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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 19 mars 1995, n° 7499-93

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Franfinance (SA)

Défendeur :

Legrand, Le Gourrierec

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hermet

Conseillers :

M. Maron, Mme Metadieu

Avoués :

Mes Bommart, Jupin

Avocat :

Me Bluysen

TI Montmorency, du 25 févr. 1993

25 février 1993

Par actes d'huissier des 17 août, 08 septembre et 17 novembre 1992, la SA Franfinance a fait assigner les emprunteurs devant le Tribunal d'instance de Montmorency aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 44 686,44 F avec les intérêts au taux de 16,56 % à compter du 08 octobre 1991 au titre du solde du prêt et de la somme de 2 000 F au titre de dommages et intérêts.

Les défendeurs ont soutenu que le contrat de prêt est nul pour défaut de livraison des meubles, objet du contrat principal, et qu'ils n'ont jamais signé de bulletin de livraison, celui produit aux débats étant un faux.

Par décision contradictoire du 25 1993 le tribunal d'instance a :

- déclaré nul le contrat consenti par la SA Franfinance en vertu de l'offre de prêt du 14 juillet 1990,

- débouté la SA Franfinance de ses prétentions,

- ordonné la restitution par cette société, à Monsieur Legrand, de la somme de 7 113,12 F correspondant aux mensualités réglées par lui,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La SA Franfinance a fait appel de cette décision.

Elle fait observer :

- que les consorts Legrand-Clouard ont régulièrement payé les six premières mensualités et n'ont cessé tout règlement qu'à compter de l'échéance du 5 août 1992,

- qu'ils ne peuvent invoquer la résolution automatique du contrat de crédit lié à la nullité du contrat de vente faute par eux d'avoir mis en cause préalablement le vendeur,

- que ce moyen est irrecevable en raison de la forclusion prévue à l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 et entraînant l'expiration du délai de deux ans à la date du 14 juillet 1992 alors qu'ils n'ont formé leur demande pour la première fois qu'à l'audience du 03 décembre 1992.

Cette société demande à la cour:

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de condamner Monsieur Legrand et Madame Clouard à lui payer la somme de 44 686,44 F avec les intérêts de retard au taux conventionnel de 16,56 % l'an sur la somme en principal de 40 366,79 F à compter du 08 octobre 1991 jusqu'à parfait paiement,

Et à titre subsidiaire, au cas de la cour estimerait bien fondée la demande en résolution du contrat de crédit,

- de condamner Madame Clouard et Monsieur Legrand à lui restituer le montant du capital emprunté, soit la somme de 40 000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 03 août 1990,

- de condamner solidairement Monsieur Legrand et Madame Clouard à lui payer la somme de 6 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Legrand et Madame Clouard, intimés, précisent :

- que la livraison des meubles prévue pour le 09 février 1991 après l'attribution d'un logement à Monsieur Legrand, s'est effectuée le 16 février 1991 partiellement, c'est-à-dire en ce qui concerne la chambre à coucher dont les meubles présentaient des anomalies et des imperfections,

- qu'ils ont fait opposition aux prélèvements automatiques effectués par l'organisme de crédit, après avoir appris la mise en liquidation judiciaire de la société Croc Meuble contre laquelle ils ne pouvaient plus agir,

- que la mise en cause du vendeur n'est pas exigée pour l'application de l'article 9 de la loi du 1er octobre 1978,

- que l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 ne peut leur être opposé pour leur demande de résolution du contrat de vente,

- qu'il appartenait au prêteur de s'enquérir de l'exécution du contrat de vente, c'est-à-dire de la livraison, avant de se libérer des fonds,

- qu'ils n'ont pas signé l'attestation de livraison,

- que la société Franfinance doit agir contre la société Croc Meuble pour obtenir la restitution de la somme de 40 000 F versée.

Ils demandent en conséquence à la cour:

- de confirmer la décision entreprise,

- de débouter la société Franfinance de ses prétentions.

Par de nouvelles conclusions ils déclarent que la demande de restitution de la somme de 40 000 F dirigée contre eux est irrecevable, pour être faite pour la première fois en cause d'appel, et infondée dans la mesure où cette somme a été remise directement au vendeur par la société Franfinance.

Sur ce, LA COUR.

Considérant qu'il est constant que Monsieur Legrand et Madame Clouard sont co-emprunteurs du crédit d'un montant de 40 000 F consenti par la société Franfinance et accepté par eux le 14 juillet 1990, en vu de financer des achats à la société Croc Meubles;

Que les emprunteurs ne contestent plus avoir reçu livraison des meubles commandés à cette société bien qu'ils estiment ladite livraison tardive, incomplète et défectueuse ;

Qu'il est sans intérêt pour les consorts Legrand-Clouard de soutenir qu'ils ne seraient pas l'un des auteurs de la signature ou plutôt du paraphe figurant sur le bulletin de livraison portant un cachet avec la date du 02 août 1990 du fait même qu'ils reconnaissent la livraison, même s'ils la situent plus tardivement sans en apporter la preuve contraire;

Qu'ils ne peuvent en effet se fonder sur l'article 9 premier alinéa de la loi du 10 janvier 1978 qui ne dispense l'emprunteur d'exécuter ses obligations qu'à compter de la livraison du bien, ni sur l'article 9, deuxième et troisième alinéas pour soulever la nullité du contrat de crédit, faute de mise en cause préalable dans l'instance du vendeur;

Considérant que la décision d'annulation du contrat de crédit fondée dans le jugement déféré sur le défaut de livraison des marchandises doit être infirmée ;

Qu'il en est de même pour la décision de restitution de la somme de 7 113,12 F correspondant aux mensualités réglées par l'emprunteur;

Qu'il convient de faire droit à la demande de paiement du solde du prêt consenti aux consorts Legrand-Clouard qui n'ont pas respecté leurs engagements en faisant cesser les prélèvements sur leur compte ce qui a entraîné la résiliation du contrat ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites par la société Franfinance que le compte du solde de prêt des intimés se présente de la façon suivante :

- mensualités impayées 8 298,64 F

- capital restant dû au 8.10.91 31 617,73 F

- intérêts sur mensualités impayées 450,42 F

- indemnité légale de 8 % 2 905,30 F

- primes mensuelles d'assurance à percevoir 1 414,35 F

Considérant que ces chiffres n'ont pas fait l'objet d'observation de la part des intimés ;

Considérant qu'il convient cependant de dire qu'au regard des dispositions d'ordre public de la loi du 10 janvier 1978 seul le capital restant dû à la date de déchéance du terme, majoré des intérêts échus mais non payés, portent intérêts au taux conventionnel jusqu'à la date du règlement effectif;

Que dans ces conditions le taux conventionnel portera sur la somme de 31 617,73 F + 450,42 F = 32 068,15 F à compter du 08 octobre 1991 ;

Considérant que l'indemnité légale de 8 % ne peut porter que sur le capital restant dû, c'est-à-dire la somme de 31 617,73 F ;

Que l'indemnité légale sera donc de (31 617,73 x 8) 2 529,41 F au lieu de 2 905,30 F indiqué par erreur par la société de crédit;

Considérant que le taux légal devra être appliqué à compter de l'assignation sur les autres sommes du compte présenté par la société de crédit compte tenu des rectifications suivantes ;

-les mensualités impayées, déduction faite des intérêts 8 298,64 F - 450,42 F 7.848,22 F

- l'indemnité légale 2 529,41 F

-primes mensuelles d'assurance 1 414,35 F

Soit au total 11 791,98 F ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société appelante les frais irrépétibles de la procédure estimés par la cour à la somme de 3 000 F ;

Considérant que les intimés seront condamnés aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris, Et statuant à nouveau, Condamne solidairement Monsieur Legrand et Madame Le Gourrierec née Clouard à payer à la société Franfinance :* la somme de 32 068,15 F avec les intérêts au taux conventionnel de 16,56 % à compter du 08 octobre 1991, * la somme de 11 791,98 F avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation en première instance ; Condamne en outre Monsieur Legrand et Madame Le Gourrierec née Clouard à payer à la société Franfinance la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties du supplément de leurs prétentions, Condamne Monsieur Legrand et Madame Clouard aux dépens qui seront recouvrés comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.