CA Paris, 1re ch. H, 13 juillet 2007, n° ECEC0813202X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
France Télécom (SA)
Défendeur :
Solutel (Sté), Président du Conseil de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, Directeur général de la concurrence, de la consommation et des répressions des fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chagny
Conseillers :
Mmes Neher Schraub, Regniez
Avoué :
SCP Grappotte-Benetreau
Avocats :
Me Clarenc, SCP Fourgoux, Associés
La société Solutel a été créée en 2004 par deux anciens agents de la société France Télécom et a pour objet social le conseil et la commercialisation de solutions en matière de télécommunications. Elle exerce son activité dans les régions Bretagne et Pays de la Loire où elle est en concurrence directe avec France Télécom.
Elle a saisi le 8 novembre 2006 le Conseil de la concurrence, se plaignant d'agissements déloyaux de France Télécom et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires sur le fondement des articles L. 464-1 et R. 464-1 du Code de commerce.
L'affaire a été instruite par le Conseil de la concurrence qui a prévu de rendre sa décision relative aux mesures conservatoires le 7 juin 2007.
Le 6 juin 2007 les deux sociétés ont signé une transaction et la société Solutel s'est désistée des procédures pendantes levant le Conseil de la concurrence tant celle relative au fond que celle relative aux mesures conservatoires.
Le 7 juin 2007 le Conseil de la concurrence a rendu sa décision dans laquelle il a fait injonction à la société France Télécom de:
- 1) faire cesser toute pratique de dénigrement à l'encontre de la société Solutel,
- 2) suspendre, à titre conservatoire, l'application du tarif de la prestation appelée "fourniture PR avec déplacement" jusqu'à la décision au fond que prendra le Conseil,
- 3) répondre aux demandes de communication du point d'adduction que lui adressera Solutel dans les 15 jours suivant la transmission du plan de situation, procéder au raccordement au réseau dans les 8 jours à compter de la demande de branchement et faire cesser toute pratique consistant à réclamer aux clients de Solutel ou aux résidents des sites sur lesquels Solutel est intervenue, le paiement de prestations déjà réalisées par cette dernière.
La société France Télécom a, le 21 juin 2007, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 11 juin 2007. Elle a assigné la société Solutel, le Directeur de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, le Conseil de la concurrence et la ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi.
Elle demande à la cour:
- d'annuler la décision du 7 juin 2007,
- à titre subsidiaire, en raison du désistement de Solutel, classer l'affaire,
- à titre plus subsidiaire, infirmer la décision du 7 mai,
- à titre infiniment subsidiaire, réformer l'article 3 de la décision lui donnant des délais pour le raccordement à ses réseaux qui, selon elle, ne tiennent pas compte des réalités techniques.
La société Solutel s'en rapporte à justice compte tenu de l'accord intervenu le 6 mai 2007 et de son désistement de l'action engagée à l'encontre de la société France Télécom.
Le Conseil de la concurrence estime justifiée la décision du 7 mai 2007.
Le directeur de la concurrence, assigné à la personne de sa secrétaire n'était ni présent, ni représenté à l'audience;
La ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi s'en remet à la sagesse de la cour, estimant aussi la décision justifiée.
Le Ministère public conclut à la confirmation de la décision sauf en ce qui concerne son article 3 relatif aux délais de raccordement.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'en raison du désistement de la société Solutel renouvelé devant la cour de ses demandes de mesures provisoires et de sa renonciation subséquente à celles prononcées par la décision déférée qui en découle, il y a lieu de déterminer si ces mesures revêtent ou non une portée générale pour déterminer si l'appel de la société France Télécom conserve un objet, point sur lequel les parties se sont expliquées à l'audience à la demande de la cour;
Considérant que l'article 1 de la décision, relatif à l'interdiction faite à la société France Télécom de dénigrer la société Solutel et la dernière partie de l'article 3 relatif à l'interdiction faite à France Télécom de réclamer directement aux clients de Solutel paiement de prestations réalisées par cette dernière sont à l'évidence, et, d'ailleurs expressément, spécifiques à la société Solutel et ne revêtent aucun caractère de portée générale;
Considérant que son article 2 relatif au prix du raccordement devant être effectué avec déplacement, prestation à laquelle la société Solutel a renoncé dans la transaction du 6 mai 2007, qui suspend l'application d'un tarif unilatéralement fixé par France Télécom à l'égard de Solutel constitue une prescription provisoire prise dans l'attente de la décision au fond; qu'en conséquence le Conseil de la concurrence ne se prononce ni sur une interdiction définitive de ce tarif ni n'en impose la gratuité; que cette mesure provisoire applicable à l'égard de la société Solutel qui la demandait expressément ne revêt pas de portée générale;
Considérant que son article 3 en ce qu'il est relatif aux délais fixés à France Télécom pour le raccordement auxquels Solutel a renoncé dans la transaction pour en accepter de plus longs (28 jours, soit le délai proposé par France Télécom dans son assignation, et 15 jours) constituent également des mesures provisoires prises dans l'intérêt et à la demande de la société Solutel qui sollicitait la cessation des pratiques de France Télécom d'abus de position dominante; que l'injonction donnée à l'article 3 pour la durée de l'instance au fond ne présente pas plus que les autres un caractère général ou définitif pouvant concerner d'autres concurrents potentiels de la société France Télécom; qu'en conséquence, l'appel de cette société est sans objet;
Par ces motifs, Constate que l'appel est sans objet, Condamne la société France Télécom aux dépens.