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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 28 octobre 1998, n° 9700816

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sygma banque (SA)

Défendeur :

Bridoux (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brocart

Conseillers :

M. Gallais, Mme Le Carpentier

Avoués :

SCP Reybel-Theubet, Me Couppey

Avocats :

Mes Viallon, Heckenroth

TI Evreux, du 80 janv. 1997

21 mars 1997

Selon une offre préalable d'ouverture de crédit accessoire à une vente acceptée le 22 janvier 1994, les époux Bridoux-Gontier empruntaient à Sygma banque 99 000 F moyennant des intérêts au taux effectif global de 15,50 % l'an et des échéances de remboursement de 2 481 F pendant 60 mois ;

A la suite de difficultés économiques, les époux Bridoux-Gontier cessaient d'honorer régulièrement leurs engagements contractuels, les échéances d'octobre et novembre 1994 étant impayées à leur date ;

Sygma banque décidait de la déchéance du terme au 23 avril 1995 et réclamait aux emprunteurs 83 211,78 F par lettre du 22 décembre 1995 ;

Suivant exploit du 8 février 1996, les époux Bridoux assignaient Sygma banque aux fins d'annulation du contrat de prêt et de condamnation de celle-ci à leur payer 5 000 F de dommages et intérêts ;

Au cours de la procédure suivie devant le Tribunal d'instance d'Evreux et par lettre datée du 2 avril 1996, l'avocat de Sygma banque adressait à celui des époux Bridoux ses conclusions en réplique tendant à obtenir paiement des causes du prêt ;

Sygma banque a régulièrement interjeté appel du jugement auquel la Cour renvoie pour exposé, rendu le 8 janvier 1997 par le Tribunal d'instance d'Evreux, qui a

- constaté l'irrégularité de l'offre de prêt, décidé qu'elle était déchue de tout droit à intérêts,

- débouté les parties de leurs autres prétentions et elle-même de ses demandes reconventionnelles, mis les dépens à sa charge ;

L'appelante demande à la cour de condamner solidairement les époux Bridoux à lui payer :

- 75 337,24 F avec intérêts au taux contractuel de 15,50 % sur 69 756,71 F, à compter du 22 décembre 1995, et intérêts au taux légal sur 5 580,53 F à compter de l'arrêt à intervenir,

- 4 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;

Elle conclut encore au débouté de toutes les prétentions des époux Bridoux et fait valoir que :

- les emprunteurs étaient forclos le 8 février 1 996 pour contester la validité de l'offre de prêt,

- le véhicule financé a été livré et le crédit Cofica correspondant au véhicule repris a été soldé par elle,

- le véhicule financé a été revendu aux enchères publiques à un prix qui n'est donc susceptible d'aucune contestation,

- elle a, pour sa part, régularisé sa demande en paiement par conclusions du 2 avril 1996, soit moins de deux ans après le premier impayé non régularisé du 16 octobre 1994 ;

Les intimés font valoir que leur demande de nullité était recevable comme l'a décidé le premier juge mais, surtout, que Sygma banque n'a pas agi dans le délai de deux ans de l'article L. 311-37 du Code de la consommation car elle ne s'est portée reconventionnellement demanderesse en paiement que lors de l'audience du "26 octobre 1996";

Sur ce,

Attendu, selon les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation applicables en l'espèce, que les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ;

Attendu que le point de départ de ce délai est le premier impayé non régularisé lorsque le débiteur du remboursement du prêt ne respecte pas ses engagements ;

Qu'en l'espèce la première échéance impayée est celle du 16 octobre 1994;

Attendu que l'envoi par l'avocat de l'organisme prêteur à celui représentant les débiteurs de ses conclusions comportant une demande reconventionnelle en paiement des sommes exigibles en exécution du contrat de prêt ne s'analyse pas en l'espèce en une action en justice ;

Attendu, en effet, que les conclusions dont s'agit ne portent aucune mention attestant de leur dépôt devant la juridiction saisie du litige, que si le dossier du tribunal mentionne plusieurs renvois, il n'y est nullement indiqué que Sygma banque aurait, antérieurement à l'audience tenue le 23 octobre 1996, formé une demande reconventionnelle portée à la connaissance des époux Bridoux ou de leur représentant ;

Attendu que, devant le tribunal d'instance, la procédure est orale, qu'aucun indice ne permet de retenir que l'avocat représentant Sygma banque aurait, avant l'audience du 23 octobre 1996, soutenu oralement ses conclusions reconventionnelles devant le tribunal d'instance saisi du litige ;

Attendu, en définitive, que Sygma banque est forclose pour n'avoir agi en justice pour réclamer le paiement de sa créance que le 23 octobre 1996, soit plus de deux années après le 16 octobre 1994, date du premier impayé non régularisé ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles de procédure ;

Que succombant en ses prétentions Sygma banque est mal fondée à obtenir une indemnité de ce chef ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit l'appel, Réformant et statuant à nouveau, Déclare Sygma banque irrecevable comme prétentions et dit qu'elle est irrecevable à réclamer aux le paiement des sommes dues au titre du prêt forclose en ses époux Bridoux, Déboute les époux Bridoux et Sygma banque de leurs demandes fondées sur l'article 700 du NCPC, Met les frais et dépens de première instance et d'appel à la charge de Sygma banque et autorise Maître Couppey, Avoué, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans recevoir provision.