TPICE, 4e ch., 12 juillet 2007, n° T-411/05
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Annemans
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Legal
Juges :
Mme Wiszniewska-Bialecka, M. Moavero Milanesi
Avocats :
Mes Symons, Siffert
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
Cadre juridique
1. Le règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) prévoit dans son article 7 :
" 1. Si la Commission, agissant d'office ou saisie d'une plainte, constate l'existence d'une infraction aux dispositions de l'article 81 [CE] ou 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l'infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l'infraction. Une mesure structurelle ne peut être imposée que s'il n'existe pas de mesure comportementale qui soit aussi efficace ou si, à efficacité égale, cette dernière s'avérait plus contraignante pour l'entreprise concernée que la mesure structurelle. Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu'une infraction a été commise dans le passé.
2. Sont habilités à déposer une plainte aux fins du paragraphe 1 les personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime et les États membres. "
2. L'article 7 du règlement (CE) n° 773-2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18) dispose :
" 1. Lorsque la Commission considère que, sur la base des informations dont elle dispose, il n'existe pas de motifs suffisants pour donner suite à une plainte, elle informe le plaignant de ses raisons et lui impartit un délai pour faire connaître son point de vue par écrit. La Commission n'est pas tenue de prendre en considération les observations écrites reçues après l'expiration de ce délai.
2. Si le plaignant fait connaître son point de vue dans le délai fixé par la Commission et que ses observations écrites ne mènent pas à une appréciation différente de la plainte, la Commission rejette la plainte par voie de décision.
3. Si le plaignant ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé par la Commission, la plainte est réputée avoir été retirée. "
Antécédents du litige
3. Le 28 juin 2005, le requérant a déposé auprès de la Commission une plainte visant à faire constater une infraction aux articles 81 CE et 82 CE prétendument commise par Belgacom Skynet NV et Telenet NV, deux fournisseurs d'accès à Internet à large bande en Belgique. Cette plainte a été déposée par le requérant en sa qualité de client de l'un des deux opérateurs et a été enregistrée sous la référence COMP-39.225 (plainte de M. Annemans contre Belgacom et Telenet).
4. Par lettre du 5 septembre 2005 (ci-après la " lettre attaquée "), la Commission a répondu au requérant en ces termes :
" Je me réfère à votre plainte, citée en rubrique, que mes services ont soumise à un premier examen. Pour les raisons exposées plus bas, nous ne voyons pas à ce stade, dans les faits que vous dénoncez, matière à ouvrir un complément d'enquête.
Pas d'indice d'infraction aux règles de concurrence
Il ne ressort pas des faits que vous décrivez que Belgacom et/ou Telenet violeraient ou ont violé les règles de concurrence sur le marché des connexions Internet à large bande des utilisateurs finals en Belgique. Il n'est en effet pas inhabituel de voir sur des marchés de consommateurs des vendeurs fixer leurs prix en fonction des prix appliqués par le 'leader du marché'. La convergence des prix appliqués aux consommateurs n'indique donc pas en soi l'existence d'ententes sur les prix contraires à l'article 81 CE.
D'autre part, pour démontrer une infraction à l'article 82 CE, il faudrait aussi démontrer un abus en plus de la position dominante des entreprises concernées. Cela paraît difficile en l'espèce. Le fait que des tarifs des bandes larges en Belgique soient plus élevés que dans certains autres États membres ou que les prix n'ont pas baissé en dépit de l'augmentation du nombre d'abonnés ne prouve pas encore que les tarifs utilisateurs soient extraordinaires. Le caractère extraordinaire des tarifs ne peut s'apprécier que par rapport aux coûts de base. De surcroît, on se demande vraiment si Belgacom et/ou Telenet occupe bel et bien une position dominante sur le marché des connexions Internet à large bande pour utilisateurs finals. Belgacom et Telenet ne semblent pas en effet pouvoir se comporter indépendamment l'un de l'autre ou vis-à-vis des autres concurrents (comme Scarlet, Versatel et Tele2) par exemple dans la fixation de leurs prix, ce qui est requis par la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes pour pouvoir parler de position dominante.
Enfin, il existe des offres concurrentes sur le marché, tant pour les connexions à large bande dites 'light' (à vitesse de téléchargement de 512 Kb) que pour les connexions à large bande ordinaires (à une vitesse de téléchargement de 2 à 4 Mb), qui sont inférieures aux prix de Belgacom et de Telenet. Les tarifs plus élevés que Belgacom et Telenet appliquent aux utilisateurs finals ont simplement pour conséquence que ces concurrents peuvent plus facilement conquérir des parts de marché. Contrairement à ce que vous indiquez dans votre plainte, il existe d'ailleurs en Belgique différentes formes (réglementées) d'accès au réseau au niveau des grossistes. Cela permet à des opérateurs concurrents d'utiliser le réseau de Belgacom pour offrir aux utilisateurs finals leurs propres services d'accès à Internet à large bande. Il s'agit, d'une part, du dédoublement de la boucle locale auquel vous faites allusion dans votre plainte et, d'autre part, de l'accès dit 'bitstream'. L'Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) veille à ce que ces services grossistes soient offerts à des conditions qui permettent une concurrence effective au niveau des utilisateurs finals. L'IBPT mène actuellement une enquête à ce sujet et va communiquer ses conclusions à la Commission dans les prochains mois au titre de l'article 7 de la directive 2002-21-CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive 'cadre').
Intérêt communautaire insuffisant
Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, la Commission peut poser des priorités dans le traitement des plaintes. Étant, pour les raisons visées plus haut, hautement improbable de pouvoir constater une infraction aux règles de concurrence, la Commission estime qu'il est manifestement disproportionné d'engager de nouveaux moyens pour examiner plus avant votre plainte.
Cette position, fondée sur les informations dont mes services disposent, est provisoire dans l'attente des indications complémentaires que vous souhaitez éventuellement nous transmettre. Puis-je vous indiquer que cette lettre vous est envoyée dans le cadre de la première des trois phases telles que visées par le Tribunal de première instance.
[...]
Chef d'unité "
5. Au dernier alinéa de la lettre attaquée, après la référence faite au Tribunal, une note en bas de page renvoyant aux points 45 à 47 de l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission (T-64-89, Rec. p. II-367), est insérée.
6. Par lettre du 23 décembre 2005, la Commission a invité le requérant à lui fournir d'éventuelles observations complémentaires dans un délai de trois semaines, en soulignant que, à défaut, elle clôturerait le dossier.
7. Le 5 janvier 2006, le requérant a fait savoir à la Commission que l'affaire avait été portée devant le Tribunal. En réponse, la Commission a indiqué au requérant que l'instruction de sa plainte était suspendue dans l'attente du prononcé de l'arrêt du Tribunal.
Procédure et conclusions des parties
8. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 novembre 2005, le requérant a introduit le présent recours.
9. La requête a été signifiée à la Commission le 19 janvier 2006.
10. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2006, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Par ordonnance du Tribunal du 16 octobre 2006, l'exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.
11. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents.
12. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 21 mars 2007.
13. Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter l'exception d'irrecevabilité et déclarer le recours recevable ;
- annuler la lettre attaquée ;
- condamner la Commission aux dépens.
14. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer le recours irrecevable et, à titre subsidiaire, le rejeter comme non fondé ;
- condamner le requérant aux dépens.
En droit
Arguments des parties
15. La Commission soutient que le recours est irrecevable parce que la lettre attaquée n'est pas une décision de rejet de la plainte, mais une prise de position provisoire dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen par la Commission des plaintes déposées au titre des articles 81 CE et 82 CE et n'est dès lors pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au titre de l'article 230 CE.
16. En premier lieu, la Commission souligne que seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d'un requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, sont susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation.
17. En second lieu, il ressortirait de la jurisprudence que, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constitueraient des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures provisoires dont l'objectif est de préparer la décision finale.
18. Plus spécifiquement, dans l'arrêt Automec/Commission, point 5 supra, il aurait été considéré que les observations préliminaires émises par les services de la Commission, dans le cadre de contacts informels au cours de la première phase de la procédure d'examen des plaintes déposées au titre des articles 81 CE et 82 CE, ne sauraient être qualifiées d'actes attaquables.
19. Au surplus, il ressortirait de la jurisprudence que, même dans le cadre de la deuxième phase de cette procédure, une lettre envoyée sur le fondement de l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement nº 17 du Conseil (JO 127, p. 2268), dont les dispositions sont analogues à celles de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004 qui le remplace, ne peut pas être considérée comme étant un acte susceptible de recours en annulation.
20. Dès lors, seule une décision prise dans le cadre de la troisième phase, par laquelle la plainte est définitivement rejetée et l'affaire close, constituerait un acte susceptible de recours.
21. En l'espèce, la lettre attaquée devrait être considérée comme étant un acte préparatoire sans effet juridique obligatoire. En effet, elle constituerait une première prise de position provisoire dans l'attente d'éventuelles observations complémentaires du requérant, qui lui aurait été envoyée dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen des plaintes. Il ne s'agirait pas d'une décision rejetant définitivement la plainte et clôturant l'enquête. De plus, la lettre attaquée indiquerait explicitement qu'elle avait été envoyée dans le cadre de la première des trois phases de la procédure d'examen des plaintes, telles qu'elles sont distinguées dans l'arrêt Automec/Commission, point 5 supra.
22. Par ailleurs, la lettre attaquée ne constituerait pas un acte relevant de la deuxième phase de la procédure d'examen des plaintes, étant donné qu'aucun délai n'aurait été fixé pour que le requérant communique ses observations en vertu de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004. La lettre attaquée relèverait donc, comme il a été précisé pendant l'audience, d'une phase informelle d'échanges de vues, précédant la phase prévue à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004. En toute hypothèse, même si la lettre attaquée relevait de la phase prévue à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004, elle ne constituerait toujours pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'arrêt Automec/Commission, point 5 supra.
23. Le requérant fait valoir, d'une part, que l'exception d'irrecevabilité a été soulevée en-dehors des délais par la Commission et, d'autre part, que la lettre attaquée est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation.
24. S'agissant du caractère tardif de l'exception d'irrecevabilité, le requérant affirme que cette dernière aurait dû être soulevée au plus tard le 19 mars 2006, mais qu'elle ne l'a été que le 29 mars 2006. Dès lors, l'exception d'irrecevabilité devrait être rejetée.
25. S'agissant de la recevabilité du recours, premièrement, le requérant soutient que la Commission, en précisant dans la lettre attaquée qu'il serait hautement improbable de pouvoir constater une infraction aux règles de concurrence et en affirmant qu'il serait manifestement disproportionné d'engager de nouveaux moyens pour examiner la plainte, a porté une appréciation sur sa plainte et a pris la décision de ne pas poursuivre l'examen plus avant et de rejeter la plainte.
26. Deuxièmement, l'appréciation de la Commission dans la lettre attaquée constituerait un acte juridique unilatéral, accompli par une autorité administrative et destiné à produire des effets de droit ou à empêcher qu'ils ne se produisent, car, d'une part, la plainte aurait été définitivement rejetée et, d'autre part, de ce fait, les infractions des entreprises de télécommunications concernées persisteraient.
27. Troisièmement, même si la Commission la qualifie d'acte préparatoire en l'intégrant, d'un point de vue formel, dans le cadre d'une procédure se déroulant en trois phases, la lettre attaquée constituerait une décision tant sur le fond que sur la forme, en ce qu'elle adopterait, de manière motivée, une position de rejet ayant des effets sur le traitement ultérieur de la plainte. À cet égard, le requérant a affirmé pendant l'audience que, malgré les références faites au prétendu caractère provisoire de la prise de position exprimée dans la lettre attaquée, il ressortait clairement de la substance de celle-ci que la Commission avait pris une position définitive sur la plainte et que, le requérant ne possédant pas d'informations complémentaires à fournir à la Commission, il devait en être déduit que la plainte était rejetée.
Appréciation du Tribunal
Sur le délai pour soulever l'exception d'irrecevabilité
28. Selon l'article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure, le défendeur présente un mémoire en défense dans les deux mois qui suivent la signification de la requête. L'article 102, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que les délais de procédure sont augmentés d'un délai de distance forfaitaire de dix jours. Par ailleurs, en vertu de l'article 114, paragraphe 1, de ce même règlement, une partie peut également, par acte séparé, demander que le Tribunal statue sur l'irrecevabilité.
29. En l'espèce, la requête a été signifiée à la Commission le 19 janvier 2006. En vertu de l'article 46, paragraphe 1, de l'article 102, paragraphe 2, et de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, le délai imparti pour déposer un mémoire en défense ou, le cas échéant, soulever une exception d'irrecevabilité expirait donc le 29 mars 2006. Or, l'exception d'irrecevabilité a été présentée par la Commission le 23 mars 2006, et non le 29 mars comme le soutient le requérant.
30. Partant, l'exception d'irrecevabilité a été soulevée par la Commission dans le délai qui lui était imparti.
Sur la recevabilité du recours
31. Le règlement n° 773-2004 codifie les règles régissant le traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles 81 CE et 82 CE. L'article 7 de ce règlement prévoit que le rejet des plaintes s'effectue en deux phases. Ainsi, selon son paragraphe 1, si la Commission considère que, sur la base des informations dont elle dispose, il n'existe pas de motifs suffisants pour donner suite à une plainte, elle doit informer le plaignant de ses raisons et l'inviter à présenter ses observations écrites dans un délai qu'elle fixe. Selon son paragraphe 2, ce n'est que si le plaignant fait connaître son point de vue dans le délai fixé par la Commission et que ses observations écrites ne mènent pas à une appréciation différente de la plainte que la Commission rejette la plainte par voie de décision.
32. Conformément à une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d'un requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639, points 9 à 10 ; arrêts du Tribunal Automec/Commission, point 5 supra, point 42, et du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T-37-92, Rec. p. II-285, point 27).
33. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur du règlement n° 773-2004, laquelle demeure pertinente pour l'interprétation de ce dernier, que ni les observations préliminaires éventuellement émises par les services de la Commission dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen des plaintes, ni la communication par laquelle la Commission indique à la partie plaignante, lors de la deuxième phase, les motifs pour lesquels il ne lui paraît pas justifié de donner une suite favorable à sa demande et lui donne l'occasion de présenter, dans un délai qu'elle fixe à cet effet, ses observations éventuelles ne sauraient être qualifiées d'actes attaquables (arrêts du Tribunal Automec/Commission, point 5 supra, points 45 et 46 ; BEUC et NCC/Commission, point 32 supra, point 30, et du 17 février 2000, Stork Amsterdam/Commission, T-241-97, Rec. p. II-309, point 52).
34. En effet, un recours en annulation dirigé contre de tels actes de nature préparatoire et provisoire pourrait obliger le juge communautaire à porter une appréciation sur des questions sur lesquelles la Commission n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer et aurait ainsi pour conséquence une anticipation des débats au fond et une confusion des différentes phases des procédures administratives et judiciaires. Un tel recours serait incompatible avec le système de répartition des compétences entre la Commission et le Tribunal et avec les voies de recours prévues par le traité ainsi qu'avec les exigences d'une bonne administration de la justice et d'un déroulement régulier de la procédure administrative de la Commission (arrêt IBM/Commission, point 32 supra, point 20).
35. En revanche, une décision rejetant définitivement la plainte et clôturant le dossier est susceptible de recours (arrêt Stork Amsterdam/Commission, point 33 supra, point 53).
36. En l'espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que, depuis l'entrée en vigueur du règlement n° 773-2004, les deuxième et troisième phases de la procédure d'examen des plaintes, au sens de l'arrêt Automec/Commission, point 5 supra, correspondent aux phases prévues à l'article 7 dudit règlement, respectivement aux paragraphes 1 et 2, sans qu'il soit pour autant exclu qu'une phase antérieure informelle d'échanges de vues entre la Commission et le plaignant soit également envisageable. Il y a donc lieu de vérifier si la lettre attaquée relève d'une phase informelle préalable ou de la première phase de la procédure d'examen des plaintes prévue à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004, et donc si la prise de position qui y est exprimée par la Commission a un caractère provisoire et préparatoire, ou bien si, au contraire, la Commission s'y prononce de manière définitive en rejetant la plainte déposée par le requérant en vertu de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773-2004. Cette vérification doit se faire au regard du contenu de la lettre attaquée et du contexte dans lequel celle-ci a été prise (voir, en ce sens, arrêt Stork Amsterdam/Commission, point 33 supra, point 62).
37. Premièrement, dans la lettre attaquée, qui constitue la première réaction de la part de la Commission après le dépôt de la plainte par le requérant, celle-ci énonce explicitement que les appréciations qui y sont portées sont de nature provisoire. Elle indique également expressément que cette prise de position provisoire est adoptée sous réserve des informations complémentaires que le requérant pourrait éventuellement fournir, ce qui implique qu'une révision ultérieure de cette position est encore possible.
38. Cette constatation est renforcée par le fait que la Commission a adressé au requérant, le 23 décembre 2005, un rappel, en l'invitant à lui faire part de ses observations complémentaires éventuelles dans un délai de trois semaines, à défaut de quoi le dossier serait clos. Il convient de relever que, à cette date, la Commission n'avait pas encore été informée du présent recours, lequel a été introduit le 18 novembre 2005, cette information lui ayant été fournie par le requérant le 5 janvier 2006, étant précisé que la signification dudit recours à la Commission n'a été faite que le 19 janvier 2006 et que celui-ci a fait l'objet d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne le 11 février 2006 (JO C 36, p. 32).
39. Deuxièmement, il est précisé dans la lettre attaquée que, à ce stade de la procédure, la Commission ne voyait pas, dans les faits dénoncés dans la plainte, matière à ouvrir un complément d'enquête, ce qui indique que la possibilité de poursuivre l'enquête existait.
40. Troisièmement, la Commission a indiqué dans la lettre attaquée que celle-ci était adressée au requérant dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen des plaintes dénonçant des infractions aux articles 81 CE et 82 CE, en se référant explicitement à l'arrêt Automec/Commission, point 5 supra, dont il ressort que les observations préliminaires émises par les services de la Commission dans le cadre de contacts informels lors d'une telle première phase ne sauraient être qualifiées d'actes attaquables (arrêt Automec/Commission, point 5 supra, point 45).
41. Dès lors, la prise de position exprimée dans la lettre attaquée doit être considérée comme provisoire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 mars 2002, Satellimages TV5/Commission, T-95-99, Rec. p. II-1425, points 34 à 38).
42. L'argument du requérant selon lequel la Commission a porté, à travers les considérations formulées dans la lettre attaquée, une appréciation sur sa plainte et, partant, elle a pris une décision produisant des effets juridiques à son égard ne saurait être retenu. Certes, la Commission a eu recours, dans la lettre attaquée, notamment en constatant qu'il était hautement improbable de pouvoir constater une infraction aux règles de concurrence et qu'il était manifestement disproportionné d'engager de nouveaux moyens pour examiner plus avant la plainte, à une formulation qui n'est pas appropriée dans une lettre envoyée à un stade intermédiaire de la procédure d'examen d'une plainte, qui ne vise pas à communiquer une prise de position définitive de la Commission. Toutefois, il ressort des éléments examinés ci-dessus que, dans la lettre attaquée, la Commission a explicitement indiqué la possibilité d'investigations plus approfondies, sous réserve des informations complémentaires que le requérant voudrait bien lui fournir. La lettre attaquée doit dès lors s'analyser comme étant une prise de position provisoire de la Commission et non comme étant une décision définitive de celle-ci rejetant la plainte.
43. En effet, la Commission peut prendre une position en ce qui concerne une plainte sur la base des informations dont elle dispose et communiquer cette prise de position au plaignant, soit dans le cadre d'échanges de vues informels entre elle et le plaignant, soit dans le cadre de la procédure prévue à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004, laquelle vise notamment à donner au plaignant la possibilité de présenter ses observations sur la position prise par la Commission, sans que cette prise de position soit considérée comme définitive. Par ailleurs, la Commission est tenue d'examiner attentivement les éléments de fait et de droit soulevés dans toute plainte. Ainsi, dans le cas d'espèce, en adoptant une position provisoire au terme d'une analyse de la plainte, puis en la communiquant au requérant et en lui donnant ainsi la possibilité de présenter des observations complémentaires, la Commission doit être considérée comme ayant agi dans le cadre de la première phase de la procédure d'examen des plaintes prévue à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 773-2004, laquelle n'aboutit pas à une clôture du dossier et permet de garantir au plaignant un traitement de sa plainte qui est propre à sauvegarder les intérêts qu'il entend défendre.
44. Par ailleurs, bien que, dans la lettre attaquée, il ne soit prévu aucun délai pour la fourniture d'informations complémentaires, il en ressort explicitement que le requérant a été invité à fournir ces informations. De plus, par sa lettre du 23 décembre 2005, la Commission a effectivement imparti un délai au requérant à cet effet, en l'avertissant que, en l'absence d'observations complémentaires de sa part à l'expiration de ce délai, la plainte serait considérée comme retirée et le dossier clos.
45. Au vu de ce qui précède, la lettre attaquée ne peut être considérée comme étant une mesure qui fixe définitivement la position de la Commission et le recours doit donc être rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
46. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) M. Annemans est condamné aux dépens.