CA Riom, ch. civ. et com., 6 décembre 1995, n° 1290-95
RIOM
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Soficarte (SA)
Défendeur :
Malhomme (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bardel
Conseillers :
MM. Despierres, Legras
Avoués :
SCP Gutton, Me Lecocq
Avocats :
SCP Chassaing Collet de Rocquigny, Me Chapus
Par jugement du 22 mars 1995, auquel la cour se réfère pour plus ample exposé, le Tribunal d'instance de Clermont-Ferrand a soulevé d'office la nullité du contrat de crédit signé le 31 août 1991, fondant la demande et condamné solidairement Jacques et Anne-Marie Malhomme à payer à la société Soficarte la somme de 12 800 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
La société Soficarte a relevé appel de cette décision aux fins d'entendre condamner M. et Mme Malhomme à lui payer la somme de 27 331,14 F avec intérêts au taux contractuel à compter du 13 mars 1994 et 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'offre de crédit ayant été souscrite le 31 août 1991, le délai de forclusion était expiré au jour de l'audience ; qu'ainsi l'offre ne pouvait pas être contestée ; que la clause de variabilité du taux d'intérêt est conforme aux modèles types publiés par le décret du 24 mars 1978 dont le juge judiciaire ne peut apprécier la légalité. Elle réfute l'argumentation retenue par le premier juge et se réfère à la jurisprudence de la cour de céans. Elle s'oppose à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure de redressement judiciaire civil.
M.et Mme Malhomme concluent à la confirmation du jugement attaqué. Ils sollicitent un sursis à statuer jusqu'à la mise on place d'un plan d'apurement de leur passif et on toute hypothèse les plus larges délais de paiement. Ils s'opposent à l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les intimés reprennent à leur compte la motivation du jugement. Ils se prévalent on outre de leur situation qui serait précaire et précisent qu'ils ont introduit une procédure de redressement judiciaire civil.
Motifs et décision
Attendu que le contrat a été souscrit le 31 août 1991 ; que le tribunal a soulevé d'office la nullité de la clause de variabilité du taux d'intérêt lors de l'audience du 31 janvier 1995 alors que le délai biennal de forclusion était largement expiré ;
Attendu que sont soumis au délai de forclusion prévu par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 tous les litiges concernant les opérations de crédit réglementées par cette loi (cf. Cass Civ 1re 17 novembre 1993 Ribas c/ Fouquet Ancelier Bulletin d'information 15 janvier 1994 N° 58) ; que le juge doit relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la forclusion instituée par cette disposition d'ordre public ;
Attendu que le point de départ du délai de forclusion opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité de l'offre préalable, par voie d'action ou d'exception, est la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé ; que le délai de deux ans étant un délai de forclusion, la règle suivant laquelle l'exception survit à l'action ne lui est pas applicable ; qu'il s'ensuit que la contestation soulevée plus de deux ans après l'acceptation de l'offre préalable est irrecevable ;
Attendu que la cour n'est pas saisie d'une exception d'illégalité ; qu'il lui appartient de statuer en vertu des textes applicables notamment du décret du 24 mars 1978 ;
Attendu que l'offre préalable sur laquelle la demande est fondée est parfaitement conforme aux modèles types proposés à l'annexe du décret susvisé ; que les stipulations prévoyant la variabilité du taux d'intérêt reprennent les termes de la clause-type et ont été insérées dans le contrat en application de dispositions réglementaires prises on vertu d'une habilitation législative ;
Attendu que lorsque les dispositions d'une convention résultent de l'application d'un texte réglementaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire ne peuvent, sans méconnaitre le principe de la séparation des pouvoirs, déclarer que les clauses figurant dans le décret et reprises dans le contrat sont contraires à la loi et les considérer comme nulles et non avenues ;
Attendu qu'il n'appartient pas au juge civil de mettre à néant la décision de l'autorité réglementaire désignée par le législateur ;
Attendu que les opérations litigieuses étaient régies par un texte spécifique ; que les principes et la jurisprudence applicables aux conventions de compte courant prévoyant un taux d'intérêt variable selon le taux de base bancaire ou ceux applicables aux contrats de prêt ne relevant pas du Code de la consommation, ne sauraient être utilement invoqués ;
Attendu en outre que les dispositions de l'article 5 de la loi du 10 janvier 1978 (article L. 311-13 du Code de la consommation) et l'article 1129 du Code civil ont la même valeur normative ; que les lois spéciales dérogent aux lois générales ; que l'article 1129 dudit code n'édicte aucune règle quant aux conditions de détermination de la quotité de la chose objet de l'obligation ; qu'il ne peut fonder la nullité de la clause d'intérêt dont le taux a, au demeurant été contractuellement fixé lors de la signature de la convention ;
Attendu que rien dans le dossier ne permet de dire que le taux d'intérêt résultant de l'application des stipulations du contrat méconnait les dispositions de la loi du 28 décembre 1966 ; que la cour ne trouve pas dans les pièces qui lui sont soumises la démonstration que le taux d'usure ait été atteint ;
Attendu que le contrat précise expressément le taux effectif global à savoir 18,90 % de 7 500 à 30 000 F et 17,30 % au delà ; que le juge ne saurait éluder ce taux expressément convenu, de même que la clause de variation que le prêteur ne saurait être sanctionné pour avoir respecté les textes en vigueur ;
Sur la créance
Attendu que l'historique du compte est régulièrement produit ; qu'il ne donne lieu à aucune
discussion ; que sont dues les sommes de 21 673,46 F, 1 733,84 F (indemnité légale de 8 %) et 686,44 F (assurance) que l'indemnité légale et les cotisations d'assurances doivent porter intérêts au taux légal à compter de l'assignation ; que pour le surplus, en application de l'article L. 311-30 du Code de la consommation disposant qu'en cas de défaillance le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés, les sommes restant dues produisant intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt, le taux conventionnel sera appliqué ;
Attendu que le créancier est fondé à demander un titre exécutoire quand bien même une procédure de surendettement serait-elle introduite ; que la cour ne saurait surseoir à statuer dans l'attente de la mise on place d'un plan d'apurement et d'une décision de la commission de surendettement ;
Attendu que la déchéance du terme est intervenue le 12 janvier 1994, date précisée dans le décompte de la somme de 27 334,14 F incluant les intérêts à compter de ladite date ; que les époux Malhomme ont de fait bénéficié d'un délai important ; qu'ils n'ont pas cru devoir verser un seul acompte alors qu'ils ne contestaient pas la créance à hauteur de 12 800 F ; qu'il n'y a pas lieu à délai ;
Attendu que des considérations d'équité conduisent à n'allouer aucune somme au titre des frais non compris dans les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reforme le jugement entrepris. Condamne solidairement les époux Malhomme à payer et porter à la société Soficarte la somme de 21 673,46 F (vingt et un mille six cent soixante treize francs et quarante six centimes) outre intérêts au taux contractuel alors on vigueur soit 18,50 % à compter du 12 janvier 1994 et la somme de 2 420,28 F (deux mille quatre cent vingt francs et vingt huit centimes) outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires. Condamne solidairement première instance et d'appel et Gutton à recouvrer directement l'avance sans avoir reçu provision les intimés aux dépens de autorise la SCP d'avoué ceux dont elle a fait suffisante.