Conseil Conc., 25 juillet 2007, n° 07-D-25
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisines du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) à l'encontre de certains constructeurs de motocycles concernant les conditions de distribution de leurs produits
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Aloy, par Mme Perrot, Vice-Présidente, présidant la séance, Mmes Behar-Touchais, Renard-Payen, Xueref, membres.
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu la lettre enregistrée le 26 juillet 2000 sous le numéro F 1255, par laquelle le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Honda Motor Europe South (Honda) dans le secteur de la distribution de motocycles ; Vu la lettre enregistrée le 16 mai 2003 sous le numéro 03/0035 F par laquelle le CNPA a saisi le Conseil de pratiques des constructeurs de motocycles Suzuki, Yamaha, Honda, Kawasaki, MBK, Peugeot, Montana et Piaggio à l'égard de leurs distributeurs et a assorti sa saisine d'une demande de mesures conservatoires ; Vu la décision n° 03-D-42 du Conseil de la concurrence du 18 août 2003 ; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 mai 2004 rejetant le recours déposé contre la décision n° 03-D-42 ; Vu la décision du rapporteur général de joindre les affaires nos F 1255 et 03/0035 F ; Vu les décisions de protection du secret des affaires n° 06-DSA-27 du 27 juin 2006 et n° 06-DSA-30 du 3 juillet 2006 ; Vu la décision du président du Conseil de la concurrence du 23 mars 2007 de faire statuer le Conseil sans établissement préalable d'un rapport ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et les règlements communautaires pris pour leur application ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées le CNPA, les sociétés Kawasaki Motors Europe NV (Kawasaki) et Suzuki France (Suzuki) ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, et les représentants du CNPA, des sociétés Honda, Kawasaki et Suzuki, entendus lors de la séance du 13 juin 2007 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LA PROCÉDURE
1. LE SAISISSANT
1. Le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) est une organisation professionnelle dont le but est de défendre les intérêts des entreprises de la distribution et des services de l'automobile, des cycles et motocycles en France. Une autre organisation professionnelle du secteur du deux roues existe : la Fédération nationale du commerce et de la réparation des motocycles (FNCRM).
2. LA SAISINE F 1255
2. Le CNPA soutient que le contrat de distribution du constructeur Honda en France et la manière dont il est appliqué sont illicites au regard des règles prohibant les ententes anticoncurrentielles. En premier lieu, Honda aurait recours simultanément à la distribution exclusive et sélective, en mêlant dans son contrat l'exclusivité territoriale à l'interdiction de revente à des distributeurs non agréés. En deuxième lieu, le système des quotas d'achat et des primes d'objectifs des concessionnaires serait discriminatoire et laissé à l'arbitraire du concédant. En troisième lieu, les concessionnaires multimarques se verraient discriminés par rapport aux concessionnaires monomarques dans l'attribution des primes. En quatrième lieu, le contrat Honda favoriserait un cloisonnement du marché : les ventes croisées au sein du réseau et les importations parallèles seraient interdites ; l'engagement de non-concurrence ne serait pas conforme aux exigences du règlement (CEE) n° 1983-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du CE [devenu article 81, paragraphe 3, CE] à des catégories d'accords de distribution exclusive (JOCE L 173, p. 1) ; les ventes passives seraient limitées ; enfin, Honda limiterait la liberté commerciale des concessionnaires en contrôlant leurs achats.
3. Ces pratiques, susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, seraient non seulement contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce mais aussi à l'article 81 du traité CE.
4. Par ailleurs, selon le CNPA, en contrôlant les achats de ses concessionnaires, les stocks de véhicules et les ventes finales, ainsi que les augmentations de tarifs, la société Honda abuserait de la dépendance économique dans laquelle se trouveraient les concessionnaires, en infraction à l'article L. 420-2 du Code de commerce.
3. LA SAISINE 03/0035 F
5. Dans cette saisine, le CNPA vise les constructeurs Suzuki, Yamaha, Honda, Kawasaki, MBK, Peugeot, Montana et Piaggio et affirme que " soucieux d'accroître l'état de dépendance économique de leurs concessionnaires, tous les concédants ont imposé à leurs partenaires commerciaux des contrats restrictifs de concurrence visant à fermer le marché et à exclure toute concurrence intermarque par des pratiques tombant sous le coup des articles L. 420-1, L. 420-2 du Code de commerce et 81 du traité de Rome. " Le CNPA leur reproche d'avoir imposé à leurs réseaux des contrats qui ne respecteraient pas le règlement (CE) n° 2790-99 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JOCE L 336, p. 21) et soutient que l'organisation des principaux réseaux de distribution selon des modalités juridiques et économiques proches entraîne un effet cumulatif de nature à réduire la concurrence au stade de la vente au détail. Les dispositions contractuelles placeraient les concessionnaires en situation de dépendance économique et les concédants abuseraient de ces situations pour imposer " des sujétions économiquement et objectivement injustifiables. "
6. Dans sa décision n° 03-D-42 visée ci-dessus, le Conseil de la concurrence a considéré que le marché pertinent concerné par la saisine était celui des véhicules à moteur à deux roues immatriculés. Ainsi, MBK, Peugeot, Montana et Piaggio, actifs principalement sur le marché des véhicules à deux roues non immatriculés, ont été mis hors de cause. Par ailleurs, le Conseil a rejeté la saisine en ce qu'elle concernait : les clauses du contrat de distribution de Yamaha, l'effet cumulatif des contrats de distribution des sociétés Suzuki, Yamaha, Honda et Kawasaki sur le marché des véhicules à moteur à deux roues de plus de 50 cm3 et, enfin, l'abus de dépendance économique dans laquelle chacun de ces constructeurs, ou l'ensemble, tiendraient les concessionnaires. Par la même décision, le Conseil de la concurrence a également rejeté la demande de mesures conservatoires.
7. Le Conseil, en revanche, a estimé que l'instruction devait être poursuivie au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE en ce qui concerne les contrats de distribution ainsi que certaines autres pratiques de Honda, Suzuki et Kawasaki.
4. LE RAPPORT ADMINISTRATIF D'ENQUÊTE (RAE)
8. Le 19 décembre 2002, une demande d'enquête a été transmise au Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Après jonction des affaires F 1255 et 03/0035 F, le rapporteur général a, par lettre du 8 juillet 2004, adressé une nouvelle demande d'enquête au Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, annulant et remplaçant la précédente.
9. Un rapport d'enquête de la brigade interrégionale d'enquêtes d'Île-de-France de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, daté du 23 mai 2005, a été transmis au Conseil de la concurrence et enregistré le 24 juin 2005.
B. LE MARCHÉ CONCERNÉ
10. Comme indiqué dans la décision n° 03-D-42, le marché concerné par les pratiques dénoncées est celui des deux roues de cylindrée supérieure à 50 cm3.
11. L'entrée en vigueur, le 1er juillet 2004, de l'immatriculation progressive des cyclomoteurs de 50 cm3 ne modifie pas le contour du marché retenu. L'obligation d'immatriculation a concerné dans un premier temps les véhicules neufs, puis les véhicules d'occasion au moment de leur première cession. Elle sera étendue à tous les motocycles au plus tard le 30 juin 2009. A l'époque des faits dénoncés, cette disposition n'existait pas.
12. Toutefois, en dépit de l'extension de l'immatriculation à tous les deux roues à moteurs, les cyclomoteurs de 50 à 125 cm3 restent des produits très différents des engins de plus forte cylindrée, ne serait-ce qu'en termes de conduite. Le marché des motocycles d'une puissance supérieure à 50 cm3 peut encore être segmenté selon la cylindrée des modèles ou la famille des produits. On distingue traditionnellement les " petites cylindrées " (inférieures ou égales à 125 cm3) des " grosses cylindrées " (supérieures à ce seuil). Le marché peut aussi le cas échéant être segmenté selon les " familles " de motocycles (" 125 ", sportives, enduros, scooters, etc). En l'espèce, compte-tenu du contexte qui concerne essentiellement les relations entre fournisseurs et distributeurs, et non la demande finale des consommateurs, il n'est pas nécessaire de tenir compte de telles segmentations. C'est pourquoi le marché pris en compte dans la présente décision concerne les machines de plus de 50 cm3. Cependant, une distinction serait faite entre les engins de plus ou de moins de 125 cm3 lorsque leurs conditions de distribution sont différentes.
13. Le marché est caractérisé par l'importance des importations. Selon les données du dossier, en 2003, les constructeurs japonais ont assuré 64,4 % des immatriculations. Trois en assurent à eux seuls près de 57 % : Yamaha, 24 %, Honda 17,7 % et Suzuki 15,8 %. La quatrième place est détenue par Piaggio, qui assure 8,8 % des immatriculations, puis Kawasaki 7 %, BMW 4 % et Aprilia 3 %. Les autres constructeurs sont au nombre d'une douzaine et assurent chacun moins de 2,5 % des immatriculations.
14. Le tableau ci-après montre l'évolution des parts de marché des principaux constructeurs, de 2000 au premier semestre 2004, exprimées en nombre.
Tableau 1 - Evolution des parts de marché des constructeurs japonais sur le marché des motos de + de 50 m3 (en volume)
<Emplacement tableau>
15. La distribution des motocycles de plus de 50 cm3 est assurée par des concessionnaires monomarques ou multimarques, liés par des contrats aux constructeurs ou importateurs. Effectuant non seulement la vente, mais aussi la réparation et l'entretien des véhicules, ces concessionnaires sont principalement des petites entreprises indépendantes. Il ressort du rapport administratif d'enquête que plus de 90 % vendent d'autres produits que les motos de plus de 50 cm3 (cyclomoteurs, accessoires, motoculteurs, autres cycles). Enfin, 58 % sont " monomarques " et 26 % vendent deux ou trois marques différentes.
C. HONDA
1. PRÉSENTATION DE HONDA
16. La société Honda Motor Europe South (Honda), du groupe Honda Motor Company basé à Tokyo, assure les ventes d'automobiles de la marque en France, en Espagne et en Italie et les ventes de motocycles en France. En matière de motocycles, le groupe Honda est présent dans le monde entier. Il a réalisé, en 2004, 18 % de son chiffre d'affaires en Europe. Il y est leader du marché (20,7 % des immatriculations en 2003). En France, Honda occupe la deuxième place derrière Yamaha (voir le tableau point 14).
2. LA POLITIQUE DE HONDA EN MATIÈRE DE DISTRIBUTION
17. Le réseau de distribution de Honda est composé, en 2003, de 235 concessionnaires tous monomarques. Alors que seulement 70 % de ses concessions étaient auparavant monomarques, Honda a décidé que tout son réseau passerait au monomarquisme à partir du 1er janvier 2003.
a) Avant 2002
18. De 1993 à 2001 inclus, Honda accordait à ses concessionnaires des territoires exclusifs quelle que soit la cylindrée concernée, mais leur laissait le choix entre un contrat monomarque ou un contrat multimarque. Le contrat monomarque était conclu pour une durée indéterminée et, le contrat multimarque pour un an. Aux termes de ce dernier, " le concédant autorisait le concessionnaire à vendre les motocycles, cyclomoteurs et scooters neufs des marques visées spécifiquement à l'article 1 de l'annexe 3 du contrat. "
19. A la suite de la possibilité de conduire une 125 cm3 avec un permis voiture à compter du 1er juillet 1996, deux types de contrats multimarques, au lieu d'un seul, ont été proposés au réseau selon la cylindrée : le multimarque 50-125 cm3 et le multimarque plus de 125 cm3.
20. En 2001, alors que les contrats multimarques restaient inchangés, Honda a fait évoluer le contrat monomarque. Il s'en explique ainsi : " Les différentes modifications (...) ont été introduites en raison de l'entrée en vigueur du règlement n° 2790-99, afin de rendre le contrat monomarque conforme à ce nouveau règlement. (...) Les contrats que Honda souhaitait mettre en place dans le cadre du nouveau règlement et devant entrer en vigueur à compter de 2002 n'étant pas encore finalisés (ils ne l'ont été que fin 2001), il a fallu, pour les concessionnaires nommés dans le courant de l'année 2001, adapter le contrat existant alors. Le contrat monomarque 2001 a donc été modifié sur certains points par rapport au contrat 2000, notamment avec la disparition de l'interdiction de revente active (Honda ayant opté pour une distribution sélective ce qui prohibait toute interdiction de revente active), l'introduction du principe d'interdiction de vendre à des revendeurs non agréés (toujours pour la même raison) et la modification de la durée du contrat, n'excédant pas 5 ans (pour être conforme à l'article 5a du nouveau règlement). Le contrat monomarque 2001 était donc un contrat transitoire destiné à être remplacé par le nouveau contrat de 2002 en cours d'élaboration. "
b) A partir de 2002
21. A compter du 1er janvier 2002 Honda a proposé à ses concessionnaires des contrats exclusivement monomarques, quelle que soit la cylindrée. Conclus pour une période d'un an renouvelable par tacite reconduction, ces contrats expiraient au plus tard le 31 décembre 2006 pour respecter la période maximale de cinq ans, prévue à l'article 5, sous a), du règlement n° 2790-99 en ce qui concerne les obligations de non-concurrence pour bénéficier de l'exemption catégorielle instaurée par ce règlement. L'année 2002 a cependant été une année de transition pour permettre le passage au monomarquisme des concessionnaires qui étaient auparavant liés à Honda par un contrat multimarque. Ils ont pu encore rester multimarques pendant cette année.
22. Le second changement de la politique de distribution de Honda a été de distinguer deux types de distribution selon la cylindrée des motos : les modèles jusqu'à 125 cm3 sont distribués dans le cadre d'accords de distribution exclusive tandis que ceux de plus de 125 cm3 sont vendus dans le cadre d'accords de distribution sélective. Honda a expliqué cette distinction :
" Le choix de la distribution sélective pour les modèles d'au moins 125 cm3 est justifié par la technicité de ces produits qui nécessitent de la part du vendeur et du réparateur des compétences commerciales et techniques particulières. (...) Les modèles de moins de 125 cm3 ne présentent pas, quant à eux, la même technicité et peuvent donc faire l'objet d'une distribution plus large, notamment par l'intermédiaire de revendeurs hors réseau, ce que ne permettrait pas la distribution sélective. Les concessionnaires distribuant à la fois des modèles jusqu'à 125 cm3 et des modèles d'au moins 125 cm3 concluent donc deux contrats avec Honda : l'un de distribution exclusive pour la commercialisation des premiers modèles et l'autre de distribution sélective pour la commercialisation des seconds. "
Tableau 2 - Récapitulatif des différents contrats Honda
<Emplacement tableau>
D. SUZUKI
1. PRÉSENTATION DE SUZUKI
23. Entreprise du groupe japonais Suzuki, la société Suzuki France assure les ventes des automobiles et motocycles de la marque en France. Outre sa filiale française implantée à Trappes, la maison mère japonaise, Suzuki Motor Corporation, dispose en Europe de trois usines en Espagne (2) et en Hongrie (1) et de filiales et bureaux en Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, Autriche et Belgique. Le groupe Suzuki est présent dans le monde entier et a vendu en 2003 près de 80 % des motos de sa marque hors du Japon. En 2003, les ventes réalisées en Europe ont représenté 8,89 % des ventes réalisées hors du Japon.
24. En France, Suzuki occupe la troisième place derrière Yamaha puis Honda (voir tableau point 14). Offrant une gamme très large, Suzuki qui se positionne essentiellement sur le segment des grosses cylindrées, est leader sur les sportives et occupe la deuxième place pour d'autres types, notamment les scooters de plus de 125 cm3.
25. Fin 2004, le réseau de distribution de Suzuki comptait 221 concessionnaires motos (soit de 1 à 6 concessionnaires par département). Composé d'un nombre équivalent de concessionnaires monomarques et multimarques, il évolue vers une structure donnant une place plus importante au monomarquisme. Le directeur commercial de Suzuki a justifié cette tendance :
- " [par] la politique commerciale de nos concurrents qui réclament plus d'exclusivité ;
- l'intérêt économique des concessionnaires monomarques (primes plus avantageuses financièrement et système plus facile à gérer : les concessions étant majoritairement de petites unités, il est ainsi plus facile de former le personnel à une seule marque qu'à d'autres car cela nécessite du temps et de l'argent). "
2. LA POLITIQUE DE SUZUKI EN MATIÈRE DE DISTRIBUTION
26. Le directeur commercial de Suzuki a indiqué :
" Les principes sur lesquels repose le réseau de distribution Suzuki en France sont les suivants :
- jusqu'au 1er janvier 2001 : un contrat basé sur l'exclusivité territoriale à durée indéterminée avec des objectifs d'achats et de ventes ;
- au 1er janvier 2001 : un contrat à durée déterminée d'un an pour les contrats multimarques et de trois ans pour les contrats d'exclusivité de marque avec uniquement des objectifs de vente ; C'est ce contrat qui a été analysé par le Conseil de la concurrence ;
- A partir du 1er janvier 2004, indépendamment de la procédure engagée par le CNPA, et en fonction de la stratégie commerciale de Suzuki, un nouveau contrat a été soumis aux concessionnaires, uniquement fondé sur l'exclusivité et à durée indéterminée. Subsiste également la distinction entre multimarques et monomarques (deux spécimens de contrats) (...). "
27. Dans les contrats utilisés de 2001 à 2003, figurent notamment les dispositions suivantes :
- dans les contrats de distribution multimarques: "le présent contrat est conclu sans exclusivité. Le concessionnaire déclare qu'à la date de signature du présent contrat, il distribue les marques de motocyclettes mentionnées en annexe 1 ter. Il s'interdit de représenter toute autre marque que celles mentionnées en annexe 1 ter du présent contrat. Tout manquement aux engagements ci-dessus mentionnés entraînera la résiliation immédiate et de plein droit du présent contrat, sans que le concessionnaire puisse prétendre à une quelconque indemnité." ;
- dans tous les contrats de distribution : "A l'expiration du contrat et si la cessation intervient à l'initiative du concessionnaire, pendant une durée de six mois à compter de la date de la cessation des relations contractuelles, le concessionnaire s'interdit de se livrer, à partir du point de vente objet du présent contrat, à une activité concurrente de celle qui est exécutée dans le cadre du présent contrat.".
E. KAWASAKI
1. PRÉSENTATION DE KAWASAKI
28. La commercialisation des motos Kawasaki en France est assurée par la succursale française de Kawasaki Motors Europe NV (KME NV) dont le siège est aux Pays-Bas, elle-même filiale à 100 % de la société Kawasaki Heavy Industries Ltd. dont le siège est à Kobe (Japon). Même si elles sont vendues dans tous les pays d'Europe, les motos Kawasaki n'ont pas des parts de marché très élevées, 8 % en Allemagne en 2003 étant le maximum (voir aussi le tableau point 14).
29. En France, Kawasaki est la cinquième marque, derrière Yamaha, Honda, Suzuki et Piaggio. Kawasaki se positionne sur les grosses cylindrées.
30. En 2004, le réseau de distribution de Kawasaki était composé de 1 à 5 concessionnaires par département.
2. LA POLITIQUE DE KAWASAKI EN MATIÈRE DE DISTRIBUTION
31. Le réseau de distribution de Kawasaki est organisé en concessions avec des territoires exclusifs. Le multimarquisme est plus largement développé que dans les réseaux concurrents (2/3 des concessionnaires sont multimarques), la gamme des produits de Kawasaki étant restreinte. Les contrats monomarque et multimarque 2001, 2002 et 2003 étaient valables un an. Au 1er janvier 2004, les contrats de Kawasaki ont été revus dans le sens d'un contrat d'exclusivité territoriale pure, et les principales modifications ont concerné :
les interdictions de revente active en dehors du territoire concédé sont affirmées alors que la version antérieure limitait l'interdiction aux reventes actives effectuées à partir d'un établissement non autorisé ;
les critères qualitatifs demandés par Kawasaki pour être concessionnaire ont été supprimés (article 11 des contrats 2001, 2002 et 2003).
F. LES PRATIQUES EXAMINÉES
32. Les deux saisines du CNPA dénoncent certaines stipulations des contrats de distribution des trois constructeurs présentés ci-dessus, ainsi que leur application concrète. Ces pratiques ne seraient, en particulier, pas autorisées par les règlements d'exemption. Sont visés les contrats de distribution Honda, antérieurs et postérieurs à 2002, ainsi que les contrats Suzuki et Kawasaki en vigueur de 2001 à 2003.
33. Ceci conduit, pour les périodes énoncées ci-dessus, à examiner les conditions du choix des distributeurs et les conditions de vente aux utilisateurs finals, notamment ceux domiciliés hors du territoire concédé. Le risque de limitation des ventes croisées entre distributeurs du même réseau et des importations parallèles sera aussi examiné ainsi que les conditions de l'exclusivité de marque.
34. Le CNPA dénonce aussi, dans la saisine de 2000, le système de quotas d'achat et des primes d'objectifs de Honda, les concessionnaires multimarques se voyant imposer un traitement allégué discriminatoire par rapport aux concessionnaires monomarques dans l'attribution des primes. Toujours selon la saisine de 2000, Honda abuserait de l'état de dépendance dans lequel se trouveraient ses concessionnaires. Enfin, les ventes couplées auxquelles procéderait Suzuki en liant la vente de ses motocyclettes à celles de crédits et lubrifiants commercialisés de certaines de ses filiales ou de ses partenaires commerciaux, que le CNPA mentionne dans sa saisine de 2003, seront aussi examinées.
G. LES GRIEFS NOTIFIÉS
35. Deux griefs ont été notifiés à Suzuki France le 19 mars 2007, qualifiant de contraires aux dispositions de l'article 81 du traité CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce les deux clauses de ses contrats en vigueur de 2001 à 2003 citées au point 27 ci-dessus :
la clause de non-concurrence en cours d'exécution du contrat multimarque ;
la clause relative à l'obligation de non-concurrence à effet post-contractuel des contrats monomarque et multimarque.
36. La notification de griefs a aussi été communiquée à Honda et Kawasaki bien que la rapporteure ait proposé au Conseil de constater que les pratiques qui leur étaient reprochées par le CNPA n'étaient pas établies.
II. Discussion
A. SUR LA PROCÉDURE
37. Le CNPA demande au Conseil de renvoyer l'affaire à l'instruction. Il reproche à l'enquête de reposer uniquement sur des éléments apportés par les constructeurs. Aucun membre des membres des réseaux concernés n'aurait été interrogé en dépit de faits précis et concrets mentionnés dans sa plainte. Il affirme aussi que " la rapporteure a méconnu sa mission en demandant à la DGCCRF de se livrer seulement à une analyse contractuelle des contrats en cause au regard de la décision [n° 03-D-42] du 18 août 2003. " Enfin, il fait valoir qu'il n'a pas été entendu par la rapporteure postérieurement à l'adoption de ladite décision, ni lors de l'enquête.
38. Cependant, l'enquête a, notamment, porté sur les deux seuls cas concrets mentionnés par le CNPA de concessionnaires qui auraient été victimes des pratiques dénoncées dans la saisine de 2003 : Absolute Motos, société concessionnaire Honda liquidée en novembre 2002, à qui ce constructeur aurait interdit des importations intracommunautaires (cotes Pégase 235 à 249) ; et Bastille Motos, société concessionnaire Suzuki dont le contrat aurait été résilié en 2002 parce qu'elle aurait réalisé des ventes en dehors de son territoire (cotes 177 à 180). A cet égard, il ressort de l'enquête que la décision de Suzuki de résilier le contrat de Bastille Motos a donné lieu à un contentieux judiciaire d'où il ressort que la décision n'a pas été motivée par d'éventuelles ventes réalisées hors du territoire de Bastille Motos. S'agissant d'Absolute Motos, l'enquête a montré que ses difficultés ne s'expliquent pas par une interdiction des importations, mais par d'autres facteurs. Le CNPA n'a pas apporté d'éléments susceptibles de remettre en cause ces conclusions.
39. De plus, " le principe de la saisine in rem du Conseil de la concurrence ne dispense pas le requérant de l'obligation de spécifier les faits soumis à son appréciation. " Ce principe a été rappelé par la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 4 mai 2004, rendu sur recours du CNPA contre la décision n° 03-D-42 qui a statué sur la recevabilité de sa deuxième saisine assortie d'une demande de mesures conservatoires.
40. En l'espèce, les pratiques dénoncées ont trait aux relations entre des constructeurs et leurs distributeurs. Dans un tel contexte, l'instruction peut aisément porter sur le contenu des stipulations contractuelles applicables à ces relations. Mais s'agissant de l'application concrète de ces dispositions ou de comportements s'inscrivant en marge de celles-ci, il appartient au saisissant de fournir des exemples précis de nature à étayer ses allégations, à défaut de quoi les services d'enquête et d'instruction ne peuvent pas procéder aux investigations appropriées faute de savoir, en l'espèce, quels concessionnaires auraient été victimes des pratiques alléguées, sauf à procéder au hasard, ce qui ne conduirait pas nécessairement à des résultats probants.
41. Or, il ressort du dossier que le CNPA n'a pas apporté d'éléments suffisamment précis dans ses saisines, ou ultérieurement, qui auraient orienté les services d'enquête vers des cas concrets illustrant ses allégations. Ainsi, la saisine de 2000 n'apportait pas d'éléments factuels ni d'exemples concrets de concessionnaires qui auraient subi les pratiques dénoncées. Lors de son audition du 13 juin 2003 par les services d'enquête, la secrétaire générale du CNPA a précisé " La plainte Honda a été réalisée à partir de remontées concrètes émanant principalement de "gros" concessionnaires. " Toutefois, le CNPA n'a par la suite apporté aucun élément pour étayer cette affirmation et, notamment, n'a pas révélé l'identité de ces " gros concessionnaires ". De même, alors que le procès-verbal de cette audition fait mention d'une intention du CNPA de fournir sous quinzaine certains éléments, notamment :
le nombre de concessionnaires Honda multimarques et monomarques par département (1999, 2000, 2001, 2002),
la confirmation de l'identité de l'entreprise dont la situation était mentionnée en page 15 de la plainte,
des exemples concrets pour étayer le deuxième paragraphe de la page 16 de la plainte, le CNPA n'a jamais fourni ces éléments qui auraient pu orienter les enquêteurs. A une demande de l'enquêtrice en ce sens, le CNPA a répondu " sur la fixation des objectifs : il m'est impossible de vous révéler un cas précis sans mettre en danger le concessionnaire concerné. " Dans un deuxième courrier, le CNPA a fait valoir : " (...), il nous est légalement impossible de vous dévoiler le nom des adhérents du CNPA, ces derniers représentent près de 20 % des entreprises du secteur du motocycle tous les réseaux étant représentés au sein de ce syndicat professionnel. " Enfin, au cours de l'enquête et de l'instruction, le CNPA n'a jamais adressé d'éléments complémentaires.
42. Il y a également lieu de relever que, contrairement à ce qu'affirme le CNPA, la demande d'enquête adressée à la DGCCRF n'était pas limitée à une analyse des contrats. Il était demandé de relever toute pratique anticoncurrentielle mise en œuvre par chacun des trois constructeurs au sein de son réseau de distribution. Ainsi, un bilan des fins de contrat depuis trois ans a été demandé à chacun des trois constructeurs (24 fins de contrat Suzuki, 66 pour Honda et 12 pour Kawasaki). Les raisons de ces fins de contrat ont été exposées (liquidations, départ volontaire, faute grave, etc.) et le concédant s'est expliqué sur chaque cas. Faute d'indications précises du saisissant sur des cas particuliers, hormis les deux cas mentionnés plus haut, les enquêteurs ne pouvaient de facto faire davantage.
43. Enfin, ainsi que l'expose la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 23 janvier 2007 rendu sur le recours de la société Pharma-Lab contre la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-72, " (...) il résulte des articles L. 450-1 et L. 450-6 du Code de commerce que le rapporteur est maître de la conduite des investigations et qu'il apprécie librement l'opportunité des mesures à mettre en œuvre. " Il échet ensuite au Conseil de considérer que l'instruction est, ou non, suffisante pour qu'il se prononce sur la saisine.
44. En l'espèce, la rapporteure avait rédigé la note d'accompagnement de la demande d'enquête transmise le 19 décembre 2002 dans le cadre de l'affaire F 1255. La saisine 03/0035 F étant assortie d'une demande de mesures conservatoires, des débats contradictoires ont eu lieu pour permettre au Conseil de statuer sur la recevabilité de la saisine au fond ainsi que sur la demande de mesures conservatoires. Des observations ont été déposées par les parties, y compris par le saisissant, et elles ont été entendues en séance. Le CNPA ayant contesté la décision n° 03-D-42 du Conseil, un nouveau débat contradictoire a été engagé devant la Cour d'appel de Paris, au cours duquel le saisissant comme les parties visées ont pu déposer leurs conclusions. Une fois les deux affaires jointes, une nouvelle demande d'enquête a été adressée à la DGCCRF, et le rapport d'enquête a été enregistré au Conseil le 24 juin 2005. La rapporteure a, dans ces conditions, choisi de notifier les griefs, sans estimer, pour sa part, nécessaire d'auditionner à nouveau le saisissant. Rien n'empêchait cependant celui-ci de prendre l'initiative de compléter le dossier s'il entendait y apporter des éléments nouveaux, en particulier pour étayer d'éventuels griefs avant qu'ils ne soient notifiés
45. A cet égard, c'est seulement lors du dépôt de ses observations en réponse à la notification de griefs que le CNPA a fourni des éléments illustrant, selon lui, les restrictions de concurrence qu'il avait dénoncées. Ainsi, un " cas " Motorpole-Motomax étayerait le grief selon lequel Suzuki aurait un comportement discriminatoire et restreindrait les ventes passives et actives. De même, une lettre de 2003 (pièce 2 des observations du CNPA) du directeur commercial et du directeur du réseau de Suzuki adressée à un concessionnaire prouverait que Suzuki a interdit à ses concessionnaires les ventes actives en dehors de leur territoire, alors qu'aucune limitation des ventes actives ou passives aux utilisateurs finals résidant hors du territoire concédé ne pouvait, selon le CNPA, être imposée au distributeur, le contrat de distribution applicable mêlant des caractéristiques exclusives et sélectives.
46. Toutefois, l'analyse des éléments relatifs au cas Motorpole-Motormax montre que le conflit d'ordre commercial entre ce concessionnaire et son concédant, d'une part, est postérieur à la période couverte par la saisine, d'autre part, ne révèle pas de méconnaissance des règles de concurrence.
47. S'agissant de la lettre fournie en annexe aux observations du CNPA, elle est adressée à un concessionnaire de Haute-Loire qui a fait de la publicité dans le Puy-de-Dôme. Elle expose : " par ailleurs, l'exclusivité territoriale que nous vous concédons ainsi qu'à vos confrères vous interdit toute communication en dehors de votre territoire contractuel. " Toutefois, cet élément isolé, tardivement apporté au dossier alors qu'il est daté de 2003 est, à lui seul, insuffisant pour justifier un renvoi à l'instruction de la question de savoir si Suzuki a mis en place une politique de limitation des ventes passives et actives en dehors des territoires concédés.
48. Au vu de ce qui précède, il n'y a donc pas lieu de renvoyer le dossier à l'instruction.
B. SUR LE FOND
1. SUR LE DROIT APPLICABLE
a) Le droit communautaire
49. Le grief a été notifié sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité.
50. Ainsi que le Conseil l'a rappelé dans ses décisions n° 06-D-09 et n° 06-D-37, trois éléments établissent que des pratiques sont susceptibles d'avoir sensiblement affecté le commerce intracommunautaire : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits faisant l'objet de la pratique (premier point), l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges (deuxième point) et le caractère sensible de cette possible affectation (troisième point).
51. S'agissant du premier point, les éléments du dossier attestent de l'existence d'échanges entre les pays de l'Union européenne.
52. S'agissant des deuxième et troisième points, l'appréciation dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause.
53. En l'espèce, les contrats en cause sont des accords verticaux qui couvrent l'ensemble du territoire français. Ils sont ainsi susceptibles d'affecter les courants d'échanges entre États membres dès lors qu'ils rendent plus difficile aux entreprises d'autres États membres la pénétration du marché national en cause, soit au moyen d'exportations, soit au moyen de l'établissement. Lorsque des accords peuvent produire ce genre d'effet d'éviction, ils contribuent à un cloisonnement de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration voulue par le traité (voir notamment l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 octobre 1972 Cementhandelaren, 8-72, Rec. p. 977, point 29, et les lignes directrices de la Commission européenne relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JO 2004, C 101, p. 81, points 86 et suivants).
54. Or, les contrats de distribution en cause contiennent des clauses restrictives de concurrence : exclusivité du territoire, ou sélection des distributeurs, ou exclusivité de marque. Au surplus, ces contrats émanent d'opérateurs du marché qui détiennent, avec la marque Yamaha, dont la distribution est organisée sur le même modèle, plus de 60 % du marché national des motocycles de plus de 50 cm3. Affectant de ce fait une proportion significative du marché français, ces contrats de distribution sont susceptibles de limiter l'accès à ce marché pour d'autres fournisseurs et d'avoir un effet sensible sur le commerce entre États membres.
55. Les contrats et pratiques visés doivent donc être examinés au regard non seulement du droit national de la concurrence mais aussi du droit communautaire de la concurrence.
b) L'application dans le temps des règlements d'exemption par catégorie
56. Les contrats de distribution et les pratiques en cause, s'ils entrent dans le champ d'application des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE, peuvent, s'ils en remplissent les conditions, bénéficier des exemptions catégorielles instaurées successivement par les règlements d'exemption nos 1983-83 et 2790-99. Il est donc nécessaire de déterminer dans quelle mesure ceux-ci peuvent s'appliquer.
57. L'article 13 du règlement n° 2790-99 précise qu'il " est applicable à partir du 1er juin 2000. " Toutefois, l'article 12 dispose que : " 1. Les exemptions prévues par les règlements (CEE) n° 1983-83, (CEE) n° 1984-83, et (CEE) n° 4087-88 de la Commission continuent de s'appliquer jusqu'au 31 mai 2000. 2. L'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas, pendant la période du 1er juin 2000 au 31 décembre 2001, aux accords déjà en vigueur au 31 mai 2000 qui ne remplissent pas les conditions d'exemption prévues par le présent règlement, mais qui remplissent les conditions d'exemption prévues par les règlements (CEE) n° 1983-83, (CEE) n° 1984-83 ou (CEE) n° 4087-88. " Ainsi, les contrats conclus antérieurement au 1er juin 2000 qui remplissaient les conditions d'exemption du règlement n° 1983-83 restaient couverts par ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2001.
2. SUR L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ
58. Le CNPA ne conteste pas que le marché en cause est celui des deux-roues d'une puissance supérieure à 50 cm3. Mais il fait valoir qu'il y existe d'importantes barrières à l'entrée, comme en attesterait le maintien des positions des quatre marques principales et les difficultés de développement que connaissent les nouveaux entrants. Il souligne la faiblesse économique des concessionnaires, dont 74 % seraient monomarques.
59. A l'inverse de ce que soutient le CNPA, les éléments au dossier attestent de la décroissance des parts de marché des quatre principaux constructeurs. En effet, ainsi que le montre le tableau reproduit point 14, les quatre constructeurs japonais représentaient ensemble 70 % du marché en 2000 et seulement 64,4 % en 2003. Le Conseil avait déjà noté, au point 43 de la décision n° 03-D-42 :
" Au surplus, d'après les éléments fournis par Honda, la part des principaux constructeurs japonais (Honda, Yamaha, Suzuki et Kawasaki) a chuté depuis 1980. En effet, ces marques représentaient, prises ensemble, près de 88 % du marché des motocycles en 1980, contre 77 % en 1990 et 68 % en 2000. Les principaux acteurs du marché des motocycles n'ont donc pas non plus les moyens de s'abstraire de la concurrence qu'exercent les autres constructeurs. "
60. Le saisissant n'apporte aucun élément de nature à revoir cette appréciation et les difficultés alléguées de développement des autres marques ne sont soutenues par aucun exemple ni donnée précise. En particulier la proportion des concessionnaires monomarques est, selon les indications du dossier, plus faible que ce qu'indique le CNPA (58 %, comme l'a établi le rapport d'enquête repris au point 31 de la notification de griefs, et non de 74 %) et bien qu'elle augmente, elle n'a pas empêché la pénétration de nouvelles marques. L'éventuelle faiblesse économique des concessionnaires est, quant à elle, une donnée à prendre en compte lors de l'examen de l'abus de dépendance économique allégué.
3. SUR L'EXPLOITATION ABUSIVE PAR HONDA DE LA DÉPENDANCE ECONOMIQUE DE SES CONCESSIONNAIRES
61. Dans la saisine de 2000, le CNPA soutient que la part de marché de Honda et sa notoriété lui permettent de négliger la concurrence et d'abuser de sa domination sur ses concessionnaires, essentiellement monomarques.
62. L'examen de la liste des concessionnaires de la période 1996 à 2000 le conduit à conclure, qu'un ancien concessionnaire monomarque ne pouvait, après avoir quitté Honda, devenir concessionnaire d'une des trois autres marques japonaises.
63. Les concessionnaires Honda, selon le CNPA, auraient perdu toute autonomie du fait de la maîtrise, par le concédant, de leur politique commerciale. Cette maîtrise résulterait des contrôles étroits qu'Honda exerce sur la livraison des modèles les plus compétitifs, sur les stocks et les machines en démonstration, ainsi que sur les ventes, en subordonnant les livraisons des machines au concessionnaire à la vente préalable au consommateur final. L'obligation faite aux concessionnaires de communiquer un fichier clientèle à Honda irait dans le même sens.
64. Cependant, le Conseil a déjà rejeté la saisine de 2003 en ce qu'elle visait l'abus de dépendance économique dans laquelle les constructeurs mis en cause tiendraient les concessionnaires. La Cour d'appel de Paris a confirmé l'analyse suivie dans les termes suivants :
" Considérant que le Conseil de la concurrence a justement souligné qu'au-delà de développements généraux sur la subordination qui caractérisait nécessairement la situation du concessionnaire par rapport au concédant, le CNPA n'établissait pas, comme il en a la charge, les faits concrets susceptibles de démontrer que les entreprises déterminées ont subi dans des conditions relevant de l'article L. 420-2 du Code de commerce les effets de pratiques abusives imputables à l'une ou l'autre des sociétés visées par l'acte de saisine ... "
65. La cour d'appel a relevé que l'offre était répartie entre des marques de notoriété équivalente, les principales d'entre elles, Yamaha, Honda et Suzuki détenant respectivement en 2003, 26 %, 19 % et 17 % environ du marché. Elle a jugé que les conditions d'un état de dépendance économique n'étaient pas réunies dans le cas des distributeurs de motocycles puisqu'ils pouvaient passer d'un réseau à un autre pour commercialiser les produits d'une autre marque. Elle a cité des exemples de concessionnaires étant passés d'une marque japonaise à une autre. Enfin, elle a souligné l'absence de preuve d'un comportement discriminatoire des fournisseurs lors de la sélection des distributeurs ou dans l'exécution des contrats.
66. Les éléments soumis au Conseil et à la cour d'appel à l'occasion de l'examen de la saisine de 2003, à propos desquels a été démontrée l'absence d'abus de dépendance, sont identiques à ceux fournis dans la saisine de 2000. Cette dernière ne contient donc aucun élément qui n'ait été débattu lors de la procédure contradictoire qui s'est déroulée alors. Elle n'apporte pas non plus d'exemple concret illustrant de nouvelles pratiques.
67. Dans ces circonstances, le Conseil de la concurrence constate qu'aucun élément nouveau ne justifie de porter une appréciation différente. L'exploitation abusive par Honda d'un état de dépendance économique de ses concessionnaires n'est donc pas démontrée et il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure sur ce point.
4. SUR LES OBJECTIFS COMMERCIAUX ET LES SYSTÈMES DE PRIMES
a) Sur la discrimination alléguée entre concessionnaires Honda selon qu'ils sont monomarques ou multimarques
68. Dans la saisine de 2000, le CNPA soutient que les concessionnaires Honda monomarques et multimarques souscrivent aux mêmes obligations (la même exclusivité d'approvisionnement en produits contractuels Honda auprès du constructeur, les mêmes engagements de vente et de services après-vente, les mêmes quotas d'achats, une obligation de non-concurrence identique et les mêmes engagements en termes d'investissements, notamment pour satisfaire aux critères de sélection qui sont identiques).
69. La seule différence résiderait dans l'obligation faite au concessionnaire monomarque d'affecter à la promotion et à la vente des produits Honda un budget publicitaire annuel au moins égal à 2 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé avec le concédant (article 9-2 du contrat monomarque). Or la prime de résultat qui récompense la réalisation des objectifs d'achats serait plus favorable au concessionnaire monomarque. Mais, d'après le CNPA, Honda n'a jamais exigé de ses concessionnaires monomarques le respect de la disposition relative à la publicité, de sorte que la différence dans la prime de résultat créerait une distorsion de concurrence entre les concessionnaires monomarques et les concessionnaires multimarques. Ceux-ci seraient plus encore pénalisés lorsqu'ils ne sont concessionnaires que pour une partie de la gamme (les plus ou moins de 125 cm3).
70. Enfin, aux termes de l'article 22-1 du contrat de concession multimarque, Honda imposerait à ses concessionnaires multimarques de réaliser un taux de pénétration de la marque supérieur à 80 % de sa part de marché moyenne en France pendant une période de six mois consécutifs, à peine de résiliation anticipée des contrats. Les concessionnaires monomarques ne seraient pas soumis à cet objectif.
Sur les différences de primes entre les concessionnaires monomarques et les concessionnaires multimarques
71. Comme le relève le CNPA, les concessionnaires monomarques et les concessionnaires multimarques ne sont pas dans la même situation : outre le fait que le concessionnaire monomarque doit affecter 2 % de son chiffre d'affaires à la publicité, il peut offrir moins de produits à sa clientèle. Contrairement à ceux d'un concessionnaire multimarque qui peut compenser la perte d'une vente d'un modèle Honda par une vente d'un modèle d'une autre marque, les intérêts d'un concessionnaire monomarque sont liés aux performances de la marque Honda, puisqu'une vente perdue pour Honda est une vente perdue pour lui.
72. Dès lors, l'incitation des concessionnaires monomarques à engager un certain niveau de dépenses publicitaires et leur plus large intéressement à la tenue de leurs objectifs apparaît justifié.
73. Au surplus, au sein de chaque catégorie de primes (monomarques et multimarques), les conditions d'accès à ces primes sont bien définies : à chaque degré de réalisation des objectifs convenus entre le concessionnaire et le concédant chaque année, correspond un niveau des primes.
74. En l'absence d'exemple concret de concessionnaire qui aurait rempli les conditions définies et auquel des primes auraient été refusées, il n'est pas établi que Honda a distribué ses primes de manière discriminatoire aux concessionnaires.
Sur l'objectif de pénétration minimale du marché imposée aux concessionnaires multimarques
75. Ainsi que l'a exposé Honda l'obligation de " pénétration " de la marque supérieure à 80 % de sa part de marché moyenne en France imposée aux concessionnaires multimarques pendant une période de six mois consécutifs, est justifiée par le souci d'éviter que des concessionnaires multimarques se servent de Honda comme marque d'appel tout en négligeant sa promotion. La résiliation anticipée des contrats en cas de non-respect de cette pénétration répond ainsi à un objectif commercial légitime et n'apparaît pas anticoncurrentielle.
Sur le système général des quantités minimales d'achat et des primes de Honda
76. Selon le CNPA, d'une manière générale le système des quantités minimales d'achats et des primes de résultat qui était en place en 2000 dans le réseau Honda serait arbitraire, les objectifs étant déterminés unilatéralement par Honda, et calculés sur la base des ventes de l'année passée, sans qu'il soit tenu compte de l'évolution de la part de marché de la marque.
77. S'il est vrai que le concédant peut fixer lui-même les objectifs d'achat du concessionnaire en cas de désaccord avec celui-ci (sinon l'objectif est fixé par voie d'avenant), l'article 12 des contrats précise qu'il le fait " à partir d'estimations prévisionnelles des ventes du concessionnaire. "
78. Le saisissant n'apporte aucun élément se rapportant à une situation concrète dans laquelle Honda aurait usé de cette faculté ou dans laquelle il aurait fixé des objectifs arbitraires ayant le cas échéant conduit à une résiliation. Il se contente d'évoquer " l'effet potestatif de ces dispositions ", et ne mentionne qu'une situation concernant un concessionnaire bon vendeur de 125 cm3 (42 % de part de marché sur sa concession) à qui des objectifs élevés l'année suivante auraient été assignés.
79. A cet égard, le CNPA ne montre pas que l'augmentation des objectifs assignés à ce concessionnaire (de 50 à 53 véhicules) dépasse l'augmentation nécessaire pour absorber la hausse de la demande adressée à Honda dans le contexte d'augmentation générale des ventes de motos à l'époque (1998-1999) et n'indique pas si ce concessionnaire a pu ou non remplir ces objectifs. Surtout, il n'explique pas en quoi ce mode de fixation d'objectifs de vente porte atteinte à la concurrence.
80. En particulier, la critique du CNPA quant à l'absence de révision des objectifs en fonction de l'évolution du marché et de l'évolution de la position de Honda sur celui-ci apparaît injustifié. En effet, Honda a fourni l'exemple d'une circulaire distribuée au réseau montrant qu'en fonction des résultats d'immatriculation de l'ensemble de la marque, les objectifs peuvent être revus à la baisse pour ne pas pénaliser les concessionnaires (cote 215, rapport administratif d'enquête).
81. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de rechercher sous quelle qualification de pratique dénoncée par le saisissant pourrait être examinée, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination à objet ou effet anticoncurrentiels entre concessionnaires Honda manque en fait.
b) Sur le système d'incitation à placer des produits complémentaires reproché à Suzuki dans la saisine de 2003
82. Dans sa saisine de 2003, le CNPA dénonce un système qui était en vigueur en 2002 chez Suzuki et qui prévoyait l'octroi d'un " bonus " de fin d'année lié aux performances pour la vente de lubrifiants, de produits d'assurance et de crédits. Si les concessionnaires ne réalisaient pas 5 % de placements de produits de financement Cofica (Suzuki Finance) ou de produits d'assurance Sogerec (Suzuki Assurance) par rapport au nombre de véhicules vendus et l'achat de 5 litres de lubrifiant Castrol par véhicule vendu, les remises de fin d'année dont ils bénéficiaient étaient moindres (de 4,5 % à 1,25 % pour les monomarques et de 2,5 % à 0,75 % pour les multimarques).
83. Selon le CNPA, l'objet anticoncurrentiel de ce système réside dans le fait qu'il a pour finalité d'avantager les partenaires de Suzuki au détriment des sociétés concurrentes.
84. Cependant, le Conseil de la concurrence constate que les seuils requis pour bénéficier des bonus de remises de fin d'année étaient suffisamment bas pour être facilement atteints : ils n'ont donc pu affecter sensiblement la concurrence entre les offreurs des services ou produits concernés.
5. SUR LE CUMUL ENTRE EXCLUSIVITÉ DE TERRITOIRE ET SÉLECTION DES DISTRIBUTEURS ET REVENDEURS AINSI QUE SUR LES CRITÈRES DE SÉLECTION DES DISTRIBUTEURS
85. Selon le saisissant, les contrats examinés (Honda avant et depuis 2002, Suzuki de 2001 à 2003 et Kawasaki de 2001 à 2003) mêlent des caractéristiques de distribution exclusive et de distribution sélective. Il soutient que cette combinaison n'est pas autorisée et qu'en tout état de cause, des obstacles à la sélection objective des concessionnaires existent dans les contrats en cause. Sur cet aspect, les dispositions du (des) règlement(s) d'exemption en vigueur à l'époque de chaque contrat sont rappelées ci-après. Les stipulations litigieuses des contrats, ainsi que l'application qui en est faite par le concédant, sont ensuite examinées :
a) Le régime prévu par le règlement d'exemption par catégorie n° 1983-83
86. A l'époque où le règlement n° 1983-83 s'appliquait, la Commission a précisé sa position sur le cumul des caractéristiques de la distribution exclusive avec celles de la distribution sélective dans son rapport de 1996 sur l'application des règles de concurrence dans l'Union européenne :
" Les producteurs de motocycles doivent donc choisir [des] systèmes de distribution expressément autorisés par la Commission.
a) Ils peuvent se référer au règlement d'exemption par catégorie n° 1983-83 concernant les systèmes de distribution exclusive. Dans ce cas, ils peuvent établir un réseau de concessionnaires exclusifs, qui seraient les seuls auxquels le constructeur pourrait vendre les produits contractuels. En application de ce règlement, les concessionnaires doivent être libres de vendre les produits contractuels à d'autres distributeurs non sélectionnés, à l'intérieur et en dehors des territoires exclusifs. La Commission accepte cependant que le constructeur fixe des critères objectifs à remplir par les distributeurs non agréés qui demandent à être approvisionnés par les concessionnaires.
b) Ils peuvent également choisir de mettre en place un système de distribution sélective et interdire aux distributeurs agréés de vendre à d'autres distributeurs en dehors du réseau. Ce système ne prévoit pas la possibilité d'attribuer aux distributeurs concernés des territoires exclusifs. Cependant, la Commission accepte en principe l'idée d'une responsabilité de territoire pour chaque distributeur. Cela implique que le producteur maintient son droit de nommer un autre distributeur dans un territoire si ce territoire est mal représenté, mais tous les distributeurs doivent rester libres de vendre à n'importe quel client final, indépendamment de leurs zones de responsabilité respectives.
Ainsi, concernant les systèmes de distribution exclusive, le point 20 de la communication relative aux règlements n° 1983-83 et n° 1984-83 de la Commission du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories respectivement d'accords de distribution exclusive et d'accords d'achat exclusif (JOCE 1984, C 101) expose :
"Dans le cadre de l'obligation qui lui [le revendeur] est faite de prendre certaines mesures de promotion de vente, et en particulier d'entretenir un réseau de distribution [article 2, paragraphe 3, sous c du règlement 1983-83 (...)], il peut être interdit au revendeur de livrer les produits contractuels à d'autres revendeurs non qualifiés. De telles clauses ne soulèvent pas d'objection lorsque l'accès au réseau de distribution se fait sur la base de critères objectifs de nature qualitative, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur ou de son personnel ou à la qualité de ses installations, lorsque ces conditions sont fixées uniformément pour tous les revendeurs potentiels et lorsqu'ils sont effectivement appliqués de manière non discriminatoire. Les systèmes de distribution qui ne répondent pas à ces conditions ne sont pas couverts par l'exemption par catégorie."
En application du règlement 1983-83 concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive, (...) les concessionnaires doivent être libres de vendre les produits contractuels à d'autres distributeurs non sélectionnés à l'intérieur et en dehors des territoires exclusifs. Toutefois, la Commission accepte que le constructeur fixe des critères objectifs à remplir par les distributeurs non agréés qui demandent à être approvisionnés par les concessionnaires. Dans ces conditions, l'interdiction faite au revendeur de livrer les produits contractuels à d'autres revendeurs non qualifiés ne fait pas obstacle à l'exemption par catégorie. "
Lorsque le règlement n° 1983-83 était applicable, la Commission acceptait donc un cumul de certaines caractéristiques de la distribution exclusive et de la distribution sélective. Le Conseil n'estime pas nécessaire de s'écarter de cette approche en l'espèce car il apparaît légitime que des produits tels que des motocycles soient vendus par des personnes présentant des garanties de compétence et de moyens, non seulement dans l'intérêt de la marque mais aussi dans celui du consommateur. En tant que telle, une sélection des revendeurs auxquels peuvent vendre les membres d'un réseau de distribution exclusive de motocycles et une responsabilité territoriale particulière pour les membres d'un réseau de distribution sélective apparaissent peu restrictives de concurrence et répondre aux critères habituels d'exemption. Il convient donc de vérifier si les contrats concernés répondent à ces principes.
b) Le contrat Honda exclusif avant 2002
87. Pour les motocycles de cylindrée inférieure ou égale à 125 cm3, qu'il s'agisse du contrat monomarque ou du contrat multimarque, l'article 7 prévoit une interdiction de revente, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire, des produits contractuels à des revendeurs " autres que des revendeurs professionnels spécialistes du 2 roues à moteur ayant les compétences et les installations nécessaires pour assurer la commercialisation et le service d'entretien et de réparation des produits dans des conditions permettant d'assurer l'excellente réputation des produits et la satisfaction de la clientèle. ".
88. Pour les motocycles de cylindrée supérieure à 125 cm3, qu'il s'agisse des contrats monomarque ou multimarques, l'article 7 prévoit une interdiction de revente des produits contractuels à " des revendeurs non qualifiés ne répondant pas aux critères objectifs de nature qualitative relatifs à la qualification professionnelle exigée de tout revendeur ou de son personnel ou à la qualité de ses installations tels que précisés à l'annexe 2 du présent contrat [annexe 1 pour le contrat multimarque] et susceptibles d'être modifiés périodiquement. " Les critères que doit remplir un revendeur pour être qualifié sont décrits dans les quatre pages des annexes concernées. Ils concernent quatre points :
les surfaces minimales (commerciale et après-vente),
le personnel (nombre et composition du staff),
l'équipement (bureautique, outillage),
la solidité financière (bilans, compte d'exploitation prévisionnel, plans de financement).
89. Concernant les motos de cylindrée inférieure ou égale à 125 cm3, selon le CNPA, la condition de qualification est imprécise. Certains se seraient vus attribuer la qualification de " spécialistes " sur la seule base des volumes de vente.
90. Cependant, la qualité de " spécialistes du deux-roues à moteur " est définie par " les compétences et les installations nécessaires pour assurer la commercialisation et le service d'entretien et de réparation des produits dans des conditions permettant d'assurer l'excellente réputation des produits et la satisfaction de la clientèle. " En l'absence d'exemple de revendeur qui aurait pu remplir ces conditions, et à l'égard duquel Honda aurait refusé la revente par l'un de ses concessionnaires, il n'y a pas lieu de considérer que ces critères sont appliqués d'une manière ne permettant plus de bénéficier de l'exemption.
91. Concernant les motocycles de plus de 125 cm3, le saisissant soutient que les critères auxquels doivent répondre les revendeurs hors réseau sont largement discrétionnaires et sont de toute façon appliqués arbitrairement. Il avance que, largement basés sur la capacité à effectuer le service après-vente, ils désignent en fait les concessionnaires Honda eux-mêmes, à l'exclusion de tout autre professionnel. Les reventes seraient donc restreintes aux échanges à l'intérieur du réseau. D'anciens concessionnaires Honda n'auraient pu accéder à la qualité de revendeur qualifié, Honda ayant, à de multiples reprises, donné des instructions à ses concessionnaires pour leur interdire de revendre des produits à des concessionnaires résiliés. Le CNPA ne fournit toutefois aucun exemple d'une telle situation. Il souligne par ailleurs, en substance, qu'inversement, des concessionnaires seraient choisis de manière laxiste.
92. Cependant, aucune des assertions du CNPA n'est suffisante pour considérer que le contrôle de Honda sur les revendeurs hors réseau ou sur le choix des concessionnaires, à la période où les contrats de concession en vigueur avant 2002 s'appliquaient, entraînait une atteinte à la concurrence telle que le comportement de Honda relèverait des interdictions stipulées à l'article 81 du traité CE ou édictées à l'article L. 420-1 du Code de commerce.
c) Le régime prévu par le règlement d'exemption par catégorie n° 2790-99
93. La distribution sélective est définie comme suit à l'article 1er, sous d), du règlement n° 2790-1999 :
" un "système de distribution sélective" est un système de distribution dans lequel le fournisseur s'engage à vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés. "
94. Ainsi qu'il est exposé au point 186 de la communication de la Commission " lignes directrices sur les restrictions verticales " (JOCE 2000 C 291, p. 1), en cas de cumul de caractères de la distribution sélective et de la distribution exclusive, la liberté de choisir tous les distributeurs sur la base de critères définis ne fait pas perdre le bénéfice de l'exemption par catégorie :
" la distribution sélective, qu'elle soit qualitative ou quantitative, bénéficie de l'exemption par catégorie [...] même si elle est associée à d'autres restrictions verticales qui ne sont pas caractérisées, telles que [...] la distribution exclusive sous réserve que les distributeurs agréés puissent procéder à des ventes actives tant entre eux qu'aux consommateurs finals. "
95. Certes, le point 162 des mêmes lignes directrices, qui vise une situation symétrique analysant au départ un système de distribution exclusive, ne dit pas explicitement que les ventes à des revendeurs hors réseau peuvent être interdites en cas de cumul des caractéristiques des deux systèmes :
" La distribution exclusive bénéficie de l'exemption par catégorie pour autant que la part de marché du fournisseur n'excède pas 30 %, même si elle est associée à d'autres restrictions verticales qui ne sont pas caractérisées, telles qu'une obligation de non-concurrence limitée à 5 ans, l'imposition de quotas ou l'achat exclusif. La combinaison de distribution exclusive avec la distribution sélective ne bénéficie de l'exemption par catégorie que si les ventes actives vers d'autres territoires ne sont pas limitées. "
96. Toutefois, s'il était possible de vendre des produits contractuels à des revendeurs hors réseau, le système en cause ne répondrait plus à la définition même de la distribution sélective. Dès lors que le cumul des caractères des deux systèmes est envisagé, c'est bien que la limitation de la liberté des ventes actives et passives dans un tel réseau aux seules ventes aux autres distributeurs du réseau et aux clients finals n'entraîne pas la perte de l'exemption catégorielle, si on en réunit par ailleurs les conditions. La critique à l'égard des systèmes de distribution visés par le CNPA selon laquelle l'interdiction de vente à des distributeurs hors réseau ferait perdre le bénéfice de l'exemption découlant du règlement n° 2790-99 n'est donc pas fondée.
97. C'est à l'aune de ces principes qu'il convient d'examiner les contrats concernés, étant rappelé qu'aucun des constructeurs en cause n'a une part de marché dépassant 30 %, condition nécessaire pour bénéficier de l'exemption par catégorie.
d) Les contrats Honda en vigueur depuis 2002
Le contrat exclusif pour les motocycles jusqu'à 125 cm3 en vigueur depuis 2002
98. Le CNPA expose que le contrat exclusif en vigueur depuis 2002 prévoit des critères de sélection, ce qui changerait la nature du contrat de distribution.
99. Or, l'examen de ce contrat montre qu'il ne prévoit aucun critère particulier en la matière. La critique manque donc en fait.
Le contrat sélectif pour les motocycles de plus de 125 cm3 en vigueur depuis 2002
100. Le CNPA fait grief au contrat de distribution sélectif qui concerne les modèles de plus de 125 cm3 de faire référence à la notion de territoire alors que l'exclusivité de territoire aurait été abandonnée pour ces véhicules. Il reproche aussi à ce contrat de contenir des dispositions qui font obstacle à la sélection objective des concessionnaires.
101. Cependant, Honda a légitimement fait valoir, à l'occasion de l'examen de la demande de mesures conservatoires du CNPA : " En se référant à la notion de "territoire", y compris dans les accords de distribution sélective, Honda rappelle simplement à chacun de ses distributeurs qu'il est actif sur une zone de responsabilité. Ceci obéit à la simple rationalité économique : lorsqu'un concédant nomme un distributeur dans une zone géographique particulière, il s'attend à ce que les clients, actuels ou potentiels, présents dans cette zone géographique, puissent trouver les meilleurs services auprès de ce distributeur. Si celui-ci se désintéresse des consommateurs à l'intérieur de cette zone, ces consommateurs en souffriront. "
102. Ceci n'interdit ni les ventes passives sollicitées d'autres territoires, ni les ventes actives faites vers eux, mais oblige le revendeur à être suffisamment actif sur son secteur, ce qui ne présente pas un caractère anticoncurrentiel.
103. Concernant le risque d'obstacle à la sélection objective des concessionnaires, les critères qualitatifs du réseau sont définis à l'annexe 3 du contrat. Intitulés " standard minimum des accords sélectifs " ils portent sur :
des surfaces minimales (exprimées en m²),
le personnel,
l'équipement,
un tableau financier.
104. Ces standards sont établis de manière claire et apparaissent aisément identifiables pour les concessionnaires.
105. S'il existe une clause d'intuitu personae dans les contrats de distribution (article 19), elle correspond à une clause classique visant à protéger le concédant contre un éventuel changement de raison sociale ou de forme juridique de la concession ou d'identité de dirigeants en cours de contrat. Par ailleurs, le fait, le cas échéant, de limiter le nombre de distributeurs agréés parmi des candidats qui remplissent les critères qualitatifs requis pour intégrer un réseau de distribution sélective, bien qu'il soit en principe restrictif de concurrence, satisfait aux conditions d'exemption lorsque la part de marché du fournisseur ne dépasse pas 30 %, ce qui est le cas en l'espèce. Par ailleurs, l'existence d'un intuitu personae dans le choix entre deux candidats remplissant les critères qualitatifs requis pour intégrer un réseau de distribution dans de telles conditions ne remet pas non plus en cause le bénéfice d'une telle exemption.
106. A cet égard, il est justifié sur le plan économique et commercial pour un fournisseur qui recourt à un réseau spécialisé pour distribuer ses produits de veiller à ce que son réseau de distribution soit convenablement dimensionné par rapport aux conditions de confrontation de l'offre et de la demande et il est également justifié, dans le cadre de relations d'affaires, lorsqu'un choix est à faire entre deux candidats remplissant les mêmes critères objectifs, de tenir compte de considérations subjectives. Les conséquences immédiates sur la concurrence de la limitation du nombre des distributeurs de la marque en cause qui peuvent en découler sont, sauf circonstances exceptionnelles, contrebattues par les avantages d'une distribution plus adéquate du produit. Si par ailleurs les conditions d'exemption du règlement n° 2790-99 sont vérifiées, ces avantages permettent de satisfaire aux conditions générales d'exemption figurant à l'article 81, paragraphe 3, CE ou à l'article L. 420-4 du Code du commerce (voir en ce sens la décision du Conseil n° 03-D-60 du 17 décembre 2003 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'horlogerie de luxe, points 36 et 37, ainsi que la communication de la Commission portant lignes directrices sur les restrictions verticales, points 185 et 186).
107. Il y a lieu de noter au surplus que Honda procède à des appels à candidature qui sont publiés dans la presse. Honda a communiqué à l'occasion de l'enquête une copie de son plan Média 2003 ainsi que deux publicités parues dans la presse spécialisée. L'une d'elles indique que :
" Des opportunités sont à saisir sur les régions Paris Île-de-France, Provence-Alpes Côte-d'Azur ainsi que sur les villes d'Angoulême (16), Auch (32), Châteauroux (36), Cahors (46) et Orange (84). "
108. Par ailleurs, à supposer que ce comportement puisse constituer une méconnaissance des règles de concurrence, alors qu'il pourrait avant tout relever du non-respect d'équilibres contractuels, il n'a pas été prouvé en l'espèce que les standards qualitatifs n'ont pas été respectés dans le choix ou le maintien dans le réseau de certains concessionnaires.
e) Les contrats Suzuki en vigueur entre 2001 et 2003
109. Le contrat 2001-2003 de Suzuki contient des caractéristiques de la distribution exclusive et de distribution sélective. Lors de la séance d'examen de la demande de mesures conservatoires, Suzuki l'a d'ailleurs reconnu (point 22 de la décision n° 03-D-42). L'article 2 du contrat, intitulé " territoire clientèle " est rédigé comme suit :
" Le droit de revente des produits est concédé par Suzuki France en exclusivité dans le territoire défini en annexe 1 bis. Le concessionnaire s'interdit de toute vente active ou passive à partir d'un lieu d'établissement non autorisé par Suzuki France. Il s'interdit toute vente à des revendeurs non agréés. Tout approvisionnement auprès d'un revendeur non agréé Suzuki dans l'Union européenne sera considéré comme illicite. En cas de vente à un autre revendeur, le concessionnaire aura l'obligation de s'assurer que l'acheteur est un distributeur agréé Suzuki dans l'Union européenne. "
110. Comme les contrats Honda examinés précédemment, le contrat Suzuki contient une clause d'intuitu personae. Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 105 et 106 en ce qui concerne Honda, une telle clause n'est pas critiquable au regard des règles de concurrence.
111. Par ailleurs, le modèle de dossier de candidature pour tout postulant à une concession, figurant au dossier (cotes 1821 et suivantes), montre que les candidats doivent répondre à différents critères regroupés dans les sept rubriques suivantes :
présentation générale ;
renseignements commerciaux ;
structure du service après-vente ;
structure des ventes véhicules neufs ;
structure des pièces de rechange ;
structure humaine ;
structure administrative et financière.
112. Suzuki a produit une annonce de recrutement publiée dans les revues l'Officiel du Cycle et Moto Journal et dans certains journaux régionaux à l'occasion du Mondial du deux-roues 2001. L'objectif de l'époque était de recruter des concessionnaires-moto dans une quinzaine de départements. A l'occasion du Mondial du deux-roues 2003, Suzuki France a procédé au même type de publicité pour un recrutement sur la ville de Gap (05).
113. Suzuki a également produit quatorze réponses apportées depuis 2001 aux candidatures spontanées. Pour des raisons similaires à celles exposées à propos de Honda (la limitation du nombre de concessionnaires étant a fortiori logique dans la mesure où le principe de distribution exclusive est retenu), aucune infraction aux règles de concurrence ne peut être établie à cet égard dans le chef de Suzuki.
f) Les contrats Kawasaki en vigueur entre 2001 et 2003
114. Les contrats de concession en question de Kawasaki cumulent aussi des caractéristiques de la distribution exclusive et de la distribution sélective : octroi d'un territoire exclusif et interdiction des reventes aux concessionnaires hors réseau. L'article 10 définit des standards de qualité concernant les points suivants :
les locaux ;
le personnel attaché à la vente et à l'après-vente ;
la formation ;
le stock minimum ;
la présentation des véhicules ;
le service à la clientèle ;
le service après-vente.
115. En l'espèce, à l'instar de ce qui a été fait pour les contrats Honda et Suzuki ci-dessus examinés, il n'y a pas lieu de considérer que les critères permettant d'intégrer le réseau de Kawasaki font perdre le bénéfice de l'exemption.
6. SUR LE RISQUE DE LIMITATION DES VENTES AUX UTILISATEURS FINALS DOMICILIÉS HORS DU TERRITOIRE CONCÉDÉ ET ENTRE MEMBRES DU RÉSEAU
a) Le régime prévu par le règlement d'exemption par catégorie n° 1983-83
116. Le règlement n° 1983-83 prévoit qu'outre l'obligation de livraison exclusive qui est l'objet essentiel de l'exemption par catégorie, les parties à l'accord ne peuvent stipuler que certaines restrictions de concurrence, énumérées à l'article 2, paragraphe 2. Au rang de celles-ci figure, sous b), " l'obligation de n'acheter qu'à l'autre partie les produits visés au contrat dans le but de la revente ; (...). "
117. S'agissant de la possibilité de procéder à des ventes en dehors du territoire concédé à des utilisateurs finals, le point 38 de la communication concernant ces règlements précise : " Les parties ne peuvent revendiquer le bénéfice de l'exemption par catégorie pour les accords qui garantissent au concessionnaire exclusif une protection territoriale absolue. Dans la situation décrite à l'article 3 sous c), ils doivent soit veiller à ce que les produits contractuels puissent être offerts par des importateurs parallèles sur le territoire concédé, soit garantir que les utilisateurs puissent effectivement les obtenir auprès d'entreprises établies en dehors du territoire concédé, et le cas échéant, même en dehors de la Communauté. "
b) Le régime prévu par le règlement d'exemption par catégorie n° 2790-99
118. Au nombre des restrictions caractérisées qui entraînent l'exclusion de l'intégralité de l'accord de son champ d'application, figure la restriction des livraisons croisées entre distributeurs désignés à l'intérieur d'un système de distribution sélective. En effet, en vertu de l'article 4, sous d), " l'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sous le contrôle des parties, ont pour objet (...)
d) la restriction des livraisons croisées entre distributeurs à l'intérieur d'un système de distribution sélective, y compris entre les distributeurs opérant à des stades différents du commerce. "
119. A cet égard, comme rappelé précédemment, le point 186 des lignes directrices sur les restrictions verticales prévoit :
" la distribution sélective, qu'elle soit qualitative ou quantitative, bénéficie de l'exemption par catégorie [...] même si elle est associée à d'autres restrictions verticales qui ne sont pas caractérisées, telles que [...] la distribution exclusive sous réserve que les distributeurs agréés puissent procéder à des ventes actives tant entre eux qu'aux consommateurs finals. "
c) Le contrat Honda exclusif avant 2002
120. Ce contrat est prioritairement examiné au regard du règlement n° 1983-83, compte tenu de ce qui est indiqué au point 57 de la présente décision.
121. Dans la saisine de 2000, le CNPA soutient que Honda n'a pas hésité à se fonder sur l'article 3.1 des contrats monomarque et multimarque, qui stipule " Pendant toute la durée du présent contrat le concessionnaire s'engage à s'approvisionner en produits en vue de la revente exclusivement auprès du concédant ", pour interdire les ventes croisées entre concessionnaires ou à des revendeurs qualifiés, notamment les importations parallèles.
122. Dans la section suivante de la plainte de 2000, intitulée " l'engagement de non-concurrence ", le CNPA avance que Honda a, pour certains modèles dits sensibles, refusé " de livrer les commandes des concessionnaires sans que ces derniers aient revendu, au moment de ladite commande, le véhicule concerné à des utilisateurs finals, interdisant notamment les ventes croisées. "
123. Cependant, la clause d'approvisionnement exclusif auprès du concédant est ainsi couverte par l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1983-83 qui autorise l'obligation d'approvisionnement exclusif, le cas échéant en empêchant des livraisons croisées entre concessionnaires de différents États membres.
124. Par ailleurs, au-delà du cas de la concession Absolute Moto d'Aubagne, liquidée le 18 novembre 2002, mis en avant par le CNPA pour démontrer l'existence d'une politique d'interdiction des importations intracommunautaires de Honda (Absolute Moto aurait été sanctionnée pour avoir importé un modèle non homologué en France), il ressort des éléments rassemblées lors de l'enquête que Honda n'a pas cherché d'une manière générale à limiter les livraisons transfrontières.
125. Le nombre des attestations de conformité délivrées aux concessionnaires ayant procédé à des importations parallèles (période 2000 à juin 2004), montre que ces dernières n'ont pas été négligeables.
ANNÉE : QUANTITÉ
2000 : 619
2001 : 724
2002 : 916
2003 : 778
2004 : 124
126. Honda a d'ailleurs rappelé à certains concessionnaires la possibilité des " importations parallèles ", comme à la concession " Le Top " implantée à Niort : cette concession s'était plainte en mars 2000 d'un de ses concurrents ayant recours à des importations parallèles de motos Honda auprès de concessionnaires portugais.
127. Le contrat multimarque permettrait aussi, selon le CNPA, un contrôle des ventes passives sur la base de l'obligation faite au concessionnaire de réaliser un taux de pénétration de la marque sur son territoire d'au moins 80 % de la part de marché nationale, à peine de résiliation de son contrat.
128. Toutefois, cet objectif, qui a déjà été précédemment examiné, n'interdit pas en lui-même de répondre à des ventes passives, dès lors qu'il n'est pas démontré que le fournisseur limite ses livraisons au distributeur de façon à ce qu'il ne puisse répondre aux sollicitations de cette nature.
d) Le contrat Honda exclusif depuis 2002 pour motos d'une puissance inférieure ou égale à 125 cm3
129. Selon le saisissant, ce contrat de distribution exclusive interdit implicitement les ventes croisées pour les moins de 125 cm3 en obligeant les concessionnaires à souscrire un engagement d'approvisionnement exclusif auprès du concédant. En effet, l'article 3.3 de ce contrat prévoit " le Concessionnaire ne peut acheter les produits, pièces et accessoires qu'auprès du concédant. "
130. Dans la continuité des principes édictés par le règlement n° 1983-83, le règlement n° 2790-99 permet aussi d'exempter cette restriction de concurrence. En effet, l'exclusivité d'approvisionnement auprès du concédant ne figure pas au rang des restrictions caractérisées lorsqu'elle prend place dans un pur système de distribution exclusive (dans un système de distribution sélective, c'est une restriction caractérisée). Le paragraphe 162 de la communication sur les restrictions verticales précise : " La distribution exclusive bénéficie de l'exemption par catégorie pour autant que la part de marché du fournisseur n'excède pas 30 %, même si elle est associée à d'autres restrictions verticales qui ne sont pas caractérisées, telles qu'une obligation de non-concurrence limitée à 5 ans, l'imposition de quotas ou l'achat exclusif. "
e) Le contrat sélectif Honda en vigueur depuis 2002 pour les motos de plus de 125 cm3
131. D'une part, ce contrat prévoit un approvisionnement du concessionnaire auprès du concédant ou d'un autre membre du réseau. En effet, l'article 3.3 est rédigé comme suit " le concessionnaire ne peut acheter les produits qu'auprès du concédant ou d'un autre membre du réseau de distribution sélective Honda. " Il n'existe donc pas de restriction en matière d'achats entre membres du réseau. L'enquête n'a pas non plus révélé d'exemple de restriction de telles ventes croisées.
132. D'autre part, il n'existe pas d'une manière générale de limitation des ventes actives et passives à l'extérieur du territoire. En effet, l'article 7.2 prévoit que le concessionnaire pourra réaliser des ventes à l'extérieur du territoire, sauf restrictions spécifiques définies à l'article 3.5, lesquelles ne touchent que des clients institutionnels réservés au concédant, ainsi qu'à l'article 3.6, qui interdit les reventes dans des pays hors Espace économique européen (EEE).
133. Or, comme il a été indiqué dans la notification de griefs, ces exceptions peuvent être considérées comme visant des clientèles se trouvant hors du champ du réseau de distribution sélective. Il est en effet possible qu'un fournisseur organise la distribution de ses produits de manière différente selon les pays ou régions : dans certains selon le principe d'une distribution sélective, dans d'autres selon celui d'une distribution purement exclusive. A cet égard, s'agissant de la distribution d'automobiles, dans sa " brochure explicative " sur le règlement (CE) n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile (JOCE L 203, p. 30), la Direction Générale de la Concurrence de la Commission expose :
" Les concessionnaires faisant partie d'un système de distribution sélective doivent pouvoir vendre activement à tout utilisateur final résidant dans une région de l'Union européenne où la distribution sélective est pratiquée. Toutefois, les fournisseurs ont le droit d'imposer au concessionnaire l'obligation de ne pas vendre de véhicules neufs à des revendeurs indépendants dans les régions où la distribution sélective est pratiquée. Si le fournisseur pratique la distribution exclusive dans certaines régions de l'Union européenne, les concessionnaires du système de distribution sélective doivent être autorisés à vendre passivement aux utilisateurs finals ou distributeurs non-agréés de ces régions.
Si un fournisseur met en place un système de distribution exclusive, ses concessionnaires doivent être libres de vendre activement sur leur territoire exclusif ou à leur clientèle exclusive. En ce qui concerne tous les autres acheteurs de ce système, qu'il s'agisse d'utilisateurs finals ou de revendeurs de véhicules automobiles neufs, ils doivent pouvoir les approvisionner passivement. Si le fournisseur pratique la distribution sélective dans certaines autres régions de l'Union européenne, les concessionnaires du système de distribution exclusive doivent être autorisés à vendre activement aux utilisateurs finals et aux distributeurs non-agréés de ces régions. " [réponse n° 40].
134. Il ressort de cette position que le fournisseur serait en droit d'interdire les ventes actives de ses distributeurs " sélectifs " vers les territoires concédés à des distributeurs " purement exclusifs " lorsque les deux principes sont utilisés parallèlement selon les zones. Aucune raison ne justifie de s'écarter de cette analyse en l'espèce à l'égard des zones hors EEE visées à l'article 3.6 du contrat et à l'égard de la clientèle institutionnelle dont Honda se réserve le service, aux termes de l'article 3.5 du contrat. On peut en effet considérer les clients concernés comme faisant l'objet d'un système de distribution " purement exclusif " existant à côté d'un système de distribution sélectif choisi pour les autres clients (même si ce dernier est lui-même associé à un principe de distribution exclusive). En outre, la distinction des deux types de clientèle est objective.
135. La seule autre limitation des ventes prévue par le contrat de distribution sélective examiné concerne les ventes à des revendeurs hors réseau, dans les régions de l'EEE où Honda a mis en place un système de distribution sélective, ventes interdites par l'article 3.4 du contrat, en conformité avec le droit commun de la distribution sélective.
136. Selon le saisissant, cependant, le système de primes de résultat, qui est basé sur les ventes du concessionnaire dans le territoire qui lui est confié, constitue une " restriction déguisée à l'interdiction de limiter les ventes passives. "
137. Le système de primes de résultat est le suivant : fixée par l'annexe 5, point 4, la prime de résultat est liée au nombre de produits achetés par le concessionnaire au concédant puis vendus pendant la période de référence par rapport à l'objectif contractuel annuel de véhicules achetés au concédant. Si le concessionnaire achète puis revend entre 100 % et 130 % des objectifs annuels d'achat puis de vente, il bénéficie d'une prime correspondant à 4 % du chiffre d'affaires HT. Pour les ventes au-delà de 130 %, il ne touche plus de prime.
138. Ces objectifs annuels d'achat puis de vente sont " convenus d'un commun accord entre les parties, en tenant compte notamment des ventes précédemment réalisées sur le territoire, des prévisions de chiffres d'affaires du concessionnaire ainsi que des objectifs commerciaux du concédant et de ses estimations prévisionnelles de ventes pour le territoire et au niveau national. Ces objectifs annuels pourront être révisés à la hausse ou à la baisse en cas d'évolution significative du marché Motos Toutes Marques Immatriculables (variation > à 10 % par rapport à la même période au cours de l'année précédente). " (point 1 de l'annexe 5).
139. Le " territoire " apparaît ainsi comme un des éléments à prendre en considération pour l'établissement des objectifs annuels d'achat, mais parmi d'autres. Les ventes déclenchant l'octroi de primes ne sont pas limitées aux ventes sur le territoire concédé. En tout état de cause, le plafonnement des primes de résultat ne limite pas les possibilités d'un concessionnaire de répondre aux ventes passives. Quand il dépasse les 130 % de son objectif annuel, qu'il vende les unités suivantes hors ou dans le territoire qui lui est confié, son activité est de toute façon rémunérée par sa propre marge.
140. Par ailleurs, l'article 7.2 du contrat stipule expressément que le concessionnaire peut réaliser des ventes à l'extérieur du territoire concédé. Il précise certes que " le concessionnaire s'engage à maximiser le potentiel des ventes à l'intérieur du territoire. A cet effet, le concessionnaire veillera à ce que les parts de marché annuelles des produits immatriculés à l'intérieur du territoire ne soient pas inférieures à un niveau minimum (la "couverture territoriale minimale") librement déterminé par le concédant. Toutefois, celle-ci ne dépassera pas 80 % de la moyenne, au cours de chacune des trois années civiles précédentes, de la part de marché nationale... " Il est précisé en outre " que tous les produits immatriculés sur le territoire, y compris ceux vendus par des tiers, seront pris en compte pour déterminer si la Couverture Territoriale Minimale a été atteinte. "
141. A compter de 2004, un nouveau système de primes a été mis en place. Ainsi que l'a exposé un représentant de Honda :
" Depuis le 1er janvier 2004, a été mis en place un objectif " parts de marché " par familles de produit, moins de 125, plus de 125. Cette mesure constitue un bonus par rapport à la situation antérieure. Cette part de marché [est] basée sur l'analyse d'un document intitulé "immatriculations cantonales" qui recense toutes les immatriculations de véhicules neufs deux roues à moteur toutes marques sur le territoire du concessionnaire. La part de marché sur le canton n'est pas liée strictement aux ventes du concessionnaire. Elle est liée à la marque uniquement, car toutes les immatriculations n'émanent pas des ventes d'un seul concessionnaire. Auparavant et notamment à l'époque de la saisine du Conseil de la concurrence, ce système n'existait pas. La clause 7.2. analysée par le Conseil dans sa décision n'était pas associée avant 2004 à un système de versement de primes ou d'objectifs. "
142. En vertu des nouvelles dispositions, le concessionnaire s'engage à " réaliser un minimum de part de marché Honda sur son territoire. " Onze catégories sont ainsi fixées (parts de marché variant entre 12,50 % et 27,50 %), auxquelles correspond une prime de résultat (entre 0,25 % et 3 % du CA HT du produit considéré). Dans ce système, les ventes hors territoire concédé sont comptabilisées au bénéfice du concessionnaire présent sur le territoire du client, et non au bénéfice de celui qui les a réalisées.
143. Toutefois, le fait que ces ventes ne donnent pas lieu à prime au bénéfice de celui qui les réalise ne signifie pas qu'elles sont restreintes.
144. Tout comme le système en vigueur avant 2002, ce système qui vise à ce que le concessionnaire ait une action commerciale suffisante sur son territoire n'empêche pas les ventes hors territoire dès lors qu'il n'est pas démontré que le fournisseur limite ses livraisons au distributeur de façon à ce qu'il ne puisse développer des ventes hors territoire.
145. Par ailleurs, l'enquête a porté sur la commercialisation par la voie d'Internet, bien que ce point n'ait pas été soulevé par le saisissant. Il en ressort qu'aucune limitation de principe n'existe à cet égard pour les concessionnaires, bien que le constructeur ait posé des conditions à l'utilisation d'Internet.
146. L'annexe 2 du contrat prévoit les obligations suivantes :
la limitation de la commercialisation sur Internet des produits Honda aux produits objet du contrat ;
la validation par le concédant des liens Internet utilisés sur le site ;
la conformité des présentations visuelles à la charte graphique de Honda.
(S'agissant des concessionnaires exclusifs, le contrat 2002 prévoit expressément la possibilité pour les concessionnaires de vendre par Internet selon les mêmes conditions que les concessionnaires sélectifs).
147. Une recherche des sites des concessionnaires Honda sur Internet a montré que ceux-ci sont bien représentés sur les sites généralistes comme Moto-Net.com, dont une rubrique vise à recenser les professionnels du réseau Honda France.
148. Par conséquent, au regard des possibilités d'utilisation d'Internet par les concessionnaires Honda, il n'est pas non plus établi que ce constructeur limiterait les ventes hors territoire concédé de ses distributeurs. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi qu'Honda ait limité les ventes entre distributeurs agréés de son réseau sélectif ou aux utilisateurs finals, ce qui aurait entraîné pour lui la perte du bénéfice du règlement d'exemption catégoriel.
f) Le contrat Suzuki 2001-2003
149. L'étude des contrats de concession Suzuki type 2001, montre qu'aucune de leurs clauses n'interdit les rétrocessions entre concessionnaires, y compris de différents États membres. Bien que Suzuki France ne dispose pas de statistiques sur le sujet, les échanges se faisant directement de concessionnaire à concessionnaire, son directeur commercial a précisé :
" Concernant les échanges au sein du réseau, ceux-ci sont facilités par Suzuki notamment par le biais de son site Internet.
A l'échelle européenne, les échanges sont plus compliqués en raison de la barrière linguistique et des poids des réglementations techniques dans les différents pays (limitation de puissance en France). Les échanges sont également faibles du fait notamment de la politique logistique et commerciale de Suzuki, celui-ci étant un bon fournisseur, qu'il s'agisse des produits, des formations, du matériel, des conditions de paiement. "
150. Il n'existe pas au dossier d'exemple de concession ayant subi des remontrances ou désavantages parce qu'elle aurait procédé à des achats ou des ventes avec d'autres concessionnaires, en particulier d'autres États membres.
151. Le CNPA souligne cependant que Suzuki interdit à ses concessionnaires bénéficiant d'une exclusivité territoriale de vendre, même passivement, les produits à partir d'un lieu d'établissement non autorisé.
152. A cet égard, dans sa décision n° 03-D-42 le Conseil a relevé :
" 21. L'article 2 du contrat de distribution de Suzuki dispose que "Le concessionnaire s'interdit toute vente active ou passive à partir d'un lieu d'établissement non autorisé par Suzuki France. Le concessionnaire s'interdit toute vente à des revendeurs non agréés." et l'article 13, que "Il (le concessionnaire) s'interdit de revendre les produits à des distributeurs non agréés Suzuki dans l'Union européenne." Ces clauses pourraient constituer une protection territoriale absolue ou une limitation des reventes aux utilisateurs finals. (...) "
153. Cependant, d'une part, l'interdiction de revente hors réseau ne concerne pas les utilisateurs finals : il s'agit d'une clause classique en distribution sélective visant à empêcher les reventes aux distributeurs non sélectionnés. D'autre part, s'agissant de l'interdiction d'opérer à partir d'un lieu d'établissement non autorisé, dans un arrêt du 2 mars 2005 (n° 03-05628), la Cour d'appel de Paris a examiné la validité de cette clause de localisation au regard du règlement n° 2790-99. Elle a jugé que :
" Considérant que si la société Kitch Moto invoque le règlement d'exemption n° 2790-99 du 22 décembre 1999 du Conseil concernant l'application de l'article 81 § 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, pour dénoncer l'illicéité de l'interdiction de vente passive mentionnée dans l'article 2 du contrat de concession et se fonde sur les dispositions de l'article 4 b) de ce règlement prohibant la restriction concernant "le territoire dans lequel ou la clientèle à laquelle [le concessionnaire] peut vendre les biens sauf (..) la restriction des ventes actives vers un territoire exclusif ou à une clientèle exclusive réservés au fournisseur ou concédés par le fournisseur à un autre [concessionnaire], lorsqu'une telle restriction ne limite pas les ventes de la part des clients du [concessionnaire]" pour soutenir que "seules les ventes actives hors réseau peuvent être interdites" et demander à la Cour de déclarer nul l'article 2 du contrat de concession, il échet d'observer, d'abord, que l'appelant ne précise pas en quoi les clauses qu'il critique limiteraient les ventes de la part de ses clients, ensuite que la clause de localisation prévue par cet article n'est pas contraire aux dispositions de l'article 4 c) du règlement CE 2790-1999 qui permettent au fournisseur "d'interdire à un membre du système d'opérer à partir d'un lieu d'établissement non autorisé". "
154. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt, le 6 février 2007 (n° 05-15.222).
155. Le Conseil ne saurait retenir une interprétation différente. La localisation du lieu physique de vente dans un réseau de distribution exclusive ou sélective répond à un souci légitime du fournisseur de pouvoir contrôler la densité et la répartition géographique de son réseau. C'est pourquoi les clauses d'interdiction de revente à partir d'un lieu d'établissement non autorisé ne font pas perdre le bénéfice de l'exemption catégorielle prévue par le règlement n° 2790-99.
156. Par ailleurs, le plaignant n'a apporté, comme exemple illustrant selon lui une limitation des ventes hors territoire concédé, que la seule affaire Bastille Motorcycles. De la description du conflit entre ce distributeur et Suzuki donnée dans le rapport administratif d'enquête pour évaluer si d'éventuelles ventes passives ou actives hors du territoire concédé avaient pu être à l'origine de la résiliation de son contrat de concession, il ressort que la décision de résiliation, pour fautive qu'elle ait été de la part de Suzuki, n'était pas fondée sur un tel motif mais sur les résultats jugés insuffisants de ce distributeur, sur la présence de panneaux de la marque concurrente Aprilia à l'intérieur et à l'extérieur du magasin, sur le message d'accueil téléphonique de la concession ne faisant référence qu'à " Paradise Moto ", qui n'était pas concessionnaire Suzuki, et enfin sur l'absence de Bastille Motorcycles, tant sur Minitel que sur Internet.
157. S'agissant de l'utilisation d'Internet, Suzuki dispose :
d'un site Internet Suzuki France destiné au grand public présentant la gamme des produits, le prix conseillé de vente, la liste des concessionnaires (www.Suzuki-moto.com) ;
d'un Intranet propre au réseau Suzuki France (www.Suzukipro.com) qui sert d'interface de gestion commerciale entre le concédant et ses concessionnaires.
158. Le directeur commercial de Suzuki a précisé :
" Concernant le développement par les concessionnaires de leurs propres sites Internet, Suzuki France ne s'y oppose pas et a développé par ailleurs et à partir de son propre site des liens avec ceux de ses concessionnaires. "
159. Suzuki a transmis une liste des concessionnaires disposant de leur propre site Internet. Leur nombre s'élevait fin 2004 à 40, soit 18,10 % des concessionnaires.
160. Au vu de ces éléments, il n'est pas établi que le contrat de concession Suzuki de 2001 contienne des clauses qui limiteraient les ventes entre distributeurs agréés. L'interdiction des ventes à partir d'un établissement non autorisé, est licite. Les éléments apportés sur l'utilisation d'Internet ne montrent pas non plus de limitations qui ne seraient pas exemptées par le règlement n° 2790-99.
g) Le contrat Kawasaki 2001-2003
161. Le directeur commercial de Kawasaki a indiqué que l'option pour " un concessionnaire de s'approvisionner auprès d'un autre concessionnaire étranger (UE) est parfaitement possible. Dans la réalité, il est vrai que le poids des réglementations techniques pèse sur le choix des concessionnaires (limitation de puissance notamment), ce qui peut les dissuader de s'approvisionner ailleurs. A noter également que Kawasaki en Europe diffuse ses modèles de manière à peu près simultanée dans les différents pays. Enfin, Kawasaki ne dispose pas de moyens d'information de la part de ses concessionnaires pour connaître l'origine des motos vendues (françaises ou européennes, par exemple). En outre, Kawasaki a une politique de prix relativement uniformisée en Europe. "
162. Aux termes de l'article 2 du contrat : " (...) le concessionnaire s'engage à ne pas pratiquer une politique active de revente à l'extérieur du territoire concédé à partir d'un lieu d'établissement non autorisé. Cependant le concessionnaire aura la faculté de vendre à tout consommateur final ou à un autre concessionnaire, à l'exclusion de tout revendeur ne faisant pas partie du réseau. En cas de livraison à un autre concessionnaire, le concessionnaire devra s'assurer au moment de la livraison, que l'acheteur est effectivement concessionnaire ou agent du réseau Kawasaki. " En particulier, il n'existe aucune disposition des contrats qui limiterait les échanges entre États membres. Au contraire, les conditions générales de vente des contrats Kawasaki prévoient expressément la possibilité pour un " client étranger " d'acheter des véhicules auprès de concessionnaires du territoire français, à charge pour ces derniers et " préalablement à la vente à l'exportation " de " communiquer à KMFR photocopie du bon de commande du client étranger. " (...) " Les frais imputables à toute opération Import-Export sont à la charge du concessionnaire. "
163. Comme indiqué en ce qui concerne les contrats de concession examinés précédemment, une clause d'interdiction d'opérer à partir d'un lieu d'établissement non autorisé telle que celle figurant à l'article 2 s'inscrit dans le cadre d'exemption prévu par le règlement n° 2790-99.
164. S'agissant des ventes par Internet, l'article 10 des contrats 2001 de Kawasaki prévoit une interdiction de vendre " les produits sur Internet ou tout autre support de nature à déprécier l'image de marque des produits ou incompatibles avec le caractère de haute technicité des produits impliquant la présence d'un vendeur professionnel et son conseil au consommateur. " Les versions 2002 et 2003 ne comportent plus cette clause. Interrogé sur les ventes Internet, le directeur commercial de Kawasaki a déclaré : " Chaque concessionnaire peut créer son site Internet. Kawasaki France a également développé un site Internet propre avec la liste de ses concessionnaires officiels. "
165. Ainsi que l'expose en substance la Commission européenne au point 51 de ses lignes directrices sur les restrictions verticales, une interdiction de vente sur Internet est assimilée à une restriction sur les ventes passives, prohibée sauf si elle est objectivement justifiée. En l'occurrence, la justification donnée à l'article 10 des contrats 2001 liée à l'image de marque et à la technicité des produits est discutable puisque le constructeur a, par la suite, de lui-même abondonné l'interdiction en cause. La part de marché de Kawasaki en 2001 (6,1 % en volume) permet cependant de considérer que la disposition litigieuse, qui ne concerne qu'une forme de promotion des ventes et qui a disparu dès 2002, n'a pas eu un effet suffisamment sensible sur la concurrence pour relever de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Il y a lieu de préciser que cette appréciation n'est fondée ni sur la communication concernant les accords d'importance mineure de la Commission (JOCE 2001, C 368, p. 13), puisque celle-ci ne vise pas les restrictions aux ventes passives, ainsi que le précise son point 11, paragraphe 2, sous b) et c), ni sur l'article L. 464-6-1 du Code de commerce, pour la même raison, également mentionnée à l'article L. 464-6-2, sous b), dudit Code. Il s'agit d'une appréciation in concreto du cas d'espèce.
166. Concernant enfin l'éventuel impact des objectifs de parts de marché sur les ventes, le directeur commercial de Kawasaki a rappelé que ceux-ci sont " calculé(...)s concession par concession (donc par rapport au territoire concédé) ". Ainsi qu'il a été constaté pour les contrats précédemment examinés, des objectifs de vente pour un territoire confié à un distributeur n'interdisent pas, sauf circonstances particulières non avérées en l'espèce, de procéder à des ventes, passives ou actives, hors du territoire concédé.
167. Compte tenu de ces éléments, il n'est pas établi que Kawasaki ait méconnu les articles 81, paragraphe 1, CE et L. 420-1 du Code de commerce en ce qui concerne les ventes de ses concessionnaires hors du territoire qui leur était concédé.
7. LES MARQUES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE DISTRIBUÉES
a) Le régime prévu par le règlement d'exemption par catégorie n° 1983-83
168. Aux termes de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1983-83 " il ne peut être imposé au concessionnaire exclusif aucune autre restriction de concurrence que (...) a) l'obligation de ne pas fabriquer ou distribuer des produits concurrents de ceux visés au contrat ... "
b) Le régime prévu par le règlement d'exemption par catégorie 2790-99
169. L'article 5 du règlement n° 2790-99 dispose :
" L'exemption (...) ne s'applique à aucune des obligations suivantes contenues dans des accords verticaux :
a) toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans ; une obligation de non-concurrence tacitement renouvelable au-delà d'une période de cinq ans doit être considérée comme ayant été conclue pour une durée indéterminée ; (...)
(...)
c) toute obligation directe ou indirecte imposée aux membres d'un système de distribution sélective de ne pas vendre des marques de fournisseurs concurrents déterminés "
170. En ce qui concerne l'obligation visée sous c), le paragraphe 61 des lignes directrices sur les restrictions verticales précise : " En excluant cette obligation [de l'exemption catégorielle], l'objectif poursuivi est d'éviter qu'un certain nombre de fournisseurs qui utilisent les mêmes points de vente de distribution sélective empêchent un ou plusieurs concurrents déterminés de passer par ces mêmes points de vente pour distribuer leurs produits (ce qui évincerait du marché un fournisseur concurrent et constituerait une forme de boycott collectif). " A cet égard, la disposition en cause doit être interprétée comme visant des situations où un ou plusieurs fournisseurs sont effectivement évincés du réseau de distribution concerné, mais non le simple fait de désigner nommément dans chaque contrat de distribution les marques que le distributeur peut commercialiser.
c) Les contrats Honda
171. Dans la saisine de 2000, le CNPA soutient que les contrats monomarque et multimarque de Honda contiennent le même engagement de non-concurrence, aux termes duquel les deux types de concessionnaires s'interdisent de " fabriquer, produire, importer, vendre ou distribuer des produits concurrents de ceux visés au contrat sans avoir obtenu l'accord préalable écrit du concédant ", ce qui empêcherait toute nouvelle entrée sur le marché. Dans la saisine de 2003, le CNPA est revenu sur l'analyse de cette clause en ajoutant : " (...)[le] faux multimarquisme a permis aux concédants japonais d'accroître leurs parts de marché en pénétrant de nouveaux marchés, le monomarquisme est [désormais] imposé quasi-systématiquement à toute nouvelle concession. "
Le contrat Honda exclusif avant 2002
172. Le contrat monomarque en question contient la disposition suivante :
" 4.1. Pendant toute la durée du présent contrat, le concessionnaire s'interdit de fabriquer, produire, importer, vendre ou distribuer des produits concurrents de ceux visés au présent contrat, sans avoir obtenu au préalable l'accord écrit du concédant. "
173. Dans le contrat multimarque, un point 4.2 est rédigé comme suit :
" Le concédant autorise le concessionnaire à vendre les motocycles, cyclomoteurs et scooters neufs ainsi que les pièces de rechange neuves des marques visées spécifiquement à l'article 1 de l'annexe 3 au présent contrat. "
174. La clause relative à l'exclusivité de marque du contrat monomarque est conforme aux dispositions de l'article 2, paragraphe 2, sous a) du règlement 1983-83 qui s'applique au contrat en cause. Les clauses prévoyant le multimarquisme sous le contrôle du concédant ne faisaient pas l'objet de dispositions spécifiques dans ledit règlement. Toutefois, dans ce contexte réglementaire, elles pouvaient a priori être considérées comme moins restrictives de concurrence qu'une clause de monomarquisme et en principe couvertes par l'exemption. Au surplus, en l'espèce, les contrats multimarques étaient assortis d'une durée déterminée à un an, le concessionnaire pouvant le cas échéant changer d'une année à l'autre les fournisseurs concurrents de Honda.
Les contrats Honda depuis 2002
175. Ainsi qu'exposé précédemment, à partir du 1er janvier 2002, Honda a procédé à une distinction de ses systèmes de distribution selon la cylindrée de ses motos : les modèles jusqu'à 125 cm3 sont distribués dans le cadre d'accords de distribution exclusive tandis que ceux de plus de 125 cm3 sont vendus dans le cadre d'accords de distribution sélective. En outre, Honda a fait le choix d'un réseau de distribution monomarque à compter du 1er janvier 2003, quelle que soit la cylindrée des modèles.
176. Ainsi, depuis le 1er janvier 2003, le contrat sélectif en vigueur pour les motos de 125 cm3 et plus, et le contrat exclusif en vigueur pour celles de moins de 125 cm3, contiennent la même clause de non-concurrence (article 3.2) aux termes de laquelle " Pendant toute la durée du contrat, le concessionnaire s'interdit, directement ou indirectement, de fabriquer, acheter, utiliser, vendre, louer ou mettre à disposition par tout autre moyen, des produits concurrents des produits sans l'accord préalable et écrit du concédant. "
177. Les concessionnaires multimarques de motos de moins de 125 cm3 en 2001 n'ont pas bénéficié de période de transition : dès le 1er janvier 2002, un contrat exclusif monomarque contenant l'article 3.2. cité ci-dessus leur a été proposé. Les concessionnaires multimarques de plus de 125 cm3 ont, eux, bénéficié d'une année de transition. Le contrat sélectif en vigueur pour l'année 2002 qui leur a été proposé contenait un article 3.2. rédigé comme suit :
" Pendant toute la durée du contrat, le concessionnaire s'interdit, directement ou indirectement, de fabriquer, acheter, utiliser, vendre, louer ou mettre à disposition par tout autre moyen, des produits concurrents des produits sans l'accord préalable et écrit du concédant sous réserve du droit du concessionnaire de fabriquer, acheter, utiliser, vendre ou louer ou mettre à disposition les produits concurrents désignés à l'annexe 1 bis et ce sous les conditions y énoncées. "
L'annexe 1 bis " Produits concurrents " stipulait expressément qu'il s'agissait de " Marques autorisées jusqu'au 31 décembre 2002. "
178. Le Conseil de la concurrence, dans la décision n° 03-D-42 a noté, au sujet de la clause de non-concurrence du contrat sélectif Honda, que : " Le contrat de distribution de Honda étant un contrat multimarque, son article 3.2 pourrait créer les conditions d'une limitation de la pénétration de fournisseurs concurrents au sein d'un point de vente. "
179. Cependant, s'agissant de la clause de non-concurrence établissant le monomarquisme de Honda, il y a lieu de relever que les contrats en cause sont prévus pour une durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction et expirant au plus tard le 31 décembre 2006, ainsi qu'il est stipulé à l'article 17. Ne dépassant pas 5 ans, la clause stipulant le monomarquisme est donc conforme aux exigences de l'article 5, sous a), du règlement 2790-99. Par définition, elle ne vise pas de concurrents déterminés et est aussi conforme aux dispositions de l'article 5, sous c), dudit règlement. Elle est donc couverte par l'exemption prévue par le règlement n° 2790-1999.
180. S'agissant de la clause transitoire régissant le multimarquisme autorisé pour les concessionnaires de motos de plus de 125 cm3 pendant l'année 2002, citée au point 177 ci-dessus, aucun élément du dossier ne montre que cette clause visait à écarter certains fournisseurs déterminés des concessions Honda. Elle visait à assurer sur une brève période le passage au monomarquisme, choix commercial autorisé par le règlement n° 2790-99.
d) Le contrat Suzuki 2001-2003
181. La clause suivante des contrats multimarques de 2001 à 2003 a fait l'objet d'un grief notifié à Suzuki pour infraction aux articles 81, paragraphe 1, CE et L. 420-1 du Code de commerce :
" le présent contrat est conclu sans exclusivité. Le concessionnaire déclare qu'à la date de signature du présent contrat, il distribue les marques de motocyclettes mentionnées en annexe 1 ter. Il s'interdit de représenter toute autre marque que celles mentionnées en annexe 1 ter du présent contrat. Tout manquement aux engagements ci-dessus mentionnés entraînera la résiliation immédiate et de plein droit du présent contrat, sans que le concessionnaire puisse prétendre à une quelconque indemnité. "
182. Toutefois, eu égard à l'interprétation donnée au point 163 de la présente décision, en elle-même, cette clause n'instaure pas une obligation du type de celle visée à l'article 5, sous c), du règlement n° 2790-99 qui, de ce fait, ne bénéficierait pas de l'exemption découlant de celui-ci. Aucun fournisseur déterminé n'est en effet mentionné dans cette clause. Il ne résulte pas non plus du dossier que son application aurait conduit à écarter des fournisseurs déterminés parmi les autres marques vendues par les concessionnaires Suzuki. Le constructeur affirme que la clause ne vise qu'à lui permettre de savoir dans quelles conditions ses propres produits sont distribués, afin notamment de vérifier que le distributeur pourra consacrer suffisamment de son activité à leur promotion. Il ajoute qu'il n'a jamais refusé l'inscription d'une nouvelle marque à l'occasion d'un renouvellement de contrat. Des chiffres fournis par Suzuki, il ressort que 25 concessionnaires multimarques sur les 124 du réseau ont fait évoluer le panel de marques qu'ils distribuaient entre 2002 et 2003, et qu'aucune marque en particulier n'a été exclue.
183. Au vu de ces éléments, il n'est pas établi que Suzuki ait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE en insérant dans son contrat de distribution multimarque entre 2001 et 2003, une clause de non-concurrence en cours d'exécution du contrat.
e) Le contrat Kawasaki 2001-2003
184. Aux termes de la clause 3 du contrat multimarque 2001, 2002 et 2003, le concessionnaire doit déclarer les marques qu'il commercialise à la date de signature du contrat. Il s'interdit de représenter d'autres marques que celles mentionnées dans le contrat sans autorisation préalable et écrite du concédant.
185. Interrogé à propos d'éventuels obstacles à la commercialisation de marques concurrentes par les concessions multimarques, le directeur commercial de Kawasaki a indiqué :
" Concernant les points soulevés par le CNPA à propos du contrat de distribution Kawasaki et notamment l'article 3, je tiens à préciser que les marques figurant dans chaque contrat étaient celles déjà dans le portefeuille de chaque concessionnaire au moment de la signature des contrats. Elles étaient donc automatiquement validées lors du contrat suivant. Il n'appartenait en conséquence pas à Kawasaki de déterminer ou non les marques concurrentes qui devaient être distribuées. (...) La gamme de Kawasaki ne répondant pas à tous les marchés (pas de moins de 50 cm3), Kawasaki admet parfaitement la concurrence d'autres marques chez ses concessionnaires. "
186. Pour les mêmes raisons que celles exposées en ce qui concerne la disposition voisine du contrat multimarque de Suzuki, la clause litigieuse du contrat multimarque de Kawasaki ne conduit pas à lui faire perdre le bénéfice du règlement d'exemption n° 2790-99.
8. SUR LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE À EFFET POST-CONTRACTUEL DE SUZUKI
187. La rapporteure a fait grief à Suzuki d'avoir inséré dans ses contrats de distribution de 2001 à 2003 (article 18) la clause suivante : " A l'expiration du contrat et si la cessation intervient à l'initiative du concessionnaire, pendant une durée de six mois à compter de la date de la cessation des relations contractuelles, le concessionnaire s'interdit de se livrer, à partir du point de vente objet du présent contrat, à une activité concurrente de celle qui est exécutée dans le cadre du présent contrat. "
188. Le directeur commercial de Suzuki a déclaré :
" Concernant la clause figurant à l'article 18 du contrat 2001, je vous précise que celle-ci n'a jamais été appliquée et a disparu du nouveau contrat 2004. "
189. Aux termes de l'article 5, sous b), du règlement n° 2790-99 :
" L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique à aucune des obligations suivantes contenues dans des accords verticaux :
(...)
b) toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur, à l'expiration de l'accord de fabriquer, d'acheter de vendre ou de revendre des biens ou des services, sauf si cette obligation :
- concerne des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens et services contractuels et
- est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat et
- est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur, à la condition que la durée d'une telle obligation de non-concurrence soit limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord.
(...) "
190. Le critère édicté par l'article 5, sous b), précité, relatif au caractère indispensable à la protection d'un savoir-faire d'une obligation de non-concurrence à effet post-contractuel n'est en l'espèce pas rempli, en particulier en ce qui concerne le contrat multimarque visé par la plainte du CNPA puisque le concessionnaire vend dans ce contexte déjà des produits concurrents de ceux de Suzuki en cours de contrat. De plus, pour démontrer le caractère indispensable de la protection du savoir-faire qu'elle transmet à ses concessionnaires, Suzuki a avancé des éléments pour montrer que le savoir-faire en question est spécifique aux produits Suzuki. Mais précisément, ces éléments montrent que le savoir-faire ne peut être valablement utilisé par d'autres marques.
191. La clause en question apparaît donc comme une clause " sanction " visant à dissuader les distributeurs de quitter de leur propre chef le réseau de Suzuki. Elle ne peut pas bénéficier de l'exemption de groupe prévue par le règlement n° 2790-99. Elle ne peut non plus relever d'une exemption individuelle sur le fondement de l'article 81, paragraphe 3, CE et de l'article L. 420-4 du Code de commerce dès lors qu'elle pouvait conduire un distributeur de motos à cesser toute activité en la matière pendant six mois au motif qu'il a souhaité interrompre ses relations contractuelles avec l'un des fournisseurs du marché.
192. Sur ce point Suzuki a donc enfreint les articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce.
9. SUR LA SANCTION
193. L'infraction retenue ci-dessus a été commise antérieurement et postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques, qui a relevé les plafonds des sanctions pécuniaires susceptibles d'être infligées par le Conseil de la concurrence. De plus, la saisine dénonçant cette infraction de Suzuki est elle-même postérieure à cette entrée en vigueur. Dès lors, en application de l'article 94 de ladite loi, ce sont les dispositions en résultant qui doivent s'appliquer (voir, notamment, la décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques dans le secteur de la téléphonie mobile).
194. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 15 mai 2001 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières.(...) Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions (...). Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées (...). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. (...) Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxe réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. (...). "
195. En l'espèce la présente décision est adoptée, compte tenu de la décision du président du Conseil de la concurrence de faire statuer le Conseil sans établissement préalable d'un rapport, selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code de commerce. L'article L. 464-5 dudit Code prévoit que dans ce cas, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euro pour chacun des auteurs des pratiques prohibées.
a) Sur la gravité de la pratique
196. La clause de non-concurrence post-contractuelle en cause s'inscrit dans le contexte de relations verticales au sein de réseaux de distribution sur un marché où les fournisseurs sont relativement nombreux ; elle ne relève pas des " clauses noires " visées à l'article 4 du règlement n° 2790-99 susceptibles de rendre illicite un contrat de distribution dans son ensemble. De plus, Suzuki a indiqué n'avoir jamais revendiqué l'application de cette clause qui a été supprimée dans les contrats en vigueur à compter de 2004. L'infraction au droit de la concurrence identifiée ne présente donc pas un caractère de gravité prononcé.
b) Sur le dommage à l'économie
197. Le dommage à l'économie, s'il ne peut être exactement quantifié, est lié à la rigidité que la clause en question a pu introduire sur le marché de la distribution de motocycles en dissuadant certains distributeurs de changer de fournisseur, à la taille du marché concerné qui, d'après les éléments rassemblés lors de l'enquête, est estimée à 1,2 milliards d'euro en 2003 (cote 46) et à la part qu'y représentait Suzuki, qui se situait aux alentours de 16 à 17 %, entre 2001 et 2003.
c) Sur le montant
198. Compte tenu des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Suzuki France, qui a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires en France de 555 141 446 euro, une sanction pécuniaire de 100 000 euro.
DÉCISION
Article 1 : Il n'est pas établi que la société Honda Motor Europe South ait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE, ni celles des articles L. 420-2 et 82 CE.
Article 2 : Il n'est pas établi que la société Kawasaki Motor France ait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE.
Article 3 : Il est établi que la société Suzuki France a enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE en faisant figurer dans ses contrats de distribution de motocycles une clause de non-concurrence post-contractuelle prohibée par ces dispositions.
Article 4 : Il n'est pas établi que la société Suzuki France ait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE pour le surplus des pratiques qui lui sont reprochées.
Article 5 : Une sanction pécuniaire de 100 000 euro est infligée à la société Suzuki France.