CJCE, 3e ch., 18 juillet 2007, n° C-399/05
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République hellénique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rosas
Avocat général :
Mme Sharpston
Juges :
MM. Cunha Rodrigues, Lõhmus, Ó Caoimh, Mme Lindh
LA COUR (troisième chambre),
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en raison de la sélection par Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (Compagnie publique d'électricité, ci-après "DEI"), lors de la phase finale de la procédure d'appel d'offres pour la construction et la mise en service d'une centrale thermoélectrique à Lavrio, de deux entreprises qui ne satisfaisaient pas aux conditions spécifiées dans l'avis de marché et les cahiers des charges, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93-38-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), ainsi qu'aux principes de transparence et d'égalité de traitement.
Le cadre juridique
2 L'article 2 de la directive 93-38, telle que modifiée par la directive 2001-78-CE de la Commission, du 13 septembre 2001 (JO L 285, p. 1, ci-après la "directive"), prévoit:
"1. La présente directive s'applique aux entités adjudicatrices:
a) qui sont des pouvoirs publics ou des entreprises publiques et qui exercent une des activités visées au paragraphe 2;
[...]
2. Les activités relevant du champ d'application de la présente directive sont les suivantes:
a) la mise à disposition ou l'exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution:
[...]
ii) d'électricité
[...]
6. Les entités adjudicatrices énumérées aux annexes I à X répondent aux critères énoncés ci-dessus. [...]"
3 Aux termes de l'article 4 de cette directive:
"[...]
2. Les entités adjudicatrices veillent à ce qu'il n'y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.
[...]"
4 L'article 14 de la même directive prévoit:
"1. La présente directive s'applique:
[...]
b) aux marchés passés par des entités adjudicatrices qui exercent des activités auxquelles se réfèrent les annexes I, II, VII, VIII et IX, lorsque la valeur estimée hors TVA de ces marchés égale ou dépasse:
[...]
iii) l'équivalent en écus de 5 000 000 DTS en ce qui concerne les marchés de travaux;
[...]"
5 L'annexe II de la directive vise la production, le transport ou la distribution d'électricité et mentionne DEI en tant qu'entité adjudicatrice.
Les antécédents et la procédure précontentieuse
6 Le 3 février 2003, DEI a lancé un appel d'offres pour la construction et la mise en service, à Lavrio, d'une centrale thermoélectrique d'une puissance nette de 360 à 400 MW utilisant comme combustible le gaz naturel.
7 Ce projet avait pour objet la conception, l'étude, l'industrialisation, la construction et la mise à l'essai de la centrale (composée d'une turbine à gaz et de ses appareils auxiliaires, d'une chaudière de récupération de chaleur, d'une turbine à vapeur et de ses appareils auxiliaires ainsi que de l'indispensable générateur) dans les usines de construction, le transport et l'entreposage des équipements sur le site du projet, le montage, l'installation et les essais de la centrale sur place, la mise en service de l'équipement et la fourniture de pièces de rechange (en dehors de la turbine à gaz qui devait faire l'objet d'un contrat de maintenance à long terme). Le budget du projet soumis à adjudication était de 190 000 000 euro.
8 L'article 2, paragraphe 4, de l'invitation à soumissionner imposait notamment la condition suivante aux soumissionnaires:
"L'offre portant sur le contrat de maintenance à long terme doit provenir exclusivement du constructeur de la turbine à gaz, ce dernier pouvant, en sa qualité de constructeur, soit participer au groupement ou au consortium qui soumet l'offre relative au projet, soit être le constructeur désigné dans la même offre."
9 L'article 3, paragraphe 1, point 1, de l'invitation à soumissionner prévoyait:
"Le candidat doit posséder une expérience dans la conception et la gestion de l'exécution de projets (project management), selon la méthode 'clé en main', de centrales thermiques de production électrique".
10 L'article 3, paragraphe 2, in fine, de l'invitation à soumissionner disposait:
"Toute offre qui ne satisfait pas pleinement à tous les critères précités établis aux paragraphes 1 et 2 sera rejetée."
11 L'invitation à soumissionner était accompagnée d'un cahier intitulé "Lignes directrices pour le contrat de maintenance à long terme (contrat de maintenance) pour la turbine à gaz et ses annexes" (ci-après les "lignes directrices pour le contrat de maintenance à long terme"), lequel prévoyait notamment:
"Bidder must include in his Offer a proposal coming from the Gas Turbine Manufacturer, for a long term maintenance agreement of the Gas Turbine and the relevant auxiliary equipment (as specific in the List Material and Prices) for twelve years of operation. [...]
The Gas Turbine Manufacturer (or his Authorized Agent) shall be here after called 'Maintenance Contractor'.
1. General Terms
1.1. The Maintenance Contract shall be signed by [DEI] and the GT's manufacturer or his Authorized Agent within six months as from the date of signing of the Contract.
[...]"
["Le soumissionnaire doit inclure dans son offre une proposition provenant du constructeur de la turbine à gaz pour un contrat de maintenance à long terme de la turbine à gaz et du matériel annexe pertinent (tel que spécifié dans la liste matériels et prix) d'une durée d'opération de douze ans. [...]
Le constructeur de la turbine à gaz (ou son agent autorisé) est dénommé ci-après le 'contractant de maintenance'.
1. Conditions générales
1.1. Le contrat de maintenance sera signé par [DEI] et le constructeur de la turbine à gaz ou son agent autorisé dans un délai de six mois à compter de la date de signature du contrat.
[...]"]
12 Quatre candidats ont participé à la procédure: la société Metka, le consortium AEGEK-Aktor, la société Alstom et la société VA Tech Hydro. Lors de la phase finale de l'appel d'offres, à savoir à l'ouverture des offres financières, seuls restaient en lice Metka et le consortium AEGEK-Aktor. Le projet a finalement été attribué à Metka.
13 À la suite d'une plainte émanant d'une entreprise qui, après avoir envisagé de participer à cet appel d'offres, a finalement renoncé à le faire, la Commission a, le 9 juillet 2004, adressé une lettre de mise en demeure concernant ledit appel d'offres à la République hellénique, qui a répondu à cette dernière par lettre du 17 septembre 2004.
14 N'ayant pas été convaincue par cette réponse, la Commission a adressé, le 22 décembre 2004, un avis motivé à cet État membre, dans lequel elle faisait valoir que, par l'admission de deux entreprises qui ne satisfaisaient pas aux conditions spécifiées dans l'invitation à soumissionner, ledit État membre avait manqué à ses obligations découlant de l'article 4, paragraphe 2, de la directive ainsi que des principes d'égalité de traitement et de transparence. La Commission invitait la République hellénique à se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
15 La République hellénique ne s'étant pas conformée à cet avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le recours
Sur le premier grief
Argumentation des parties
16 Le consortium AEGEK-Aktor est composé des sociétés AEGEK et Aktor. La Commission soutient qu'Aktor, n'ayant jamais participé à la construction d'une centrale thermoélectrique, ne possédait pas l'expérience en matière de conception et de gestion de l'exécution de marchés relatifs à des centrales thermoélectriques selon la méthode "clé en main" exigée par l'invitation à soumissionner.
17 Le Gouvernement hellénique ne conteste pas cette allégation.
18 Quant à la question de savoir si AEGEK possédait l'expérience stipulée dans l'invitation à soumissionner, la Commission fait valoir que, pour être considéré comme remplissant effectivement cette condition, un candidat au marché devait posséder l'expérience requise, soit en ayant lui-même construit une centrale thermoélectrique "clé en main", soit en ayant participé, en tant que membre d'un consortium, à l'exécution d'un marché en vue de la construction d'une telle centrale, à condition d'avoir été responsable de la conception et de la gestion du projet, à savoir de la coordination de tous les autres membres du consortium. La circonstance qu'AEGEK a participé à un projet similaire en tant que simple membre d'un consortium ne suffirait pas à conférer à celle-ci l'expérience nécessaire.
19 La Commission soumet à la Cour un extrait du contrat de consortium conclu en vue de l'exécution du marché relatif à la centrale électrique de Komotini, lequel définirait les compétences respectives des différents membres du consortium concerné. Ce contrat aurait été conclu entre trois entreprises: ABB Power Generation Ltd (ci-après "ABB"), Ansaldo Energia SpA et AEGEK. Il désignerait ABB en tant que dirigeant du consortium ("consortium leader" en anglais, langue dans laquelle ledit contrat a été rédigé), chargé de gérer les affaires de ce dernier, y compris la coordination technique, commerciale et organisationnelle de l'exécution du contrat.
20 Le Gouvernement hellénique rétorque qu'aucune des conditions imposées par l'invitation à soumissionner, telle qu'elle est formulée, ne permet d'inférer l'existence d'une exigence selon laquelle le membre du consortium concerné devrait être le chef de projet, c'est-à-dire le responsable de toute la coordination des autres membres ainsi que de la conception et de l'application du calendrier d'exécution. La Commission imposerait ainsi une condition qui ne figure pas dans l'invitation à soumissionner. Ce gouvernement affirme que l'examen des justificatifs de l'expérience d'AEGEK révèle que cette société a participé à deux autres projets de grande envergure de DEI, comportant des exigences importantes quant à l'administration et à la gestion de marchés. Des représentants de cette société auraient participé sur un pied d'égalité avec les autres participants à l'équipe d'administration qui coordonnait les opérations techniques des membres dudit consortium, préparait et suivait le calendrier d'exécution, et décidait des rectifications nécessaires qu'il convenait d'y apporter. Le Gouvernement hellénique en déduit que l'offre d'AEGEK était pleinement étayée du point de vue du critère de l'expérience.
21 Par ailleurs, ledit gouvernement fait valoir que le contrat de consortium relatif à la centrale de Komotini doit être considéré comme confidentiel et que la Commission n'est pas recevable à en faire état dans la présente procédure.
Appréciation de la Cour
22 Il convient de rappeler qu'il n'est pas nécessaire qu'un critère de sélection, tel que, en l'espèce, celui relatif à l'expérience, soit rempli par chacun des membres d'un consortium soumissionnaire et qu'il suffit que l'un des membres du consortium y satisfasse (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 1994, Ballast Nedam Groep, C-389-92, Rec. p. I-1289, point 13, repris, postérieurement à la date des faits en cause dans le présent litige, à l'article 54, paragraphe 6, de la directive 2004-17-CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (JO L 134, p. 1).
23 Puisqu'il est constant qu'Aktor ne satisfaisait pas à ce critère, le présent grief revient à poser la question de savoir s'il était possible de considérer qu'AEGEK y satisfaisait.
24 L'article 3, paragraphe 1, point 1, de l'invitation à soumissionner n'admet pas une simple participation à l'exécution des projets du type visé, mais précise que l'expérience acquise doit porter sur la conception et la gestion de l'exécution de tels projets. Il était donc exigé des candidats qu'ils aient planifié et géré les activités des entreprises participant à l'exécution de projets de ce type.
25 Cette interprétation est confirmée par l'ajout de la précision "project management", en langue anglaise. Il ressort de cet ajout que l'expérience demandée est bien celle acquise dans la gestion de projets en tant que telle.
26 En revanche, l'article 3, paragraphe 1, point 1, de l'invitation à soumissionner ne stipulait pas qu'une telle expérience devait nécessairement avoir été acquise en tant que chef de projet.
27 Conformément à ce texte, il était loisible à l'entité adjudicatrice de prendre en compte l'expérience acquise dans la gestion de projets relatifs à la construction de centrales thermoélectriques selon la méthode "clé en main", que cette expérience ait été acquise ou non en tant que chef de projet.
28 Il convient de reconnaître à l'entité adjudicatrice un certain pouvoir d'appréciation dans l'évaluation des qualifications des soumissionnaires. En l'espèce, la question de savoir quelle est l'expérience que chaque type d'opération a pu procurer à chacun des soumissionnaires ne saurait faire l'objet d'une analyse générique, mais doit être vérifiée eu égard aux caractéristiques de chaque cas particulier.
29 Il ressort du dossier que l'expérience dont se prévalait AEGEK était la suivante: elle aurait participé à la construction, pour DEI, de centrales électriques à Agios Dimitrios et à Komotini, sa participation dans la construction de la dernière de ces centrales se serait élevée à 22 %, ou à 23,61 % abstraction faite des pièces de rechange fournies. En outre, des représentants d'AEGEK auraient fait partie, sur un pied d'égalité, de l'équipe gestionnaire du projet de Komotini qui coordonnait les tâches techniques des différents membres du consortium, préparait le calendrier de mise en œuvre, en assurait le suivi et décidait des corrections nécessaires qui devaient y être apportées.
30 La proportion dans laquelle une entreprise a participé à un ouvrage n'indique pas en soi l'existence d'un rôle de gestionnaire du projet.
31 En revanche, la circonstance, si elle est avérée, que des responsables d'une entreprise membre d'un consortium aient participé aux activités de planification et de gestion de l'exécution du marché serait pertinente pour établir que l'entreprise à laquelle ils appartiennent a pu de ce fait acquérir une expérience telle que celle requise par l'invitation à soumissionner en cause.
32 Il convient d'examiner si, en l'espèce, une telle circonstance est établie par les éléments de preuve fournis.
33 L'argument avancé par le Gouvernement hellénique et tiré de l'irrecevabilité, dans le cadre de la présente procédure, de l'extrait du contrat de consortium relatif à la centrale de Komotini qui a été produit par la Commission ne saurait être retenu. Le Gouvernement hellénique n'ayant pas précisé en quoi ce contrat aurait un caractère de confidentialité, aucune considération juridique n'impose à la Cour de l'écarter. Elle peut donc le prendre en compte aux fins de la présente procédure.
34 Selon ledit contrat, le dirigeant du consortium, à savoir ABB, était chargé de la coordination technique, commerciale et organisationnelle du projet, en particulier de la coordination des activités techniques exercées par les membres du consortium, de la coordination des activités de ces derniers portant sur la construction, la mise en service et la livraison du projet, la coordination générale de la formation du personnel du client, la publication d'instructions et de procédures adéquates, la préparation et la coordination du calendrier global ainsi que le suivi du calendrier, le cas échéant, de toutes les mesures correctrices nécessaires.
35 ABB, en tant que dirigeant du consortium, était chargée notamment de la coordination de l'exécution du marché relatif à la centrale thermoélectrique de Komotini. Les tâches de coordination de l'exécution du marché, attribuées par le contrat à ABB, n'excluaient toutefois pas que les représentants d'AEGEK participent aux réunions de coordination du projet. Il s'ensuit que l'extrait de contrat produit par la Commission ne contredit pas les indications figurant dans le dossier et selon lesquelles des représentants d'AEGEK avaient fait partie, sur un pied d'égalité, de l'équipe gestionnaire du projet de Komotini qui coordonnait les tâches techniques des différents membres du consortium, préparait le calendrier de mise en œuvre, en assurait le suivi et décidait des corrections nécessaires qui devaient y être apportées. Or, cette participation active dans la conception et la gestion de l'exécution de ce projet pouvait être considérée par le pouvoir adjudicateur comme une expérience pertinente au sens de l'invitation à soumissionner.
36 En tout état de cause, la Commission n'a pas apporté la preuve de ce que l'entité adjudicatrice, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qu'il convient de lui reconnaître, ait, en l'espèce, commis une erreur dans l'évaluation des éléments relatifs à l'expérience invoqués par AEGEK.
37 La Commission n'ayant pas apporté d'éléments de preuve suffisants à l'appui de son premier grief, il convient de rejeter celui-ci comme non fondé.
Sur le second grief
Argumentation des parties
38 La Commission fait valoir que l'offre de Metka, prévoyant l'installation d'une turbine fabriquée par l'entreprise General Electric, ne comportait pas d'offre relative au contrat de maintenance à long terme provenant directement de cette entreprise. La Commission estime que, dans la mesure où General Electric n'a pas soumis elle-même d'offre de maintenance à long terme, l'offre de Metka aurait dû être rejetée comme non conforme à l'une des conditions obligatoires figurant dans l'invitation à soumissionner.
39 Le Gouvernement hellénique souligne que l'article 2, paragraphe 4, de l'invitation à soumissionner exige seulement que l'offre portant sur le contrat de maintenance à long terme "provienne" du constructeur de la turbine, et permet que cette offre soit présentée par une autre entreprise habilitée à cet effet, en l'espèce Metka. L'article 2, paragraphe 4, de l'invitation à soumissionner aurait été respecté. En effet, l'offre de maintenance proviendrait du constructeur désigné dans l'offre relative au projet, cette conclusion n'étant pas susceptible d'être modifiée par la circonstance que l'offre a été présentée par Metka. En effet, l'offre de Metka qui contenait également l'offre relative à la maintenance de la turbine à gaz aurait été soumise à DEI accompagnée d'une lettre d'habilitation de General Electric International Inc., datée du 11 juillet 2003 et rédigée dans les termes suivants:
"Dear Sirs,
With reference to Metka SA participation to the above mentioned tender, we wish to confirm that
a. We in conjunction with GE Energy Parts Inc., have made an offer to Metka to provide parts and services for the maintenance of the General Electric GT and its auxiliaries which are provided by Metka for the Project, and
b. In case Metka is awarded by [DEI] as Contractor for the execution of the said Project, Metka SA is authorized to accept and utilize our offer to sign and execute a Long Term Agreement (Maintenance Agreement) for the GT and its auxiliaries, according to the requirements of the article 2 [...] 'Invitation' and [...] 'Guide Lines for the Long term Maintenance Agreement (Maintenance Agreement) for the GT and its auxiliaries'."
["Messieurs,
Nous référant à la participation de Metka à l'offre mentionnée ci-dessus, nous souhaitons confirmer que:
a. conjointement avec GE Energy Parts Inc., nous avons fait une offre à Metka concernant la fourniture de pièces et de services pour la maintenance de la turbine à gaz General Electric et de ses annexes, qui sont fournis par Metka pour le projet et
b. si Metka est admise par [DEI] comme partie contractante pour l'exécution du projet susmentionné, Metka SA est autorisée à accepter et à utiliser notre offre pour signer et exécuter un contrat à long terme (contrat de maintenance) pour la turbine à gaz et ses annexes, conformément aux prescriptions de l'article 2 [...] 'Invitation' et [...] 'Lignes directrices pour le contrat de maintenance à long terme (contrat de maintenance) de la turbine à gaz et ses annexes'."]
Appréciation de la Cour
40 Il apparaît que l'objet de l'article 2, paragraphe 4, de l'invitation à soumissionner consiste à garantir la maintenance de la turbine à gaz par son constructeur postérieurement à l'achèvement de la construction de la centrale, que ce constructeur soit ou non membre du consortium qui a introduit l'offre retenue.
41 Conformément à cet objet, ladite disposition vise à obtenir du constructeur de la turbine à gaz qu'il s'engage à assurer la maintenance de celle-ci durant la période postérieure à l'achèvement de la construction de la centrale.
42 Dans ce contexte, le mot "exclusivement" qui figure dans la disposition en question doit être compris comme indiquant que la responsabilité de la maintenance de la turbine doit reposer sur le seul constructeur et non pas sur des tiers. En revanche, ce mot ne doit pas être interprété comme imposant que la garantie provienne "directement" du constructeur de la turbine. Au vu de l'objet de cette disposition telle qu'elle vient d'être dégagée dans les points précédents du présent arrêt, il est indifférent que l'offre de maintenance provienne directement du constructeur ou qu'elle soit présentée par l'intermédiaire du consortium qui a introduit l'offre relative au projet.
43 Cette interprétation est confirmée par les termes des lignes directrices pour le contrat de maintenance à long terme qui accompagnaient, en l'espèce, l'invitation à soumissionner. Il ressort de ce document que le contrat de maintenance pouvait être signé par l'agent autorisé du constructeur de la turbine à gaz. Il s'ensuit que, a fortiori, l'offre de maintenance dudit constructeur pouvait être présentée par un soumissionnaire agissant en tant qu'agent autorisé de ce dernier.
44 Il en découle que, en l'espèce, il était loisible à l'entité adjudicatrice d'accepter qu'une offre de maintenance émanant du constructeur d'une turbine soit déposée par l'intermédiaire du consortium qui avait désigné ce constructeur dans son offre.
45 En ce qui concerne la lettre de General Electric International Inc. du 11 juillet 2003 transmise par Metka, celle-ci comporte notamment l'affirmation selon laquelle Metka est autorisée à accepter et à utiliser l'offre conjointe de General Electric International Inc. et de GE Energy Parts Inc. pour signer et exécuter un contrat de maintenance à long terme conformément aux prescriptions de l'article 2 de l'invitation à soumissionner et des lignes directrices pour le contrat de maintenance à long terme. Cet engagement paraît suffisamment clair pour permettre à l'entité adjudicatrice, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qu'il convient de lui reconnaître, de considérer les documents soumis par Metka comme constituant une offre de maintenance conforme à l'article 2, paragraphe 4, de l'invitation à soumissionner.
46 Par conséquent, il convient de rejeter le second grief comme non fondé.
Sur les principes de transparence et d'égalité de traitement
Argumentation des parties
47 Le Gouvernement hellénique rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que, lorsque des dispositions générales ou des principes généraux, tels que les principes d'égalité de traitement et de transparence, sont mis en œuvre par la voie de dispositions particulières du droit communautaire (telles que, en l'espèce, l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93-38), toute réglementation nationale qui est incompatible avec ces dispositions générales ou principes généraux est également incompatible avec ces dispositions particulières. Il en résulterait que ces dispositions générales ou principes généraux ne peuvent s'appliquer de façon autonome que dans des situations pour lesquelles le droit communautaire ne prévoit pas d'interdiction spécifique.
48 Dès lors, le recours de la Commission visant à faire constater, outre la violation de la directive, celle des principes généraux d'égalité de traitement et de transparence devrait être rejeté comme non fondé en tant qu'il concerne ces deux principes.
49 La Commission rétorque que les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence sont consacrés par la jurisprudence constante de la Cour en tant que principes fondamentaux applicables au domaine des marchés publics, de manière autonome et en dépit de l'existence d'un article spécifique sur l'égalité de traitement dans les directives sur les marchés publics.
Appréciation de la Cour
50 S'agissant du principe de transparence, il convient de constater que la Commission n'indique pas en quoi les faits reprochés à la République hellénique dans le cadre du présent recours peuvent constituer une violation de ce principe. En effet, la prise en considération d'une offre non conforme à l'invitation à soumissionner est un acte qui peut être considéré sous l'angle de l'égalité de traitement des soumissionnaires, mais qui en soi n'est pas de nature à contrevenir au principe de transparence. À cet égard, la présente affaire doit être distinguée de celle qui est à l'origine de l'arrêt du 25 avril 1996, Commission/Belgique (C-87-94, Rec. p. I-2043, notamment points 54 à 60 et 74), dans la mesure où l'atteinte aux principes de transparence constatée résultait en substance de la prise en compte par le pouvoir adjudicateur d'une modification apportée aux offres initiales de l'un des soumissionnaires. Dans la présente affaire, en revanche, est en cause une condition formelle d'admission d'une offre qui n'est pas susceptible d'altérer la transparence de la procédure de passation du marché.
51 En ce qui concerne le principe d'égalité de traitement, il ressort des points 22 à 37 et 40 à 46 du présent arrêt que les deux griefs reprochés à la République hellénique n'ont pas été établis par la Commission, que ce soit en tant qu'ils sont tirés de la violation de l'article 4, paragraphe 2, de la directive ou de celle du principe général d'égalité de traitement. En tout état de cause, à supposer même que la Cour ait constaté une violation de l'article 4, paragraphe 2, de la directive, il n'y aurait pas lieu de se référer au principe général d'égalité dont cette disposition constitue une expression spécifique (voir, dans ce sens, arrêt du 31 janvier 1991, Commission/France, C-244-89, Rec. p. I-163, point 34).
52 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours de la Commission.
Sur les dépens
53 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu dans ce sens. La République hellénique ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il convient de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (troisième chambre),
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.