4 et 10,9 millions d'euro pour les équipements liés à l'hébergement et les équipements de diffusion HF. Dans la méthode des coûts courants, on valorise automatiquement à zéro les biens dont l'âge est supérieur à leur durée de vie moyenne relative à ce type d'équipement. Une meilleure estimation consisterait à tenir compte de la véritable durée de vie résiduelle de ces biens. Compte tenu du fait que nous n'avions pas la possibilité de faire cette estimation équipement par équipement, il nous avait semblé que le fait de prendre une demi-durée de vie était une bonne estimation. En tout état de cause, le montant de 27 millions ne constituait pas une offre de prix de cession mais une estimation réalisée rapidement compte tenu des délais impartis et qui aurait pu être négociée une fois l'opérateur retenu ".

74. L'article 9 de la convention d'occupation domaniale signée le 13 février 2007 entre la mairie de Paris et TDF prévoit que " à l'échéance de la présente convention, en cas de non renouvellement de la concession au profit de l'actuel concessionnaire, la ville de Paris pourra exercer (...) un droit de reprise des investissements pour tout ou partie des équipements réalisés, à leur valeur économique. Cette indemnité, qui sera déterminée d'un commun accord entre les parties, ne pourra excéder un montant de 10 000 000 euro hors taxes (...). " Les représentants de la mairie de Paris, entendus par les rapporteurs le 26 mars 2007, ont déclaré au sujet de cette valeur de reprise : " Le plafond de 10 millions d'euro fixé pour ces reprises ne peut être comparé au montant de 27 millions d'euro proposé à towerCast. Il s'agit d'un plafond que nous nous sommes fixé dans un souci de sécurité financière. "

2. L'OFFRE DE GROS D'HEBERGEMENT FAITE PAR TDF A TOWERCAST POUR LE SITE DE LA TOUR EIFFEL

75. Comme évoqué par towerCast dans sa saisine, le CSA a lancé un appel à candidatures pour le renouvellement des autorisations relatives aux fréquences radio FM sur le site de la Tour Eiffel. A l'occasion de ces renouvellements de fréquences, les radios sont en mesure de conclure de nouveaux contrats de diffusion avec les diffuseurs présents sur le site d'émission qu'elles souhaitent utiliser. Dans cette perspective, towerCast a demandé à TDF de lui proposer une offre de gros d'hébergement sur le site de la Tour Eiffel.

76. towerCast, qui se plaint à nouveau de la lenteur avec laquelle TDF aurait accepté de lui communiquer ces informations, dénonce également un effet de ciseau tarifaire, le prix des prestations demandé par TDF ne lui permettant pas de proposer dans des conditions économiques satisfaisantes aux radios des offres attractives au prix du marché.

a) Le renouvellement des fréquences radios FM

77. Entre 2006 et 2008, les autorisations de nombreux services de radio, portant sur 1 600 fréquences environ, soit 57 % du total des fréquences FM affectées aux radios privées, arrivent à échéance. En ce qui concerne plus précisément le CTR de Paris pour la région Ile-de-France et le département de l'Oise, le CSA a annoncé le 7 novembre 2006 un appel à candidatures. Les dossiers de candidatures des radios devaient être remis avant le 18 décembre 2006 et devaient entre autres contenir les caractéristiques générales du service et les caractéristiques techniques d'émission. Le 20 mars 2007, le CSA a décidé de la liste des candidats admis à concourir dans le cadre de l'appel à candidatures. Le 10 mai 2007, le CSA a finalement présélectionné les candidats à une fréquence FM dans le ressort du CTR de Paris. En ce qui concerne Paris, 38 candidats ont été présélectionnés pour 33 fréquences (certaines radios partagent une fréquence).

78. Les candidats présélectionnés ont alors disposé d'un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre de notification de leur présélection pour remettre un dossier de candidature éventuellement amendé et indiquer le ou les site(s) de diffusion choisi(s) qui doit(vent) faire l'objet d'un agrément du CSA. A cette occasion, le candidat devait également préciser, à titre indicatif, le nom d'un diffuseur éventuel. Ensuite, à l'issue d'un délai de huit semaines à compter de la notification de la décision de présélection, le CSA et les radios signeront une convention portant sur les caractéristiques des programmes diffusés par les radios. Le CSA délivrera alors les autorisations, celles-ci étant données sous réserve du début effectif de l'exploitation du service dans un délai de trois mois à compter de la date d'entrée en vigueur de l'autorisation. Faute de réalisation de cette condition, le CSA peut constater la caducité de l'autorisation.

79. Le CSA a retenu la nuit du 3 au 4 septembre pour l'entrée en vigueur des autorisations, date à laquelle sera donc lancée la mise en service des programmes radiophoniques sur les fréquences autorisées.

b) La question de la prestation d'hébergement de towerCast par TDF sur le site de la Tour Eiffel

80. Comme exposé ci-dessus aux paragraphes 20 à 25, le CSA a considéré que la solution la plus adaptée aux problèmes de réception constatés dans l'est parisien était le regroupement du plus grand nombre possible de médias sur la Tour Eiffel. Consulté par la ville de Paris au sujet du renouvellement de la convention d'occupation domaniale du site de diffusion de la Tour Eiffel, il a donc conseillé à la ville d'exiger du futur occupant qu'il héberge des diffuseurs concurrents sur ce site. La ville de Paris a, en conséquence, précisé à l'article 2.5.2 du cahier de consultation, que " le droit d'utilisation des emplacements sur la Tour Eiffel [...], qui sera accordé à l'occupant pour lui permettre d'y exploiter ses installations, ne pourra lui garantir, [...], aucune exclusivité dans le domaine des liaisons sans fil auxquelles la tour est susceptible de servir de support, qu'elles intéressent notamment la radio, la télévision, les communications électroniques, les relations hertziennes ou autres. La Tour Eiffel constituant un point haut difficilement réplicable, le futur occupant exposera les mesures prises pour permettre l'accès à ses concurrents notamment dans le marché de gros des services de diffusion audiovisuelle (marché 18) et de diffusion radiophonique ".

81. C'est dans ce contexte que l'offre détaillée adressée le 31 octobre par TDF à la mairie de Paris, assurait à l'article 6.1.2.:

" TDF ne dispose pas actuellement d'offre type pour l'accès d'opérateurs tiers aux sites qu'elle exploite s'agissant de la fourniture de service de diffusion autres que la diffusion TNT.

Toutefois, s'agissant du site de la Tour Eiffel et compte tenu de l'importance du plan de redéploiement des fréquences FM par le CSA connu sous le nom de FM 2006, TDF entend anticiper le traitement de toute demande d'accès qui serait faite par un de ses concurrents à des fins de diffusion de programmes radio en FM. Elle a donc mis au point l'ensemble des éléments techniques, économiques et juridiques qui lui permettent de présenter une offre sur mesure répondant aux exigences et aux particularités du site complexe de la Tour Eiffel. TDF s'engage donc, dès à présent, à répondre à une demande d'accès dans le cadre d'une offre adaptée aux conditions particulières du site, notamment celles qui portent sur sa sécurité et à transmettre copie de cette offre à l'ARCEP. "

82. Au final, l'article 11 de la convention d'occupation domaniale signée le 13 février 2007 entre la mairie de Paris et TDF stipule :

Article 11 - non exclusivité et accueil des opérateurs

11.1 NON EXCLUSIVITE

Le droit d'utilisation des emplacements sur la Tour Eiffel visés à l'annexe 1, accordé à la société occupante pour lui permettre d'y exploiter ses installations ne lui confère, dans le cadre des rapports contractuels résultant de la présente convention, aucune exclusivité dans le domaine des liaisons sans fil auxquelles la Tour est susceptible de servir de support, qu'elles intéressent notamment la radio, la télévision, les communications électroniques, les relations hertziennes ou autres.

11.2 ACCUEIL DES OPERATEURS TIERS

La société occupante s'engage à répondre favorablement à toute demande d'accès pour l'exercice d'activités de communication électronique, intégrant, le cas échéant, l'hébergement dans les locaux, émanant d'un opérateur tiers et à mettre en œuvre les moyens nécessaires dans la mesure des possibilités techniques. La société occupante répondra aux demandes d'accès par une offre adaptée sur mesure et transmettra copie de cette offre à l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP) et à la ville de Paris dans le respect du secret des affaires.

83. Lors de leur audition du 26 mars 2007, les représentants de la mairie de Paris ont déclaré : " Le CSA nous avait demandé s'il n'était pas possible d'accueillir plus de diffuseurs sur le site de la Tour Eiffel. Lors de notre première rencontre avec l'ARCEP, leur souci était d'obtenir des garanties pour ouvrir le marché. Nous avons donc intégré une clause d'accès aux activités de " communications électroniques " (donc non limité au champ du numérique terrestre) dans le cahier des consultations (point 2.5.2.) et dans le contrat définitif (article 11) ".

84. Dans ce contexte et celui du renouvellement des autorisations de fréquences des radios FM privées d'Ile-de-France, towerCast a transmis un " cahier des charges " à TDF, le 10 avril, précisant notamment qu'elle souhaitait " un local dédié ". Le 27 avril 2007, TDF répond en exprimant des réserves quant au caractère techniquement raisonnable d'une demande de salle dédiée mais ajoute : " comme vous l'avez demandé, nous avons cependant recherché la mise en œuvre d'une salle dédiée dans la limite actuelle de capacité de ce site. Cette réalisation nécessitera des travaux et des réaménagements ".

85. La proposition de 6 pages jointe à ce courrier, non financière, mentionne la possibilité de mettre à la disposition de towerCast une salle dédiée. Il s'agit soit d'une surface de 14m2, soit d'une surface de 27m2 nécessitant une extension, l'abattage d'une cloison et le déménagement de l'atelier de réparation de TDF, ainsi que d'une arrivée d'eau glacée pour le refroidissement. Elle précisait également qu'une étude complète d'implantation et de réalisation, basée sur les besoins effectifs de towerCast, était nécessaire, pour un tarif de 7 874 euro HT, ainsi que des études de raccordement au système antennaire pour chaque fréquence, pour un tarif de 1 555 euro HT pour une fréquence initiale et 363 euro HT par fréquence supplémentaire. Elle ajoutait que TDF réaliserait ces études sur commande dans un délai maximum d'un mois.

86. Le 4 mai 2007, TDF adresse à towercast des " documents d'expression de besoin qui vous permettront de commander les études d'implantation et de réalisation ainsi que les études de raccordement au système antennaire dans le cadre de l'Offre Sur Mesure (OSM) d'accès FM au site de la Tour Eiffel ", puis une première offre sur mesure non chiffrée est transmise par TDF le 11 mai.

87. Dans sa réponse du 15 mai 2007, towerCast se plaint notamment de ne toujours pas être en mesure de proposer ses services aux éditeurs des radios diffusées ou qui seront diffusées à compter de septembre 2007, depuis le site de la Tour Eiffel. Elle reproche à TDF de n'avoir pas encore précisé le coût des travaux de mise à disposition d'une salle dédiée ni la date à laquelle ces travaux pourraient être envisagés ne sont explicités, d'avoir prévu des sorties d'eau glacée et non d'air, et constate que " les frais d'études réclamés nous semblent d'un montant très élevé, alors même que l'immense majorité des fréquences concernées sont d'ores et déjà diffusées depuis la Tour Eiffel dans des conditions identiques (en l'état de notre connaissance de la procédure de renouvellement des fréquences) et que ce sont donc des systèmes de diffusion et de multiplexage qui ne seraient pas modifiés Les fréquences qui ne sont pas actuellement diffusées par TDF depuis ce site sont au nombre de 3 seulement (97.4 - 90.9 et 89.9), et nécessitent en effet une étude ; pour le reste, il s'agit de modifications de PAR qui ont généralement été d'ores et déjà anticipées par TDF. Le délai de réalisation de ces études est d'un mois, ce qui pourrait entraîner la communication de ces éléments de façon tardive, alors que les clients concernés par le plan FM 2006 auront d'ores et déjà dû choisir leur diffuseur, puisqu'ils disposent de 15 jours pour répondre au CSA après l'imminente publication de la liste des radios présélectionnées ".

88. Le 16 mai, TDF joint l'annexe 1 de l'offre sur mesure, qui comporte, outre le rappel des tarifs " études " déjà mentionnés ci-dessus, les éléments financiers suivants :

• mise à disposition d'une salle dédiée de 14 m2 : 42 000 euro HT

• mise à disposition d'une salle dédiée de 27 m2 : 81 000 euro HT

• par fréquence, en sus de la mise à disposition, de la salle dédiée (pour une diffusion avec un émetteur de puissance nominale de 10 KW : 125 000 euro HT

• par fréquence, en sus de la mise à disposition de la salle dédiée (pour une diffusion avec un émetteur de puissance nominale de 4 KW) : 80 000 euro HT

• l'accompagnement des personnels de towerCast demandant l'accès au site : entre 321 euro HT et 491 euro HT, selon le jour et l'heure, pour les accompagnements n'entrant pas dans le cadre du forfait de base.

89. Le coût des travaux est précisé par TDF dans un mail du 25 mai : " nous vous avons également alerté sur le coût des travaux potentiellement élevé qui serait généré en cas de commande de votre part de cette OSM. Cependant, afin que vous puissiez répondre aux demandes des différentes radios et malgré l'incertitude et l'élasticité de vos besoins, nous souhaitons vous transmettre les précisions suivantes pour cette OSM :

> le prix annuel révisable du m2 de salle dédiée est de 3 000 euro HT. La surface retenue serait la surface de la salle dédiée qui serait mise à disposition de towerCast.

(...)

De plus, comme nous vous l'avons indiqué dans nos précédents courriers et de nouveau par téléphone le 23 mai ainsi qu'à Monsieur Padrig Mahé (le 23 mai également, lors de notre réunion en vos murs), le montant des travaux spécifiques à réaliser est conséquent et doit nécessairement être pris en considération.

(...)

> salle dédiée de 14 m2 ; le coût des travaux à effectuer (y compris ingénierie) se situerait a priori dans une fourchette de l'ordre de 200 keuro HT à 300 keuro HT (hors adductions avec le prestataire de télécommunication retenu par towerCast et sur la base d'un refroidissement à eau).

> salle dédiée de 27 m2 : le coût des travaux à effectuer (y compris ingénierie) se situerait a priori dans une fourchette de l'ordre de 300 keuro HT à 400 keuro HT (hors adductions avec le prestataire de télécommunication retenu par towerCast et sur la base d'un refroidissement à eau).

( ...)

Par ailleurs, concernant votre demande de déploiement d'émetteurs à refroidissement à air comme nous vous l'avons précisé, notre proposition de refroidissement à eau est la seule qui nous apparaît comme techniquement la plus adaptée pour ce site dans votre salle dédiée. Nous allons cependant rechercher de nouveau la possibilité de solutions alternatives de refroidissement. ".

90. La réunion qui s'est tenue le 29 mai entre TDF et towerCast a permis de préciser plusieurs points :

• Les sociétés towerCast et TDF ont reconnu que les éléments de marché disponibles ne permettaient pas à towerCast de commander l'étude d'hébergement ad hoc et donc à TDF de la réaliser,

• towerCast a modifié à l'occasion de cette réunion sa demande exclusive de salle dédiée, précisant qu'une salle commune pouvait être envisagée et demandant d'une part si les travaux d'aménagement seraient moins élevés pour une installation dans une salle commune. TDF a alors précisé que les travaux dans une salle commune pourraient se révéler tout aussi importants.

• TDF a insisté sur le fait que les montants transmis ne consistaient d'ailleurs en rien en une certitude mais avaient été communiqués à titre indicatif, afin de permettre à towerCast de prendre en compte ces éléments dans ses réponses commerciales.

• towerCast a également demandé si le prix du m2 de la salle dédiée pouvait être extrapolé pour des locaux communs. TDF a précisé que le prix du m2 avait été transmis à towerCast à cet effet.

• towerCast a alors demandé si une solution de salle dédiée était plus simple à mettre en œuvre et TDF a répondu que la demande initiale de salle dédiée était sans soute la plus rationnelle à mettre en œuvre en dehors des questions de faisabilité qui restent à déterminer.

91. Le 22 juin 2007, la société towerCast transmet un nouveau courrier à TDF dans lequel elle rappelle les conditions financières de l'offre d'hébergement reçue. Selon elle, le coût de la prestation de diffusion pour 10 radios (8 à une PAR de 10 KW et 2 à une PAR de 4KW) s'élèverait, sur la base de cette offre, à 1 294 000 euro HT de charges par an et 204 000 euro HT d'amortissement par an. Or, elle estime que le prix de marché demandé aux radios pour la diffusion d'une fréquence s'élève aux environs de [SECRET d'AFFAIRES]. Elle en conclut donc que la marge de manœuvre qui lui est laissée pour la couverture de ces coûts propres (coût d'acquisition des émetteurs et frais de personnel) est " réduite à néant ", générant des marges d'exploitation négatives qu'elle évalue entre 24 et 28 % par fréquence diffusée selon la puissance des radios. Elle ajoute : " Or TDF, en sa qualité de diffuseur, propose d'ores et déjà des offres commerciales et souligne à ses clients et prospects la nécessité pour eux de signer au plus vite leurs nouveaux contrats de diffusion, de telle sorte qu'ils soient opérationnels le 3 septembre prochain. Plusieurs éditeurs ont indiqué à towerCast que les prix proposés aujourd'hui par TDF étaient en baisse par rapport à ceux pratiqués jusqu'à aujourd'hui. Ces informations communiquées spontanément, de provenances variées, sont cohérentes et donnent une indication fiable de ce qui se déroule actuellement sur le marché de la Tour Eiffel ". Elle demande en conséquence à TDF de revoir significativement les conditions de son offre et rappelle qu'elle est toujours en attente d'informations sur la faisabilité d'une mise en service d'émetteurs refroidis à air, et de l'impact, sur le chiffrage du montant des travaux d'aménagement, d'une salle de l'installation des équipements de towerCast dans une salle commune.

92. Dans le cadre du complément d'instruction auquel il a été procédé en application de la décision 07-S-02 du 26 juin 2007, une dizaine de radios FM diffusées dans la région parisienne ont répondu au questionnaire qui leur avait été transmis. Toutes ont répondu être en cours de négociation avec TDF pour le renouvellement de leur contrat de diffusion depuis le site de Tour Eiffel et ont affirmé n'avoir reçu aucune proposition de la part de towerCast. Pour une radio, le site de diffusion précédent n'était pas la Tour Eiffel mais le diffuseur était déjà TDF (depuis les Mercuriale). Les radios ont déclaré que le prix proposé par TDF était de 195 000 euro pour 10 KW et de 125 000 euro pour 4 KW, en baisse, pour une puissance 10 KW, de 10 000 à 35 000 euro selon les cas par rapport aux prix des contrats en cours qu'elles indiquent par ailleurs.

93. La radio " Rires et chansons " actuellement diffusée par towerCast depuis le 3ème étage de la Tour Eiffel, déclare que, conformément au plan de fréquence du CSA du 7 novembre 2006, elle bénéficie d'une augmentation de puissance de 1 à 4 KW afin de pallier l'arrêt de l'émetteur de Montlhéry-Longjumeau et que faute d'une offre de towerCast en 4KW, elle négocie actuellement avec TDF qui avait indiqué le 30 juin comme date butoir pour un début de la prestation de diffusion au 3 septembre.

94. L'éditeur exploitant Radio Nova et TSF Jazz indique que " TDF souhaite une réponse rapide sans cependant préciser d'autre date limite que celle d'entrée en vigueur des autorisations. Le cas de TSF qui suppose l'arrivée de la radio sur ce site, est différent et TDF souhaite avoir un bon de commande avant août. TSF n'étant pas actuellement diffusée depuis ce site, le diffuseur sera confronté à des délais de commande et d'installation des équipements, ce qui constitue une raison objective de signer rapidement. Cependant, une autre raison invoquée est la disponibilité de la place. Il nous a été indiqué que la faisabilité d'une prestation à un instant T n'était pas une garantie de faisabilité ultérieure, et qu'il convenait de réserver sa place rapidement, les choses pouvant évoluer selon les contrats des autres clients (...) ".

95. Lagardère Active (Europe 1, Europe 2 et RFM) a indiqué qu'il souhaitait s'auto-diffuser et s'était rapproché de TDF, sans succès ("Par ailleurs, nous avons sollicité de TDF la transmission de son offre d'hébergement, dans le cadre d'une éventuelle diffusion de nos radios par notre département diffusion FM, offre non reçue à ce jour").

96. L'éditeur des radios Skyrock et Chante France (actuellement diffusée par towerCast depuis le 3ème étage de la Tour Eiffel) déclare n'avoir reçu qu'une proposition, émanant de la part de TDF, Antalis TV n'ayant pas répondu à sa demande d'accueil sur site, et ajoute " TDF nous demande de signer un contrat 3 mois avant la date de mise en service (début septembre), alors que nous avons reçu les propositions fin mai, il ne restait que quelques jours pour négocier ce contrat. Le prix demandé par TDF pour la diffusion de Chante France est celui de 4 KW et représente une augmentation de près de 100 % par rapport au prix de contrat actuel avec towerCast pour 1 KW ".

97. TDF confirme, dans sa réponse au questionnaire du 26 juin 2007, avoir adressé des propositions à l'ensemble des radios concernées par l'appel à candidatures du CSA, ainsi que les propositions tarifaires faites aux radios. Elle déclare avoir reçu en retour deux propositions signées à la date du 26 juin 2007. Par ailleurs, elle fournit les tarifs facturés actuellement aux radios dans le cadre des contrats en cours, données qui font apparaître un tarif moyen inférieur à celui proposé aux radios dans le cadre du renouvellement en cours, même si, pour 8 radios le tarif 2007 représente une baisse de l'ordre de 15 000 euro en moyenne.

98. Par ailleurs, dans le cadre de cette instruction complémentaire, towerCast a fourni des comptes de résultats qui, compte tenu des prix de marché pour la diffusion des radios, font apparaître une marge nette négative pour la diffusion d'une radio, que la durée d'amortissement des investissements retenue soit celle des contrats conclus avec les éditeurs (5 ans), ou bien une durée de 10 ans. Pour la diffusion de 10 radios, la marge nette évaluée par towerCast est également négative dans les deux cas.

99. TDF a fourni les informations complémentaires suivantes :

• TDF déclare que pour valider les conditions tarifaires de son offre sur mesure de la Tour Eiffel, TDF avait réalisé une étude dite " retail minus " afin de vérifier que les prix pratiqués par TDF, ainsi que les tarifs des prestations de gros fournies par TDF (accès au système antennaire, hébergement dans un local dédié, travaux d'aménagement...) laissent à un opérateur économique un espace suffisant pour fournir une prestation de diffusion et que les coûts modélisés de l'opérateur alternatif sont alors composés des coûts des émetteurs, de télégestion et de maintenance. Cette étude a été réalisée sur la base de deux hypothèses de volumétrie : 8 points de service 10 KW dans le 1er scénario et 2 points de service 4 KW + 6 points de service 10 KW dans le second scénario.

• Les résultats de cette étude sont récapitulés dans le tableau suivant :

<emplacement tableau>

II. Discussion

A. SUR LE CHAMP DE LA SAISINE

100. TDF soutient que les faits relatifs à la négociation d'une offre d'hébergement sur le site de la Tour Eiffel, décrits ci-dessus aux paragraphes 75 et suivants, sont sans rapport avec les faits reprochés à TDF dans sa saisine. Le Conseil n'en serait donc pas régulièrement saisi.

101. Toutefois, dans sa saisine du 16 février 2007, towerCast dénonçait devant le Conseil les pratiques mises en œuvre par TDF à l'occasion de l'appel d'offres lancé par la mairie de Paris pour le renouvellement de la convention d'occupation domaniale du site de diffusion hertzien de la Tour Eiffel mais aussi leur effet sur les marchés de gros aval de la diffusion hertzienne des radios FM et de la télévision analogique et numérique, dans la mesure où elle soutenait que, faute d'avoir été sélectionnée par la mairie de Paris, elle ne serait pas en mesure de faire, sur ces marchés des offres compétitives par rapport à celles de TDF sur le site de la Tour Eiffel. La société towerCast mentionnait en particulier l'importance et la proximité de l'échéance constituée par l'appel d'offres que le CSA s'apprêtait à lancer pour le renouvellement des fréquences sur la région Ile-de-France.

102. Surtout, dans les observations déposées devant le Conseil le 4 juin 2007, towerCast portait à l'attention du Conseil les faits intervenus depuis le mois de mars 2007 et faisait valoir que les atermoiements de TDF ainsi que le coût prohibitif des travaux jugés nécessaires la plaçaient dans l'impossibilité de proposer aux radios privées FM une offre de diffusion depuis la Tour Eiffel. Elle demandait, en raison de ces pratiques nouvelles, des mesures conservatoires supplémentaires de nature à déverrouiller le marché de la diffusion radio FM. Le Conseil est en conséquence régulièrement saisi des faits concernés.

103. Enfin, TDF a pu prendre connaissance des observations de towerCast et y répondre le 13 juin 2007 par des observations complémentaires à celles qu'il avait produites le 4 juin. Elle a donc pu exercer ses droits de la défense sur l'ensemble des faits dénoncés par la saisissante.

B. SUR LES MARCHES PERTINENTS ET LA POSITION DE TDF SUR CES MARCHES

1. LE MARCHE DE L'APPEL D'OFFRES POUR LE RENOUVELLEMENT DE LA CONVENTION D'OCUPATION DOMANIALE DE LA TOUR EIFFEL LANCE PAR LA MAIRIE DE PARIS

104. En vertu d'une jurisprudence constante, un appel d'offres constitue en soi un marché (voir par exemple la décision n° 91-D-23 du 15 mai 1991 du Conseil de la concurrence, confirmée le 12 décembre 1991 par la Cour d'appel de Paris). Lors d'un appel d'offres sont en effet mis en présence, pour la fourniture d'un bien ou d'un service déterminé, le demandeur et les entreprises qui répondent à l'appel d'offres.

105. Par ailleurs, au cas présent, towerCast indique que la société TDF est détentrice de certaines informations, concernant les équipements présents sur le site de la Tour Eiffel, incontournables pour la constitution de son offre.

106. Dans sa décision n° 06-D-27 du 20 septembre 2006 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés Autodistribution et AD Net à l'encontre de pratiques mises en œuvre par la société automobiles Citroën, le Conseil de la concurrence a souligné :

" En l'espèce, il n'est pas contesté que les informations techniques relatives aux véhicules d'une marque automobile ne sont pas substituables aux informations techniques d'une autre marque automobile et font l'objet de demandes spécifiques des éditeurs d'informations techniques, d'une part, et des réparateurs automobiles, d'autre part. Dès lors, il peut être raisonnablement présumé qu'il existe deux marchés : le marché caractérisé par la demande des réparateurs vis-à-vis des informations techniques de Citroën et le marché caractérisé par la demande des éditeurs d'informations techniques vis-à-vis des informations techniques de Citroën ".

107. Ainsi, il peut être retenu, à ce stade de l'instruction, qu'à l'intérieur du marché de l'appel d'offres, il existe un marché spécifique des informations détenues par la société TDF sur ses propres équipements.

108. Dans ses observations, TDF indique qu'il y a lieu d'analyser la situation concurrentielle sur ce marché de l'appel d'offres, non pas au regard des caractéristiques de l'exploitation de l'activité en cause mais au regard des caractéristiques de l'appel d'offres. En l'espèce, TDF souligne que deux candidats se sont déclarés auprès de la ville qu'ils étaient tous deux crédibles et apportaient toutes les garanties techniques et financières requises par l'entité concédante pour espérer être retenus à l'issue de la procédure de mise en concurrence. Pour la société TDF, le fait qu'elle bénéficiait d'une puissance significative au niveau national pour la diffusion de programmes télévisuels ne lui conférait donc aucun avantage dans le cadre de la procédure lancée par la ville de Paris pour l'occupation du site de la Tour Eiffel. De la même manière, TDF indique que " le fait d'être l'occupant en titre du site ne lui conférait pas une position dominante sur le marché de l'appel d'offres pour l'occupation du site ".

109. Toutefois, la Tour Eiffel présente, parmi l'ensemble des sites de diffusion hertzien, un caractère très spécifique lié notamment à l'exiguïté des locaux dédiés à la diffusion hertzienne, à la vocation touristique du site et à son utilisation pour la défense civile et nationale. Dans ces conditions, la société TDF, occupant historique des lieux, détenait nécessairement par rapport aux autres candidats, un avantage lié à sa connaissance des contraintes d'exploitation du site et des coûts y afférents. De plus, les nombreuses difficultés, notamment en termes de continuité du service public et de sécurité, que n'aurait pas manqué de susciter le remplacement de l'occupant historique par un nouvel occupant, étaient également de nature à conférer au précédent titulaire un avantage important. TDF détenait également des informations sur les équipements installés et leur valorisation, indispensables à l'élaboration d'une offre concurrente. Par ailleurs, c'est avec elle que la totalité des éditeurs de programmes radios et de programmes télévisuels, en mode analogique et en mode numérique, ont contracté pour la diffusion hertzienne de leurs programmes sur le site de la Tour Eiffel.

110. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que TDF est susceptible d'avoir occupé une position dominante sur le marché pertinent constitué par l'appel d'offres concerné et sur celui des informations relatives aux équipements installés et à leur valorisation sur le site de diffusion.

2. SUR LES MARCHES AVAL DE LA DIFFUSION

111. Dans sa saisine, towerCast indique que les marchés affectés par les pratiques de TDF sont le marché de la diffusion des programmes radiophoniques en mode FM, le marché de la diffusion de programmes télévisuels en mode analogique et le marché de la diffusion de programmes télévisuels en TNT.

112. Le secteur de la diffusion hertzienne a été analysé par le Conseil de la concurrence et par l'ARCEP dans le cadre de l'analyse des marchés menée en application de l'article L. 37-1 du Code des postes et communications électroniques (avis 06-A-01 du 18 janvier 2006 du Conseil et décision n° 06-0161 du 6 avril 2006 de l'ARCEP). Ces analyses ont été approuvées par la commission européenne. Dans ce cadre, ont été distingués les marchés de gros de service de diffusion de programmes radiophoniques en mode AM, en mode FM, et un marché de services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels (en mode analogique et diffusion numérique terrestre), ainsi qu'un marché de services de diffusion télévisuelle sur les réseaux filaires de câbles et d'ADSL. Géographiquement, ces marchés sont considérés comme étant de dimension nationale, ou locale.

113. De plus, les marché de gros " aval ", mettant en présence les radios, les chaînes (pour la télévision analogique) ou les multiplexes regroupant les chaînes (pour la télévision numérique), et un diffuseur ont été distingués des marchés de gros " amont ", sur lesquels les opérateurs de diffusion achètent, sur les zones sur lesquelles ils ne gèrent aucune infrastructure de diffusion, l'accès aux infrastructures d'un tiers afin d'y installer leurs propres équipements.

114. Les analyses citées ci-dessus ont conclu à la position dominante de l'opérateur historique TDF sur l'ensemble de ces marchés. En ce qui concerne le marché de la diffusion des programmes radiophoniques en mode FM, le Conseil de la concurrence constate dans son avis 06-A-01 du 18 janvier 2006 que sur ce marché, " TDF diffuse 60 % des fréquences exploitées en France, 30 % des fréquences sont auto-diffusées par les éditeurs, et towerCast diffuse 10 % ". Sur le marché de la diffusion de programmes télévisuels en mode analogique, il est noté dans le même avis que TDF est " de fait le seul acteur ayant une offre de diffusion pour l'ensemble des chaînes hertziennes analogiques " (avis précité du Conseil). Enfin, sur le marché de la diffusion de programmes télévisuels en TNT, TDF, après l'acquisition de la société Antalis réaliserait environ 80 % du chiffre d'affaires sur ce marché, devant towerCast.

115. Dans son avis du 26 avril 2007, le CSA confirme que :

" L'ARCEP a démontré, dans la décision n° 06-0160, que TDF dispose d'une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, comme le CSA l'a rappelé dans son avis du 13 février 2007.

La part du marché de la diffusion de télévision en mode numérique détenue par TDF s'est en outre renforcée avec le rachat d'Antalis. Sur ce marché, towerCast, à l'issue de la phase 5 de déploiement de la TNT, diffuse 87 fréquences à partir de 43 sites.

En matière de radio, towerCast assure près de 21 % de la diffusion des radios privées ".

116. Au vu de l'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas démentis par les pièces figurant au dossier, il y a donc lieu de considérer, à ce stade de l'instruction, que TDF est susceptible de détenir une position dominante sur l'ensemble des marchés de la diffusion hertzienne.

C. SUR LES PRATIQUES MISES EN OEUVRE DANS LE CADRE DE L'APPEL D'OFFRES DE LA MAIRIE DE PARIS POUR LE RENOUVELLEMENT DE LA CONVENTION D'OCCUPATION DOMANIALE DU SITE DE DIFFUSION DE LA TOUR EIFFEL

1. SUR LE MANQUE DE DILIGENCE DE TDF A FOURNIR LES INFORMATIONS RELATIVES AUX EQUIPEMENTS INSTALLES

117. Dans ses observations, la société TDF rappelle qu'afin de ne pas violer le principe d'égalité des candidats, elle a toujours communiqué à la ville les informations demandées, sauf lorsque celle-ci a invité TDF à répondre directement à towerCast. TDF souligne que, durant la consultation, ni le cahier de consultation, ni la ville en cours de consultation, n'ont autorisé les candidats déclarés à adresser directement des demandes à TDF. TDF précise par ailleurs que dans aucun de ses courriers, ni aucune de ses demandes, la ville n'a exigé de TDF qu'elle réponde à toutes les sollicitations de towerCast, la ville s'étant toujours posée comme l'intermédiaire entre les deux candidats. TDF affirme encore qu'en tout état de cause, elle a systématiquement et rapidement communiqué les informations demandées et que la ville n'a eu nullement besoin de faire pression sur elle pour obtenir cette communication. TDF soutient aussi que le nombre et le déroulement des visites sur site ont permis à towerCast d'obtenir toutes les informations utiles.

118. La manière dont ont été transmises les informations à towerCast, directement ou par l'intermédiaire de la ville de Paris, ne peut avoir créé par elle-même un effet d'éviction à l'égard de towerCast. En revanche, l'examen des échanges intervenus entre septembre et décembre 2006 montre que TDF a tardé à communiquer les éléments demandés.

119. Ainsi, dans un courrier du 18 septembre 2006, TDF, qui répond au courrier que towerCast lui a adressé le 13 septembre 2006 notamment, afin de se voir préciser la liste et le prix des actifs qu'elle envisagerait de céder, ne transmet pas à towerCast les informations demandées. Dans un courrier adressé le 28 septembre 2006 à TDF, la mairie de Paris soutient la demande de towerCast en précisant que " pour respecter le principe d'égalité entre les candidats ", il lui appartenait de communiquer à towerCast " les informations utiles à la procédure de renouvellement de la convention d'occupation ".

120. De même, par un courrier du 10 octobre 2006, si TDF apporte de premiers éléments de réponse, à savoir la liste des équipements, elle ne transmet aucun élément de prix. Dans un courrier adressé à TDF le 12 octobre 2006, la mairie de Paris, constatant l'absence de réponse de TDF sur ce point réitère sa demande. Par courriers du 16 et 23 octobre 2006, TDF apporte à la mairie de Paris les éléments d'information complémentaire demandés. Mais la mairie de Paris, dans un courrier du 3 novembre 2006, demande néanmoins à TDF d'expliciter les estimations de la valeur des équipements qu'elle pourrait céder.

121. Au total, alors que sa demande initiale date du 13 septembre, ce n'est que le 24 novembre que towerCast est en possession d'une estimation chiffrée de la valeur des équipements installés sur le site et de la méthode employée par TDF pour construire cette estimation.

122. Les échanges de courriers entre les deux sociétés montrent que towerCast a mis longtemps avant d'obtenir les premiers éléments nécessaires à la construction de son offre.

123. Or, le délai que TDF a imposé à towerCast pour lui transmettre une évaluation chiffrée exploitable, en réponse à sa demande d'évaluation d'un prix de cession de certains équipements, était de nature à réduire la capacité concurrentielle de la candidature de towerCast, déjà réduite par la position dominante occupée par l'occupant en place dans la mise en concurrence organisée par la ville de Paris.

2. SUR L'EXISTENCE D'AUTRES SOLUTIONS QUE LA CESSION DES EQUIPEMENTS.

a) La question de la réplicabilité des équipements

124. La société towerCast soutient dans sa saisine que certains équipements de TDF sur le site concerné, notamment les systèmes antennaires, constituent, faute d'être réplicables, une infrastructure essentielle : " les systèmes antennaires constituent une infrastructure essentielle puisque leur accès est nécessaire pour l'offre de services et la nécessité de la continuité du service d'émission empêche d'envisager leur remplacement ou la reproduction, par un nouvel entrant, des infrastructures déjà installées. En outre du fait de la configuration et de l'exiguïté des locaux, aucune autre alternative n'est envisageable, sans impact sur les clients finaux ".

125. L'ARCEP considère également que " techniquement il est possible de procéder au remplacement de l'intégralité des équipements. Toutefois ce remplacement peut être rendu difficile sur le plan opérationnel, du fait des contraintes de délai nécessaires à la réalisation des travaux de démontage des anciens équipements et d'installation des nouveaux équipements d'une part, et du niveau d'expertise et de savoir-faire requis pour procéder à un tel remplacement d'autre part ". En outre, l'ARCEP ajoute que compte tenu de la contrainte de continuité du service d'émission, les systèmes antennaires pourraient être qualifiés d'infrastructures essentielles.

126. TDF elle-même considère que : " du point de vue technique, il est clair qu'il n'y a pas de solution technique alternative immédiatement substituable pour une part importante du matériel (par exemple : antennes de télévision) même s'il en existe pour certaines parties (notamment en matière d'énergie) ". Elle souligne cependant qu'elle a elle-même procédé au remplacement de nombreux équipements sans mettre en péril la continuité du service. À l'occasion d'une visite du site par les représentants de l'ARCEP, TDF a ainsi indiqué que le remplacement des équipements était techniquement envisageable et précisé que la quasi-intégralité des installations de la Tour Eiffel avait fait l'objet d'un renouvellement au cours des dernières années (installations UHF en 2000, installation FM en 1999), avec la mise en place de solutions temporaires permettant d'assurer la continuité du service. L'ARCEP a également relevé que l'intégralité des équipements relevant de l'activité d'hébergement (équipements de production de froid, d'énergie etc.) fait l'objet d'une complète redondance et que, par ailleurs, concernant le système antennaire, il existait aussi une certaine redondance sur les feeders (mais non sur les diplexeurs). Enfin, l'ARCEP a noté que la structure des antennes UHF, assurant la diffusion de l'ensemble des chaînes analogiques et numériques, à l'exception de Canal+, permettait une certaine flexibilité ce qui rend possible leur changement tout en maintenant la continuité du service.

127. L'ARCEP constate que certains équipements peuvent être potentiellement ou raisonnablement remplacés (installations de climatisation, d'énergie, de télésurveillance et de détection incendie, valorisés par TDF à 15 Meuro) et que pour les autres, du fait de l'exiguïté des locaux, il serait difficile d'envisager leur remplacement ou leur reproduction par un nouvel entrant compte tenu de la contrainte de continuité du service d'émission (systèmes antennaires, valorisés par TDF à 12 Meuro).

128. Il ressort effectivement des éléments du dossier que la plupart des équipements installés sur le site de la Tour Eiffel ne sont pas duplicables du fait de l'exiguïté des lieux et des contraintes de poids. De plus, si le remplacement de ces équipements est techniquement possible, il le serait dans des conditions de délais incompatibles avec le calendrier de changement de titulaire envisagé par la ville de Paris et la contrainte de continuité du service public. Toutefois, et comme le souligne également TDF dans ses observations, le caractère essentiel, à le supposer établi, de certaines des infrastructures installées sur le site de diffusion de la Tour Eiffel ne justifierait pas pour autant que les infrastructures concernées doivent obligatoirement être cédées au nouveau titulaire de la convention d'occupation domaniale.

b) La question des solutions alternatives à la cession

129. TDF soutient que l'article 2.6.2. du cahier de la consultation ne peut être interprété comme obligeant le précédent occupant à céder ses actifs, la mention " dont il entendrait se défaire " indiquant que TDF peut garder sur cette question une entière liberté. Elle fait valoir qu'en pratique, d'autres solutions que la cession auraient pu être envisagées, notamment en ce qui concerne le système antennaire. TDF évoque ainsi la solution d'une location par towerCast des équipements concernés. Elle admet aussi qu'elle aurait pu conclure une convention pour être hébergée par towerCast tout en assurant la diffusion HF. Elle ajoute que dans l'hypothèse où towerCast aurait obtenu des contrats de diffusion avec des éditeurs, elle était prête à lui consentir un contrat de diffusion HF pour assurer, contre rémunération, la diffusion HF des fréquences concernées. Elle fait valoir qu'elle a évoqué l'existence de solutions alternatives à la cession dès le début des échanges, dans son courrier du 18 septembre 2006, mais que towerCast n'a jamais souhaité en discuter et a toujours soutenu que la cession était la seule solution envisageable.

130. Si sur un plan théorique, plusieurs solutions alternatives à la cession par TDF de ses équipements sont, en effet, envisageables pour un éventuel nouvel occupant, comme l'installation de ses propres équipements (avec comme solution temporaire la location des équipements de TDF), la location ou encore l'hébergement des équipements installés par TDF, ces options ne semblent pas pleinement opératoires. Ces solutions conduiraient towerCast à exercer son activité sur une part plus limitée de la chaîne de valeur, comme le note d'ailleurs l'ARCEP.

131. TDF objecte toutefois que les revenus que towerCast pouvait espérer tirer de son occupation du site de la Tour Eiffel n'étaient pas liés à la propriété des équipements et rappelle que TDF devait en tout état de cause continuer à assurer la diffusion des fréquences dans le cadre des contrats en cours avec les éditeurs, le changement d'occupant du domaine public ne pouvant avoir pour effet de l'évincer du site de diffusion. Elle estime que towerCast aurait pu augmenter ses revenus en concluant des contrats de location ou d'hébergement d'une durée inférieure à celle de la convention d'occupation domaniale.

132. Quoi qu'il en soit, la solution de l'hébergement par towerCast des équipements de TDF n'aurait pas permis de s'assurer du respect de l'article 2.5.2 du cahier de consultation qui dispose que " [...] la Tour Eiffel constituant un point haut difficilement réplicable, le futur occupant exposera les mesures prises pour permettre l'accès à ses concurrents, notamment dans le marché de gros des services de diffusion audiovisuelle (marché 18) et de diffusion radiophonique ".

133. TDF considère, pour sa part, que towerCast aurait pu garantir l'accès aux équipements installés sur le site, même sans en être propriétaire, en négociant les conditions de cette mise à disposition. Dès lors que TDF ne pouvait envisager de retirer ses équipements, il était loisible à towerCast d'imposer à TDF, dans la convention d'hébergement, une obligation de donner l'accès à ses équipements aux tiers.

134. Enfin towerCast estime que, faute d'être propriétaire des équipements, il n'aurait pu assumer l'obligation de continuité du service public qui incombe au titulaire de la convention d'occupation du domaine.

135. S'agissant de la solution qui aurait consisté pour towerCast à héberger les équipements antennaires de diffusion HF de TDF, a priori, le partage des fonctions entre hébergeur et diffuseur dans le cas où le site n'appartient pas au diffuseur, peut effectivement être effectué selon deux options pour la partie diffusion HF assurée par le système antennaire : soit ces équipements appartiennent en propre à l'opérateur de diffusion, soit l'émetteur du diffuseur est interconnecté avec le système antennaire de l'hébergeur. Toutefois, en l'espèce, le système antennaire installé sur la Tour Eiffel n'étant pas duplicable, tout diffuseur ayant conclu un contrat de diffusion avec un éditeur aurait dû, dans cette hypothèse, négocier avec TDF un contrat de diffusion HF, c'est-à-dire un contrat de partage du système antennaire de TDF. De ce fait, la solution de l'hébergement peut difficilement être considérée comme équivalente à celle d'une cession ou d'une location dans la mesure où elle limite à la fois pour towerCast l'intérêt d'être titulaire de la convention d'occupation domaniale, et, pour la collectivité, l'effet, en termes d'ouverture des marchés aval, du changement de titulaire de la convention. Une telle solution ne fait que reporter sur le système antennaire les questions relatives à l'accès au site et aux marchés aval de la diffusion hertzienne. TDF ne donne de ce point de point vue aucun argument de nature à démontrer que les problèmes qui seront abordés ci-dessous, s'agissant de l'accès des tiers, qu'il s'agisse de diffuseurs comme towerCast ou d'éditeurs désirant se diffuser eux mêmes, auraient pu être traités si la solution qu'il préconise avait été retenue.

136. D'ailleurs, il convient de noter que si TDF a, à plusieurs reprises, dans les courriers adressés à la ville ou à towerCast, mentionné que, selon elle, il existait d'autres solutions que la cession, les précisions apportées quant à ces solutions ne concernaient que l'hébergement : " notamment par l'hébergement des équipements sur le site " (courrier du 18 septembre), " pour nous, dans l'hypothèse du choix d'un nouvel occupant par la ville, il serait nécessaire d'envisager une solution d'utilisation par celui-ci des équipements antennaires sur la Tour qui resteraient propriété de TDF et dont TDF assurerait l'exploitation, les relations entre opérateurs étant régies sur le site dans le cadre d'offres réciproques d'hébergement et de diffusion HF " (courrier du 10 octobre).

137. S'agissant de la location par towerCast des équipements que TDF n'entendait pas céder, il peut être admis que les mérites de cette solution, non explicitement mentionnée par TDF dans les échanges antérieurs au choix de la ville, mais mise en avant postérieurement dans le cadre de la procédure devant le Conseil, apparaissent, en première analyse, comparables à ceux d'une cession. Notamment, les questions de responsabilité, s'agissant de l'obligation de continuité du service public ou d'accès au tiers, ne se présentent pas de façon sensiblement différente dans le cas d'une cession ou d'une location, la gestion de ces questions pouvant être transférée entièrement au locataire. La location présentait par ailleurs l'avantage de pouvoir être conclue pour une durée inférieure à celle de la convention, en tenant compte du rythme envisagé par towerCast pour l'installation d'équipements de remplacement. De fait, l'équilibre du plan d'affaires de towerCast ne pouvait être modifié substantiellement par la substitution de loyers aux amortissements relatifs au prix d'acquisition. Toutefois, l'évaluation du montant des loyers, indispensable à la construction d'une offre par towerCast, passait obligatoirement par l'élaboration d'une liste précise des équipements concernés et leur valorisation, le loyer d'un bien étant lié à la valeur de ce dernier. Dans ces conditions, d'une part, le délai que TDF a jugé nécessaire pour transmettre à towerCast une évaluation chiffrée exploitable de la valeur des équipements ne laissait plus à towerCast le temps d'explorer l'hypothèse d'une location, et d'autre part, la question du niveau jugé excessif de cette valorisation se posait, dans le cas d'une cession comme dans celui d'une location.

3. SUR LE CARACTERE EXCESSIF DU PRIX DE CESSION DEMANDE PAR TDF

138. TDF a fourni à l'appui de ses observations une étude économique qui défend la pertinence de la méthode d'évaluation retenue par TDF et exposée au paragraphe 70 ci-dessus : " une valorisation à la valeur nette comptable [...] ne fournit pas les incitations aux investissements efficaces ". La valeur nette économique est par définition inférieure à la valeur de remplacement à neuf. Elle est en revanche supérieure à la valeur nette comptable.

139. La saisissante considère en revanche, que cette méthode est inadaptée et que le montant en résultant est excessif et a constitué de ce fait une barrière à l'entrée sur le marché de l'appel d'offres. towerCast pour sa part propose de recourir soit à la méthode de la valeur nette comptable (en particulier pour les biens non duplicables, comme les infrastructures antennaires, que towerCast qualifie d'infrastructure essentielle) soit à la méthode de remplacement à neuf. towerCast s'appuie notamment sur un avis du Conseil national de la comptabilité relatif au prix de cession en fin de concession de service public de matériel d'outillage portuaire : " En fin de concession, la remise des biens par le concessionnaire sortant au futur concessionnaire "se fera contre indemnité". Celle-ci sera au plus égale à "la valeur nette comptable du bien, diminuée des subventions non amorties" " (avis n° 2001-08 du 24 octobre 2001).

140. L'ARCEP indique pour sa part que, au vu des informations dont elle dispose, la méthode de la valeur nette économique n'est pas incohérente dans son principe.

141. En l'état de l'instruction, la méthode de la valeur nette économique apparaît effectivement comme susceptible de mieux préserver l'incitation à l'investissement du titulaire de la convention. Toutefois, les éléments du dossier font apparaître plusieurs incohérences s'agissant de la mise en œuvre pratique de cette méthode en l'espèce.

a) Sur la valeur de remplacement

142. TDF et le cabinet auquel elle a confié le soin de réaliser une étude économique expliquent que la valeur nette économique est établie à partir de la valeur de remplacement à la fin 2005 des biens (y compris tous les travaux d'aménagement du site associés). towerCast a procédé à sa propre évaluation des coûts de remplacement à neuf de l'ensemble des équipements concernés, notamment sur la base d'entretien avec des fournisseurs du secteur, en intégrant des coûts d'installation et de transport (évaluation transmise par towercast dans ses observations en date du 4 juin 2007). Pour les équipements antennaires, son évaluation s'élève à 8,2 Meuro. Elle est de 5,1 Meuro pour les équipements relatifs à la partie énergie-climatisation-ventilation. Le total de 13,3 Meuro doit être comparé au montant de 27 Meuro donné par TDF pour la valeur nette économique des biens concernés. Or, il doit être rappelé que cette valeur nette économique ne peut être supérieure au coût de remplacement à neuf du matériel.

143. La société TDF a fourni à l'appui de ses observations une note discutant l'évaluation faite par towerCast. Elle soutient notamment que towerCast aurait sous-estimé certains coûts (main d'œuvre notamment) et en aurait oublié d'autres (coûts d'adaptation notamment) sans toutefois préciser l'impact des corrections qu'il conviendrait d'apporter, qui en première analyse n'apparaissent pas de nature à modifier substantiellement l'évaluation de towerCast.

144. TDF a, pour sa part, estimé, sans néanmoins donner de précision sur la mise en œuvre de ces estimations, la valeur de remplacement à neuf des équipements d'hébergement à 17,8 Meuro, leur valeur nette comptable à 6,4 Meuro, la valeur de remplacement à neuf des équipements de diffusion HF à 15,3 Meuro et leur valeur nette comptable à 4,8 Meuro.

b) La durée de vie économique des équipements.

145. L'ARCEP relève que, parmi les paramètres nécessaires pour calculer la valeur nette économique des biens en question, TDF utilise " la moitié de la durée de vie économique du domaine technique considéré " et souligne que si une telle méthode statistique pourrait être pertinente dans le cas de la revente du parc complet d'une entreprise, elle lui paraît inadaptée dans le cas de la valeur de revente des actifs en place sur le site de la Tour Eiffel, qui dépend directement de leur durée de vie résiduelle propre.

146. Néanmoins TDF précise que " compte tenu du fait que les investissements réalisés à la Tour Eiffel ont été relativement réguliers, avec des investissements plus forts au moment des renouvellements de systèmes antennaires en 2000, [elle] a considéré qu'il était équitable et raisonnable de prendre une durée de vie résiduelle égale à la moitié de la durée de vie des équipements ". Par ailleurs, elle a réalisé une évaluation de la valeur nette économique en prenant, pour chaque équipement, une durée de vie résiduelle égale à la durée de vie standard moins l'âge de l'équipement si l'âge de l'équipement est inférieur à cette durée de vie standard et en valorisant à zéro l'équipement dans l'autre cas, méthode jugée minorante par TDF. Selon TDF, il en ressort une valorisation de l'ordre de 12,4 Meuro pour les équipements d'environnement et de 10,9 Meuro pour les systèmes antennaires, soit une diminution de 13,7 % par rapport à l'estimation initiale qu'elle a fournie à la ville de Paris.

c) Sur l'application de la méthode de la valeur nette économique à la valeur de reprise des équipements en fin de convention négociée avec la ville de Paris dans le cadre de la convention d'occupation domaniale conclue en 2007

147. TDF a proposé dans son offre à la ville de Paris une valeur de 10 M euro pour la valeur de reprise par la ville des équipements du site en cas de changement de titulaire de la convention. TDF, comme la ville de Paris, soutiennent que cette valeur de 10 Meuro n'est pas comparable à celle de 27 Meuro proposée à towerCast dans la mesure où il s'agit d'un plafond négocié par la ville afin de limiter son risque financier dans 10 ans. Elles affirment toutefois que cette valeur de reprise a été négociée sur la base d'une prise en compte de la valeur nette économique, c'est-à-dire fondée sur le coût de remplacement dans 10 ans des équipements présents sur le site. Le cabinet TERA Consultants a confirmé ce point en séance et ajouté que l'estimation de la valeur nette économique de ces équipements se monte à 14,9Meuro, la valeur de 10 Meuro résultant seulement du plafond négocié avec la ville de Paris pour cette reprise.

148. Mis en regard de la valeur de 27 Meuro estimée pour les équipements actuellement présents sur le site, à laquelle doit être ajouté le montant de 45 M euro d'investissements que TDF s'est engagé à réaliser sur la durée de la convention, le montant de 14,9 M euro semble étonnamment bas et souligne une fois de plus la sensibilité des estimations faites par l'étude économique produite par TDF pour fixer une valeur de remplacement.

d) Sur la prise en compte dans l'offre de towerCast et de TDF de la valeur économique nette de 27 M euro indiquée à towerCast

149. TDF, comme la ville de Paris, font valoir que l'estimation de 27 M euro donnée à towerCast ne peut être présentée comme une barrière à l'entrée qui a enlevé à towerCast toute chance de voir sa candidature retenue dans la mesure où towerCast a établi son offre non pas sur la base d'un prix d'acquisition de 27 Meuro, mais celle de 17 Meuro. De plus, elles relèvent que dans son offre finale adressée à la mairie le 21 décembre, towerCast présentait plusieurs scénarios en fonction du prix d'acquisition des équipements auprès de TDF mais que, même dans l'hypothèse extrêmement favorable d'un prix d'acquisition compris entre 0 et 9 Meuro, l'accroissement de la redevance que towerCast proposait de verser à la ville de Paris était limitée à 175 000 euro. Dans la mesure où l'offre de TDF était mieux disante de un million d'euro, TDF en conclut que l'estimation qu'elle a donnée du prix des équipements n'est pas à l'origine de l'échec de la candidature de towerCast.

150. Dans son avis du 26 avril 2006, l'ARCEP tente de mesurer si le prix de cession des équipements proposé par TDF à towerCast interdisait à ce dernier de proposer à la mairie de Paris une redevance compétitive face à celle proposée par TDF, de 3,7 Meuro, tout en maintenant une rémunération normale du capital investi. Pour mettre en œuvre ce test, l'ARCEP prend en compte le plan d'affaires de towerCast et, plus particulièrement, ses charges d'exploitation prévisionnelles et les investissements nouveaux que la société prévoit de réaliser sur la période de la convention. S'agissant du chiffre d'affaires à prendre en compte, l'ARCEP a considéré deux scenarii, une hypothèse haute pour laquelle les revenus attendus par TDF dans son compte de résultat prévisionnel ont été retenus comme base de calcul et une hypothèse basse pour laquelle le chiffre d'affaires prévisionnel est issu du plan d'affaires de towerCast. Enfin une reprise de 10 Meuro à l'issue de la période de concession a été retenue. Les résultats d'exploitation ainsi établis sont actualisés (4) pour déterminer si, compte tenu d'une redevance annuelle de 3,7 Meuro, l'exercice est équilibré.

151. Les résultats du test d'éviction de l'ARCEP dépendent fortement des perspectives de revenus. Ainsi, compte tenu du prix de cession des actifs, du niveau de redevance proposé par TDF et des conditions de reprise à l'horizon 2016, le résultat actualisé cumulé sur la période 2007-2016 pour towerCast serait positif (de l'ordre de [1-15] Meuro) dans le cas de l'hypothèse haute sur les revenus escomptés et nettement négatif (de l'ordre de - [10-30] Meuro), dans le cas de l'hypothèse basse. Par conséquent, l'ARCEP n'exclut donc pas l'existence d'un effet d'éviction.

152. Cependant, le test ainsi réalisé par l'ARCEP se fonde sur un prix de cession de 27 Meuro, hypothèse qui n'a pas été retenue par towerCast dont le plan d'affaires se fonde sur un prix de cession de 17 Meuro. Ce test semble donc être trop contraignant. Néanmoins, en retenant un prix de cession de 17 Meuro, le résultat actualisé cumulé sur la période 2007-2016 pour towerCast demeurerait négatif dans le cas de l'hypothèse basse.

153. Par ailleurs, les charges d'exploitation retenues dans le test de l'ARCEP sont les mêmes dans les deux scénarios, alors qu'aux revenus plus élevés escomptés par TDF devraient correspondre des charges d'exploitation également plus élevées, ce qui pourrait remettre en cause les résultats positifs obtenus dans l'hypothèse haute des revenus escomptés.

154. Enfin, se pose également la question de la prise en compte par TDF, dans son plan d'affaires, des dotations aux amortissements correspondant à ces équipements dont elle a estimé à 27 Meuro le prix de cession à towerCast. Sur ce point, l'ARCEP estime au vu du plan d'affaires de TDF qu' " il semble donc que TDF n'ait pas intégré dans son plan d'affaires les dotations aux amortissements correspondants aux équipements dont elle a par ailleurs estimé à 27 Meuro le prix de cession à towerCast ". TDF conteste cette non-intégration.

4. CONCLUSIONS SUR LES PRATIQUES MISES EN OEUVRE PAR TDF DANS LE CADRE DE L'APPEL D'OFFRES POUR LE RENOUVELLEMENT DE LA CONVENTION D'OCCUPATION DOMANIALE DU SITE DE DIFFUSION DE LA TOUR EIFFEL PAR LA VILLE DE PARIS

155. En l'état de l'instruction, il apparaît que TDF a transmis tardivement une estimation de la valeur de cession des équipements qui lui avait été demandée par towerCast et qu'elle était seule à pouvoir fournir. Les incohérences relevées s'agissant de la valeur de remplacement à neuf des équipements, de la durée de vie économique prise en compte par TDF dans ses estimations, et de l'estimation à 14,9 Meuro de la valeur de reprise dans 10 ans de l'ensemble des équipements du site, montrent que cette valeur est susceptible d'avoir été surestimée. Si TDF fait valoir qu'il s'agissait " d'une estimation effectuée rapidement et qui aurait pu être négociée ", il convient toutefois de relever que la connaissance de cette estimation était indispensable à towerCast pour fournir une offre équilibrée, et ce même si elle avait envisagé non pas d'acquérir ces équipements mais de les louer. L'incertitude dans laquelle elle s'est trouvée du fait de cette estimation est susceptible de l'avoir désavantagée dans la mise en concurrence organisée par la ville de Paris.

156. Ainsi, en l'état actuel du dossier et sous réserve de l'instruction au fond, les pratiques mises en œuvre par TDF, en position dominante sur le marché de l'appel d'offres, sont susceptibles d'être regardées comme abusives au regard des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

D. SUR L'OFFRE DE GROS D'HEBERGEMENT PROPOSEE PAR TDF A TOWERCAST

157. Il ressort de la jurisprudence qu'une entreprise abuse de sa position dominante " lorsque, dans le cas d'une entreprise intégrée dominant le marché, il existe entre les prix des prestations intermédiaires aux concurrents sur un marché en amont et les prix de détail sur un marché en aval un rapport qui se traduit par une restriction de la concurrence sur le marché des prestations intermédiaires ou sur le marché [aval] " (décision de la Commission européenne du 21 mai 2003, Deutsche Telekom, § 106). En effet, " [c]e genre de situation donne lieu à une pression anticoncurrentielle sur les marges commerciales des concurrents, car ces marges sont soit inexistantes soit trop faibles pour permettre à ces derniers d'entrer en concurrence avec l'opérateur historique sur les marchés [aval]. Une marge insuffisante entre les prix des prestations intermédiaires et les prix de détail d'un opérateur verticalement intégré occupant une position dominante constitue plus particulièrement un comportement anticoncurrentiel, dès lors que d'autres opérateurs s'en trouvent écartés de la concurrence sur le marché en aval, même s'ils sont au moins aussi efficaces que l'opérateur historique " (id., §108).

158. La société towerCast soutient que le prix de l'offre sur mesure que lui a tardivement proposé TDF ne lui permet pas de faire aux radios des offres compétitives pour la diffusion de leurs fréquences depuis le site de la Tour Eiffel : l'espace économique qui lui est laissé entre cette offre de gros et le prix de détail proposé par TDF aux radios FM dans l'offre qu'il leur a transmise en avril-mai est en effet insuffisant pour couvrir ses coûts propres. Les simulations qu'elle fournit font apparaître des marges nettes fortement négatives pour la première année d'exploitation (de 120 000 euro à plus de 400 000 euro d'exploitation selon les scénarios), deviennent ensuite de plus en plus négatives, même en faisant l'hypothèse que les contrats avec les radios, d'une durée de cinq ans, sont reconduits pour cinq années supplémentaires.

159. La société TDF conteste avoir tardé à proposer une offre sur mesure à towerCast. Elle fait valoir que towerCast a elle-même attendu près de deux mois, entre le 12 février 2007, date de signature par la ville de Paris de la convention d'occupation domaniale du site de la Tour Eiffel et le 6 avril 2007, avant de transmettre un cahier des charges pour une prestation d'hébergement de diffuseur en radio FM sur ce site. Elle explique également que compte tenu de la spécificité du site de la Tour Eiffel, seule une offre sur mesure pouvait être établie en fonction des besoins exprimés par towerCast et que cette dernière a exprimé ses besoins de façon peu précise.

160. S'agissant des conditions tarifaires de son offre sur mesure, TDF expose qu'elle a été construite sur la base des résultats d'une étude dite " retail minus " afin de vérifier que les prix proposés pour l'accès au système antennaire, l'hébergement dans un local dédié et les travaux d'aménagement, laissaient à towerCast un espace économique suffisant. Deux hypothèses de volumétrie ont été prises en compte : 8 points de service 10 KW dans le 1er scénario et 2 points de service 4 KW + 6 points de service 10 KW dans le second scénario. TDF a également pris en compte deux hypothèses de rémunération du capital (10 ou 14 %). Selon elle, cette étude confirmerait que les tarifs de son offre sur mesure laissent à towerCast un espace suffisant pour la couverture de ces coûts et une rémunération du capital de 10 voire 14 %.

161. TDF fournit par ailleurs une étude économique qui critique les estimations avancées par towerCast dans sa lettre du 22 juin 2007 et reconstitue un compte de résultat par radio sur la base du scénario " favorable " proposé par TowerCast soit 2 points de service 4 KW + 8 points de service 10 KW. Selon cette étude, le résultat net par radio est positif que ce soit pour une puissance de 10 KW (+ 28 168 euro) ou pour une puissance de 4 KW (+ 10 987 euro).

162. Il résulte de la comparaison des différentes simulations présentées que les types de coûts que devrait supporter towerCast afin d'assurer la diffusion d'une ou plusieurs radios depuis le site de la Tour Eiffel dans le cadre d'une offre d'hébergement faire par TDF font l'objet d'un consensus. Il s'agit :

• des prestations contenues dans l'offre de gros d'hébergement de TDF, telle qu'elle est décrite aux paragraphes 88 et 89 ci-dessus,

• des coûts spécifiques d'investissement suivants :

- coûts d'acquisition des émetteurs environnés (groupes de froid, baies, câblage),

- coût d'installation des émetteurs,

- coûts de constitution d'un stock de pièces détachées,

- frais de travaux complémentaires d'achat du local,

• des coûts d'exploitation suivants :

- coûts de supervision (télégestion),

- coûts de maintenance (frais de personnel, pièces détachées et coûts d'accompagnement du personnel),

- coûts commerciaux et contribution aux coûts communs.

163. La comparaison des différentes simulations fait toutefois apparaître plusieurs points de divergence qui seront abordés successivement.

Les hypothèses sur le nombre de radios pour lequel towerCast serait conduit à demander un hébergement

164. Les simulations effectuées sont sensibles aux hypothèses faites sur le nombre de radios pour lesquelles towerCast serait amenée à acheter une prestation d'hébergement auprès de TDF. L'espace économique laissé à towerCast par l'offre de gros se rétrécit d'autant plus que le nombre de radios dont elle assurerait la diffusion serait faible. En séance, TERA Consultants a souligné que tel était le cas de toutes les activités supportant d'importants coûts fixes indivisibles, qui ne devenaient rentables qu'au-dessus d'un certain volume d'activité que TERA Consultants a estimé au cas d'espèce, à environ dix radios.

165. Cependant, la plupart des coûts supportés par un diffuseur hébergé sur un site sont variables en fonction de son volume d'activités, comme c'est le cas en l'espèce : un émetteur est acquis pour chaque radio ; les charges d'accès au système antennaire sont facturées dans l'offre sur mesure par radio ; les charges d'exploitation sont variables en fonction du nombre de radios. Les coûts fixes indivisibles sont ceux des études et des travaux d'aménagement de la salle dédiée, les frais de mise à disposition de la salle dédiée, et les travaux pour l'aménagement de cette salle dont towerCast estime qu'ils ne sont pas compris dans l'offre d'hébergement et restent à sa charge (installation des câbles et électricité). Hormis ce dernier poste, qui n'a pas été contesté par TDF, les autres postes de coûts fixes indivisibles sont donc compris dans l'offre sur mesure de TDF qui en a fixé le tarif et c'est ce tarif qui est à l'origine de l'effet de seuil constaté dans les simulations.

166. Or, TDF a déclaré en séance qu'il n'existait pas de comptabilité analytique spécifique à la Tour Eiffel et que les charges fixes concernées avaient été évaluées de façon approximatives et relativement large afin " que towerCast n'ait pas de mauvaises surprises ". C'est notamment le cas de l'estimation des travaux à réaliser pour la mise à disposition de salles dédiées, précisés par TDF dans un courrier du 25 mai (cf. paragraphe 89), soit de 200 000 à 300 000 euro pour une salle de 14 m2 et de 300 000 à 400 000 euro pour une salle de 27 m2, qui représentent le poste de coûts fixes indivisibles le plus important.

167. TDF a également fait valoir, en séance, que l'importance de ces coûts fixes indivisibles étaient essentiellement due à l'exigence de towerCast de disposer d'une salle dédiée. Toutefois, il convient de relever que, s'agissant du loyer proprement dit des salles, il ressort des différentes propositions de TDF qu'il est linéaire (3 000 euro/m2, soit 12 000 euro pour 4 m2, 42 000 euro pour 14 m2, ...) et que, en ce qui concerne les coûts de mise à disposition d'une surface, c'est ce coût au m2 qui devrait être pris en compte dans l'hypothèse d'une installation des émetteurs de towerCast dans une salle commune (cf. compte-rendu de la réunion du 29 mai au paragraphe 90 ci-dessus). De plus, il ressort du même compte-rendu que towerCast s'est à cette occasion enquis de l'impact sur les conditions tarifaires de TDF dans le cas où il opterait pour une salle commune mais que TDF lui a répondu que sa " demande initiale de salle dédiée était sans doute la plus rationnelle à mettre en œuvre "et a précisé à towerCast que " les travaux dans une salle commune pourraient se révéler tout aussi importants ".

168. Par ailleurs, il convient de noter que le nombre total de radios actuellement diffusées par TDF depuis son site de diffusion de la Tour Eiffel est de 29, auquel peuvent éventuellement s'ajouter les deux radios diffusées par towerCast depuis le 3ème étage, ainsi que TSF Jazz auparavant diffusée depuis les Mercuriales mais contrainte à déménager sur la Tour Eiffel, soit au total 32. Le seuil de rentabilité indiqué par TERA consultants, soit dix radios, impliquerait donc qu'aucun diffuseur ne peut espérer diffuser depuis la Tour Eiffel à moins de remporter dès la première année près d'un tiers des contrats. Un tel seuil constituerait une très forte barrière à l'entrée qui rendrait toute mise en concurrence de la diffusion depuis la Tour Eiffel illusoire. Les résultats du test de ciseau tarifaire pour un nombre de radios diffusées inférieur à 10 (quatre dans les résultats qui seront présentés ci-dessous) seront donc pris en compte afin d'apprécier l'effet d'éviction des conditions financières de l'offre de gros d'hébergement proposée par TDF.

Les hypothèses sur la technologie de refroidissement des émetteurs

169. Il ressort des échanges intervenus entre TDF et towerCast que celui-ci avait indiqué dans le cahier des charges transmis le 10 avril vouloir disposer d'arrivée d'air pour l'installation d'émetteurs à système de refroidissement par air. En revanche, l'offre sur mesure communiquée par TDF mentionne des arrivées d'eau glacée pour l'installation d'émetteurs refroidis par eau glacée. TDF a expliqué en séance que cette nouvelle technologie était mieux adaptée au site de la Tour Eiffel caractérisé par son exiguïté et permettrait d'installer plus d'émetteurs dans le même espace. Elle a déclaré que sur 38 émetteurs (radios et TNT), seuls 5 disposaient actuellement d'un système de refroidissement à eau glacée (les nouveaux émetteurs nécessaires pour les radios de PAR 4KW), mais que les autres seraient progressivement remplacés par des émetteurs refroidis à eau, au fur et à mesure de leur obsolescence.

170. towerCast fait valoir que les émetteurs refroidis par eau glacée coûtent deux fois plus cher que ceux refroidis par air et que, en raison de la rareté des fournisseurs, les délais de commande sont de l'ordre de six mois.

171. Le Conseil ne peut se prononcer sans expertise sur les choix techniques de l'hébergeur afin d'optimiser les capacités d'accueil du site. Les choix techniques imposés par TDF seront donc retenus dans les hypothèses prises en compte afin d'apprécier l'effet d'éviction des conditions financières de l'offre de gros d'hébergement proposée par TDF. En revanche, les prix d'acquisition de ce type de matériel retenus sont ceux indiqués par TDF, compte tenu des devis du constructeur qu'elle a fournis.

Les hypothèses sur la durée d'amortissement des investissements

172. Toutes les simulations présentées sont très sensibles à la durée d'amortissement retenue pour les investissements. Les contrats de diffusion avec les radios sont d'une durée de cinq ans.

173. TDF expose dans l'étude " retail minus " déjà mentionnée ci-dessus que, s'agissant du coût des travaux inclus dans l'offre sur mesure (aménagement des locaux), bien qu'il s'agisse d'aménagements spécifiques à la Tour Eiffel, et donc non réutilisables à la fin du contrat, il convient de prendre en compte un taux de reconduction statistique des contrats de 75 % dans la mesure où, en cas de reconduction, aucun aménagement spécifique ne sera nécessaire. Sous cette hypothèse, la durée d'amortissement serait donc de 8,75 ans. Cette hypothèse est retenue dans les tests de référence ci-dessous.

174. En revanche, s'agissant des coûts d'acquisition des émetteurs, TDF soutient que la durée de vie annoncée par les constructeurs de ce type d'équipements est de 15 à 20 ans et que la durée de vie comptable pratiquée par TDF est de 15 ans. Elle ajoute que ces équipements sont facilement démontables et peuvent être réutilisés ailleurs en cas de perte du contrat. towerCast fait en revanche valoir que la technologie du refroidissement par eau glacée n'est utilisée que sur la Tour Eiffel et que les émetteurs ne pourront être réutilisés en fin de contrat. Une durée d'amortissement de 8,75 ans (5) a donc également été retenue pour les émetteurs.

Les hypothèses sur les coûts de maintenance

175. Les simulations soumises au Conseil font apparaître de grandes différences en ce qui concerne les estimations de coût de maintenance. Pour TDF, la maintenance des équipements installés sur le site par towerCast et la télésurveillance de ces équipements nécessitent 3 visites par an de 1 jour (pour 5 émetteurs) à 1,5 jours (pour plus de cinq émetteurs) pour la maintenance préventive, et 4 visites par an pour la maintenance corrective soit un total de 8,5 jours de visite pour 10 radios et 7 pour 4 radios. Au coût horaire de ces visites, TDF ajoute le tarif des visites d'accompagnement prévues dans l'offre sur mesure (cf. paragraphe 88 ci-dessus), sachant que l'offre de base comprend cinq visites non facturées. Selon TDF, les coûts totaux de maintenance et de télésurveillance s'élèvent, pour 10 émetteurs, à 14 667 euro par an de frais de personnel (réponse au questionnaire du 2 juillet 2007), et à environ 10 000 euro par an de coûts de maintenance, d'accompagnement et de coûts d'exploitation de télégestion (étude " retail minus "). Le Conseil constate néanmoins qu'il ressort des déclarations de TDF que celle-ci emploie sur la Tour Eiffel 3,1 personnes à temps plein pour la diffusion de 29 radios, ce qui correspond à plus d'une personne pour 10 radios. Or, en se référant aux informations fournies par TDF, il apparaît que les frais liés à l'emploi d'une personne se montent à environ 52 000 euro. L'estimation fournie par TDF paraît donc sous-évaluée.

176. Pour 10 émetteurs, les frais de maintenance et de télégestion prévus par towerCast s'élèvent à 462 000 euro. towerCast estime en effet que la maintenance et surveillance du site nécessite un nombre de visites sur site plus important, soit 12 visites mensuelles pour 10 radios et 8 visites pour quatre radios, ce qui se traduit par la nécessité de recrutement de six personnes.

177. L'étude économique commandée par TDF modélise les frais de maintenance sous la forme d'un taux de marge de 8 % appliqué au montant des investissements : " une hypothèse classiquement utilisée pour d'autres marchés des communications électroniques pour un acteur efficient est un mark-up de 8 % des CAPEX émetteurs ". En séance, les représentants de TDF ont toutefois émis des réserves sur cette estimation en indiquant que, selon eux, en pourcentage de leurs investissements, les coûts d'exploitation et de maintenance de TDF étaient sensiblement plus faibles que 8 %. Il n'en demeure pas moins que cette étude économique a été remise au Conseil par TDF qui n'a alors pas contesté les hypothèses retenues pour cette analyse.

178. Par ailleurs, le Conseil constate qu'au vu du nombre de personnes employées par TDF sur le site de la Tour Eiffel (3,1 personnes à temps plein pour la diffusion de 29 radios) et des coûts de maintenance, de télégestion et de réparation des équipements mentionnés par TDF, l'application, comme le préconise l'étude économique qu'elle produit, d'un taux de marge de 8 % au coût d'acquisition des émetteurs ne paraît pas surévaluée. Par ailleurs le nombre de visites préconisé par towerCast, soit 12 pour 10 radios et 8 pour quatre radios a également été retenu, aux conditions prévues dans l'offre sur mesure.

Conclusion sur l'offre d'hébergement

179. La réalisation d'un test de ciseau tarifaire fondé sur les hypothèses retenues ci-dessus aboutit à un résultat net positif de l'ordre de 25 000 à 35 000 euro pour la diffusion de 10 radios et négatif de l'ordre de 60 000 à 80 000 euro dans l'hypothèse de la diffusion de 4 radios.

180. Ce résultat négatif dans cette deuxième hypothèse ne serait pas remis en cause si certains des paramètres étaient revus à la baisse (coûts de maintenance, nombre de visites, etc.). Il n'inclut non plus aucune perspective de rémunération du capital. Il existe donc au dossier des indices précis et concordants permettant, à ce stade de l'instruction, de conclure à l'existence d'une pratique de ciseau tarifaire en ce qui concerne l'offre de gros d'hébergement proposée par TDF à towerCast pour la diffusion de radios FM.

181. L'ensemble des éléments réunis au dossier permet donc, à ce stade de l'instruction, de considérer que TDF est susceptible d'avoir mis en œuvre une pratique de ciseau tarifaire, constitutive d'un abus de la position dominante occupée par TDF sur le marché amont de l'accès à l'infrastructure de diffusion de la Tour Eiffel, ayant pour objet ou pour effet d'exclure un concurrent sur le marché aval de la diffusion hertzienne de radio FM, pratique prohibée par l'article L. 420-2 du Code de commerce.

E. SUR LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES

182. Selon l'article L. 464-1 du Code de commerce, " le Conseil de la concurrence peut [...] prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à l'entreprise plaignante [...]. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ".

1. EN CE QUI CONCERNE L'ATTEINTE GRAVE ET IMMEDIATE

183. La saisissante soutient que les pratiques de TDF la mettent dans l'impossibilité de proposer aux radios FM d'Ile-de-France des offres concurrençant celles de TDF. Elle signale en particulier que certaines radios, contraintes d'augmenter leur puissance d'émission du fait de l'extinction de leurs autorisations d'émettre depuis certains sites de diffusion périphériques en septembre 2007, ne pourront en conséquence être émises après cette date que depuis le site de TDF sur la Tour Eiffel. C'est en particulier le cas d'une radio comme Rires et Chansons dont towerCast assurait la diffusion depuis le 3ème étage de la tour et qui appartient comme la société towerCast au groupe NRJ mais à laquelle elle ne peut faire aucune offre. towerCast souligne encore que les contrats des radios FM d'Ile-de-France seront renouvelés pour une durée de cinq ans et que le marché concerné sera donc verrouillé pour cette durée.

184. La pratique de ciseau tarifaire décrite aux paragraphes 157 à 181 ci-dessus est en effet susceptible d'empêcher towerCast, unique concurrent de TDF sur le marché de la diffusion radio, de faire des offres de diffusion aux radios privées FM d'Ile-de France. A l'occasion du renouvellement de ces autorisations, TDF a fait des offres de diffusion à l'ensemble des radios privées concernées, dont la plupart étaient précédemment diffusées par elle-même depuis le site de la Tour Eiffel, y compris aux radios dont les contrats n'étaient pas arrivés à échéance. Or, les tarifs de détail proposés par TDF aux radios dans ce cadre, mises en regard des conditions financières de l'offre de gros d'hébergement proposée à towerCast, ne laissent pas à ce dernier une marge suffisante pour couvrir les coûts propres d'un diffuseur efficace.

185. De fait, towerCast n'a fait aucune offre à ce jour aux radios concernées qui ne disposent que de l'offre de TDF, alors que la plupart des radios ayant répondu au questionnaire qui leur a été communiqué ont indiqué attendre une offre de towerCast. TDF indique, au 2 juillet 2007, que seules deux radios avaient retourné le contrat proposé signé. Plusieurs radios ont par ailleurs fait état du fait que TDF insistait pour que les contrats soient signés le plus rapidement possible pour une mise en service de la diffusion au 3 septembre, date d'entrée en vigueur des autorisations délivrées par le CSA. La durée des contrats proposés par TDF est, comme pour les contrats précédents, de cinq ans.

186. Or, il ressort des constatations faites ci-dessus que le site de la Tour Eiffel présente une importance particulière puisque le CSA entend favoriser le regroupement de la diffusion du plus grand nombre possible de médias possible depuis la Tour Eiffel. Toutefois, ce regroupement ne peut se traduire par la constitution d'un monopole de fait de la diffusion hertzienne en Ile-de-France au profit de TDF. Bien que seule une obligation d'accès pour la diffusion de télévision numérique ait pour le moment été imposée à TDF, cette nouvelle situation en Ile-de-France suppose l'ouverture des infrastructures de diffusion radio de la Tour Eiffel à plusieurs prestataires techniques pour l'ensemble des marchés concernés. C'est d'ailleurs ce que la mairie de Paris avait entendu favoriser par les dispositions de l'article 11 de la convention signée le 13 février 2007 et exposé ci-dessus et TDF elle-même, dans son offre déposée en réponse à l'appel d'offres le 31 octobre 2006, affirmait avoir " mis au point l'ensemble des éléments techniques, économiques et juridiques qui lui permettent de présenter une offre sur mesure répondant aux exigences et aux particularités du site complexe de la Tour Eiffel. TDF s'engage donc, dès à présent, à répondre à une demande d'accès dans le cadre d'une offre adaptée aux conditions particulières du site ". Dans ses observations du 4 juin 2007, TDF assure encore que " l'obligation d'accès, telle qu'elle figure dans la convention, garantit aux concurrents de TDF de pouvoir disposer des infrastructures établies sur la Tour Eiffel, puisque TDF, ainsi que le souhaitait la ville de Paris, ne jouit d'aucune exclusivité ni d'aucun droit spécial quant à l'accès au site et à ses conditions d'exploitation pour la fourniture de services de diffusion ".

187. Il ressort de ce qui précède que la mise en œuvre d'un ciseau tarifaire, interdisant au seul concurrent de TDF de faire des offres aux radios dans des conditions économiques acceptables, est de nature à fermer le marché pour une longue période (5 ans), au moment même où le renouvellement des autorisations par le CSA permettrait d'ouvrir le marché à la concurrence. Compte tenu de l'importance, soulignée ci-dessus, du site de la Tour Eiffel pour ce marché et des contraintes de délai, il y a lieu de considérer que la pratique de ciseau tarifaire susceptible de constituer, comme il a été dit précédemment, un abus de position dominante porte une atteinte grave et immédiate au secteur.

2. EN CE QUI CONCERNE LES MESURES CONSERVATOIRES NECESSAIRES

188. Dans sa saisine, towerCast demandait au Conseil, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, de :

" Suspendre les effets de l'appel d'offres, ainsi que de tout contrat ou clause contractuelle permettant à TDF d'exploiter de façon durable les infrastructures essentielles, dans l'attente d'une décision du Conseil au fond. "

189. Par ailleurs, dans ses observations en date du 4 juin 2007, la société towerCast sollicite du Conseil le prononcé d'autres mesures conservatoires tendant :

à ce " qu'il soit fait injonction à TDF d'appliquer de bonne foi les disposition du cahier des charges lui imposant d'accueillir des diffuseurs de façon non discriminatoire, et à des conditions équitables " ;

" dans l'hypothèse où les contrats de diffusion auraient été signés par la Société TDF avec des radios FM, à enjoindre à la Société TDF de limiter la durée des contrats de diffusion pour les radios FM sur le site de la Tour Eiffel à une durée d'un an, au lieu de cinq, sans qu'un surcoût ne soit imposé aux clients et afin de permettre de limiter les effets anticoncurrentiels des pratiques de la Société TDF, et de donner la possibilité à un concurrent, comme la Société TOWERCAST, de proposer ses offres commerciales " ;

" dans l'hypothèse où les contrats de diffusion n'auraient pas encore été signés, à enjoindre à TDF de reporter toutes signatures au 31 juillet 2007, afin de permettre à TOWERCAST de proposer une offre alternative ".

190. S'agissant de la première mesure conservatoire demandée, les injonctions ne peuvent, compte tenu du fait que les risques anticoncurrentiels les justifiant proviennent du comportement unilatéral de TDF évoqué ci-dessus, être adressées qu'à cette dernière société. Il ne peut donc être ordonné à la ville de Paris de suspendre l'appel d'offres ou de ne tirer aucune conséquence des résultats de celui-ci.

191. En revanche, l'atteinte grave et immédiate démontrée ci-dessus doit être prévenue par la cessation de la pratique de ciseau tarifaire dans l'offre de gros d'hébergement de TDF pour la diffusion radio FM depuis le site de Tour Eiffel et la définition d'une offre permettant aux diffuseurs alternatifs de concurrencer les offres de détail proposées par TDF aux radios.

192. Toutefois, compte tenu du fait qu'il reste moins de deux mois avant la mise en service des fréquences dont le CSA a renouvelé les autorisations, prévue pour la nuit du 3 au 4 septembre 2007, la définition d'une telle offre par TDF n'est pas suffisante pour empêcher le verrouillage du marché pour les cinq prochaines années. En effet, il convient de prendre en compte, outre les délais de définition des offres, ceux nécessaires à l'aménagement des locaux et à l'installation des matériels d'émission de towerCast sur le site. De plus, il ressort du dossier que les délais de livraison des émetteurs refroidis par eau glacée par les constructeurs existants sont de l'ordre de six mois.

193. Tout en insistant sur le fait que ces contraintes de délais ne lui sont pas imputables (cf. paragraphe ci-dessus), TDF a suggéré en séance qu'elle pouvait continuer, après l'échéance du 3 septembre, à assurer, pour le compte de towerCast et de façon transitoire, la diffusion des radios dont celui-ci aurait obtenu les contrats. Après avoir envisagé la mise en place de cette solution jusqu'à la fin de l'année 2007, TDF a admis qu'il lui serait possible de la prolonger de quelques mois. Toutefois, cette proposition suppose qu'avant la fin du mois de juillet, TDF redéfinisse son offre d'hébergement, et que towerCast soit en mesure de bâtir une offre concurrentielle et d'obtenir des contrats, toutes choses qui sont irréalisables avant la fin du mois de juillet 2007.

194. Il y a donc lieu de compléter la mesure portant sur la définition d'une nouvelle offre de gros d'hébergement de diffuseurs radio FM concurrents sur le site de Tour Eiffel par une mesure permettant de limiter dans le temps l'atteinte grave et immédiate démontrée ci-dessus, ce qui ne peut être obtenu qu'en limitant à un an la durée des contrats que TDF s'apprête à signer avec les radios concernées.

DECISION

Article 1er : A titre conservatoire, il est enjoint à TDF de transmettre au Conseil de la concurrence, dans un délai qui ne pourra excéder un mois à compter de la notification de la présente décision, une offre de gros d'hébergement de diffusion radio FM depuis le site de la Tour Eiffel permettant aux diffuseurs alternatifs de concurrencer effectivement, sans subir de ciseau tarifaire, les offres de détail faites par TDF aux radios.

Article 2 : A titre conservatoire, il est enjoint à TDF de limiter à un an la durée des contrats qu'elle s'apprête à signer avec les radios privées FM pour la diffusion de leurs programmes depuis le site de la Tour Eiffel.

Dans l'hypothèse où certains contrats auraient déjà été signés à la date de la notification de la présente décision, il est enjoint à TDF de proposer aux radios concernées de signer un nouveau contrat d'une durée d'un an annulant celui précédemment signé.

Notes

1 TDF stipule que ces propositions ne valent que si la convention prévoit que la décision de la ville de Paris concernant le futur attributaire de la convention d'occupation sera connue de l'occupant en titre un an avant la fin de la convention. Dans le cas où la ville ne souhaiterait pas retenir ce principe du préavis, les propositions de TDF demeureraient celles de son offre du 31 octobre soit une redevance fixe de 3,5 Meuro sur 10 ans.

2 Indexation de la redevance à l'Indice de Référence des Loyers.

3 La liste des équipements concernés par une éventuelle reprise par la ville de Paris en fin de convention est constituée des biens suivants :

- La totalité des équipements et infrastructures relatifs à l'activité d'hébergement,

- La totalité des équipements relatifs à l'activité de " Diffusion HF " (systèmes antennaires).

Il est à noter qu'au cours des négociations, la ville de Paris a exigé la reprise gratuite des biens dits " immeubles " relatifs à l'activité d'hébergement, c'est-à-dire ceux qui sont indispensables au bon fonctionnement des locaux et font corps avec eux (aménagements bâtiments, détection d'incendie, par exemple).

4 Le taux d'actualisation retenu est le taux couramment retenu par l'ARCEP pour évaluer les conditions de financement d'un opérateur alternatif efficace assurant des services de téléphonie fixe au public (coût des fonds propre et coûts de la dette), soit 12,83 %.

5 Ces 8,75 années correspondent à une espérance de durée de 5 ans pour le premier contrat et de 5*0,75 pour le second renouvelé avec une probabilité de 75 %.