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Décisions

Conseil Conc., 12 juillet 2007, n° 07-D-23

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la société Nouvelles messageries de la presse parisienne NMPP

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Lesur par M. Nasse, vice-président, MM. Bidaud, Combes, Piot, membres

Conseil Conc. n° 07-D-23

12 juillet 2007

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 29 décembre 2000, sous le numéro F 1285 (00-0060 F), par laquelle la SA Édition presse magazines 2000 a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne et Hachette SA ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu la décision de secret des affaires n° 04-DSA-24 du 9 juillet 2004 ; Vu la décision du 8 février 2007 procédant à la disjonction de l'instruction d'une saisine ; Vu les observations présentées par les sociétés Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, Édition presse magazines 2000 et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la société Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne et de la société Edition presse magazines 2000 entendus lors de la séance du 13 juin 2007 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. La SA Édition presse magazines 2000 (ci-après EPM 2000), éditeur de revues et périodiques, parmi lesquelles Télé Z, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (ci-après les NMPP) et Hachette SA (ci-après Hachette) dans le secteur de la distribution de la presse, qu'elle estime prohibées par les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

2. Selon la saisissante, les conditions tarifaires des NMPP, issues des différentes réformes opérées depuis juillet 1995, présentent à l'égard de Télé Z un caractère discriminatoire et constituent un abus d'une part, de la position dominante détenue par les NMPP sur le marché des messageries de presse et d'autre part, de l'état de dépendance économique dans lequel se trouverait à leur égard EPM 2000. De plus, EPM 2000 soutient que ces pratiques discriminatoires à son égard ont été concertées entre les NMPP et son actionnaire principal, Hachette, et constituent donc une entente anticoncurrentielle.

B. LE SECTEUR CONCERNE

1. LE SECTEUR AMONT DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE VENDUE AU NUMERO

3. La presse est distribuée selon trois modalités : par abonnement, par portage ou par le biais de la vente au numéro. Ce dernier mode de distribution, qui est le plus utilisé par les éditeurs, a été reconnu comme un marché distinct de celui de la vente par abonnement par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 87-D-08 du 28 avril 1987 relative à des pratiques mises en œuvre par les NMPP et leur filiale la Société d'agences et de diffusion (ci-après SAD), dans sa décision n° 00-D-54 du 28 novembre 2000 relative au comportement de l'Institut national de la consommation (INC), et enfin dans sa décision n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative à la saisine de la société Tuxedo relative à des pratiques constatées sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public aéroportuaire.

4. La loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite loi " Bichet ", énonce que le groupage et la distribution de la presse respecte le principe coopératif : soit l'éditeur assure directement le groupage et la distribution de ses titres, soit il se regroupe avec d'autres éditeurs au sein d'une coopérative de distribution, dite société coopérative de messageries de presse. Ces sociétés coopératives constituées par les éditeurs peuvent remplir elles-mêmes la fonction de messageries, en assurant par leurs propres moyens le groupage et la distribution des parutions éditées par leurs adhérents. Mais les coopératives peuvent également confier à des sociétés commerciales l'exécution des opérations de groupage et de distribution des titres de leurs adhérents, auquel cas elles doivent s'assurer une participation majoritaire dans la direction de ces entreprises.

5. Conformément aux dispositions de l'article 12 de la loi Bichet, les barèmes des tarifs des messageries sont votés au sein de chaque coopérative en assemblée générale et s'imposent à tous les éditeurs clients de la coopérative. La loi Bichet consacre également le droit à la distribution puisque les coopératives sont tenues d'accepter de distribuer tout titre pour lequel l'éditeur en fait la demande.

6. Le circuit de distribution de la presse repose sur une organisation en trois niveaux : - le niveau 1 est assuré par les messageries de presse ; leur rôle est de réceptionner, trier et répartir les titres de presse auprès des dépositaires ; - le niveau 2 est constitué par les dépositaires qui remplissent les fonctions de grossistes répartiteurs en assurant la répartition des journaux auprès des diffuseurs ; - le niveau 3 recouvre l'ensemble des diffuseurs de presse, c'est-à-dire les détaillants, qui assurent la vente de la presse auprès du consommateur final.

7. Les conditions de rémunération du réseau ont été définies par la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social dont l'article 11 dispose que : " Afin d'assurer le respect du principe de neutralité dans les conditions de distribution de la presse, la rémunération des agents de la vente de publications quotidiennes et périodiques est déterminée en pourcentage du montant des ventes desdites publications réalisées par leur intermédiaire, dans des conditions fixées par décret ".

8. Dans le secteur de la diffusion de la presse vendue au numéro, la demande est exercée par les éditeurs de titres, dont les principaux sont Hachette Filipacchi Associés, filiale du groupe Lagardère, Prisma Presse, Emap France, devenu Mondadori France en 2006, et le groupe Dassault-Socpresse.

9. L'offre de diffusion de la presse est assurée par trois messageries : les NMPP, la Société auxiliaire pour l'exploitation des messageries transports presse (ci-après SAEM-TP) et les messageries lyonnaises de presse (ci-après les MLP).

10. La société NMPP, créée en 1947, est une société à responsabilité limitée dont le capital est détenu à 49 % par le groupe Hachette et à 51 % par cinq coopératives d'éditeurs dans lesquelles le groupe Hachette est également présent : la coopérative des quotidiens de Paris, la coopérative de distribution de la presse, la coopérative des publications parisiennes, la coopérative des publications hebdomadaires et périodiques et la coopérative de la presse périodique. L'adhésion de ces cinq coopératives aux NMPP a été formalisée par la signature d'un contrat de groupage et de distribution qui prévoit que la vente des titres des coopératives est réalisée par l'intermédiaire des NMPP. Hachette est l'opérateur des NMPP et, à ce titre, nomme le directeur général des messageries. Les sociétés coopératives, majoritaires au sein du conseil de gérance, désignent cinq des huit gérants.

11. Les NMPP distribuent des quotidiens, en particulier le Monde, Libération, l'Humanité, les Echos, la Croix, et des magazines. La distribution des quotidiens générant un déficit annuel de plus de 37 millions d'euro, les NMPP bénéficient d'une subvention au titre de la distribution des quotidiens d'information générale, s'élevant à 12 millions d'euro. Cette subvention est versée à chaque éditeur de quotidiens qui, à son tour, la reverse aux NMPP.

12. Les NMPP sont également présentes au niveau 2 de la distribution de la presse. En premier lieu, la SAD est une filiale des NMPP, détenue à 80 % par ces dernières et à hauteur de 20 % par Hachette. Elle compte 20 agences qui approvisionnent plus de 7 000 points de vente et réalisent environ 20 % des ventes au numéro. En deuxième lieu, les NMPP contrôlent et gèrent 20 gros dépôts implantés dans des villes françaises de taille moins importante celles disposant d'agences de la SAD. Ces dépôts représentent environ 12,5 % du chiffre d'affaires de la vente au numéro et servent environ 2 300 points de vente. Enfin, sur la région parisienne, le rôle de dépositaire est assuré, pour les NMPP, par Paris Diffusion Presse (ci-après PDP), entité autonome. Six centres parisiens approvisionnent en moyenne 350 points de vente chacun, soit au total 2 000 points de vente dont 222 Relais H et 376 kiosques. Par l'intermédiaire de la SAD, des dépôts gérés et de PDP, les NMPP réalisent 46,1 % du chiffre d'affaires des dépositaires pour la vente au numéro et maîtrisent une part importante du réseau des dépositaires.

13. La société SAEM-TP est une SARL dont le capital est détenu à hauteur de 51 % par des éditeurs, eux-mêmes constitués en trois coopératives, et, à hauteur de 49 %, par la société Sopredis, filiale de Hachette. Ne disposant pas de centre de traitement logistique, SAEM-TP confie la sous-traitance de ses opérations aux NMPP.

14. Les MLP, seules messageries indépendantes des NMPP, sont spécialisées dans la distribution de la presse magazine. Elles distribuent principalement des bimensuels, des trimestriels ou des bimestriels.

15. Hors la presse quotidienne, l'ordre de grandeur des parts de marché en pourcentage des ventes au prix public est d'environ 50 % pour les NMPP, 30 % pour SAEM-TP et 20 % pour les MLP.

2. LE SECTEUR AVAL DE LA PRESSE DE TELEVISION

16. Les magazines de télévision présentent, sous des formes variables, les programmes détaillés des principales chaînes de télévision françaises. Ils contiennent également, présentés de manière plus succincte, les émissions des chaînes câblées ou satellitaires. Ils peuvent aussi offrir les programmes des émissions radio. Tous présentent à leurs lecteurs des articles et rubriques annexes dont les contenus diffèrent (pages culturelles, cahiers famille, jeux, loisirs, vie pratique, etc.).

17. La presse télévision représente 44 % des ventes des NMPP en volume et 25 % en chiffre d'affaires.

18. Les hebdomadaires de presse télévision connaissent depuis plusieurs années une érosion de leurs ventes en raison de l'évolution du secteur. En effet, des guides de télévision spécialisés (Satellite TV, Télé K7, Télécable, etc.) sont apparus ; certains quotidiens ou hebdomadaires distribuent désormais des suppléments de télévision ; les enseignes de la grande distribution proposent leurs propres hebdomadaires de télévision ; enfin des bimensuels de télévision, qualifiés de " quinzomadaires ", ont également fait leur apparition.

19. Le titre Télé Z, édité par la société EPM 2000, est apparu en 1982 et représente l'une des premières ventes de la presse française en volumes avec, en moyenne, plus de 2,1 millions d'exemplaires vendus chaque semaine. Télé Z se distingue des autres magazines de presse télévision à la fois par son faible prix (0,35 euro) et son petit format.

20. Quatre magazines concurrencent directement Télé Z. Ce sont : Télé 7 Jours, Télé Loisirs, Télé Star et Télé Poche.

21. Télé 7 Jours est édité par la société Hachette Filipacchi Associés (ci-après HFA), filiale à 100 % de Hachette Filipacchi Médias, société éditrice de presse magazine du groupe Lagardère. Télé 7 Jours occupe la place de leader des ventes de presse télévision tous modes de distribution confondus. Si le nombre de ses abonnés reste stable, les ventes au numéro ont chuté depuis 1995 si bien que, s'agissant des ventes au numéro, Télé 7 Jours n'occupe plus en 2003 que la 3ème place derrière Télé Loisirs et Télé Z.

C. LES PRATIQUES DENONCEES

1. LES BAREMES DES NMPP SUR LA PERIODE 1995-2000

22. Les NMPP ont opéré deux réformes de leur barème tarifaire en juillet 1995 et janvier 1996.

23. Les barèmes des NMPP sont constitués d'une commission dite " remise de base " (également appelée " commission de base " ou " commission principale ") calculée en pourcentage des recettes de chaque parution, augmentée de frais divers et diminuée de remises (les " bonifications "). Cette remise de base, augmentée de frais et diminuée des bonifications, permet de calculer la somme versée par l'éditeur aux NMPP en rémunération des services qu'elles lui rendent.

24. L'élément essentiel du barème est constitué de la remise de base, si bien que les barèmes des NMPP sont qualifiés de tarification " ad valorem ", c'est-à-dire calculés en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par chaque publication.

25. Les réformes initiées par les NMPP à partir de 1995 ont eu pour conséquence, au travers de la modification de plusieurs composantes du barème, de réduire l'impact de la tarification ad valorem et d'introduire, à l'inverse, des éléments caractéristiques des coûts de diffusion spécifiques à chaque publication.

26. Le barème en vigueur jusqu'en 1995 est composé d'une commission de base de 38,4 % du montant fort des ventes de chaque titre, augmentée de frais sur invendus et diminuée d'une bonification prix/poids pouvant s'élever jusqu'à 4 % ainsi que d'une bonification assise sur le nombre d'exemplaires vendus pouvant s'élever jusqu'à 8,8 %.

27. La réforme de juillet 1995 a été caractérisée par une baisse de 1 point de pourcentage de la commission de base, une refonte de la grille de calcul des frais sur invendus et une modification de la bonification-vente calculée non plus suivant le nombre d'exemplaires vendus mais suivant le chiffre d'affaires. L'objectif de la réforme de la bonification-vente était de rendre les services des NMPP moins coûteux pour les titres à faible niveau de vente et à prix facial élevé.

28. La réforme de janvier 1996 a consisté en une nouvelle réduction de la commission de base, une suppression de la bonification prix/poids ainsi que des frais de pagination, une modification de la grille de calcul de la bonification-vente et la création d'une contribution forfaitaire de 7 centimes par exemplaire fourni.

2. LA REFORME DE JUIN 2000

29. Le 30 juin 2000, les NMPP ont mis en vigueur un nouveau barème " publications " avec effet rétroactif au 1er juin 2000. Ce barème a été voté dans des termes identiques par chaque coopérative des NMPP. La structure du barème et les formules de calculs sont restées inchangées jusqu'en 2003, mais les niveaux des tarifs ont été indexés durant cette période conformément au point XVI du barème.

30. La contribution éditeur, résultant de ce barème, est calculée par parution et est destinée à rémunérer l'ensemble de la chaîne de distribution, c'est-à-dire les niveaux 1 (les NMPP en l'occurrence), 2 (les dépositaires) et 3 (les diffuseurs). Les sommes correspondantes sont déduites des recettes tirées des ventes des parutions (ci-après recettes-ventes). Les NMPP reversent ainsi aux éditeurs le produit des ventes net de la contribution éditeur.

31. Le barème " publications " de juin 2000 est constitué de la " remise de base " (nouvelle dénomination de la commission de base), s'élevant à 36 % du montant fort des ventes, augmentée de divers frais (" frais de pagination " et " frais de distribution et de traitement des invendus "). Des bonifications (" bonification 'vente' ", " bonification pour 'distribution régulée' " et " bonification 'prix' ") viennent en déduction du montant à la charge de l'éditeur. La réforme tarifaire de juin 2000 a été caractérisée par l'apparition d'une remise intitulée " bonification exceptionnelle " ainsi que par l'instauration d'un seuil minimal de perception dénommé " contribution minimale " calculée par exemplaire fourni.

32. La contribution minimale constitue la dernière clause relative à la contribution des éditeurs. Elle stipule que : " Le coût de distribution du niveau 1 (messageries) par exemplaire fourni tel qu'il ressort de l'application des barèmes ci-dessus diminué de la rémunération du réseau à 27 % [c'est-à-dire les rémunérations des niveaux 2 et 3] doit au moins être égal à : 0,30 F par exemplaire fourni en 2000 0,28 F par exemplaire fourni en 2001 0,25 F par exemplaire fourni en 2002 "

33. Exprimée en euro, le niveau de la contribution minimale était, en 2002, de 38,11 euro par millier d'exemplaires et a été maintenu à un niveau identique en 2003.

34. Au sein des titres de presse télévision, Télé Z est le seul titre pour lequel la clause de la contribution minimale s'applique. En dehors de cette famille de presse, la contribution minimale atteint également Pariscope, édité par HFA.

35. Le tableau ci-dessous présente les montants versés par Télé Z aux NMPP pour les années 2000 à 2003, dont les montants versés au titre de la contribution minimale.

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36. Les tableaux ci-après synthétisent les éléments comptables concernant la distribution de Télé Z et de Télé 7 Jours pour les années 2000 à 2002. Les comparaisons de prix payés par Télé Z et par Télé 7 jours pour leur diffusion dépendent du nombre d'exemplaires pris en charge ou effectivement vendus et du mode de calcul des diverses contributions. Ces éléments varient d'années en années.

tableau 1 : compte de résultat de Télé Z, 2000-2002

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tableau 2 : compte de résultat de Télé 7 Jours, 2000-2002

<emplacement tableau>

37. La contribution éditeur versée par Télé Z a représenté 42,3 % de son chiffre d'affaires en 2000, 42,8 % en 2001, 40 % en 2002 et 39,9 % en 2003.

38. La contribution éditeur versée par Télé 7 Jours a représenté 34 % de son chiffre d'affaires en 2000 et 2001, 34,5 % en 2002 et 34,2 % en 2003.

39. Les NMPP ne disposent d'une comptabilité analytique que depuis 2001. Cette comptabilité permet notamment de retracer pour chaque titre les montants destinés à rémunérer le réseau. Pour les années 2000 à 2002, ces montants figurent sur la ligne D des tableaux 1et 2 ci-dessus. La rémunération du réseau a représenté, sur la période 2000-2002, environ 24,7 % des recettes-ventes de Télé Z et 25,1 % des recettes-ventes de Télé 7 Jours. Pour ces deux titres, la rémunération effective du réseau a été inférieure au taux de 27 % auquel fait référence la clause relative à la " contribution minimale " relevée au paragraphe 32.

40. La part de la rémunération du réseau (niveaux 2 et 3) dans la contribution éditeur est sensiblement plus importante pour Télé 7 Jours que pour Télé Z. Sur la période 2000-2002, 73,5 % de la contribution éditeur de Télé 7 Jours a été destinée à rémunérer le réseau alors que, sur la même période, la rémunération du réseau a représenté 59,3 % de la contribution éditeur de Télé Z.

41. Après déduction de la rémunération du réseau, la rémunération brute du niveau 1 (messageries) a été, sur la période 2000-2002, de 46,45 euro par milliers d'exemplaires pris en charge pour Télé Z et de 74,74 euro par milliers d'exemplaires pris en charge pour Télé 7 Jours.

42. La comptabilité analytique permet également de disposer d'informations relatives aux coûts de distribution directs, semi-directs et indirects des NMPP (niveau 1) ainsi qu'aux marges. En 2000, année de mise en place de la comptabilité analytique, les charges semi directes et indirectes sont réparties entre les titres suivant le nombre de parutions. À partir de 2001, les charges semi-directes sont réparties entre les titres suivant le nombre de parutions et les charges indirectes sont réparties entre les titres suivant le chiffre d'affaires.

43. Les coûts directs de distribution sont composés des coûts de transport et des coûts de traitement dans les centres. Les coûts de transport sont mesurés en fonction du tonnage transporté et les coûts de traitement sont mesurés en fonction du nombre d'exemplaires traités, en distinguant les exemplaires traités à l'unité, ceux traités en paquets complets et ceux traités en palette entière. Les coûts complets sont la somme des coûts directs, demi-directs et indirects. Les deux notions de coûts, directs ou complets, permettent de calculer deux types de marges : après coûts directs ou après coûts complets.

44. Par millier d'exemplaires pris en charge, le coût complet de distribution du niveau 1 de Télé Z était de 16,91 euro en 2000, de 21,49 euro en 2001 et de 22,12 euro en 2002. Pour Télé 7 Jours, le coût complet de distribution de niveau 1 était de 26,69 euro en 2000, de 34,37 euro en 2001 et de 32,76 euro en 2002, toujours par millier d'exemplaires pris en charge. Les NMPP expliquent cette différence par le format et le poids plus importants de Télé 7 Jours.

45. Par millier d'exemplaires pris en charge, la marge sur coûts complets réalisée par les NMPP avec le titre Télé Z était de 27,13 euro en 2000, de 25,77 euro en 2001 et de 19,40 euro en 2002. Avec le titre Télé 7 Jours, les NMPP ont dégagé une marge sur coûts complets de 41,45 euro en 2000, de 31,84 euro en 2001 et de 31,33 euro en 2002, par millier d'exemplaires pris en charge.

46. Pour l'année 2000, le taux de marge sur coûts directs a été plus important pour Télé Z que pour Télé 7 Jours (64,9 % contre 63,1 %). Pour les années 2001 et 2002, le taux de marge sur coûts directs a été plus important pour Télé 7 Jours que pour Télé Z.

47. Exprimée en fonction de la contribution éditeur, la marge dégagée sur Télé Z a représenté 24,7 % de la contribution éditeur en 2000, 22,3 % en 2001 et 16,5 % en 2002. Pour Télé 7 Jours, la marge dégagée a représenté 14,6 % de la contribution éditeur en 2000, 11,2 % en 2001 et 11,3 % en 2002.

48. La comparaison de la marge perçue sur Télé Z avec les autres titres de presse télévision n'est disponible qu'à partir de l'année 2001. Les éléments de comparaison pour les années 2001 et 2002 sont présentés dans les tableaux ci-dessous. Les décalages, de faible ampleur, entre les chiffres présentés dans les tableaux ci-dessous et ceux du tableau 1 du paragraphe 36 s'expliquent par le fait que le tableau 1, construit par le rapporteur, compile deux sources comptables (les comptes rendus de distribution et la comptabilité analytique) tandis que les tableaux ci-dessous se fondent sur la comptabilité analytique.

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49. En résumé, les modifications tarifaires opérées par les NMPP entre 1995 et 2000 ont profondément transformé la structure de ces tarifs : au lieu que l'éditeur rémunère les NMPP, niveau 1 comme tout autre niveau du réseau, au prorata de la valeur brute de ses ventes, la rémunération du niveau 1 intègre, progressivement, de plus en plus de variables tenant compte des coûts économiques de la diffusion. Cette transformation structurelle a pour effet, toutes choses égales, d'augmenter les charges de diffusion des éditeurs ayant fait le choix de vendre à un prix facial faible, et de réduire, à l'inverse, les charges des éditeurs publiant des titres d'un prix facial élevé. La contribution minimale introduite en 2000 dans le barème des NMPP est caractéristique de cette transformation car elle garantit à la messagerie que, si faible que soit le prix facial du titre diffusé, sa rémunération ne descendra pas au dessous d'un seuil minimum indépendant de ce prix facial. Dans le cas de Télé Z et de Télé 7 jours, les titres sont comparables au regard de leur diffusion en nombre ; les coûts de diffusion sont un peu plus élevés pour le second car il est plus lourd ; mais le prix facial du second est le triple de celui du premier. Il s'ensuit que la réforme tarifaire mise en œuvre par les NMPP a profondément modifié la situation relative des coûts totaux de leur diffusion. Face à cette transformation, Télé Z a estimé que les nouveaux barèmes mis en place par les NMPP étaient discriminatoires à son égard, spécialement si l'on comparait leurs effets à ceux provoqués sur les coûts de son principal concurrent Télé 7 jours, ce qui a, pour l'essentiel, motivé sa plainte.

D. LE GRIEF NOTIFIE

50. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, le premier rapporteur a notifié aux NMPP, en position dominante sur le marché de la diffusion de la presse au numéro et à l'égard desquelles la société EPM 2000 se trouve dans un état de dépendance économique, le grief d'avoir, au moyen de la contribution minimale instituée à compter de l'année 2000, mis en œuvre des conditions tarifaires spécifiques dépourvues de justifications objectives et, par suite, discriminatoires, ce qui constitue un abus de position dominante et un abus de dépendance économique. Au stade du rapport, le nouveau rapporteur a proposé au Conseil d'abandonner ce grief.

II. Discussion

A. SUR LA PROCEDURE

51. La société EPM 2000 soutient dans ses observations au rapport que l'instruction a été incomplète, puisque le rapport revient sur les conclusions de la notification du grief, fait " table rase " de l'instruction menée au cours de l'année 2004 et ne répond que très partiellement aux observations développées par Télé Z en réponse à la notification du grief. Elle fait en particulier valoir que les arguments qu'elle a développés dans son mémoire en réponse à la notification du grief, en ce qui concerne les pratiques tarifaires des NMPP sur la période 1995-1999, n'ont pas été discutés dans le rapport. Enfin, concernant la période postérieure à 2000, elle objecte que le rapport se contente d'analyser les éléments chiffrés des années 2001 et 2002 transmis par les NMPP dès avant la notification du grief, et ce sans tenir compte des arguments contraires qu'elle a fait valoir dans ses observations et ses observations complémentaires de 2004, de 2005 et de 2006.

52. L'article 36 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 devenu l'article R. 463-11 du Code de commerce précise que " [l]e rapport soumet à la décision du Conseil de la concurrence une analyse des faits et de l'ensemble des griefs notifiés ". Il résulte du caractère contradictoire de la procédure que cette analyse peut évoluer par rapport à celle développée dans la notification de griefs. Par ailleurs, aucune obligation légale ou réglementaire ne fait obligation au rapporteur de répondre dans le détail à l'argumentation des parties, dès lors que son rapport contient l'essentiel des considérations résultant de l'analyse contradictoire des griefs notifiés, de façon précise et motivée. En particulier, aucune obligation légale ou réglementaire ne fait obligation au rapporteur de revenir sur l'analyse des faits dénoncés dans la saisine mais qui n'ont fait l'objet d'aucun grief, comme c'est le cas en l'espèce s'agissant des pratiques tarifaires des NMPP sur la période 1995-1999, le grief notifié ne portant que sur la mise en place d'une contribution minimale en 2000.

53. S'agissant des observations complémentaires déposées par EPM 2000 en 2004, 2005 et 2006, elles n'ont pas été adressées dans les délais légaux, tels que définis par les dispositions de l'article L. 463-2 du Code de commerce, et au surplus, elles concernaient des faits nouveaux par rapport à ceux dénoncés dans la saisine puisqu'elles dénonçaient l'effet, de plus en plus discriminatoire selon elles, des modifications apportées au barème à partir de 2003. Ces observations ne pouvaient dès lors être prises en compte par le rapport. En effet, conformément à une jurisprudence constante (cf. notamment cour d'appel de Paris, 17 juin 1992, 29 juin 1999 et décision du Conseil n° 04-D-73 du 14 octobre 2004), le Conseil est saisi in rem de l'ensemble des faits et des pratiques affectant le fonctionnement d'un marché, sans être lié par les demandes des parties saisissantes. Cela lui permet d'examiner, sans avoir à se saisir d'office, des pratiques anticoncurrentielles non mentionnées dans la saisine mais mises en œuvre soit sur le marché concerné par les pratiques dénoncées dans la saisine, soit sur des marchés connexes. En revanche, le Conseil n'est pas compétent pour examiner des faits postérieurs à la saisine et qui ne relèveraient pas d'une pratique continue se poursuivant au-delà de cette dernière. Or, des faits dont l'objet ou l'effet discriminatoire est dénoncé ne peuvent constituer la continuité de faits antérieurs à la saisine que s'il peut être démontré que ces faits antérieurs ont eux-mêmes eu un objet ou un effet discriminatoire.

B. SUR LE FOND

1. SUR LE CARACTERE PROBANT DE LA COMPTABILITE ANALYTIQUE DES NMPP

54. L'éditeur de Télé Z conteste le caractère probant des éléments de comptabilité analytique communiqués par les NMPP pour les années 2000 à 2002 utilisés par le rapporteur. Il affirme notamment avoir démontré dans ses observations en date du 11 mai 2004 que les résultats issus de la comptabilité analytique sont incohérents avec ceux de la comptabilité sociale. Il relève que les coûts indirects affectés à Télé Z et à Télé 7 jours par la comptabilité analytique des NMPP sont strictement identiques en 2000 et très différents en 2001, ce qu'il estime de nature à jeter un doute légitime sur la qualité de ces comptes. En outre, il considère que les NMPP n'ont apporté aucune justification sur les sources objectives et les méthodes employées et qu'une expertise de la comptabilité analytique des NMPP aurait dû être menée pour en vérifier la fiabilité.

55. Télé Z soutient que pour comparer les charges, les coûts et les marges de distribution unitaires des deux titres Télé Z et Télé 7 jours, il importe de calculer ces ratios par exemplaire vendu et non par exemplaire diffusé. Le Conseil observe qu'aucune raison impérative ne s'impose pour préférer l'une ou l'autre de ces deux méthodes. C'est pourquoi les tableaux 1 et 2 ci-dessus présentent les résultats des deux calculs. On constate alors que, si les deux modes de calcul font évidemment apparaître des résultats différents en niveau, les positions relatives des deux titres ne sont pas significativement modifiées par le choix de l'une ou de l'autre des deux méthodes. En revanche, le Conseil constate que dans ses observations du 11 mai 2004, l'éditeur de Télé Z a, par erreur, mêlé les deux modes de calcul au sein de mêmes tableaux, ce qui ôte toute pertinence à sa démonstration de l'incohérence qui affecterait les résultats de la compatibilité analytique des NMPP au regard de leur comptabilité sociale. En ce qui concerne l'affectation des coûts indirects, qui sont identiques pour les deux titres en 2000 et différents en 2001, les NMPP ont expliqué en séance avoir effectué des ajustements méthodologiques s'agissant des clés de répartition entre 2000, année de mise en place de la comptabilité analytique, et 2001 qui constitue la première année de son fonctionnement stabilisé. Concernant la clé de répartition des coûts indirects, elle était basée, en 2000, sur le nombre des parutions. Ce nombre étant le même pour les deux titres, l'affectation des coûts indirects était, elle aussi, identique. La clé de répartition a été modifiée en 2001 pour tenir également compte du chiffre d'affaires, ce qui explique que les coûts indirects de la distribution du magazine Télé 7 jours sont devenus supérieurs à ceux de Télé Z en 2001 au lieu d'être identiques comme en 2000, la valeur faciale, et donc le chiffre d'affaires, du premier étant supérieure à celle du second. L'explication fournie par les NMPP apparaît plausible, de sorte que l'argument du plaignant est insuffisant pour rejeter l'ensemble de la comptabilité analytique des NMPP. Il n'en demeure pas moins que l'affectation des coûts indirects apparaît moins valable que celle des coûts directs, comme c'est souvent le cas en matière de comptabilité analytique. Il conviendra donc, dans la suite de l'analyse au fond, de privilégier les raisonnements fondés sur ces derniers.

56. S'agissant de la suspicion générale dans laquelle l'éditeur de Télé Z a déclaré tenir, lors de la séance, la comptabilité analytique des NMPP, il y a lieu de relever que cette comptabilité et sa méthodologie ont été soumises au vote du conseil de gérance des NMPP, où la société EPM 2000 est représentée. Il lui appartenait de faire valoir ses critiques lors de l'adoption de cette comptabilité. De plus, s'agissant de la présente procédure, il lui était loisible de demander, conformément aux dispositions de l'article L. 463-8 du Code de commerce une expertise de la comptabilité analytique des NMPP, faculté que la société saisissante n'a pas utilisée.

2. SUR LE MARCHE PERTINENT ET LA POSITION DES NMPP

57. A plusieurs reprises (voir notamment les décisions n° 03-D-09 et 06-D-16), le Conseil a considéré qu'il existait un marché distinct de la distribution de la presse au numéro par les messageries de presse (niveau 1). Trois messageries opèrent sur ce marché : les NMPP, la SAEM-TP et les MLP. Elles sont rémunérées par une commission que leur versent les éditeurs sur le prix facial des produits. En 2004, les ventes au prix fort (prix facial des journaux et magazines vendus) de ces produits se sont élevées à 2 006 millions d'euro pour ceux distribués par les NMPP, soit 55,9 % du total, à 1 064 millions pour ceux distribués par la SAEM-TP, soit 24,6 % du total, et à 517 millions d'euro pour ceux distribués par les MLP, soit 14,4 % du total.

58. De manière constante, les décisions du Conseil de la concurrence ont retenu que les NMPP sont en position dominante sur le marché de la distribution de la presse pour la vente au numéro en raison, d'une part, de la détention de parts de marché très importantes et, d'autre part, du contrôle direct et indirect de l'ensemble des niveaux du réseau de distribution de la vente au numéro. En effet, les NMPP contrôlent également une part importante du niveau 2 du réseau de distribution à travers les 20 agences de la SAD, PDP et les 19 dépôts gérés. Enfin, les NMPP sont présentes au niveau 3 par l'intermédiaire des 536 diffuseurs adhérents à l'une des trois enseignes-concepts NMPP.

3. SUR L'ABUS DE POSITION DOMINANTE

59. Le grief notifié retient que " au moyen de la contribution minimale instituée à compter de l'année 2000 " les NMPP ont " mis en œuvre des conditions tarifaires spécifiques dépourvues de justifications objectives et, par suite, discriminatoires ". Il convient donc d'examiner l'objectivité de la justification des barèmes appliqués durant les années 2000, 2001 et 2002, qui intègrent les effets de la contribution minimale, et leurs éventuels effets discriminatoires.

Sur l'objectivité des barèmes

60. La société EPM 2000 soutient que la mise en place par les NMPP, dans leur barème 2000, d'une contribution minimale a eu pour objet de désavantager les titres à faible prix de vente et de les contraindre ainsi à augmenter leur prix de vente au public. Elle fait valoir qu'elle-même a été obligée d'augmenter le prix de vente de Télé Z. La saisissante souligne dans ses observations qu'elle ne conteste pas le système de péréquation mis en place par les NMPP au profit de la presse quotidienne nationale mais elle considère que sa propre contribution à cette péréquation est supérieure à celle de Télé 7 Jours. Elle fait en effet valoir que la marge qu'auraient réalisée les NMPP sur la distribution de Télé Z aurait dû représenter en moyenne 4,17 % du chiffre d'affaires de Télé Z sur la période 2000-2002, mais a atteint en moyenne 9,45 % du fait de la mise en place de la contribution minimale, alors que cette marge a représenté en moyenne 3,82 % du chiffre d'affaires de Télé 7 Jours.

61. Mais, en l'espèce, le barème " publications " fixe un ensemble de bonifications et de frais venant réduire ou augmenter la remise de base. La contribution éditeur, résultant de l'application du barème, est fondée sur des facteurs tels que le nombre d'exemplaires fournis, les recettes-ventes, le nombre d'exemplaires invendus, le poids ou encore le prix de la publication. Le détail des calculs, bien que complexe, est présenté de façon précise dans le barème " publications ", annexé au contrat de groupage passé entre l'éditeur et la coopérative. Les conditions du barème sont donc transparentes et prennent en compte des facteurs objectifs.

62. Parmi ces facteurs, les recettes-ventes sont proportionnelles au nombre d'exemplaires vendus et à la valeur faciale des publications. Toute tarification seulement ad valorem est fortement dépendante d'un facteur sans lien avec les coûts réels de distribution : le prix de vente. Les coûts de distribution, quant à eux, dépendent du nombre d'exemplaires mis en vente, du taux d'invendus, du poids et du format des publications, mais non de leur prix facial. Pour deux publications vendues à des prix différents mais ayant les mêmes caractéristiques inductrices de coûts, une telle tarification avantage le titre à faible valeur faciale. Dès lors, la circonstance, invoquée par les NMPP, selon laquelle la contribution minimale a pour objet de corriger l'absence de lien avec les coûts de la tarification ad valorem précédemment retenue, constitue une justification objective.

63. Au total, le caractère transparent et objectif des barèmes mis en œuvre durant les années 2000, 2001 et 2002 est établi.

Sur le caractère prétendument discriminatoire des barèmes " publications "

64. La société EPM 2000 compare la situation qui était la sienne avant 1995, période où débutent les modifications des barèmes, et après 2000. Elle observe que cette situation est, après 2000, incontestablement moins favorable qu'avant 1995. Elle ajoute que ce changement de situation est exactement l'inverse de celui connu par son principal concurrent Télé 7 jours. Elle en déduit le caractère discriminatoire à son encontre des changements de barèmes " publications " en cause.

65. Mais l'analyse du caractère éventuellement discriminatoire des barèmes " publications " de 2000, 2001 et 2002 ne peut tenir pour acquis que les barèmes d'avant 1995 traitaient de façon parfaitement équitable les deux titres Télé Z et Télé 7 jours de sorte que toute modification de sens opposé, opérée depuis 1995 dans le mode de calcul des charges acquittées par les deux titres concurrents serait assimilable à l'instauration d'une discrimination.

66. La comptabilité analytique des NMPP n'ayant été introduite qu'en 2000 et stabilisée en 2001, il est difficile de porter une appréciation sur les barèmes " publications " antérieurs à ces dates. C'est pourquoi il convient seulement d'examiner les barèmes de 2000, 2001 et 2002 en cherchant à vérifier si les sommes payées par les deux titres pour leur diffusion présentent des différences significatives, en tenant comptes des différences de coûts que ces diffusions entraînent pour les NMPP.

67. Avant 1995, la tarification seulement ad valorem de la diffusion avantageait les titres, comme Télé Z, de valeur faciale faible : les réformes des barèmes ont été explicitement conduites pour corriger cet état de chose. L'examen des barèmes " publications " des années 2000, 2001 et 2002 vise donc à s'assurer que ces corrections n'ont pas été excessives.

68. Dans ce but, le Conseil compare la marge réalisée par les NMPP sur la distribution de Télé Z avec la marge moyenne réalisée sur les magazines de télévision concurrents dont la valeur faciale est plus élevée, et pour lesquels, notamment, la contribution minimale ne s'applique pas. Cette comparaison figure aux tableaux du paragraphe 48 de la présente décision. Limitée à la seule prise en compte des coûts complets et aux années 2001 et 2002, cette comparaison ne fait pas apparaître de disproportion manifeste entre la marge conservée par les NMPP après prise en charge des coûts complets de diffusion, et la même marge pour la moyenne des magazines concurrents de Télé Z. Le Conseil note que, contrairement aux allégations de EPM 2000, il est pertinent de rapprocher les marges conservées par les MNPP et les coûts qu'elle supporte, plutôt que de calculer ces marges en pourcentage de la valeur des ventes des publications en cause : en effet, la valeur de ces ventes dépend directement du prix facial de la publication. Le taux de marge évoqué par EPM 2000 et rappelé au paragraphe 60 de cette décision est donc éminemment variable suivant la valeur faciale du titre, sans que cette circonstance ne caractérise en rien le " profit " réalisé par les NMPP sur la diffusion du titre.

69. La société EPM 2000 opposant la situation de Télé Z à celle de son concurrent direct Télé 7 Jours, la comparaison a, de plus, été étendue à celle des marges réalisées pour ces deux magazines

70. Comme l'indiquent les données des tableaux 1 et 2 du paragraphe 36 de la présente décision, les coûts liés à la distribution de Télé Z sont sensiblement inférieurs à ceux de Télé 7 Jours. Les différences de format et de poids entre les deux titres expliquent cet écart. Les estimations des charges semi-directes et indirectes par titre dépendent sensiblement des hypothèses de répartition retenues dans la comptabilité analytique. Aussi, comme indiqué au paragraphe 55 de la présente décision, il convient, dans l'analyse des taux de marge sur charges, de privilégier l'examen des taux de marge sur coûts directs, l'analyse des taux de marge sur coûts complets, de moindre valeur, étant utilisée à titre de complément.

71. Il ressort des constatations opérées que, en 2000, le taux de marge sur coûts directs des NMPP pour Télé Z (64,9 %) n'est pas sensiblement plus élevé que le taux de marge sur coûts directs pour Télé 7 Jours (63,1 %) et qu'en 2001, le taux de marge sur coûts directs pour Télé Z (62,5 %) est légèrement inférieur au taux de marge sur coûts directs pour Télé 7 Jours (65,4 %). Eu égard à la précision usuellement attendue d'une comptabilité analytique, ces différences n'apparaissent pas significatives. En 2002, le taux de marge pour coûts directs pour Télé Z (57,1 %) était, plus significativement, inférieur au taux de marge sur coûts directs pour Télé 7 Jours (66,9 %).

72. S'agissant des taux de marge sur coûts complets, celui résultant de la distribution de Télé Z en 2000 (61,6 %) n'est pas sensiblement plus élevé que le taux de marge sur coûts complets réalisé sur la distribution de Télé 7 Jours (60,8 %). En 2001, le taux de marge pour coûts complets pour Télé Z (54,5 %) est supérieur au taux de marge sur coûts complets pour Télé 7 Jours (48,1 %) ainsi qu'au taux de marge moyen sur coûts complets sur l'ensemble des titres de presse télévision hors Télé Z (48,5 %). En revanche, en 2002, le taux de marge sur coûts complets pour Télé Z (46,7 %) était inférieur au taux de marge sur coûts complets pour Télé 7 Jours (48,9 %), et à celui sur coûts complets réalisé en moyenne pour l'ensemble des titres de presse télévision (51,5 %).

73. Au total, ces évaluations montrent que les modifications des barèmes " publications " opérées entre 2000 et 2002 ont eu pour effet d'amener les paiements effectués par les deux publications aux NMPP pour leur diffusion à des proportions équivalentes en ordre de grandeur au regard des coûts de cette diffusion. Ce résultat est établi à partir des coûts directs, les plus valablement estimés. Il n'est pas contredit par la prise en compte des coûts complets, moins valables. Il n'est donc pas démontré que la mise en place de la contribution minimale ait eu pour effet un traitement discriminatoire de Télé Z sur les années 2000, 2001 et 2002.

74. La société EPM 2000 soutient aussi que la nouvelle modification du barème " publications " effectuée en 2003 aurait encore aggravé le caractère discriminatoire de ce barème. Comme il a été indiqué ci-dessus, le barème modifié en 2003 ne présente prima facie que peu de différences avec le précédent. Au surplus, l'analyse de ses effets ressortirait d'une nouvelle pratique, non continue par rapport à celle qui était dénoncée par la société EPM 2000 dans sa saisine, car dans la mesure où le barème 2000 n'a pas d'effet discriminatoire, un tel effet résultant du barème 2003 ne pourraient s'expliquer que par les modifications apportées.

75. La société EPM 2000 soutient encore que compte tenu de l'absence de comptabilité analytique aux NMPP lors de la mise en place de la contribution minimale, celle-ci n'a pu être fixée de façon à compenser équitablement les effets de la tarification ad valorem.

76. Il ressort toutefois des calculs de taux de marge effectués et exposés ci-dessus, que la contribution minimale mise en place en 2000 n'a pas excédé ce qui permettait de corriger les distorsions d'une tarification ad valorem.

77. La société EPM 2000 allègue également que l'évolution du prix de vente au public de Télé Z en 2001 (de 0,30 euro à 0,35 euro) ainsi que celui de Télé 7 Jours la même année (de 0,99 euro à 0,95 euro), occulte l'effet discriminatoire de la contribution minimale.

78. Toutefois, la baisse du prix de Télé 7 Jours a entraîné une baisse de la rémunération des NMPP et donc de leur taux de marge car, pour ce titre, la contribution éditeur est essentiellement fondée sur la tarification ad valorem, puisqu'il ne supporte pas la contribution minimale. En revanche, l'application de la contribution minimale à Télé Z atténue, pour ce titre, l'effet de la tarification ad valorem et donc l'effet de la hausse des prix du titre sur le taux de marge des NMPP. En conséquence, l'argument doit être rejeté.

79. La société EPM 2000 soutient, enfin, que la démonstration aurait dû être faite avec tous les titres de la presse de télévision, afin de démontrer qu'ils dégagent tous la même marge et que l'application de la contribution minimale à Télé Z est justifiée pour parvenir à cette homogénéité.

80. Toutefois, la comparaison de la marge sur coûts totaux dégagée par les NMPP sur le titre Télé Z avec celle dégagée sur son principal concurrent, Télé 7 Jours, ainsi qu'avec celle dégagée en moyenne sur les autres titres de presse télévision ne fait apparaître aucun écart significatif qui indiquerait que Télé Z serait défavorisé. De plus, bien que la mise en place de la contribution minimale ait été de nature à contraindre la société EPM 2000 à augmenter le prix de vente du titre Télé Z, cette augmentation ne semble pas avoir entraîné d'effets défavorables à la diffusion du titre. Sur la période 1995-2003, Télé 7 Jours occupait une place de leader sur le marché du lectorat de la presse de télévision et Télé Z la seconde place, l'écart entre Télé Z et Télé 7 Jours s'amenuisant de façon constante. Les données plus récentes font apparaître qu'en 2006, le magazine Télé Z est passé devant Télé 7 Jours même si son volume de diffusion est plus faible que sur la période 2002-2004.

81. En conclusion, il n'est pas établi que la pratique dénoncée et ayant fait l'objet du grief notifié, à savoir, la mise en place, par les NMPP, à compter du 1er juin 2000, d'une contribution minimale ait eu un objet ou un effet anticoncurrentiel.

82. Au surplus, les pratiques dénoncées par la saisissante (mais qui n'ont pas fait l'objet de griefs) relatives aux réformes des barèmes de juillet 1995 et janvier 1996 ne sont, a fortiori, également pas démontrées. En effet, les corrections du système de tarification ad valorem mises en place à ces occasions, soit, en 1995, la modification de l'assiette de ristourne dénommée " bonification vente " pour prendre en compte non plus le nombre d'exemplaires vendus mais les recettes-ventes, et en 1996, la mise en place d'une contribution forfaitaire de 7 centimes par numéro, étaient de moindre ampleur, et ne pouvaient donc avoir que des effets moindres que ceux résultant de la mise en place de la contribution minimale en 2000.

4. SUR L'ABUS DE DEPENDANCE ECONOMIQUE

83. L'éditeur de Télé Z allègue que les réformes opérées entre 1995 et 2000 sont constitutives, outre d'un abus de position dominante, de l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel il se trouve vis-à-vis des NMPP.

84. La société EPM 2000 soutient qu'elle ne dispose pas, pour la distribution de Télé Z de solution équivalente au réseau de distribution des NMPP, la création, par un éditeur, de sa propre messagerie intégrée n'étant pas envisageable compte tenu des coûts liés à la mise en place d'un tel réseau et les MLP n'ayant qu'une activité limitée à la distribution des hebdomadaires.

85. Mais, sans qu'il soit besoin de recherche si Télé Z se trouve en situation de dépendance économique par rapport aux NMPP, il résulte de ce qui a été analysé aux paragraphes 59 à 82 de la présente décision que les pratiques prétendument discriminatoire reprochées aux NMPP ne sont pas avérées. Dans ces conditions, il n'est pas non plus démontré que les différentes réformes opérées entre 1995 et 2000 sont constitutives de l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique.

86. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les NMPP ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

5. SUR L'ENTENTE ALLEGUEE

87. La société EPM 2000 dénonce l'existence d'une entente entre les NMPP et le groupe Hachette et considère qu'il existe des indices graves, précis et concordants de l'existence de cette entente. Ces indices seraient constitués, en premier lieu, par le double positionnement de Hachette qui, en tant qu'opérateur et client des NMPP, contrôlerait indirectement les NMPP ce qui lui donnerait pouvoir de mettre en œuvre des pratiques discriminatoires dans le but de désavantager les titres concurrents de ceux édités par son groupe, en l'absence de contre-pouvoir des coopératives d'éditeurs au sein des NMPP, et, en second lieu, par la différence de traitement tarifaire entre Télé Z et Télé 7 Jours, qui ne trouverait aucune justification objective, et aurait pour effet de désavantager Télé Z dans la concurrence qui l'oppose à Télé 7 Jours.

88. Cette allégation d'entente n'a pas donné lieu à notification d'un grief. La société saisissante maintient son accusation, dans les mêmes termes que ceux qu'elle avait utilisés dans sa plainte. Mais, à supposer que le groupe Hachette puisse être regardé comme contrôlant indirectement les NMPP, il ne pourrait être établi d'entente entre ces deux entités non indépendantes. A l'inverse, à supposer ces deux entreprises autonomes l'une par rapport à l'autre, la démonstration de l'entente devrait répondre au standard de preuve requis par la jurisprudence. Or, le seul indice de cette entente alléguée, invoqué par la plaignante, est constitué par les pratiques d'abus de position dominante ou de dépendance économique, lesquelles ne sont pas établies.

89. Par conséquent, il n'y a pas lieu de renvoyer, sur ce point, le dossier à l'instruction.