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Décisions

CA Lyon, 7e ch. C, 24 mai 2006, n° 249-06

LYON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Dessaint, Institut supérieur d'osthéopathie, Registre des osthéopathes de France, Perret

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baizet

Conseillers :

MM. Penaud, Martin

Avocats :

Mes Durand, Portejoie

TGI Lyon, du 22 mars 2005

22 mars 2005

Par jugement en date du 22 mars 2005, le Tribunal de grande instance de Lyon a retenu Jean-Pierre Dessaint dans les liens de la prévention pour avoir, à Limonest (69), entre le 13 février 2003 et le 8 avril 2003, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit,

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les résultats attendus, en l'espèce l'obtention du diplôme d'ostéopathe appelé "Bachelor of science in osteopathy",

(art. L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-4, L. 213-1. du Code de la consommation); Et par application des articles susvisés, l'a condamné à:

Quatre mois d'emprisonnement avec sursis, dix mille euro d'amende, A ordonné la publication de l'enfler dispositif du jugement dans "Le Progrès" et au "Quotidien Du Médecin",

A ordonné la cession immédiate de la publicité, notamment sur le site internet et sur tous documents et brochures publicitaires,

Le condamné étant redevable du droit fixe de procédure.

Sur l'action civile : le tribunal a condamné le prévenu, solidairement avec l'institut

supérieur d'ostéopathie, à payer à la partie civile ROF 7 500 euro à titre de dommages-intérêts et 800 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Les a condamnés aux dépens de l'action civile.

La cause appelée à l'audience publique du 5 avril 2006,

Le Conseil du prévenu a sollicité de la cour l'audition de Monsieur Clive Standen en qualité de témoin,

La cour, après en avoir délibéré, ayant fait droit à la requête du prévenu a invité le témoin à se retirer dans la salle prévue à cet effet,

Monsieur le Président a fait le rapport et a interrogé le prévenu qui a fourni ses réponses,

Monsieur Clive Standen, 53 ans, professeur d'ostéopathie, demeurant 66, rue Constable à Oakland, Nouvelle Zélande, a été entendu en qualité de témoin, après avoir prêté serment conformément à la loi,

Sophie Perret, citée à tort en qualité de partie civile a comparu en personne,

Maître Portejoie, avocat au barreau de Clermont-Ferrand, a conclu et plaidé pour la partie civile,

Madame Rigaud, Substitut général, a résumé l'affaire et a été entendue en ses réquisitions,

Maître Claude Durand, Avocat au Barreau de Paris, a développé à la barre ses conclusions déposées pour la défense du prévenu et s'est exprimé pour l'ISO,

Le prévenu a eu la parole en dernier,

Sur quoi la cour a mis l'affaire en délibéré ; après en avoir avisé les parties présentes, elle a renvoyé le prononcé de son arrêt à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant:

Le 22 novembre 2002, l'association loi de 1901 dénommée syndicat national de l'enseignement supérieur en ostéopathie saisissait, par l'intermédiaire de son conseil, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des agissements de l'institut supérieur d'ostéopathie de Lyon qui percevait auprès de ses étudiants des frais pour favoriser la préparation d'un diplôme de " Bachelor of science of Osteopathy with full honours " aux termes d'un processus d'accréditation auprès de l'Open University Validation Service, alors même que ce diplôme n'avait jamais été obtenu par ses étudiants.

Le 17 mars 2003, la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Lyon était destinataire d'un courrier de Thierry Seffert ancien étudiant au sein de l'ISO qui dénonçait différentes tromperies de l'ISO notamment dans des documents remis aux étudiants.

Le 28 juillet 2003, un nouveau courrier adressé à la Direction Régionale de la CCRF du Rhône par une ancienne élève de l'ISO Lyon, Sophie Perret, attirait l'attention de cette administration sur le financement, par les élèves de l'ISO, d'un processus d'accréditation auprès de l'OUVS qui cependant ne permettait pas l'obtention d'un quelconque diplôme reconnu en Angleterre.

Entendu le 8 avril 2003 sur ces faits, Jean-Pierre Dessaint, gérant de la SARL ISO précisait qu'un processus d'accréditation de son établissement avait été engagé depuis 1996 auprès de l'OUVS qui devait permettre, lorsqu'il serait arrivé à terme de délivrer aux étudiants le degré universitaire de Bachelor of Science in Osteopathy. Il indiquait qu'à compter de la rentrée académique 1998, les frais de participation au processus d'accréditafion dont le paiement était facultatif, avaient été perçus à hauteur de 1 800 F par an jusqu'à la promotion de 2000-2001. Postérieurement, "par souci de simplification", ces frais avaient été globalisés dans les frais d'inscription de l'école. Une information régulière avait été donnée aux étudiants sur l'évolution de ce processus.

il semblait cependant qu'entre 1998, date de la visite consultative de responsables de l'Open University au sein de 1'ISO et l'année 2003, l'école ISO ne s'était pas impliquée dans la suite du processus d'accréditation, de sorte que le Directeur Adjoint de cet organisme pouvait écrire le 29 avril 2003 : "après cinq années d'inactivités, j'ai considéré qu'elle (l'ISO) n'était plus un candidat sérieux à l'accréditation OUVS Néanmoins, si l'école souhaite reprendre le processus, elle devra recommencer l'ensemble des démarches à leur début, car les critères de l'accréditation OUVS ont évolué dans l'intervalle".

Par jugement en date du 22 mars 2005, le Tribunal correctionnel de Lyon a statué sur l'action publique et sur l'action civile de l'association Registre des ostéopathes de France et de Mademoiselle Sophie Perret, dans les termes rapportés en tête du présent arrêt.

Appel principal de ce jugement a été interjeté le 25 mars 2005 par le prévenu sur l'ensemble du jugement et par le ministère public sur les faits visés à la prévention.

A l'audience du 5 avril 2005, il a été procédé à l'audition d'un témoin, Monsieur Clive Standen à la demande du prévenu et sans opposition du ministère public ou des parties civiles.

Régulièrement citée en tant que partie civile, Mademoiselle Sophie Perret a comparu. Invitée par la cour à s'expliquer sur sa situation procédurale, elle a convenu que n'étant ni appelante, ni intimée, le jugement déféré était définitif à son égard.

Le Registre des Ostéopathes de France (ROF), représenté par son conseil, a déposé et développé ses conclusions tendant à la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts outre 2 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le Ministère public a requis la confirmation du jugement déféré sur la culpabilité, laissant la peine à l'appréciation de la cour.

Jean-Pierre Dessaint, assisté par son conseil, a déposé et développé ses conclusions tendant :

- à titre principal à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sollicitant en conséquence de la cour qu'elle le renvoie des fins des poursuites ;

- à titre subsidiaire, sur l'action publique, au prononcé d'une dispense de peine dès lors qu'il a toujours agi en étant de bonne foi, mais en tout état de cause à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile du ROF qui ne saurait prétendre représenter une profession dont les modalités d'exercice restent à définir par décret.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité des appels

Interjetés dans le délai légal, ils sont recevables.

Sur les parties en cause d'appel

Le jugement déféré comporte une erreur : le tribunal, après avoir dans les motifs reçu Mademoiselle Perret en sa constitution de partie civile et condamné le prévenu à réparer son préjudice, n'a pas repris dans son dispositif cette condamnation.

Cependant, Mademoiselle Perret n'étant pas appelante de cette décision, celle- ci est devenue définitive à son égard, la cour ne pouvant, sur le fondement du seul appel du prévenu sur les dispositions civiles lui faire un sort plus défavorable qu'en première instance.

Mademoiselle Perret sera donc mise hors de cause.

Suit l'action publique

Sur la période visée à la prévention

Il résulte de la citation ayant saisi le tribunal que la prévention est limitée à la période s'étendant entre le 13 février 2003 et le 8 avril 2003, la mention "en tout cas depuis temps non prescrit" figurant dans la prévention n'étant destinée qu'à pallier toute erreur matérielle affectant les dates retenues mais en aucun cas n'étant susceptible d'étendre la période visée au-delà de ces dates.

La lecture de la procédure permet de comprendre à quoi correspondent les deux dates : ce sont les dates des deux visites effectuées par les contrôleurs de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes auprès de l'ISO, au cours desquelles les fonctionnaires ont procédé à différentes constatations.

Lors de la première visite, les contrôleurs se sont faits remettre par la secrétaire de direction de l'ISO la brochure de présentation de l'ISO Lyon et la lettre d'accompagnement destinées aux personnes souhaitant être renseignées sur l'enseignement dispensé par l'ISO Lyon.

Lors de la seconde visite, les contrôleurs ont consulté le site internet de l'ISO Lyon et ont entendu Jean-Pierre Dessaint.

Sur l'objet de la publicité mensongère

Aux termes de la citation, la publicité mensongère portait sur les résultats attendus (de la scolarité dispensée par l'ISO), en l'espèce l'obtention d'un diplôme d'ostéopathe appelé "Bachelor of science in ostéopathy".

Il n'est pas contesté par le prévenu qu'encore actuellement, l'ISO ne peut, à l'issue de la scolarité qu'elle dispense à ses étudiants, leur permettre d'obtenir ce diplôme anglais.

Il convient donc de rechercher si l'ISO a pu, pendant la période de prévention, laisser croire à ses étudiants qu'ils pourraient l'obtenir.

Sur les actes matériels de publicité mensongère

Au regard de la période visée par la prévention et des investigations réalisées, deux média publicitaires ont été utilisés par ISO Lyon.

Tout d'abord des plaquettes publicitaires adressées aux personnes intéressées par la formation dispensée par l'ISO. Cette plaquette contenait les indications suivantes lors de sa remise aux contrôleurs de la DDCCRF:

- en page 9 un organigramme des phases successives de la scolarité dispensée par l'ISO, conduisant l'étudiant titulaire du baccalauréat ou d'un titre équivalent jusqu'au DO, diplôme en ostéopathie et au B.Sc. in ostéopathy (with full honours),

-en page 13, dans une rubrique intitulée "que prépare-t-on à l'Institut Supérieur en Ostéopatbie 7" l'indication "un diplôme universitaire international : Je Bsc., Bachelor of Sciences in Ostéopathy -with full honours- qui sera délivré après accréditation par l'Open University Validation Service (GB)", indication complétée par celle figurant sur un petit autocollant pré-imprimé rajouté à proximité "erratum": le B.Sc. in ostéopathy ne sera délivré qu'après accréditation d'ISO par l'OUVS,

-en page 15, dans un nouvel organigramme présentant l'ISO, les mentions " Accréditation OUVS Open University Validation Service* " et " B.Sc in osteopathy with full honours diplôme officiel anglais** " les astérisques renvoyant à une mention située en bas de page " * soumis à condition par l'OUVS dans le cadre d'un processus d'accréditation ".

En l'état de ces indications contradictoires, celles figurant en page 9 ne comportant aucune restriction de nature à laisser penser au lecteur que l'obtention du diplôme anglais n'était pas encore possible, celles figurant page 13 et page 15 ne permettant pas de savoir si les conditions d'accréditation pour l'obtention du diplôme concernaient chaque candidat, en fonction de ses résultats pendant la scolarité suivie à l'ISO ou si elles concernaient l'ISO lui-même, il apparaît bien que cette plaquette contenait des allégations (page 9), des présentations (pages 13 et 15) de nature à induire en erreur sur les résultats attendus, en l'espèce l'obtention du diplôme d'ostéopathe Bachelor of science in osteopathy.

L'élément matériel du délit est en conséquence constitué pour ce premier vecteur de publicité.

Le second vecteur de publicité utilisé était le site internet de l'ISO Lyon. Il résulte de sa consultation le 8 avril 2003 qu'il y était indiqué que l'ISO "s'est investi avec ISO Aix dans un processus d'accréditation auprès d'une université britannique, l'Open University Validation Service (OUVS). Il était encore précisé "Ce processus doit aboutir au cours de l'année universitaire 2003-2004 et permettre aux étudiants de l'ISO de recevoir le degré de Bachelor of Sciences in osteopathy with full honours".

Acet égard, tant les éléments versés au dossier que le témoignage de Monsieur Clive Standen à l'audience permettent de retenir que cette allégation était mensongère en ce qu'elle induisait, par l'emploi des termes "doit aboutir" au lieu d'un simple conditionnel "devrait aboutir" la certitude de l'aboutissement de ce processus au cours de l'année 2003-2004.

Rien de tel ne pouvait être affirmé :

- le processus d'accréditation avait débuté en 1996 soit 7 ans auparavant, se heurtant d'une part à la relative inertie de l'ISO plus préoccupée depuis de voir aboutir le processus de reconnaissance de l'ostéopathie par le législateur français, d'autre part aux exigences de l'OUVS, notamment sur le contenu de la formation de pratique clinique dispensée au sein de l'ISO, exigences particulièrement difficiles à satisfaire,

-Clive Standen, conseiller de l'ISO pour ce processus d'accréditation a reconnu à l'audience que l'accréditation de son propre établissement d'ostéopathie, pourtant situé en Angleterre avait pris neuf années, ce qui laissait augurer de la durée prévisible pour celui d'une école étrangère qui ne pouvait qu'être du même ordre, la comparaison effectuée par le témoin avec la durée d'accréditation par l'OUVS d'une école de commerce française (4 ans) n'étant en aucun cas pertinente compte-tenu du domaine spécifique de l'ostéopathie, discipline non reconnue à l'époque en France.

L'élément matériel du délit est en conséquence de nouveau constitué pour ce vecteur de publicité.

Sur l'élément intentionnel

Le prévenu ne conteste pas, en sa qualité de gérant de la SARL ISO devoir répondre personnellement de l'infraction de publicité mensongère.

Il plaide cependant n'avoir pas eu l'intention de commettre le délit, de sorte qu'en l'absence de l'élément moral, il ne pourrait en être déclaré coupable.

S'agissant du délit de publicité mensongère, la simple négligence consistant à avoir laissé diffuser une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur suffit pour constituer l'élément moral du délit.

S'il est besoin, il doit être relevé au cas particulier qu'entre le 13 février 2003, date de la première visite des contrôleurs et le 8 avril 2003, date de leur seconde visite, alors même que le prévenu avait déjà eu son attention attirée par plusieurs plaignants sur le caractère trompeur des allégations diffusées par l'ISO quant à la date à laquelle aboutirait le processus d'accréditation par l'OUVS, le site internet de l'ISO persistait à diffuser des allégations de nature à induire en erreur les personnes le consultant sur l'échéance prochaine de ce processus d'accréditation ce qui suffit à démontrer que le prévenu n'a pas fait preuve de la vigilance nécessaire quant aux informations diffusées.

Il sera en conséquence reconnu coupable des faits visés à la prévention.

Au regard de son absence d'antécédent judiciaire et de la période limitée visée par la prévention, il convient de prononcer une peine d'amende de 10000 euro. La cessation de la publicité trompeuse ordonnée par le tribunal sera confirmée; ainsi que la publication du présent arrêt en application de l'article L. 121-4 du code de la consommation dans le quotidien "Le Progrès".

Sur l'action civile

Le prévenu, par son conseil, conteste la recevabilité de l'action civile du ROF. Il est effectif que cette association s'est donnée pour objet de "regrouper les personnes qui, exerçant en France et/ou à l'étranger la profession d'ostéopathe, définie par les textes légaux et réglementaires, s'engagent à respecter les règles déontologiques, de garantie de formation et d'exercice professionnel arrêtées par le ROF".

Contrairement à ce qu'indiquent ses conclusions, elle ne présente aucun caractère ordinal, en ce sens qu'elle n'est pas chargée d'une quelconque mission d'intérêt général en matière d'ostéopathie.

Par ailleurs son objet est nécessairement en l'état indéterminé dès lors que les conditions d'exercice en France de la profession d'ostéopathe ne sont pas définies. Etant indéterminé, le ROF ne saurait avoir personnellement souffert d'un dommage causé par l'infraction commise par le prévenu, sauf à réparer un dommage lui-même indéterminé.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point, la constitution de partie civile du

ROF étant déclarée irrecevable.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, sur l'action publique ;Confirme le jugement déféré sur la culpabilité, Le réformant sur la peine ;Condamne le prévenu à dix mille euro d'amende ; Ordonne la cessation de la publicité trompeuse en application de l'article L. 121-3 du Code de la consommation et la publication du présent arrêt dans le quotidien Le Progrès en application de l'article L. 121-4 du même Code, Dans la mesure de la présence effective du condamné au prononcé de la décision, le Président l'a avisé de ce que, s'il s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro ; ce paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours, Dit le condamné redevable du droit fixe de procédure.sur l'action civile, Infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles ; Déclare irrecevable la constitution de partie civile du R.O.F. à défaut pour cette association de justifier de l'existence d'un préjudice personnel résultant de l'infraction, Le déboute de ses demandes en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.