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Décisions

CA Colmar, 1re ch. A, 11 avril 2006, n° 04-02705

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Grenke Location (SAS)

Défendeur :

Francony Ozanne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Boucon, Crovisier, Vidon-Combes

TGI Strasbourg, du 27 févr. 2004

27 février 2004

Selon contrat en date des 13 et 21 décembre 2000, la société Grenke Location a donné en location à Mme Francony Ozanne, antiquaire, un système informatique fourni par la société Focadine, comprenant un micro-ordinateur de marque IBM, une souris et un appareil photo de marque Minolta, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 1 782,04 F TTC.

Par courrier recommandé daté du 15 juin 2001 et présenté le 16 juin 2001, la société Grenke Location a procédé à la résiliation anticipée du contrat.

Selon assignation en date du 17 septembre 2002, la société Grenke Location a attrait Mme Francony Ozanne devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir le paiement d'une somme principale de 13 425,45 euro.

Mme Francony Ozanne s'est opposée à cette demande en arguant de la nullité de la convention au regard du droit de la consommation dès lors qu'elle avait été privée de l'exercice de la faculté de renonciation prévue par l'article L. 121-24 du Code de la consommation et en soutenant qu'elle s'était valablement rétractée les 14, 15 et 18 décembre 2000 entre les mains de la société Focadine.

Par jugement du 27 février 2004, la juridiction saisie, se déclarant territorialement compétente en application de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat, a :

- constaté et en tant que de besoin prononcé la nullité du contrat,

- débouté la société Grenke Location de ses demandes,

- débouté Mme Francony Ozanne de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

- condamné la société Grenke Location aux dépens,

- débouté la société Grenke Location et Mme Francony Ozanne de leurs prétentions au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que le matériel loué n'entrait pas dans la sphère d'activité de la locataire ;

- que Mme Francony Ozanne n'avait pas contracté en qualité de commerçante pour les besoins de son activité professionnelle mais en qualité de consommateur et en dehors de ses compétences professionnelles ;

- que la défenderesse bénéficiait de la protection des dispositions relatives au démarchage à domicile d'une personne physique (articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation);

- que le contrat litigieux qui ne mentionnait pas la faculté de renonciation et ne comportait pas de formulaire détachable, était nul.

Par déclaration reçue le 17 mai 2004, la société Grenke Location a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 8 février 2005, la société Grenke Location demande à la cour de :

Sur l'appel principal,

- déclarer la société Grenke Location recevable en son appel ;

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter Mme Francony Ozanne de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner Mme Francony Ozanne à lui payer la somme de 13 425,45 euro ;

- condamner Mme Francony Ozanne à lui payer une indemnité de 2 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- condamner Mme Francony Ozanne aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;

Sur l'appel incident,

- déclarer Mme Francony Ozanne mal fondée en son appel incident ;

- condamner Mme Francony Ozanne aux dépens nés de l'appel incident.

Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :

- que la rétractation formée par Mme Francony Ozanne n'a eu aucun effet à l'égard de la concluante dans la mesure où elle ne n'a pas été adressée au destinataire de l'offre de location mais à la société Focadine, qui n'est pas partie au contrat de location ;

- que le contrat de location a été valablement formé par l'acceptation du 21 décembre 2000 ;

- que le contrat de location n'ayant pas été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et Mme Francony Ozanne ne pouvant être regardée comme un consommateur, le droit de la consommation n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Selon conclusions récapitulatives remises le 11 octobre 2005, Mme Francony Ozanne rétorque :

- que la location d'un matériel informatique et la création d'un site internet n'entrent pas dans le cadre de ses compétences professionnelles, bien que ces opérations aient été envisagées pour les besoins de son commerce :

- que les dispositions impératives des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation auxquelles les parties ne pouvaient déroger, ont vocation à s'appliquer que le contrat est nul ;

- que le contrat n'a pu se former puisque la concluante a, dès le 14 décembre 2000, c'est à dire antérieurement à l'acceptation de sa demande par la société Grenke Location, repris son offre de contracter.

En conséquence, elle prie la cour de :

Sur l'appel principal,

- déclarer la société Grenke Location irrecevable et mal fondée en son appel ;

- confirmer le jugement entrepris sur le fondement des dispositions du Code de la consommation, à tout le moins à titre subsidiaire par substitution de motifs en tant qu'il serait constaté l'absence de formation de tout contrat de location ;

- condamner la société Grenke Location aux dépens nés de l'appel ;

Sur l'appel incident,

- déclarer la concluante recevable et fondée en son appel incident ;

- condamner la société Grenke Location à lui payer la somme de 7 500 euro à titre de dommages- intérêts pour préjudice moral;

- condamner la société Grenke Location au paiement de la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- condamner la société Grenke Location aux dépens nés de l'appel incident.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 décembre 2005.

Sur ce, LA COUR,

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que tout on concluant dans le dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité de l'appel, Mme Francony Ozanne n'expose aucun moyen à l'appui de sa demande ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formalités légales, sera déclaré recevable ;

Attendu qu'il résulte de l'article L. 121-22-4° du Code de la consommation que les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession, sont exclues du champ d'application de la législation sur le démarchage à domicile ;

Attendu que s'il est indéniable que Mme Francony Ozanne, antiquaire, n'avait aucune compétence technique particulière en matière informatique, le matériel loué était destiné, selon ses propres explications, à la création d'un "site web marchand" pour lequel elle a parallèlement souscrit un "contrat de participation commercial" avec la société Focadine ; que le contrat litigieux, destiné à développer l'activité commerciale de Mme Francony Ozanne, a un rapport direct avec son activité ; qu'il n'est pas régi par les articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation ;

Attendu que Mme Francony Ozanne ne peut se plaindre d'une violation de la faculté légale de renonciation reconnue au client on cas de démarchage à domicile, et les premiers juges n'étaient pas fondés à annuler le contrat pour ce motif ;

Attendu que le 13 décembre 2000, Mme Francony Ozanne a signé un document portant la mention "confirmation de livraison", par lequel elle a attesté avoir "réceptionné le matériel loué", avoir "vérifié le caractère intégral de la livraison et le bon fonctionnement du matériel" et déclaré que ce matériel était "en parfait état et en état de fonctionnement" ; que concomitamment, elle a signé le contrat de location ;

Attendu que par télécopie du 14 décembre 2000, Mme Francony Ozanne a fait savoir à la société Focadine qu'elle était "dans l'obligation de renoncer à (son) intention de participer à (son) entrée sur la galerie marchande Euro-Shopping" et qu'elle tenait son "adhésion comme nulle et non avenue" ; que cette transmission a été réitérée le 15 décembre 2000 ; que par courrier recommandé du 18 décembre 2000 et reçu le lendemain, Mme Francony Ozanne a confirmé à la société Focadine sa "décision de ne pas créer de site internet" ; qu'elle a maintenu ses explications dans un nouveau courrier recommandé distribué le 27 décembre 2000 à la société Focadine ;

Attendu que la signature par Mme Francony Ozanne du document contractuel à en-tête Grenke Location présenté par le démarcheur de la société Focadine s'analysait en une pollicitation ;

Attendu que s'il est acquis qu'une offre de contracter peut en principe être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée, Mme Francony Ozanne n'a pas pris attache qu'avec la société Focadine et n'a pas démenti son offre auprès de sa destinataire, la société Grenke Location ; que cette dernière a régulièrement pu accepter l'offre qui lui était parvenue ; qu'il y a eu formation du contrat de location dont se prévaut l'appelante ;

Attendu que Mme Francony Ozanne n'ayant effectué aucun règlement, la société Grenke Location était fondée, on application de l'article 13.2 des conditions générales, à procéder à la résiliation anticipée du contrat (courrier daté du 15 juin 2001);

Attendu que la société Grenke Location est fondée à obtenir le paiement des loyers échus impayés ainsi que celui d'une "indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat" (article 15.1 des conditions générales);

Attendu qu'en l'absence de toute discussion sur le montant de la dette, Mme Francony Ozanne doit être condamnée à régler la somme de 13 425,45 euro ;

Attendu que l'intimée supportera les dépens de première instance et d'appel ; que l'équité exclut qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Grenke Location;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare la société Grenke Location recevable en son appel ; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Grenke Location de sa demande en paiement ; Statuant à nouveau, condamne Mme Francony Ozanne à payer à la société Grenke Location la somme treize mille quatre cent vingt cinq euros quarante cinq centimes (13 425,45 euro) ; Rejette l'appel incident formé par Mme Francony Ozanne ; Déboute les parties de leurs prétentions présentées en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Mme Francony Ozanne aux dépens des procédures de première instance et d'appel.