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Décisions

CA Rennes, audience solennelle, 20 février 1998, n° 967067

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rinaldi (Epoux)

Défendeur :

Crédit Industriel de l'Ouest (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Hanoteau, Roy

Président de chambre :

M. Thierry

Conseillers :

Mmes Rouvin, Tremoureux, Nivelle

Avoués :

Mes Gautier, Chaudet Brebion

Avocats :

Mes Coroller-Bequet, Hoche Delchet

TGI Quimper, du 11 oct. 1991

11 octobre 1991

Exposé des faits-procédure-objet du recours

Le Crédit Industriel de l'Ouest a ouvert le 26 mars 1987 un compte joint aux époux Rinaldi et le 27 avril 1987 il leur consentait un prêt de 150 000 F remboursable en 84 mensualités de 2 611,15 F chacune; par ailleurs André Rinaldi se rendait caution solidaire des engagements pris par sa fille Roselyne à qui le Crédit Industriel de l'Ouest consentait le 31 mars 1987 un prêt de 100 000 F remboursable en 84 mensualités de 1 740,77 F chacune;

Le compte joint étant débiteur et plusieurs échéances des deux prêts étant demeurés impayés en dépit de deux mises en demeures, le Crédit Industriel de l'Ouest a assigné les époux Rinaldi en paiement.

Par jugement en date du 11 octobre 1991 le Tribunal de grande instance de Quimper a condamné les époux Rinaldi à payer au Crédit Industriel de l'Ouest, au titre du prêt de 150 000 F la somme de

- 91 604,18 F outre intérêts au taux de 11,54 % à compter du 1er septembre 1990,

- 57 455,30 F, outre intérêts au taux de 11,54 % à compter de l'exigibilité de chacune des échéances restant dues.

La même décision condamnait André Rinaldi à payer au Crédit Industriel de l'Ouest, en sa qualité de caution, la somme de 94 057,33 F outre les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 1990, date de la mise en demeure;

Par un arrêt en date du 18 mai 1993, la Cour d'appel de Rennes a condamné André Rinaldi, en sa qualité de caution, à payer au Crédit Industriel de l'Ouest la somme de 96 471,98 F, outre intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure du 2 mai 1990, et confirmé pour le surplus la décision du Tribunal de Grande Instance de Quimper.

Y additant la cour d'appel a condamné les époux Rinaldi à payer au Crédit Industriel de l'Ouest la somme de 3 744,21 F, solde débiteur du compte joint et ce à compter du 7 mars 1990, date de la mise en demeure;

Par un arrêt en date du 10 avril 1996 la Cour de cassation a cassé cet arrêt mais seulement en ce qu'il a condamné André Rinaldi au paiement des intérêts au taux conventionnel au titre de son engagement de caution, et les époux Rinaldi au paiement des intérêts au titre du prêt de 150 000 F;

La Cour de cassation a, sur ces deux points, renvoyé la cause devant la présente cour.

Moyens proposés par les parties

Sur l'engagement de caution

Considérant que sans contester son engagement André Rinaldi fait valoir que la mention manuscrite portée sur l'acte de cautionnement solidaire souscrit par lui le 26 mars 1987 ne contient aucune indication du taux d'intérêt et que dans ces conditions il ne peut être tenu qu'au paiement du capital tel qu'il résulte de la déclaration de créance soit 59 915,78 F;

Le Crédit Industriel de l'Ouest rétorque qu'il est de jurisprudence constante qu'il n'est pas nécessaire que le taux d'intérêt apparaisse dans la mention manuscrite apposée par la caution dans la mesure où ce taux est porté dans l'acte écrit; qu'en l'espèce le recto de l'engagement d'André Rinaldi fait expressément référence au prêt de 100 000 F souscrit par sa fille Roselyne dont il connaissait parfaitement le coût;

Considérant que le Crédit Industriel de l'Ouest demande sur ce point la confirmation pure et simple de la décision de la Cour d'appel de Rennes;

Sur le prêt de 150 000 F

Considérant que les époux Rinaldi estiment sur ce point que la demande de prêt, seule pièce versée aux débats, ne mentionne pas le taux effectif global exigé par l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 et que c'est à bon droit que la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait violé les articles L. 311-33 et L. 311-16 du Code de la consommation et 1315 du Code civil, dont il résulte que la déchéance du droit aux intérêts encourue par l'inobservation de la règle d'ordre public édictée par l'article L. 311-10 du Code de la consommation ne peut être couverte par une renonciation même expresse; qu'à défaut pour le prêteur d'établir qu'il a satisfait à ces formalités, il ne peut réclamer le paiement des intérêts au débiteur; à fortiori il ne peut se prévaloir d'une présomption de renonciation de ce débiteur;

Considérant que les époux Rinaldi estiment en conséquence que la créance du Crédit Industriel de l'Ouest doit être liquidée à la somme de 104 235,71 F;

Considérant que le Crédit Industriel de l'Ouest estime que le prêt en question portant sur une somme de 150 000 F, il se trouvait exclu du champ d'application de la loi du 10 janvier 1978 et de ce fait n'était pas soumis aux dispositions d'ordre public de l'article L. 311-10 du Code de la consommation;

Considérant que le Crédit Industriel de l'Ouest fait encore valoir que les dispositions légales édictées par l'article 4 de la loi du 28 décembre l966relèvent de l'ordre public de protection et que leur méconnaissance est sanctionnée par une nullité relative à condition que l'action ait été intentée dans les 5 ans à compter de la signature du contrat de prêt, ce qui n'est pas le cas en l'espèce;

Considérant que le Crédit Industriel de l'Ouest conclut à la confirmation du jugement sur ce point et sollicite la condamnation des époux Rinaldi à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Motifs de l'arrêt

Considérant que la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 18 mai 1993 seulement en ce qu'il a condamné André Rinaldi au paiement des intérêts conventionnels au titre de son engagement de caution et les époux Rinaldi au paiement des intérêts au titre du prêt de 150 000 F; que les autres dispositions de cet arrêt notamment celles relatives au compte courant sont aujourd'hui définitives;

Sur l'étendue du cautionnement

Considérant qu'il n'est pas contesté que le 26 mars 1987 André Rinaldi s'est porté caution d'un prêt "Equipmatic" consenti à sa fille Roselyne par le Crédit Industriel de l'Ouest; qu'il résulte des pièces versées au dossier que ce cautionnement a été donné par acte séparé;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que l'engagement de la caution doit comporter la mention écrite de la main du signataire de toute somme déterminable au jour de la signature de l'acte et que la caution ne peut être tenue des intérêts au taux conventionnel qu'à la condition que le taux en soit écrit à la main;

Considérant en l'espèce que quand bien même l'emprunteur était la fille d'André Rinaldi, il appartenait à l'organisme prêteur de faire préciser par écrit à la caution qu'elle avait eu connaissance du taux d'intérêt auquel le prêt était consenti afin de permettre au tribunal, le cas échéant, de vérifier que toutes les informations avaient été données à la caution de façon à lui permettre de mesurer avec exactitude l'étendue de son engagement;

Considérant que les époux Rinaldi ne versent au dossier aucune preuve du montant de la dette qu'ils offrent de payer;

Considérant ainsi que, faute de référence dans la mention manuscrite au taux d'intérêt stipulé dans le contrat, le Crédit Industriel de l'Ouest ne pourra prétendre au paiement que du capital dû au jour de l'assignation soit 64 464,24 F augmentés des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 1990 date de la mise en demeure;

Sur le prêt de 150 000 F

Considérant que le 29 avril 1987 le Crédit Industriel de l'Ouest a consenti aux époux Rinaldi un prêt Crédimatic de 150 000 F pour faire face aux besoins de trésorerie du ménage; qu'il est constant que la demande de prêt produite au dossier ne mentionne pas le taux effectif global tel qu'exigé par l'article 4 de la loi du 22 décembre 1966;

Considérant qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 311-4 du Code de la consommation que toute offre de crédit doit comporter, entre autre mention, le taux effectif global du crédit; qu'une telle disposition d'ordre public ne peut être couverte par une renonciation même expresse des emprunteurs ; qu'une renonciation tacite tirée des éléments de la cause peut encore moins être envisagée;

Mais considérant que l'article L. 311-3 du Code de la consommation excluant du champ d'application de la loi du 10 janvier 1978 aujourd'hui codifiée, les prêts d'un montant supérieur à 140 000 F, il convient d'exclure de ces dispositions le prêt de 150 000 F consenti le 29 avril 1987 par le Crédit Industriel de l'Ouest aux époux Rinaldi et de confirmer le jugement du hi octobre 1991 en ce qu'il a condamné les époux Rinaldi à payer de ce chef au Crédit Industriel de l'Ouest les sommes visées dans le dispositif;

Considérant qu'au vu de la discussion qui s'est instaurée il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie la charge des sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens;

Considérant que chaque partie succombant partiellement en appel supportera ses propres dépens;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 10 avril 1996; Statuant dans les limites de la cassation; Réformant partiellement le jugement du Tribunal de grande instance de Quimper en date du 11 octobre 1991, Condamne André Rinaldi à payer au Crédit Industriel de l'Ouest la somme de 64 464,24 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 1990 date de la mise en demeure; Confirme pour le surplus la décision déférée; Déboute le Crédit Industriel de l'Ouest de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.