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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 19 mai 1992, n° 2043-91

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CRCAM Anjou Mayenne

Défendeur :

Bourdin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panatard

Conseillers :

Mme Chauvel, M. Chesneau

Avoué :

SCP Gontier

Avocat :

Me Delalande

TI Laval, du 18 juin 1991

18 juin 1991

Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 mars 1992.

Par jugement réputé contradictoire du 18 juin 1991, le Tribunal d'instance de Laval a :

- déclaré irrecevable comme tardive la demande en paiement présentée par la CRCAM de la Mayenne au titre d'un prêt souscrit le 23 janvier 1988 par M. Bourdin, au motif que le premier incident de paiement visé par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 (et correspondant en l'espèce à la position insuffisamment créditrice du compte sur lequel étaient contractuellement prélevées les échéances) se situait au mois d'août 1988.

- condamné M. Bourdin à payer à la CRCAM, au titre du solde débiteur d'un compte, la somme de 11 665,88 F (au lieu de celle de 16 404,66 F requise) avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 1990 au motif que la CRCAM devait être déchue du droit aux intérêts à compter de décembre 1988 par application de la loi du 10 janvier 1978.

La CRCAM Anjou-Mayenne, venant aux droits de la CRCAM de la Mayenne, a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour, par voie d'infirmation, de condamner M. Bourdin à lui payer les sommes de :

- 5 951,33 F avec intérêts au taux légal sur la somme de 378,45 F et au taux conventionnel sur le surplus.

- 14 604,66 F avec intérêts au taux conventionnel.

Elle soutient :

1) à l'appui de sa première réclamation

- que l'inscription des échéances du prêt au débit du compte de M. Bourdin valait paiement dès lors que ce compte fonctionnait et n'avait pas été clôturé, étant au surplus observé que les sommes créditées jusqu'en mars 1990 couvraient le montant des échéances.

- qu'il s'opère en l'occurrence une véritable novation, l'échéance ainsi contractuellement prélevée devenant un simple débit du compte et ne pouvant plus être réclamée au titre du contrat de prêt.

- que la première échéance impayée se situant donc au mois d'août 1989, aucune forclusion ne peut lui être opposée pour une action engagée en décembre 1990.

2) à l'appui de sa seconde réclamation :

- que la loi du 10 janvier 1978 n'a jamais trouvé à s'appliquer au solde débiteur d'un compte bancaire, lequel n'a jamais constitué une opération de crédit, de sorte que ne pouvait lui être opposée la déchéance prévue à l'article 23 de ladite loi.

Régulièrement assigné et réassigné à mairie, M. Bourdin n'a pas constitué avoué. Le présent arrêt sera en conséquence rendu par défaut.

Motifs :

1) sur la réclamation au titre du prêt.

M. Bourdin a accepté le 23 janvier 1988 une offre de prêt de la CRCAM d'un montant de 10 000 F remboursable en trente mois par prélèvements sur son compte.

Conformément à ce qui avait été prévu, les échéances de ce prêt ont été portées chaque mois au débit du compte. Les relevés bancaires versés aux débats révèlent qu'à compter d'octobre 1988, et non d'août 1988 comme considéré par le premier juge, le compte s'est constamment trouvé en situation débitrice ou insuffisamment créditrice au moment de l'inscription des mensualités de remboursement et qu'aucune régularisation n'est valablement intervenue.

La fixation du premier incident de paiement au mois d'octobre 1988 ne modifie pas l'appréciation sur la forclusion encourue puisque l'assignation a été délivrée le 19 décembre 1990 soit plus de deux ans plus tard.

Pour échapper à cette forclusion prévue par l'article 27 de la loi d'ordre public du 10 janvier 1978, la CRCAM se prévaut des modalités de règlement du prêt. Elle ne peut toutefois prétendre que les échéances doivent être réputées réglées au seul motif que le compte n'a pas été clôturé ou encore que les débits enregistrés ont été régularisés par les crédits portés audit compte, lesquels n'étaient pas spécialement affectés à la couverture des échéances en cause (dont on ne saurait de surcroit faire fi de la périodicité mensuelle) et étaient en tout état de cause insuffisants puisque le compte demeurait toujours débiteur. Elle ne saurait davantage se prévaloir d'une prétendue novation et ce, pour les motifs pertinents exposés par le premier juge, notamment après une exacte analyse de la nature du compte qui n'était pas un compte courant.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée au titre du prêt.

2) sur la réclamation au titre du solde débiteur du compte.

Le premier juge a fait une application par trop extensive de la loi du 10 janvier 1978 pour prononcer la déchéance de la CRCAM du droit aux intérêts sur le solde débiteur du compte à compter du mois de décembre 1988, date à laquelle elle a signifié à son débiteur une interdiction d'émettre des chèques.

Ceci étant, la CRCAM réclame paiement d'une somme de 14 604,60 F dont il n'est pas certain, au vu des pièces produites, qu'elle n'inclut pas les débits correspondants aux échéances impayées du prêt et atteintes de forclusion.

En tout état de cause, elle n'a pas déféré à l'injonction faite par le tribunal, aux termes d'un premier jugement, d'avoir à produire la convention d'ouverture du compte. Elle a déclaré dans ses écritures de première instance qu'elle ne possédait plus "la fiche d'ouverture du compte de M. Bourdin" et qu'elle avait en conséquence appliqué des intérêts au taux légal pour la période du 27 juillet 1988 au 13 mars 1991 (étant ici observé qu'elle réclame en cause d'appel des intérêts au taux conventionnel sur la somme requise incluant les intérêts au taux légal). Or, en l'absence d'une convention d'ouverture de compte et par suite d'une stipulation contractuelle sur l'application immédiate d'intérêts de retard, il ne peut être appliqué d'intérêts, même au taux légal, avant la clôture du compte ou avant une mise en demeure (article 1153 alinéa 3 du Code civil).

Il apparait ainsi que pour d'autres motifs que ceux par lui retenus, le premier juge est loin d'avoir abusivement réduit la réclamation de la CRCAM.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.

Par ces motifs, Statuant publiquement par défaut, Confirme le jugement entrepris, Condamne la CRCAM Anjou-Mayenne aux dépens.