CA Versailles, 30 janvier 1998, n° 95-00009853
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Goret
Défendeur :
Crédit Lyonnais (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Falcone
Conseillers :
Mmes Simonnot, Prager-Bouyala
Avoués :
Me Bommart, SCP Jullien-Lecharny-Rol
Avocats :
Mes Chovino, Sillard
Faits et procédure
Madame Goret est appelante d'un jugement rendu le 27 septembre 1995 par le Tribunal de grande instance de Versailles qui l'a condamnée, en sa qualité de caution solidaire d'une ouverture de crédit consentie à Monsieur Batz, son ex-époux, à payer au Crédit Lyonnais la somme de 91 728,77 F, augmentée des intérêts au taux contractuel de 14 % à compter du 9 janvier 1991, et capitalisés à partir du 18 juin 1994.
Elle soulève la nullité de la procédure sur le fondement des articles 655 et suivants du nouveau Code de procédure civile.
Elle conteste la validité de son engagement de caution.
Elle rappelle avoir dénoncé celui-ci le 25 juillet 1990 et avoir réitéré sa dénonciation le 29 mars 1991 et soutient qu'aucun intérêt n'est exigible après ces dates.
Elle soulève enfin la forclusion.
Elle conclut au débouté du Crédit Lyonnais et à sa condamnation à des dommages et intérêts, ainsi qu'à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Crédit Lyonnais soutient que Madame Goret a été régulièrement assignée en mairie.
Il relève que Madame Goret n'indique pas en quoi son engagement serait nul.
Il conteste qu'elle ait révoqué son engagement et rappelle qu'elle restait tenue des engagements antérieurs.
Il rappelle que les dispositions de l'article 311-37 du Code de la consommation ne sont pas applicables en l'espèce, s'agissant d'un prêt destiné au financement de besoins professionnels.
Il conclut à la confirmation du jugement, sauf à porter à 17 % le taux d'intérêt, et sollicite une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans des conclusions signifiées le 23 octobre 1997, jour prévu pour l'ordonnance de clôture, Madame Goret sollicite le sursis à statuer jusqu'à la production d'un décompte précis.
Le Crédit Lyonnais a produit le 1er décembre un document intitulé "Historique du crédilion professionnel".
Madame Goret a conclu longuement le 10 décembre 1997, la clôture étant reportée au 11, puis au 15 décembre, jour des débats.
Le Crédit Lyonnais a sollicité le rejet des débats de ces conclusions et des pièces qui les accompagnaient.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre, étant joint au fond.
Motifs
- Sur la demande de rejet des débats
Attendu que le Crédit Lyonnais avait communiqué de nombreuses pièces en avril, mai et juillet 1996 ;
Que la pièce communiquée le 1er décembre 1997 ne fait que récapituler des mentions figurant sur les relevés de compte précédemment communiqués ;
Attendu que Madame Goret ne peut donc soutenir sérieusement que ses conclusions, signifiées quelques jours avant la date de report de la clôture, et par lesquelles elle fait valoir des moyens nouveaux, constituent une réponse à la dernière communication de pièces ;
Attendu qu'elle ne fait, en outre, état d'aucun élément qui serait apparu récemment ;
Attendu que le Crédit Lyonnais est en conséquence bien fondé à solliciter le rejet des débats des dernières conclusions et des pièces les accompagnant auxquelles il n'a pas été en mesure de répondre ;
- Sur la nullité de l'acte introductif d'instance
Attendu que Madame Goret a été assignée en mairie de Limetz Villez, l'huissier indiquant avoir laissé un avis de passage ;
Qu'il appartient à Madame Goret, si elle entend contester cette mention, d'engager contre l'huissier une action en inscription de faux ;
Attendu, en outre, que, nonobstant une attestation délivrée à Madame Goret, les services municipaux de Limetz Villez ont indiqué par écrit que le pli qui avait été laissé à son attention n'avait pas été retiré ;
Attendu, enfin, que Madame Goret a retourné signé le 15 juillet 1994, soit un mois après l'exploit introductif d'instance, un accusé de réception d'un courrier qui lui avait été envoyé à la même adresse ;
Attendu qu'il apparait, en conséquence, qu'elle a été régulièrement assignée à la mairie de son domicile ;
Qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance et de la procédure subséquente ;
- Sur la validité du cautionnement
Attendu que Madame Goret se borne à soulever la nullité de son engagement, sans indiquer les fondements de cette allégation ;
Que l'acte, versé aux débats par le Crédit Lyonnais, présente en outre toutes les apparences de conformité aux exigences de l'article 1326 du Code civil ;
Que ce moyen sera en conséquence rejeté ;
- Sur la révocation de son engagement par Madame Goret
Attendu que Madame Goret s'est engagée le 25 octobre 1989 à garantir sans limitation de durée un Crédilion professionnel de 100 000 F contracté par son mari ;
Attendu que, par lettre du 25 juillet 1990, elle a indiqué s en tenir pour l'avenir à la somme de 100 000 F plus intérêt ;
Qu'elle a réitéré cette limite dans un second courrier du 29 mars 1991 ;
Attendu que la révocation d'un cautionnement à durée indéterminée est licite ;
Que la caution reste toutefois tenue des engagements contractés avant la révocation ;
Que le montant du Crédilion utilisé par Monsieur Batz, débiteur principal, atteignait la somme en principal de 137 693 F à la date de la révocation de son engagement par la caution ;
Que celle-ci restait en conséquence tenue du montant en principal à hauteur de 100 000 F et des intérêts à échoir sur cette somme, au taux initialement convenu ;
- Sur la forclusion
Attendu que les dispositions de l'article 311-37 du Code de la consommation, invoquées par Madame Goret, ne sont, ainsi que le relève le Crédit Lyonnais, pas applicables aux crédits destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle ;
Attendu que la forclusion prévue par l'article 311-37 ne peut donc être opposée au Crédit Lyonnais qui agit en paiement du solde débiteur d'un crédit permanent, très clairement qualifié en tête de l'imprimé "Crédilion professionnel"
- Sur les sommes restant dues
Attendu que le Crédit Lyonnais a versé aux débats le 24 avril 1996 les relevés du compte courant de Monsieur Batz qui font apparaître le détail des mouvements du crédilion ;
Que le solde débiteur de celui-ci a été arrêté à la somme de 91 728,77 F au 8 janvier 1991, date à laquelle Monsieur Batz a fait l'objet d'une mise en liquidation judiciaire ;
Attendu que le Crédit Lyonnais est, en conséquence, bien fondé à réclamer le remboursement de cette somme, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 8 janvier 1991 ;
Attendu que l'ouverture de crédit prévoyait un taux d'intérêt de 14 % qui a été retenu par les premiers juges ;
Que le Crédit Lyonnais demande qu'il soit porté à 17 % en application des conditions générales du contrat ;
Attendu que celui-ci prévoit, en son article 17, une majoration de 3 % au titre des intérêts de retard ;
Attendu qu'il s'agit là d'une clause pénale dont le caractère, appliqué à une caution, apparait manifestement excessif, eu égard au taux d'intérêt contractuel élevé ;
Attendu que la capitalisation des intérêts échus depuis un an au moins avait été demandée dès l'acte introductif d'instance ;
Que les conditions légales d'application en étaient réunies;
Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé ;
- Sur les dommages et intérêts et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu que la procédure poursuivie par le Crédit Lyonnais ne peut être qualifiée d'abusive ;
Attendu que l'équité et la situation des parties justifient que chacune conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a du exposer ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Déboute Madame Goret de son appel, Déboute le Crédit Lyonnais du surplus de sa demande, Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Madame Goret aux dépens d'appel qui seront recouvrés directement par la SCP Jullien-Lecharny-Rol, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Procédure Civile.