CA Versailles, 1re ch. B, 27 février 1998, n° 97-00000972
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Yaffi
Défendeur :
Crédit Commercial de France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chaix
Conseillers :
Mmes Metadieu, Le Boursicot
Avoués :
Me Bommart, SCP Fievet-Rochette-Lafon
Avocats :
Mes Soulie, Forge
Faits et procedure
Le 5 novembre 1987, le "Crédit commercial de France" (CCF) a ouvert un compte courant au nom de Monsieur Paul Yaffi, qui a fonctionné jusqu'en mai 1993 et dont le solde était débiteur à cette date du 6 juillet 1994, le CCF a fait assigner Monsieur Yaffi devant le Tribunal de grande instance de Nanterre, en paiement de la somme de :
- 101 147,80 F, avec intérêts au taux de 15,10 % à compter du 31 mars 1993,
- 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
le tout avec exécution provisoire.
Par jugement du 29 mai 1995, le tribunal de grande instance saisi s'est déclaré incompétent au motif que le tribunal d'instance avait compétence exclusive pour connaître des litiges nés de l'application de la loi du 10 janvier 1978 et a renvoyé les parties dont le Tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt.
Le CCF a fait valoir que les parties étaient liées par une convention de compte courant conclu, pour une durée indéterminée, de sorte que 1'exigibilité des créances se trouvait suspendue jusqu'à la clôture du compte.
Il a indiqué que la convention du compte ayant été dénoncée le 17 mars 1983 par lui, c'est à cette date que le délai d'action prévu par la loi du 10 janvier 1978, avait commencé à courir, si bien qu'ayant saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre le 6 juillet 1994, il n'était pas forclos à agir, le délai préfix s'étant trouvé interrompu par l'effet de la citation en justice notifiée à cette date.
Il a sollicité, en conséquence, l'adjudication de son acte introductif d'instance.
Monsieur Paul Yaffi a conclu à la forclusion, en application de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978, au motif. selon lui, que le point de départ du délai d'action qui y est prévu résultant d'un fait objectif et non d'une date laissée à l'initiative du créancier, celui-ci courait à partir du premier incident de paiement non régularisé, il en résultait que cette date était bien antérieure à juin 1992, les courriers postérieurs qui lui avaient été envoyé par le CCF étant, selon lui, inopérants.
Il a donc sollicité reconventionnellement la condamnation du CCF à lui payer la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le tribunal d'instance statuant par jugement du 6 décembre 1995 a rendu la décision suivante :
- rejette l'exception de forclusion de Monsieur Paul Yaffi, le déboute de sa demande reconventionnelle,
- déclare recevable et fondée le CCF en sa demande,
- condamne Monsieur Paul Yaffi à lui payer la somme de 101 147,80 F avec intérêts au taux de 15,10 % à compter du 31 mars 1993,
- ordonne l'exécution provisoire,
-condamne Monsieur Paul Yaffi à payer au CCF la somme de 3 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le 28 janvier 1997, Monsieur Paul Yaffi a interjeté appel.
Il demande à la cour de :
Réformant le jugement entrepris, Vu l'article 27 de la loi du 10janvier 1978,
- déclarer le Crédit commercial de France forclos en son action,
En conséquence:
- le déclarer irrecevable par application de l'article 122 du nouveau Code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- déclarer mal fondé le Crédit commercial de France, en ses demandes, fins et prétentions,
- l'en débouter,
- condamner le Crédit commercial de France à payer à Monsieur Yaffi la somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Bommart, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le "CCF" demande à la cour de :
- débouter Monsieur Yaffi de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- confirmer le jugement du Tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt en date du 6 décembre 1995 en ce qu'il a rejeté l'exception de forclusion soulevée par Monsieur Paul Yaffi,
-infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur Paul Yaffi à payer au Crédit commercial de France la somme de 101 147,80 F avec intérêts au taux de 15,10 % à compter du 31 mars 1993,
Et statuant à nouveau,
- condamner Monsieur Yaffi à payer au Crédit commercial de France la somme de 105 629,79 F avec intérêts au taux de 15,10 % à compter du 31 mars 1993,
- condamner Monsieur Yaffi à payer au Crédit Commercial de France la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner Monsieur Yaffi aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Fievet Rochette Lafon, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 18 décembre 1997 et l'affaire plaidée pour les deux parties à l'audience du 30janvier 1998.
Sur ce, LA COUR,
1) Considérant qu'il est constant que Monsieur Yaffi a bénéficié d'un crédit qui lui a été accordé sous la forme d'un découvert en compte, lequel a fonctionné à partir de 1987 et jusqu'au 17 mars 1993, date à laquelle le CCF a, par lettre recommandée avec accusé de réception, expressément résilié cette convention, rendant ainsi exigible le solde ; que cette lettre, en effet, indiquait en termes clairs et précis que la banque dénonçait la convention de compte-courant et qu'elle prononçait la déchéance du terme, ce qui rendait immédiatement exigible l'encours restant dû ;
Considérant qu'il est de droit constant, en ce cas, que le point de départ du délai de forclusion biennale de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, se situe à cette date de résiliation ;
Qu'il n'y a pas à prendre en considération pour fixer ce point de départ, les lettres précédentes du CCF, du 10 juin 1992, du 27 novembre 1992 et du 14 décembre 1992, qui valaient, tout au plus, mises ne demeure, mais qui ne parlaient pas de résiliation de la convention, ni de déchéance, ni d'exigibilité de la créance ;
Considérant que l'action au fond engagée le 6 juillet 1994, l'a donc été valablement dans le délai de deux années et qu'aucune forclusion n'est encourue ;
2) Considérant que le CCF a communiqué tous les relevés de compte justificatifs (cote 7 du dossier de la cour) et que l'appelant qui avait réclamé cette communication n'a formulé aucune discussion, ni aucune critique au sujet de ces documents probants que la dette de Monsieur Yaffi, telle qu'elle est démontrée par ces relevés, s'établit à 105 629,79 F ; que l'appelant est donc condamné à payer cette somme justifiée, avec intérêts au taux conventionnel de 15,10 %, à compter de la sommation de payer du 31 mars 1993 ;
3) Considérant que l'appelant succombe en tous ses moyens, et que compte-tenu de l'équité, il est donc condamné à payer au CCF la somme totale de 10.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et que lui-même est débouté de sa demande fondée sur cet article.
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Déboute Monsieur Paul Yaffi des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte, - Condamne Monsieur Yaffi à payer à la société "Crédit commercial de France" (CCF) la somme de 105 629,79 F avec intérêts au taux conventionnel de 15,10 % à compter du 31 mars 1993, - Le Condamne à payer à la société "CCF" la somme totale de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Condamne l'appelant à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués Fievet Rochette Lafon, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.