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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ., 7 mai 1992, n° 1392-98

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ufith (SA)

Défendeur :

Kleinlogel (Epoux), Chauffage Service (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prost (faisant fonction)

Conseillers :

M. Lieber, Mme Sanvido

Avocats :

Mes Leven, Cahn, Fischer

TI Mulhouse, du 3 févr. 1989 ; TI Mulhou…

3 février 1989

Par jugement réputé contradictoire rendu le 3 février 1989, le Tribunal d'instance de Mulhouse a prononcé la résolution du contrat d'installation de chauffage central conclu le 7 octobre 1980 entre les époux Kleinlogel et "Claude Fischer, respectivement Chauffage Service", a constaté la résolution de plein droit du contrat de location vente conclu le 7 octobre 1980 entre les époux Kleinlogel et la SA Ufith, a débouté celle-ci de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire du jugement et a sursis à statuer sur la demande en restitution des sommes versées pour permettre aux époux Kleinlogel de chiffrer leur demande jusqu'à l'audience du 17 mars 1989, date à laquelle l'affaire devait être rappelée, étant sursis également sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Ufith a interjeté appel de cette décision le 4 avril 1989, procédure inscrite sous le n° IIIU1392-89.

Par jugement contradictoire du 6 avril 1990, le Tribunal d'instance de Mulhouse a condamné

1) la SA Ufith à payer aux époux Kleinlogel une somme de 765 F, avec intérêts au taux légal depuis le 30 août 1988, date de l'assignation, la somme de 3 000 F avec intérêts au taux légal depuis le jugement,

2) l'entreprise Chauffage Service à payer aux époux Kleinlogel la somme de 765 F avec intérêts au taux légal depuis le 30 août 1988,

3) la SA Ufith et l'entreprise Chauffage Service solidairement à payer aux époux Kleinlogel une somme de 1 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter solidairement les frais et dépens.

Cette décision a été frappée d'appel le 23 avril 1990 par la SA Ufith, et a été inscrite au rôle sous le n° 111U1464-90.

D'autre part, la SA Ufith qui avait financé l'installation du chauffage central au gaz par l'entreprise dirigée par Claude Fischer, a obtenu du Tribunal de grande instance de Mulhouse un jugement daté du 5 mars 1984 condamnant in solidum les époux Kleinlogel, Claude Fischer et l'entreprise Chauffage Service à lui payer la somme de 64 389,36 F avec intérêts de droit, outre 1 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, jugement qui a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Colmar daté du 30 octobre 1985.

Ensuite de quoi, les époux Kleinlogel, ayant vu rejeter par jugement du tribunal de grande instance daté du 11 septembre 1986 leur appel en garantie contre Claude Fischer et l'entreprise Chauffage Service, avaient relevé appel sur lequel la cour a sursis à statuer par arrêt contradictoire du 24 janvier 1992, jusqu'au règlement définitif de la procédure IIIU1392-89.

Dans la première procédure (IIIU1392-89),

la SA Ufith a conclu à l'infirmation du jugement rendu le 3 février 1989, à l'irrecevabilité en raison de la chose jugée et de la prescription biennale de la demande et, subsidiairement à la déclaration de la responsabilité délictuelle des époux Kleinlogel, à leur condamnation à lui payer la somme de 64 389,36 F avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 1982, date de l'assignation, à la condamnation des époux Kleinlogel à payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Les époux Kleinlogel ont conclu à la confirmation du jugement et subsidiairement à la condamnation de ha "Société Chauffage Service" à les garantir.

Dans la procédure IIIU1464-90

La SA Ufith a conclu à l'irrecevabilité de la demande des époux Kleinlogel, à l'infirmation des deux jugements rendus par le tribunal d'instance les 3 février 1989 et 6 avril 1990 en raison de l'autorité de la chose jugée et de la prescription biennale et subsidiairement à la déclaration de la responsabilité délictuelle des époux Kleinlogel du préjudice subi par la SA Ufith et à leur condamnation à lui payer 64 389,36 F, outre intérêts légaux depuis l'assignation, et à supporter les entiers frais et dépens.

Les époux Kleinlogel ont conclu à la confirmation de la décision entreprise et, subsidiairement, à la condamnation de la Société Chauffage Service à les garantir en cas de condamnation.

Sur quoi la cour, vu les procédures, les pièces communiquées et les écrits des parties pour exposé plus ample de leurs moyens et arguments.

Sur la procédure,

Attendu que la SA Ufith à qui il avait été enjoint d'assigner la "Société Chauffage Service" n'a pas déféré à cette injonction en exposant que ses conclusions n'étaient pas dirigées contre cet organisme ;

Attendu que les deux décisions du tribunal d'instance sont unies par un lien de connexité évident dans la mesure où la seconde découle de l'application de la première, par la même juridiction ;

Attendu qu'il convient en conséquence de joindre les procédures d'appel correspondantes ;

Attendu que cette jonction excluant la procédure pendante d'appel de la décision du tribunal de grande instance, il n'y a lieu de répondre aux conclusions qui s'y réfèrent ;

Sur la recevabilité,

Attendu que par acte sous-seing privé du 7 octobre 1980 la SA Ufith a émis au profit des époux Kleinlogel une offre préalable de financement en forme de location vente d'un chauffage central au gaz, conformément au modèle prévu au décret 78-509 du 24 mars 1978, que la réalisation en était confiée à l'entreprise Chauffage Service, que le contrat d'une durée de 7 ans prévoyait que la SA Ufith recevrait en règlement 84 mensualités de 765 F chacune, que l'article 5 prévoyait notamment en cas de défaillance des débiteurs le paiement du solde des redevances et le prix de vente final;

Qu'aucune rétractation n'est intervenue après acceptation par les époux Kleinlogel datée du 7 octobre 1980, dans le délai de 7 jours prévu au contrat;

Attendu que la SA Ufith ayant reçu le bon à payer attestant de l'exécution des travaux permettant le déblocage des fonds 32 235 F) au profit de Chauffage Service daté du 4 décembre 1980, portant outre la signature du représentant de l'entreprise, une autre attribuée à Robert Kleinlogel, les époux se sont opposés aux prélèvements convenus pour régler les mensualités, qui comme les en avait avisés par lettre du 16 décembre 1980 la SA Ufith, devaient commencer au 30 janvier 1981 ;

Attendu que la SA Ufith a fait assigner le 21 avril 1982 à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Mulhouse les époux Kleinlogel et Claude Fischer pour les voir condamner in solidum à payer la somme de 64 389,36 F représentant la dette des époux envers la société de financement ; (55 845 F pour 73 mensualités et 8 544,36 F d'arriérés) ;

Attendu que le jugement rendu par le tribunal de grande instance le 1er mars 1984 contradictoire à l'égard des époux et réputé contradictoire à l'égard de Claude Fischer et de Chauffage Service, les a condamnés solidairement à payer à la société Ufith ha somme principale de 64 389,36 F avec intérêts au taux légal depuis le 3 mai 1982 outre 1 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que ce même jugement ordonnait la réouverture des débats sur la demande en garantie dirigée par les époux Kleinlogel contre Claude Fischer datée du 25 novembre 1982 auquel ils reprochaient de ne pas avoir exécuté l'installation de chauffage prévue et de les avoir trompés ;

Attendu que sur appel des époux Kleinlogel, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris par adoption des motifs des premiers juges par arrêt contradictoire rendu le 30 octobre 1985 ;

Attendu que le premier jugement frappé d'appel, rendu le 3 février 1987, ayant admis que la procédure dont était saisi le tribunal d'instance mettait en cause les mêmes parties qui étaient opposées dans celle ayant abouti à l'arrêt du 30 octobre 1985, l'objet en était différent puisque le tribunal de grande instance avait été saisi d'une demande contre les époux du paiement du solde d'un contrat de location vente à la suite de l'inexécution de leurs obligations alors que devant le tribunal d'instance c'étaient les époux Kleinlogel qui réclamaient le remboursement de ce qu'ils avaient versé à la suite de l'annulation de plein droit du contrat,

Que le tribunal d'instance prenait motif également d'une différence des causes juridiques puisque devant le tribunal de grande instance, la SA Ufith invoquait les dispositions de l'article 21 de la loi du 10 janvier 1987 et l'article 3 du décret du 17 mars 1978 relatif aux droits du prêteur en cas de défaillance de l'emprunteur l'article 9 Al. 3 prévoyant la résolution ou l'annulation de plein droit du contrat de crédit en cas de résolution ou d'annulation du contrat en vue duquel il a été conclu ;

Attendu que les époux Kleinlogel invoquent toujours la disparité d'objets pour réclamer le remboursement de ce qu'ils avaient payé au titre du contrat alors que la SA Ufith sollicitait le paiement des sommes dues en exécution de ce contrat de financement, qu'ils invoquent encore la disparité de causes pour avoir invoqué au soutien de leur demande des fondements juridiques différents ;

Attendu que si, devant le tribunal de grande instance et ensuite devant la Cour d'appel de Colmar, avait été débattu de la validité du contrat du 7 octobre 1980 sur lequel la SA Ufith fondait sa demande de paiement contre les époux Kleinlogel qui contestaient pour leur défense que ce contrat leur fut applicable, le tribunal en les condamnant à payer le bailleur de fonds en a jugé autrement, en prenant notamment pour motifs qu'ils n'avaient engagé aucune procédure en annulation de vente et qu'ils ne sauraient invoquer l'inexécution des travaux pour faire supporter à l'organisme de crédit cette conséquence de leur fausse déclaration sur le bon à payer ;

Attendu que dans la procédure jugée le 4 avril 1989 les époux Kleinlogel n'étaient plus en position de défendeurs mais de demandeurs contre la SA Ufith en se prévalant de la nullité du contrat principe qu'ils poursuivaient contre l'installateur au lieu de se borner comme ils l'avaient fait devant le tribunal de grande instance, à invoquer essentiellement l'inexécution de l'ouvrage par l'installateur,

Qu'ils se sont portés demandeurs en remboursement des sommes payées au titre du contrat litigieux ;

Attendu qu'en définitive, si le contrat de location vente a été implicitement déclaré valable à l'égard de la SA Ufith par le jugement du tribunal de grande instance, les causes de cette décision implicite prêtaient à confusion eu égard aux motifs du tribunal de grande instance qui a évoqué la responsabilité des époux au soutien de leur condamnation, que les parties n'avaient pas les mêmes qualités dans les deux instances ;

Attendu que les conditions posées par les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas remplies ;

Attendu qu'en conséquence c'est à bon droit que le tribunal d'instance a rejeté le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée ;

Attendu que le tribunal d'instance dans son jugement du 1er mars 1984 a considéré que la demande de résolution du contrat d'installation de chauffage était soumise à la prescription trentenaire ;

Qu'il n'avait pas de pouvoir d'appréciation sur le bien ou le mal fondé de la mise en cause du bailleur de fonds, pour voir constater la résolution de plein droit du contrat de crédit préexistante en raison des dispositions de l'article 9 alinéa 3 de la loi du 10 janvier 1978 aux termes duquel le contrat en vu duquel le contrat de financement a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ;

Attendu qu'avant de statuer sur le fondement d'une mise en cause, il convient de statuer sur sa recevabilité ; qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978, le tribunal d'instance connaît les litiges nés de son application et les actions engagées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, y compris lorsqu'elles sont nées de contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi;

Attendu que l'événement qui a donné naissance à l'action est né le 16 décembre 1980 par la lettre de la SA Ufith qui informait les époux Kleinlogel du règlement de l'installateur de chauffage et de la mise en place des prélèvements bancaires à partir de 1981, lesquels le 16 mars suivant ont sommé l'installateur de rembourser l'acompte de 765 F à lui versé ; que ce point de départ en tout cas ne pouvait être différé au delà de l'arrêt du 30 octobre 1985 confirmant le jugement du 1er mars 1984 condamnant les époux à exécuter le contrat de location vente en payant le bailleur de fonds ;

Attendu que ce n'est que le 23 août 1988 que les époux Kleinlogel ont fait assigner la SA Ufith pour voir "prononcer la résiliation de plein droit du contrat de financement" et la restitution des sommes versées avant d'assigner le 30 août Claude Fischer dirigeant de Chauffage Service en résolution judiciaire du contrat de vente ;

Attendu que les époux Kleinlogel étaient forclos, que leur demande dirigée contre la SA Ufith était irrecevable ;

Attendu qu'en conséquence le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Mulhouse le 3 février 1985 doit être infirmé en ce qu'il a constaté la résolution de plein droit du contrat de location vente conclu le 7 octobre 1980 entre les époux Kleinlogel et la SA Ufith et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'ensuite le second jugement du 6 avril 1990 doit être infirmé en ce qu'il a condamné la SA Ufith à rembourser 765 F et 3 000 F et 1 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les frais et dépens solidairement avec l'entreprise Chauffage Service ;

Attendu que la SA Ufith a été obligée d'exposer des sommes qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge que la cour estime à 3 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré, Recevant les appels de la SA Ufith, dont les conclusions ont été limitées à l'encontre des époux Kleinlogel, Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous le n° IIIU1392-89 et IIIU1464-90 seulement, Infirme les jugements entrepris, Statuant à nouveau Déclare irrecevables les époux Kleinlogel en leurs demandes dirigées contre la SA Ufith, Condamne les époux Kleinlogel solidairement à payer à la SA Ufith la somme de 3 000 F (trois mille F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne les époux Kleinlogel solidairement aux dépens.