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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 18 octobre 1991, n° 9767-89

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Burgard (Epoux)

Défendeur :

société d'enseignement Nadaud

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Garrec

Conseillers :

MM. Remy, Ribeton

Avoués :

SCP Keime, Guttin, Me Jouas

Avocats :

Mes Grundler, SCP Guilleminet-Cohen

TI Neuilly, du 5 juill. 1989

5 juillet 1989

Les époux Burgard ont complété, le 21 juillet 1988, un formulaire d'inscription de leur fils Nicolas, né le 20 juillet 1970, aux cours de l'Institut Nadaud, en classe de 1ère B pour l'année scolaire 1988-1989, document dans lequel ils se sont engagés à régler les frais d'étude.

Ils ont réglé 1 100 F par chèque le 22 juillet 1988, le solde, soit 19 800 F étant stipulé payable de la façon suivante :

- 6 600 F le 1er septembre 1988,

- 6 600 F le 10 décembre 1988,

- 6 600 F le 10 mars 1988.

L'échéance du 1er septembre 1988 n'a pas été réglée mais Nicolas Burgard a cependant commencé à suivre les cours Nadaud à compter du 12 septembre.

Le 21 septembre 1988 les époux Burgard ont fait savoir à la société Nadaud que leur fils ayant choisi de suivre des cours par correspondance, ils demandaient sa radiation de l'établissement.

La société d'enseignement Nadaud leur ayant répondu que, pour se délier de leur engagement, ils devaient justifier d'un cas de force majeure, les époux Burgard se sont prévalus du fait que leur fils n'avait suivi les cours que pendant 8 jours et de l'absence de trois professeurs. Ils se sont refusés à tout paiement.

Sur requête de la société Nadaud, le Président du Tribunal d'instance de Neuilly-sur-Seine a, par ordonnance du 19 décembre 1988, enjoint à Monsieur et Madame Burgard de payer à ladite société la somme de 19 800 F en principal.

Les époux Burgard ayant formé opposition à cette ordonnance, le Tribunal d'instance de Neuilly-sur-Seine, par jugement du 5 juillet 1989, les a dit recevables mais non fondés en leur opposition. Il les a condamnés à payer à la société européenne d'enseignement Nadaud la somme de 19 800 F, ainsi que 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et a rejeté leurs demandes reconventionnelles.

Appelants de cette décision les époux Burgard demandent, en l'infirmant, de prononcer la nullité du contrat pour violation des dispositions de la loi du 10 janvier 1988 et de condamner l'intimée à leur restituer la somme de 1 100 F versée le 21 juillet 1988.

A titre subsidiaire ils prient la cour de dire que la clause figurant audit contrat est une clause pénale, et en l'absence de préjudice, de les exonérer du paiement de ladite clause.

Ils réclament, en toute hypothèse, à la partie adverse une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société d'enseignement Nadaud demande de dire inapplicable la loi du 10 janvier 1978 et de rejeter l'exception de nullité du contrat. Elle demande encore de dire irrecevable et mal fondée la demande de requalification en clause pénale de l'obligation de paiement. Elle conclut, en conséquence, à la condamnation des époux Burgard au paiement de la somme de 19 800 F avec intérêts de retard à compter du 24 octobre 1988, date de la mise en demeure. Enfin elle leur réclame 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que les époux Burgard entendant, au soutien de leur appel, se prévaloir des dispositions de la loi du 10 janvier 1978, la société d'enseignement Nadaud prétend que cette loi, qui est d'application restrictive, vise par essence des prestations à caractère commercial alors que l'enseignement est une prestation de nature intellectuelle à caractère civil ainsi que l'a estimé le premier juge ;

Mais considérant que les appelants répliquent justement que la société Nadaud étant une société anonyme, les actes qu'elle accomplit dans le cadre de son objet social sont commerciaux ; que, par ailleurs, la loi du 10 janvier 1978 n'est pas limitée aux opérations commerciales puisqu'elle vise, de façon générale "toute opération de crédit..." ;

Considérant qu'à bon droit encore les appelants font valoir que toutes les conditions d'application de la loi précitée sont réunies en ce sens que :

- il s'agit d'une prestation de service dont le paiement est échelonné ;

- le crédit est consenti de façon habituelle par la société Nadaud puisque le formulaire imprimé d'inscription énonce que les frais comprennent un droit annuel de 1 100 F payable à l'inscription et les frais d'étude...normalement répartis en trois versements égaux (1er septembre-10 décembre-10 mars) ;

- ce crédit est consenti pour une durée totale supérieure à 3 mois ;

- il porte sur une somme inférieure à 100 000 F ;

Qu'ainsi les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 sont bien applicables à l'opération concernée ;

Or considérant que le contrat n'a pas été conclu dans les formes d'une offre préalable remise en double exemplaire aux époux Burgard comme le prescrit l'article 5 de la loi précitée que les dispositions des articles 7 et 22, à 17, 20 et 27 ne sont pas reproduites ; que le formulaire détachable de rétractation prévu par l'article 7 n'a pas été remis aux époux Burgard qu'enfin, en infraction avec les dispositions de l'alinéa 3 de ce dernier texte et de l'article 15 de la loi, la société Nadaud s'est fait remettre, lors de la conclusion du contrat, une somme de 1 100 F ;

Considérant que la loi du 10 janvier 1978 étant, aux termes de son article 28, d'ordre public, et s'imposant à toutes les parties, les irrégularités ci-dessus relevées doivent être sanctionnées par la nullité absolue ; que le contrat ne peut donc être confirmé, contrairement aux prétentions de l'intimée sur ce point, et indépendamment de ce que l'assistance aux cours pendant la semaine du 12 septembre de Nicolas Burgard, majeur, ne peut s analyser en une confirmation par ses parents du contrat nul, en connaissance de cette nullité, alors surtout qu'ils n'avaient pas réglé l'échéance du 1er septembre 1988 ;

Considérant que le jugement déféré doit donc être réformé; qu'il convient de débouter la société Nadaud de toutes ses prétentions et de faire droit à la demande des appelants tendant à la restitution de la somme de I 100 F versée lors de l'inscription ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de 1aisser à la charge des appelants, les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés dans la procédure ; que leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sera donc rejetée ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Réforme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Dit nul le contrat souscrit le 21 juillet 1988 par les époux Burgard, Déboute en conséquence la société d'enseignement Nadaud de toutes ses prétentions, La condamne à rembourser aux époux Burgard la somme de 1 100 F, Rejette la demande des époux Burgard fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société NAUDAUD aux dépens de première instance et à ceux d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Keime et Guttin, avoués, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.