CA Toulouse, 3e ch. sect. 2, 14 août 2002, n° 2002-00302
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Crédit municipal de Lyon
Défendeur :
Monsimet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ignacio
Conseillers :
MM. Helip, Bardout
Avoués :
SCP Nidecker-Prieu, SCP Sorel-Dessart-Sorel
Avocat :
Me Zanier
Faits, procédure et moyens des parties :
Le Crédit Municipal de Lyon a consenti à Patrick Chaumet un prêt de 140 000 F le 3 février 1989.
Le 27 juillet 1990 le Crédit Municipal a établi un titre exécutoire contre Patrick Chaumet.
Le 27 août 1990 un autre titre exécutoire a été émis contre Martine Monsimet épouse Chaumet, cosignataire du contrat de prêt, pour 166 672,05 F.
Les époux Chaumet ont divorcé le 12 septembre 1991.
Martine Monsimet a obtenu en 1992 un plan d'apurement de ses dettes dans le cadre d'une procédure de surendettement. A cette occasion une dette personnelle de Martine Monsimet envers le Crédit Municipal a été admise dans ce plan, et honorée.
Le Crédit Municipal poursuit maintenant le recouvrement du prêt consenti à Patrick Chaumet au moyen d'une saisie des rémunérations de Martine Monsimet en vertu du titre exécutoire du 27 août 1990.
Par jugement du 29 octobre 2001 le Tribunal d'instance de Villefranche de Laugarais a rejeté la demande du Crédit Municipal et l'a condamné à payer à Martine Monsimet 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le tribunal d'instance a constaté que le prêt a été consenti à Patrick Chaumet seul, mais que Martine Monsimet y avait consenti et s'était engagée solidairement, de sorte que le prêteur est fondé à poursuivre Martine Monsimet à condition de justifier d'un titre exécutoire.
Par contre pour rejeter la demande, le tribunal d'instance a constaté que le Crédit Municipal ne justifiait pas d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
En effet, pour le tribunal, le titre unilatéral émis par le Crédit Municipal n'avait pas valablement été notifié à Martine Monsimet, la notification ne mentionnant pas l'adresse à laquelle les contestations devaient être adressées.
Le Crédit Municipal a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Devant la cour le Crédit Municipal rappelle les règles qui lui sont applicables, et demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a jugé que Martine Monsimet était débitrice du prêt, mais demande à la cour de juger valable la notification du titre exécutoire et d'autoriser la saisie des rémunérations de Martine Monsimet pour 147 913,33 F soit 22 549,27 euro, outre 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il conteste l'irrégularité et la prescription du titre exécutoire soulevées par Martine Monsimet.
Martine Monsimet proteste que dans le cadre de son surendettement le Crédit Municipal n'a jamais fait état de cette créance.
Elle ajoute qu'elle a fait opposition au titre exécutoire mais devant le Tribunal correctionnel de Toulouse faute d'indication précise de la juridiction compétente.
Selon elle le titre exécutoire, qui d'ailleurs selon elle est irrégulier, n'a pas été notifié pendant neuf ans de sorte qu'il est prescrit, et que la créance qu'il consacre n'est plus exigible.
Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner le Crédit Municipal à lui payer 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Subsidiairement elle conteste les sommes réclamées et demande la suppression des intérêts à échoir en application de l'article L. 145-13 du Code du travail.
Motifs de la décision
Selon l'article R. 145-1 du Code du travail, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des rémunérations de son débiteur, sur autorisation du juge du tribunal d'instance.
Le titre exécutoire dont se prévaut le Crédit Municipal a été émis le 27 août 1990; il est indiqué que le débiteur est Martine Monsimet, domiciliée à Lyon, caution de Patrick Chaumet, en vertu de "prêts salariés 4940293" de la somme de 166 672,05 F.
Ce document lui a été notifié par lettre recommandée du 21 octobre 1999 à Revel.
Le Crédit Municipal ne peut s'affranchir des règles générales applicables à tous les titres exécutoires, qui doivent contenir outre l'origine de la dette, le détail des sommes demandées.
Or comme le fait valoir Martine Monsimet, le titre ne contient ni l'indication du prêt visé avec sa date, ni le détail de la somme demandée, de sorte que même si Martine Monsimet avait saisi le tribunal d'instance, la juridiction ne pouvait procéder à aucune vérification. Il n'est donc pas régulier.
La lettre de notification comportait la mention que le débiteur pouvait se renseigner ou contester dans les deux mois devant le tribunal d'Instance de son domicile.
Les voies de recours sont suffisamment précises pour ne pas entraîner la nullité de cette notification, la mention " tribunal d'instance de votre domicile " ne laissant place à aucune interprétation.
Mais par contre il est manifeste que le titre exécutoire est prescrit pour ne pas avoir été notifié à l'intéressée dans les quatre ans de son émission.
Le Crédit Municipal soutient que la prescription est interrompue, en raison des règles relatives à la comptabilité publique, par tout acte comportant reconnaissance, par le débiteur, de sa dette et tous actes interruptifs de la prescription.
Mais l'appelant ne justifie d'aucun acte de poursuite contre Martine Monsimet avant la saisie des rémunérations, ni d'aucune réclamation avant la notification du titre exécutoire, à l'exception d'une lettre du 23 octobre 1996 lui demandant d'honorer le prêt, alors d'une part que le titre exécutoire n'avait pas encore été notifié et que cette lettre a été adressée plus de deux ans après la date de prescription du titre exécutoire.
Le Crédit Municipal ne justifie pas plus de la moindre reconnaissance de Martine Monsimet.
Enfin le prêteur ne peut pas sérieusement se prévaloir des poursuites contre Patrick Chaumet, puisqu'elles ont été faites en vertu d'un autre titre exécutoire, et ne sont donc pas opposables à Martine Monsimet, qui a pu ignorer les poursuites contre son mari, dont elle était divorcée depuis 1991.
Oui plus est même dans le cadre du surendettement de Martine Monsimet le Crédit Municipal n'a jamais fait état de ce prêt.
C'est donc à juste titre que Martine Monsimet se prévaut de la prescription quadriennale fondée sur l'article 1617-5 alinéa 3 du Code des collectivités territoriales.
Le titre exécutoire du Crédit Municipal étant prescrit, cet organisme n'a pas de créance liquide et exigible contre Martine Monsimet et la demande de saisie des rémunérations doit être rejetée.
Il est inéquitable de laisser à la charge de Martine Monsimet les frais et honoraires non compris dans les dépens et il convient de lui allouer 1 500 euro supplémentaires en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, Reçoit l'appel jugé régulier, Confirme le jugement déféré par substitution de motifs. Y ajoutant, Condamne le Crédit Municipal de Lyon à payer à Martine Monsimet 1 500 euro supplémentaires pour frais et honoraires non compris dans les dépens. Condamne le Crédit Municipal de Lyon aux dépens avec le droit pour la SCP d'avoués Sorel-Dessart de recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu de provision suffisante.