CA Toulouse, 3e ch. civ., 4 février 1997, n° 3345-95
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Guiot (Epoux)
Défendeur :
Crédit Lyonnais
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Conseillers :
MM. Helip, Lamant
Avoués :
Me Château, SCP Nidecker-Prieu, SCP Boyer-Lescat
Avocats :
Mes Ditisheim, Costes, SCP Larroque-Rey
Faits, procédure, prétentions des parties
Jacques Guiot a obtenu le 6 novembre 1990 un prêt personnel de 50 000 F auprès du Crédit Lyonnais, avec la caution de Christiane Guiot,
A la suite d'impayés dans le remboursement, le Crédit Lyonnais a obtenu une ordonnance d'injonction de payer contre le débiteur et sa caution et une seconde ordonnance d'injonction de payer contre Mme Guiot seule pour un solde de compte de dépôt débiteur,
Après opposition de Mme Guiot, le Tribunal d'instance de Montauban a condamné Jacques et Christiane Guiot à payer au Crédit Lyonnais la somme de 53 459 F avec intérêts au taux conventionnel de 16,35 % à compter du 12 avril 1994, ainsi que la somme de 3 425 F à titre de clause pénale contractuelle,
Mme Guiot a été condamnée à payer seule la somme de 3 945 F au titre de solde débiteur avec intérêts au taux conventionnel (non précisé) à compter du 5 avril 1994,
Les époux Guiot, aujourd'hui séparés ont chacun de leur côté relevé appel du jugement et les procédures ont été jointes,
Mme Guiot, première appelante, conclut au rejet des demandes du Crédit Lyonnais et à sa condamnation au paiement de la somme de 7 000 F pour frais de procès,
Elle soutient :
- que la forclusion qui lui a été opposée par le tribunal sur la nullité de son engagement de caution n'est pas encourue, en raison d'une part de ce que celle-ci, prévue à l'article L. 311-37 ne concerne que les actions engagées en vertu du chapitre 1er où elle est insérée, alors que la nullité de son engagement de caution est fondée sur les dispositions des articles L. 313-7 et L. 313-10, du même Code non visés par la forclusion, et en raison d'autre part de ce que la forclusion a pour point de départ l'événement donnant naissance à l'action, lequel doit s'entendre de la manifestation par la banque de son désir de mettre en jeu la caution,
- que cet engagement de caution est bien nul pour ne pas comporter les mentions manuscrites complètes exigées par la loi,
- que cet engagement est excessif au regard de ses revenus ce qui ne permet pas à l'établissement bancaire de s'en prévaloir,
- que le compte de dépôt n'a été rendu débiteur que par suite des prélèvements faits en raison de sa qualité de caution, de sorte que la nullité de l'engagement de caution rend cette créance inexistante,
M. Guiot précise que les sommes prêtées ont été utilisées non par lui- même, mais par son épouse qui disposait seule du compte sur lequel les fonds ont été versés, puis réutilisés fictivement, après reconstitution du capital, pour éviter que le compte de dépôt de son épouse ne devienne débiteur, soutient essentiellement que le premier incident de paiement remonte en réalité au 31 mai 1991, ou à défaut au 30 novembre 1992, de sorte qu'en engageant son action plus de deux ans après, le Crédit Lyonnais se trouve forclos dans ses demandes,
Le Crédit Lyonnais réplique à ces argumentations et conclut à la confirmation du jugement, sauf à y ajouter la condamnation au paiement d'une somme de 5 000 F pour frais de procès,
L'affaire plaidée une première fois a donné lieu à une réouverture des débats par suite d'une signification incomplète des conclusions de Mme Guyot
Motifs de la décision
Sur l'appel de Mme Guyot,
La forclusion,
En droit l'article 27 de la loi 78.22 du 10 janvier 1978, applicable à la date de la signature du contrat principal et du cautionnement dispose que les actions nées de l'application de cette loi doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance,
Le texte est applicable tant aux demandes formées par voie d'action que par voie d'exception,
S'agissant de la contestation de la validité de son engagement par une caution le point de départ du délai de forclusion se situe à la date de cet engagement et non à la date de la réclamation faite par le créancier,
En l'espèce le contrat principal a été formé le 6 novembre 1990 et l'engagement de caution a été donné à la même date de sorte que Mme Guiot est forclose pour contester cet engagement de caution depuis le 6 novembre 1992,
La modification ultérieure de la loi ne peut donc avoir pour effet de faire revivre un droit déjà éteint,
En outre la modification invoquée par Mme Guiot reste sans influence sur l'application à la caution du délai de forclusion visé antérieurement à l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978,
En effet, le code de la consommation a inséré au chapitre premier du titre 1er du livre 3 intitulé "Crédit à la Consommation" l'essentiel de la loi du 10 janvier 1978 en prévoyant à l'article L. 311-37 les règles de procédure et le délai de forclusion pour les litiges nés de l'application du "présent chapitre", tandis que les règles relatives aux cautions ont été insérées au chapitre 3 intitulé "dispositions communes' et que le chapitre 2, issu d'un autre texte est intitulé "Crédit Immobilier".
Il s'ensuit que ces dispositions communes, à défaut de régime propre, se trouvent soumises au même régime de procédure que celui applicable au contrat principal dont elles relèvent,
Les dispositions de l'article L. 311-37 leur sont donc applicables lorsque le contrat principal est un contrat de crédit à la consommation soumis à ce texte,
Tel est bien le cas en l'espèce, de sorte que l'argumentation de Mme Guiot qui tend à l'écarter doit être rejetée,
Sur le fond,
Surabondamment au fond les critiques de Mme Guiot manquent de pertinence,
Certes, elle a oublié une virgule dans le texte manuscrit de 11 lignes rédigé par elle, ainsi que le mot "caution",
Mais ces imperfections n'entachent pas la validité de son engagement dès lors qu'elle a écrit "Je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus si M. Guiot n'y satisfait pas lui-même", mentions parfaitement claires et explicites suppléant suffisamment les deux imperfections alléguées,
De même le moyen tiré de la disproportion entre les engagements de la caution et ses revenus doit-il être écarté dans la mesure où le crédit, en supposant une utilisation totale des sommes prêtées aurait entraîné un remboursement annuel de 18 000 F, alors que les ressources déclarées de Mme Guiot étaient de 47 600 F et que son mari débiteur principal indiquait un revenu annuel de 130 000 F,
Il ressort en effet de ces éléments que Mme Guiot ne s'est pas engagée de manière disproportionnée par rapport à ses revenus,
Enfin, dès lors que les moyens précédents sont rejetés celui relatif au compte de dépôt devenu fictivement débiteur devient inopérant,
L'appel de Mme Guiot doit être rejeté,
Elle doit être condamnée aux dépens, l'équité et la situation économique respective des parties ne commandent pas qu'il soit alloué au Crédit Lyonnais une somme supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur l'appel de M. Guiot,
En application de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978, actuellement L. 311-37 du Code de la consommation, l'action du créancier doit être engagée, à peine de forclusion, dans les deux ans du premier incident de paiement non régularisé,
En l'espèce, l'action a été engagée contre M. Guiot par signification de l'ordonnance d'injonction de payer faite le 17 janvier 1995,
Le premier incident de paiement non régularisé est postérieur au 17 janvier 1993 puisqu'il se situe en juillet 1993, date à partir de laquelle le compte de dépôt sur lequel étaient prélevés les remboursements sera constamment débiteur, malgré la réutilisation du capital remboursé,
M. Guiot ne peut objecter que les réutilisations du capital remboursé auraient dû nécessiter son accord à chaque fois, ce qui n'aurait pas été le cas, dans la mesure où, dès l'origine il a donné son accord pour que les mouvements de fonds soient effectués sur le compte dont son épouse était seule titulaire et auquel il s'intéressait cependant puisqu'il justifie y avoir fait de nombreux versements,
Le jugement doit donc être également confirmé à son égard,
L'appelant qui succombe doit les dépens mais l'équité et la situation économique respective des parties ne justifient pas d'allouer au Crédit Lyonnais une somme supplémentaire sue le fondement de l'article 700 du NCPC,
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne M. et Mme Guiot aux dépens d'appel et autorise la SCP Nidecker et Prieu-Philippot, avoué, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.