Conseil Conc., 31 juillet 2007, n° 07-D-27
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la formation professionnelle continue à destination des demandeurs d'emploi en région Picardie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Seulin, par M. Lasserre, Président, présidant la séance, M. Nasse, Mmes Aubert, Perrot, Vice-Présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 8 mars 2005, sous le numéro 05/0016 F, par laquelle M. X, qui exerce à titre libéral le métier de créateur graphique sous l'enseigne Studio Espace Création, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la région Picardie et demandé au Conseil de la concurrence de se prononcer sur les pratiques mises en évidence dans le rapport d'enquête administrative du 22 décembre 2004 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par M. X et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et M. X entendus lors de la séance du 10 juillet 2007 ; Les représentants de la région Picardie entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE CONTEXTE
1. LE DISPOSITIF MIS EN PLACE PAR LA REGION PICARDIE JUSQU'A LA FIN DE L'ANNEE 2003
1. La région s'est vue transférer la compétence en matière de formation professionnelle des adultes puis des jeunes par les lois de décentralisation des 7 janvier 1983, 20 décembre 1993 et 13 août 2004, complétées par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Jusqu'à la fin de l'année 2003, la région Picardie a appliqué une procédure spécifique de sélection des actions de formation professionnelle qualifiantes et pré-qualifiantes, dénommée "procédure de labellisation". Elle a parallèlement mis en place un réseau d'accueil et d'orientation des demandeurs d'emploi vers les actions labellisées en confiant ces missions à l'association régionale des espaces d'accueil pour la formation (AREAF).
2. Ce dispositif a été instauré progressivement à partir, d'une part, des principes fondateurs adoptés en matière de formation professionnelle formalisés par le plan régional du 1er octobre 1993 et, d'autre part, des mesures décidées dans le cadre des contrats de plan État-Région.
3. Les objectifs sont de moderniser et d'améliorer la qualité de l'offre de formation régionale, de diversifier et de proposer des formations conduisant à une qualification reconnue. Il s'agit aussi de favoriser les possibilités d'individualisation et d'encourager les dispositifs d'orientation professionnelle.
4. La région Picardie s'est dotée d'un groupe d'experts au sein d'une "cellule d'appui pédagogique", qui avait pour mission d'accompagner les organismes de formation dans la constitution d'une offre modularisée et personnalisée.
5. La procédure de labellisation comprend la pré-instruction de l'offre de formation par les services de la région pour en apprécier la recevabilité au regard des critères régionaux, un audit préalable par la cellule d'appui pédagogique (jusqu'en 2003), le passage devant le comité technique de labellisation qui émet un avis et définit une volumétrie (nombre maximum de parcours de formation) et les tarifs qui seront appliqués à l'action de formation, la décision des élus régionaux de labelliser ou non l'action de formation et, en cas de décision favorable, la signature d'une convention de labellisation avec l'organisme de formation. La cellule d'appui pédagogique peut aussi être chargée des audits de rappel.
6. La région a également souhaité professionnaliser les acteurs de l'orientation en créant un réseau spécifique d'accueil et d'orientation des demandeurs d'emploi, en créant en 1998 l'association régionale des espaces d'accueil pour la formation (AREAF par la fusion des anciennes structures ABC (Accueil, Bilan, Compétence) Picardie et AREJ (Association régionale des espaces jeunes).
7. Il s'agit d'un dispositif original à la région Picardie retracé dans le schéma ci-contre :
<emplacement tableau>
PROCEDURE D'ORIENTATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI
Glossaire : AFDE-AFIDA : centres de formation représentant le monde de l'industrie ; AFPA : association nationale pour la formation professionnelle des adultes (tutelle ministère du Travail) ; AREAF : association régionale des espaces d'accueil pour la formation ; CAFOC : centre académique de formation continue (tutelle ministère de l'Éducation nationale) ; CAP : cellule d'appui pédagogique ; DRTEFP : direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; DDTEFP : direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; Interfor SIA : centres de formation mis en place par les chambres consulaires ; MFR : Maisons familiales et rurales (tutelle ministère de l'Agriculture) ; PAIO : permanences d'accueil, d'information et d'orientation ; OREF : observatoire régional sur l'emploi et la formation ; SPE : service public de l'emploi ; UPJV : Université Picardie Jules Verne.
8. En 2004, la région Picardie a abandonné cette procédure de labellisation pour recourir à la procédure de passation de marchés publics en application de l'article 30 du Code des marchés publics. En 2005, la région a signifié à l'AREAF qu'elle disparaîtrait à terme et l'année 2006 a été consacrée à la recherche de solutions pour reclasser les 200 personnes qui étaient employées par l'association. L'AREAF a disparu en 2007. La constitution des parcours individuels de formation est désormais effectuée par les conseillers ANPE, les missions locales, les maisons pour l'emploi et la formation (MEF) et par Cap emploi pour les travailleurs handicapés. Pour les bilans de compétence, un centre inter-institutionnel des bilans de compétence (CIBC) a été remis en place en Picardie.
2. LA SITUATION PARTICULIERE DE L'ASSOCIATION POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA)
9. L'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est le premier organisme d'orientation et de formation professionnelle en France. Il est placé sous la tutelle de l'État. Sa gestion est assurée, dans le cadre de relations paritaires, par des représentants des pouvoirs publics (État et représentants des conseils régionaux), des organisations professionnelles d'employeurs et des syndicats de salariés.
10. Son financement en 2003, d'un montant de 994 782 millions d'euro, provient pour l'essentiel du programme d'activité subventionné par l'État (70 %), des fonds européens (3,5 %), de l'État déconcentré (4,6 %), des collectivités territoriales (2 %), et des entreprises (8 %).
11. Spécialisée dans les stages pour demandeurs d'emploi (particulièrement pour un public d'ouvriers, d'employés ou de technicien), l'AFPA emploie environ 12 000 personnes, dont environ 5 000 formateurs, près de 800 psychologues conseillers en formation et 350 ingénieurs de formation et consultants, implantées sur le territoire métropolitain.
12. Son rôle, ses missions, ses modalités d'intervention et ses relations avec les différents partenaires ont été précisés dans un contrat de progrès signé avec l'État. L'objectif général assigné par le contrat de progrès pour les années 1999-2003 était que l'AFPA centrerait sa mission, en complémentarité avec l'ANPE, sur les services aux demandeurs d'emploi en vue de leur retour à l'emploi, ancrerait son activité dans les objectifs et les priorités des politiques publiques pour la formation professionnelle et l'emploi, renforcerait ses liens avec les deux autres composantes du service public de l'emploi (les services déconcentrés de l'État et l'ANPE) et clarifierait ses modes de relation avec les régions et les branches professionnelles.
13. Sur le plan régional, des orientations visant à la modernisation de l'AFPA ont été données dans les contrats de plan conclus entre l'État et la région Picardie, notamment, pour la période 1994-1998.
14. L'AFPA développe son action autour de quatre métiers :
- l'orientation ;
- la formation ;
- la validation des compétences professionnelles ;
- l'expertise, l'ingénierie, le conseil.
15. Dans son métier d'orientation, l'AFPA aide les demandeurs d'emploi envoyés par l'ANPE, mais également les personnes qui s'adressent directement à elle, dans la construction de leur parcours de formation.
16. Les formations professionnelles proposées par l'AFPA sont avant tout qualifiantes. Si les connaissances générales des stagiaires sont insuffisantes pour aborder les formations souhaitées, des remises à niveau professionnelles leur sont proposées (actions de pré-qualification).
17. L'évaluation des compétences et des acquis professionnels (ECAP) permet une plus grande personnalisation des parcours de formation. Par ailleurs, l'AFPA généralise l'usage des nouvelles technologies aussi bien comme outils pédagogiques que comme contenus de formation. L'AFPA poursuit aussi sa politique de validation des parcours de formation avec l'examen de validation des compétences professionnelles qui permet l'obtention d'un titre homologué par le ministère de l'Emploi et de la solidarité et l'attestation de formation, qui est un document de reconnaissance des acquis délivré en fin de module de formation.
18. Par ailleurs, entre 1998 et 2000, l'AFPA a adapté 51 titres pour permettre la validation des compétences professionnelles acquises par l'expérience et la formation, chaque certificat de compétences professionnelles (CCP) constituant une unité capitalisable en vue de l'obtention d'un titre.
19. Enfin, l'AFPA assure à la demande de l'État déconcentré des missions d'expertise-conseil auprès des entreprises qui sollicitent une aide publique. Les experts de l'AFPA effectuent aussi des enquêtes d'agrément pour permettre à des organismes de formation de délivrer des titres du ministère de l'Emploi et de la solidarité.
20. Sur l'axe "nouveaux services, emplois jeunes", les interventions de l'AFPA concernent trois points :
- l'animation des plates-formes régionales de professionnalisation ;
- l'élaboration des référentiels d'activités et d'emplois (dans les domaines de la médiation sociale, des technologies de l'information et de la communication, de l'environnement, de l'accompagnement des personnes dépendantes) ;
- l'implication dans les travaux de la cellule nationale d'appui à la professionnalisation pour l'ingénierie de certification.
21. Aux termes de l'article L. 311-1 du Code du travail, l'AFPA est aussi partie prenante du service public de l'emploi, avec l'ANPE et les services de l'État. L'AFPA et l'ANPE ont mis en place une complémentarité dans le cadre du "service intégré d'appui au projet professionnel" (S2), afin de mieux utiliser les services d'aide à l'emploi et à la formation professionnelle. La part des demandeurs d'emploi entrés en formation à l'AFPA dans le cadre du service intégré d'appui au projet professionnel est passé de 39,8 % en 1999 à 62 % en 2002.
22. Dans le cadre de la mise en place du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), le 1er juillet 2001, l'AFPA, l'ANPE et l'Assedic ont aussi été amenées à coordonner leurs actions. De même, le programme d'action personnalisé pour un nouveau départ (PAP/ND) et l'application de la nouvelle convention d'assurance chômage ont permis à l'AFPA de mettre en œuvre de nouvelles prestations, comme le bilan de compétences approfondi, et d'intervenir en matière de formation à la demande des Assedics.
23. Enfin, l'AFPA accompagne les collectivités territoriales dans leur politique de l'emploi, formation et insertion, dans leur action de développement local : étude d'un bassin d'emploi, démarche de validation des compétences, aide à l'insertion professionnelle de publics spécifiques (demandeurs d'emploi de longue durée, Rmistes, jeunes, handicapés).
24. En Picardie, l'AFPA a pris sa place dans la complémentarité État-Région en mettant à disposition du conseil régional de Picardie ses savoir-faire. Cette collaboration est formalisée dans le contrat de plan État-Région. L'AFPA a mis en place la cellule d'appui pédagogique, et participe à la mission régionale de certification des compétences professionnelles (MRCCP). Il y a cinq sites AFPA en région Picardie, situés respectivement à Amiens, Beauvais, Compiègne, Laon et Creil.
3. LA SITUATION PARTICULIERE DES GRETA
25. L'article L. 423-1 du Code de l'éducation nationale prévoit que, pour la mise en œuvre de leur mission de formation continue et d'insertion professionnelle, les établissements scolaires publics peuvent s'associer en groupements d'établissements (GRETA) ou constituer, pour une durée déterminée, un groupement d'intérêt public.
26. Les GRETA n'ont pas la personnalité morale. Ils relèvent, pour ce qui concerne leur gestion, d'un établissement public d'enseignement support. Le Conseil d'État et le Tribunal des conflits ont considéré que les GRETA constituaient des services publics administratifs (T.C. 7 octobre 1996, préfet des Côtes d'Armor, requête n° 03034 ; C.E. 17 décembre 1997 Tescher, requête n° 146589). En 2003, il y avait 275 GRETA, au sein desquels peuvent exister des centres permanents qui offrent aux stagiaires la possibilité de suivre un parcours individualisé. Leur action s'inscrit dans le cadre d'orientations nationales et de plans académiques de développement élaborés et animés par les délégués académiques à la formation continue. Les administrations publiques sont les prescripteurs les plus importants avec près de la moitié des volumes financiers et plus de 64 % d'heures stagiaires.
27. Les actions de formation se font surtout en direction des jeunes demandeurs d'emploi sans qualification, ou de publics tels que les détenus ou les migrants. Il y a dix GRETA en région Picardie : le GRETA BATP, le GRETA sud Aisne, le GRETA de Compiègne, le GRETA maritime, le GRETA de St Quentin, le GRETA d'Amiens, le GRETA Hauts de Somme, le GRETA sud Oise, le GRETA de Beauvais et le GRETA de Laon. Les GRETA mettent à disposition de l'AREAF trois emplois à temps partiel.
B. LES PRATIQUES CONSTATEES
1. LA SAISINE DU CABINET STUDIO ESPACE CREATION
28. Le cabinet Studio Espace Création se plaint de ce que la région ne lui aurait plus adressé de stagiaires à partir du mois de mai 1998, alors qu'il avait signé une première convention de labellisation le 3 octobre 1997 puis une seconde le 11 février 1998, avec une date d'expiration fixée le 31 décembre 1998. Aucune décision de retrait du label n'aurait été prise à son encontre et, par courrier du 1er octobre 1998, la région lui aurait même indiqué que le comité technique de labellisation s'était prononcé favorablement pour lui maintenir un effectif de 20 parcours par an sur la base de 100 francs de l'heure. Des rapports d'audit réalisés en 1997 et 1998 auraient été favorables à la qualité du travail de formation assurée par le cabinet.
29. L'AREAF aurait de son côté commis un abus de position dominante, encouragé par la région Picardie, en ne lui adressant plus de stagiaires et en procédant à un détournement de "clientèle" vers la société Média Management. En outre, certains fonctionnaires régionaux auraient tout mis en œuvre pour boycotter le cabinet et l'évincer du marché de la formation financée par le conseil régional de Picardie. Ainsi, les actions de formation organisées par le cabinet Studio Espace Création n'auraient jamais figuré sur la base de données du DIFE (département d'information sur la formation et l'emploi) à destination des utilisateurs professionnels et du grand public. La région Picardie aurait, également, faussé le jeu de la concurrence en imposant des tarifs et en refusant de recourir à la procédure du Code des marchés publics.
2. LES PRATIQUES CONSTATEES DANS LE RAPPORT D'ENQUETE
30. Le rapport d'enquête du 22 décembre 2004 met d'abord en cause le dispositif de labellisation, puis estime que la cellule d'appui pédagogique, l'AREAF et l'AFPA se seraient livrées à des pratiques anticoncurrentielles.
a) En ce qui concerne le dispositif de labellisation
31. Le rapport d'enquête souligne que le processus de labellisation et de sélection des organismes de formation ne reposerait sur aucun critère objectif et précis préalablement défini et laisserait place à la subjectivité. Ce processus constituerait une barrière à l'entrée dans le secteur de la formation financée par le conseil régional de Picardie, entraînerait une segmentation durable du marché, serait un obstacle à la libre détermination des prix, serait utilisé comme un moyen de régulation du marché et annulerait les effets de concurrence sur les marchés connexes.
32. L'effet de barrière à l'entrée et les discriminations dans l'examen et le traitement des demandes de labellisation seraient particulièrement flagrants pour les formations aux métiers de l'informatique, au métier de moniteur d'auto-école dans le département de l'Oise, aux métiers du transport routier et pour la labellisation d'une formation destinée aux repreneurs d'entreprise.
33. La région Picardie conduirait aussi une politique de partage de marché en fonction de la localisation et des besoins socio-économiques exprimés. Elle répartirait par département, le nombre de parcours, entre les organismes de formation labellisés. L'un des motifs invoqués pour justifier un refus de labellisation concernerait la présence, dans l'environnement de la ville proche (Amiens, Beauvais, Compiègne, Senlis, Laon, Soisson), d'un organisme labellisé ou en passe de l'être. Cette sectorisation serait durable car les décisions favorables seraient rarement remises en question.
34. S'agissant de l'obstacle à la libre détermination des prix, la région Picardie imposerait ses prix, jugés faibles par les différents organismes de formation rencontrés qui n'auraient pas la possibilité de négocier, même si l'enquêteur indique que les tarifs de la région Picardie se situeraient au-delà des prix résultant des appels d'offres en région Nord Pas-de-Calais. La région reconnaîtrait que le prix pratiqué se situerait entre 5 et 10 euro et qu'il serait inférieur au prix horaire du marché privé, de l'ordre de 30 euro. En outre, le conseil régional aurait baissé les prix autoritairement lors de la mise en place généralisée de la labellisation, en 1998, avec comme contrepartie des subventions d'équipement octroyées de façon discriminatoire, comme l'illustrerait l'exemple du centre de formation Stand Up d'Amiens ou de l'institut de formation technique de Saintes.
35. Le système de labellisation serait aussi utilisé par la région Picardie pour réguler le marché. Ce système serait perçu par les centres de formation privés comme une ingérence dans leur fonctionnement et comme favorisant les organismes publics. De même, le dispositif de labellisation aurait contraint certains organismes privés à cesser leur activité ou à se restructurer. Ce serait notamment le cas de l'organisme de formation "Espace Création", qui aurait été mis en difficulté à partir d'octobre 1998 à la suite d'une baisse autoritaire des tarifs et d'un manque de stagiaires, sans retrait effectif du label, et l'aurait obligé à se tourner vers le marché de la formation continue des salariés.
36. L'enquêteur estime enfin que le système de labellisation annulerait la concurrence sur les marchés connexes. L'exemple des plates-formes constituées à Amiens par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) de la Somme, dans le cadre du dispositif collectif du stage d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE collectif), serait révélateur des effets anticoncurrentiels de la politique de labellisation sur le marché connexe des formations mis en place par l'État.
b) En ce qui concerne les pratiques de la cellule d'appui pédagogique (CAP)
37. Le rapport d'enquête constate qu'en étant juge et partie, l'APFA et ses partenaires maîtriseraient, par l'intermédiaire de la CAP, l'accès au marché tandis que les GRETA maîtriseraient les formations en langue et bureautique. La cellule d'appui pédagogique serait restée confiée au groupement constitué autour de l'AFPA et du GRETA malgré les appels à la concurrence en 2001 et 2003. Selon l'enquêteur, la désignation de ce groupement comme attributaire du marché pour constituer la cellule d'appui pédagogique pourrait s'analyser comme l'octroi d'avantages injustifiés (article 432-14 du Code pénal).
Le rôle de juge et partie de l'AFPA et de ses partenaires
38. Le rôle de juge et partie de l'AFPA et de ses partenaires serait dénoncé par la Chambre régionale des comptes, qui mettrait en cause leur responsabilité au sein de la cellule d'appui pédagogique, laquelle évalue par ses audits les résultats des dispositifs qu'elle a contribué à mettre en œuvre dans le cadre de la labellisation. Ce rôle serait aussi dénoncé par les organismes de formation concurrents de l'AFPA et du GRETA, comme les sociétés Alphadièse, Atalante et l'INFREP (formation de formateur) qui auraient été auditées par des experts de la CAP appartenant à des organismes de formation concurrents.
39. Les organismes de formation dénonceraient surtout le rôle de juge et partie de l'AFPA en tant que centre de formation concurrent et organisme certificateur des formations professionnelles pour le compte du ministère du Travail et de l'Emploi, alors que la certification est devenue un passage obligé pour accéder à la labellisation. Il en serait ainsi des sociétés Alphadièse, Atalante, Média Management, 6ème Sens, Alternance Conseil Formation et Offre qui critiqueraient, ou bien que leurs formations doivent préalablement être certifiées ou validées par l'AFPA, ou bien que l'AFPA ait participé à l'élaboration du référentiel de formation pour le compte du ministère du Travail.
Les GRETA maîtriseraient les formations en langue et bureautique
40. La région a mis en place un programme dénommé "Passeport", dans les domaines des langues et de la bureautique. Ces "Passeports" sont soumis à un système de labellisation spécifique, à partir d'un appel à projet. Les premiers appels à projet ont été lancés en 1999 pour les années 2000 à 2002 et de nouveaux auraient eu lieu en 2003. Fin 2003, sept GRETA, l'AFIDA (AFDE et AFPI) et deux organismes proches des CCI (CCI Compiègne et INTERFOR), composaient le réseau Passeport Langue. Le réseau Passeport Bureautique, composé de 25 sites, serait plus ouvert : quatre structures privées y figureraient dont deux n'apparaîtraient pas sur la liste des organismes déjà labellisés.
41. Selon l'espace AFIDA, qui offre des formations dans le cadre des Passeports Langues et qui aurait dû refuser les Passeports Bureautiques au vu des prix qu'elle souhaitait pratiquer, les GRETA disposeraient d'un environnement en coût et matériel plus favorable, ce qui se ressentirait dans les prix des formations et dans les marges résultant des prix fixés par la région. INTERFOR indique pour sa part être en-dessous du seuil de rentabilité pour les Passeports Bureautiques.
42. Le GRETA de Soisson aurait été choisi par la région pour récupérer les Passeports Bureautiques de la société Alphadièse, mise en liquidation judiciaire. Les services de la région auraient répondu à la société ACF que sa demande de labellisation des formations en bureautique de niveau III (BTS) était vouée à l'échec, car le GRETA était déjà labellisé pour ce type de formation et qu'il n'y aurait pas d'autre centre labellisé. Par ailleurs, seul le GRETA de Soisson est labellisé pour les langues, car la région estime qu'un seul centre suffit.
43. De même, les services de la région auraient répondu à la société MGO Formation conseil en informatique, au stade de la pré-instruction du dossier, que sa demande de labellisation ferait l'objet d'un avis défavorable sans résultat d'audit, car il n'y avait pas de besoin local. Un avis défavorable à la labellisation a été rendu par le CTL en juillet 2003.
44. Il serait par ailleurs établi que Mme Y..., détachée par le CAFOC à la cellule d'appui pédagogique et missionnée par le GIP Forinval à la MRCCP, aurait travaillé sur le référentiel utilisé dans le cadre du passeport bureautique et qu'un autre agent de la DAFPIC aurait suivi le référentiel du passeport langues.
45. L'enquêteur conclut que le but du groupement constitué autour de la cellule d'appui pédagogique aurait été d'appliquer sciemment une politique d'exclusion. Jusqu'en 2003, les experts de la CAP auraient procédé au filtrage des demandes de labellisation émanant d'organismes de formation, leurs propres concurrents. Ce groupement aurait été constitué en infraction avec les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
c) En ce qui concerne les pratiques de l'AREAF et de l'AFPA au stade de l'orientation des demandeurs d'emploi
46. L'enquêteur estime que le mode de fonctionnement de l'AREAF aurait pour conséquence une répartition concertée du marché. Il observe que chaque demandeur d'emploi postulant à une formation financée par le conseil régional est préalablement orienté vers l'AREAF, qui détient un rôle clé dans l'orientation des demandeurs d'emploi.
47. Est dénoncé le fait que les responsables de l'espace AFIDA Formation et de la Fédération de la formation professionnelle (FFP) occupent des postes de direction au bureau de l'AREAF. Le responsable de la FFP est par ailleurs président de l'association Espace Formation Picardie. Certains organismes de formation labellisés ont aussi détaché du personnel au sein de l'AREAF. Six personnes sont respectivement mises à disposition par INTERFOR, Amiens Avenir Jeunes, Devenir en Vermandois, GRETA Sud Aisne, IFEP Léo Lagrange et CF 5 Cantons à Hornoy-le-Bourg, sur un total de 225 salariés. Tout ceci serait de nature à remettre en cause l'impartialité de l'AREAF dans l'orientation des demandeurs d'emploi.
48. Le fonctionnement de l'AREAF serait, d'ailleurs, contesté par les institutionnels. Le directeur régional de l'ANPE estimerait que le parcours AREAF représenterait un surcoût de 9 millions d'euro et qu'il s'agirait d'un parcours redondant car l'ANPE est tenu d'envoyer les demandeurs d'emploi à l'AREAF, qui détient le monopole attribué par la politique régionale, même lorsque ceux-ci ont déjà été reçus en entretien d'orientation et de validation de projets. Mme Z..., de la DDTEFP, mettrait l'accent sur l'obligation des demandeurs d'emploi de passer par l'AREAF, laquelle ne serait pas en mesure de rechercher des stagiaires dans les secteurs peu demandés. M. A..., du DAFPIC, indiquerait que le réseau des GRETA serait tributaire de l'AREAF pour tous les stagiaires pris en charge financièrement par le Conseil régional, ce qui représenterait environ 48 % de l'activité des GRETA.
49. Le directeur de Espace Formation Picardie, par ailleurs directeur régional de la FFP, et la société Infrep de Saint-Quentin estimeraient que le système serait lourd à gérer, compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs et des acteurs et ne permettrait pas à des organismes privés de vivre uniquement des formations labellisées de la région. Dans certaines antennes, les stagiaires seraient directement orientés vers un centre de formation, alors qu'en principe, ce serait à eux de choisir à partir d'une liste qui leur est remise. Pour d'autres sociétés, les GRETA ou l'AFPA seraient privilégiés car ils mettraient des conseillers à disposition de l'AREAF à mi-temps. D'autres encore auraient l'impression d'être oubliés par l'AREAF, au profit de leurs concurrents.
50. Enfin, selon l'enquêteur, l'accord signé au niveau national entre la FFP, l'ANPE et l'AFPA pour organiser un partenariat sur des modules de formation prescrits par l'ANPE dans le cadre du dispositif S2, n'aurait pas vu le jour au niveau régional car l'AREAF aurait pris le pas sur l'organisation prévue.
51. La composition de l'AREAF et la part de marché des différents organismes qui la composent permettraient d'analyser le fonctionnement de cette association sous l'angle de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en considérant qu'elle aurait pour objet de répartir le marché de la formation professionnelle financée par le conseil régional de Picardie.
52. L'AFPA, officiellement absente de l'AREAF, y jouerait néanmoins un rôle actif puisque leurs responsables respectifs auraient détourné l'objet des comités locaux de formation, en instituant par convention une véritable coopération conduisant à une reconnaissance mutuelle des prestations rendues en terme d'orientation, voire de bilans de compétence.
53. Cet accord aurait pour effet :
- de concentrer dans une même structure la totalité des demandeurs de stage, l'AREAF, qui constituerait un sas obligatoire vers lequel l'ANPE et les organismes de formation orienteraient tous les demandeurs d'emploi exprimant en Picardie un besoin en formation ;
- d'élargir le champ de sélection de l'AFPA pour ses propres formations ;
- de réserver aux seuls organismes dispensant des formations labellisées les autres candidats ;
- de fermer totalement le marché aux organismes extérieurs au système, qui pourraient en théorie rejoindre d'autres actions, non labellisées, tout en bénéficiant du financement de l'État ;
- de privilégier l'orientation des stagiaires vers des enseignes détenant une part représentative du marché, soit une répartition contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
C. LA PROPOSITION DE NON LIEU
54. Une proposition de non lieu à poursuivre la procédure a été transmise au saisissant.
II. Discussion
55. Le Conseil de la concurrence se prononcera préalablement sur sa compétence, avant d'examiner les différentes pratiques de la cellule d'appui pédagogique, de l'AREAF et de l'AFPA pour la période allant des années 1997-1998 à la fin de l'année 2003.
A. SUR LA COMPETENCE
1. L'INCOMPETENCE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE POUR CONNAITRE DU DISPOSITIF MIS EN PLACE PAR LA REGION PICARDIE
56. Reprenant les critères définis par la décision du Tribunal des conflits du 18 octobre 1999 (préfet de la région Île-de-France c/TAT European Airlines), la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 février 2007 "Société Les Oliviers", a rappelé que si, dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative. La Cour de cassation a considéré que la contestation de la gestion par le CCAS de quinze résidences mettait directement en cause l'organisation et le fonctionnement du service public de l'hébergement des personnes âgées tel qu'il résultait des conventions de transfert, que la décision d'allouer une subvention au CCAS relevait des prérogatives de puissance publique de la commune et que les prix de journée des établissements étaient fixés, de manière unilatérale, par le président du Conseil général. Dès lors, l'appréciation de la légalité de ces décisions relevait de la compétence du juge administratif et n'entrait pas dans la compétence du Conseil de la concurrence.
57. Cette jurisprudence rappelle que l'octroi de subventions par une personne publique relève de ses prérogatives de puissance publique, comme l'avait déjà jugé la Cour d'appel de Paris (Cour d'appel de Paris, 11 janvier 1994, BOCC 28 janvier 1994).
58. S'agissant de la fixation de tarifs publics, la portée du contrôle du Conseil de la concurrence a été exposée dans une décision n° 01-D-78 du 6 décembre 2001 et rappelée dans un avis n° 05-A-15. Le Conseil de la concurrence est incompétent pour en connaître si la fixation de tarifs, perçus pour rémunérer une mission de service public, révèle l'exercice de prérogatives de puissance publique, caractérisées par la fixation unilatérale de ces tarifs sans négociation possible de celui auxquels ils s'appliquent et par la possibilité, pour l'administration, de les modifier à tout moment.
59. Dans une décision n° 02-D-18, le Conseil de la concurrence a considéré que le refus de l'État de se soumettre à la procédure de mise en concurrence prévue par le Code des marchés publics et sa décision d'imposer à un département le recours à une association pour la conduite de travaux de fouilles archéologiques préventives, résultait de circulaires réglementaires émanant du ministre de la Culture et constituait une décision par laquelle l'État avait assuré la mission de service public qui lui incombait au moyen de prérogatives de puissance publique. Le Conseil de la concurrence n'était donc pas compétent pour connaître de cette décision de refus.
60. Enfin, dans ses décisions n° 03-D-56 et n° 05-D-23, le Conseil de la concurrence a rappelé que l'appréciation de la façon dont les personnes publiques organisaient leur appel d'offres ne relevait pas de sa compétence, pas plus que la décision d'attribuer le marché à tel ou tel organisme.
61. L'ensemble de cette jurisprudence est directement transposable au cas d'espèce.
62. La formation professionnelle a été qualifiée de service public tant par la jurisprudence du Conseil d'État (C.E. 10 juin 1992 M. B... et autres, requête n° 60578 ; C.E. 11 décembre 1996, Fédération syndicale unitaire pour l'enseignement, l'éducation, la recherche et la culture, requête n° 170194) que du Tribunal des conflits (T.C 16 janvier 1995, M. C..., requête n° 02944 ; T.C 12 février 2001, Mme D..., requête n° 03247).
63. Comme il a été rappelé ci-dessus, la région s'est vue transférer la compétence en matière de formation professionnelle des adultes puis des jeunes par les lois de décentralisation des 7 janvier 1983, 20 décembre 1993 et 13 août 2004, complétées par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Le dispositif mis en place par la région Picardie tel qu'il est décrit plus haut met directement en cause l'organisation et le fonctionnement du service public de la formation professionnelle à destination des demandeurs d'emploi, tel qu'il a été élaboré dans le cadre des contrats de plan État-Région et à partir des décisions de la région.
64. Ainsi, les principes d'organisation et de fonctionnement retenus par la région Picardie, qui consistent à ne pas recourir au Code des marchés publics pour sélectionner les offres de formation et à mettre en place un système de labellisation ainsi qu'une procédure d'orientation des demandeurs d'emploi par la constitution d'un réseau d'accueil spécifique à la Picardie, résultent de décisions administratives prises par cette collectivité territoriale dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.
65. De même, la politique tarifaire mise en place par la région Picardie relève de l'exercice de prérogatives de puissance publique dès lors que cette grille est édictée unilatéralement, sans négociation possible des organismes de formation. La décision de la région d'octroyer des subventions aux organismes de formation, calculées à partir de cette grille tarifaire et du volume de parcours professionnels affecté à telle action, plutôt que de leur verser un prix en règlement d'un marché, caractérise aussi l'exercice de prérogatives de puissance publique selon la jurisprudence ci-dessus visée.
66. Enfin, les décisions prises par les élus régionaux de labelliser ou non une action de formation revêtent également un caractère administratif car ces décisions sont prises pour l'exécution de la mission de service public de la formation professionnelle, quels que soient les secteurs dans lesquels ces décisions interviennent.
67. S'agissant plus particulièrement du cabinet Studio Espace Création, la décision prise par la région Picardie de ne pas proposer à nouveau à la labellisation l'action de formation assurée par ce cabinet, revêt aussi un caractère administratif.
68. Il s'ensuit que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour connaître de la légalité des décisions évoquées ci-dessus prises par la région Picardie dans le cadre de l'organisation du service public de la formation professionnelle au moyen de ses prérogatives de puissance publique.
69. Il n'est pas non plus compétent pour apprécier l'organisation par la région, en 2002 et 2003, des appels d'offres en vue de l'attribution des prestations à la cellule d'appui pédagogique, et la légalité de sa décision d'attribuer le marché au groupement d'entreprises constitué autour de l'AFPA. Il en est de même s'agissant de l'organisation des appels d'offres par les services de l'État pour la constitution de plate-forme, dans le cadre des contrats SIFE.
2. LA COMPETENCE DU CONSEIL POUR CONNAITRE DES PRATIQUES DE LA CELLULE D'APPUI PEDAGOGIQUE (CAP), DE L'AREAF ET DE L'AFPA
70. La cellule d'appui pédagogique est un groupement d'entreprises, indépendant de la région Picardie, comprenant des opérateurs publics (GIP FORINVAL, UPJV) ou privés (AFPA, Espace Formation AFIDA, MFR FLIXECOURT, INTERFOR SIA) qui interviennent sur le marché de la formation professionnelle. Elle est composée de 12 experts, dont quatre proviennent de l'AFPA, quatre sont mis à disposition par le CAFOC tandis que l'AFIDA, INTERFOR, la MFR et l'UPJV ont chacun un représentant.
71. Aucune prérogative de puissance publique n'a été confiée par la région Picardie à la cellule d'appui pédagogique, qui ne dispose pas d'un pouvoir de décision.
72. S'agissant de l'AREAF, deux collèges regroupent, entre autres, des responsables d'entreprises et des représentants des syndicats des salariés et du patronat tandis que le troisième collège de l'association réunit les partenaires de la formation professionnelle, dont le président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), l'OPCAREG, la chambre régionale de commerce et d'industrie (CRCI), l'Université Jules Vernes de Picardie et le président du comité économique et social régional. L'AREAF est ainsi composée de représentants d'entreprises au sens du droit de la concurrence, dont certains exercent leur activité sur le marché de la formation professionnelle.
73. L'AREAF n'est pas non plus dotée d'un pouvoir de décision par la région Picardie, qui ne lui a confié aucune prérogative de puissance publique. En effet, à côté de ses missions de conseil et de diagnostic, elle est seulement chargée de valider les parcours de formation une fois que l'organisme a été choisi par le stagiaire.
74. Enfin, l'AFPA est une association relevant du droit privé, qui n'a pas été investie de prérogatives de puissance publique pour l'exercice de ses activités en faveur de la région Picardie, de sorte que le Conseil de la concurrence, est, là aussi, compétent pour connaître des pratiques mises en œuvre par cette association.
B. SUR LES PRATIQUES
1. SUR LES MOYENS DE FORME INVOQUES
75. M. X invoque divers moyens tendant à mettre en cause la régularité de la procédure.
76. Il soutient d'abord que certaines pages des annexes de la proposition de non lieu seraient vierges, ce qui ne lui aurait pas permis d'en apprécier le contenu et de se défendre. Le rapport d'enquête ne serait pas signé par l'enquêteur, qui n'aurait pas non plus achevé correctement ses procès-verbaux d'audition pour en marquer la fin effective sans permettre de rajout de pages.
77. Par ailleurs, les représentants de la région Picardie, MM. E... et F..., auraient été auditionnés le 20 février 2007, alors que M. X et Mme G..., représentants du studio Espace Création, ne l'auraient pas été. Il ne serait pas non plus établi que MM. E... et F... aient été dûment habilités par la région pour parler au nom de cette dernière, auquel cas le procès-verbal d'audition du 20 février 2007 serait nul et de nul effet.
78. Enfin, la Sarl Aisne Formation Picarde aurait également saisi le Conseil de la concurrence le 15 mars 2005 sur la base d'un mémoire complémentaire qui n'apparaîtrait pas dans les documents joints à la proposition de non lieu.
79. A supposer ces moyens opérants, il ressort de l'examen des annexes de la proposition de non lieu que les pages 12, 14, 34 et 55 visées par le saisissant concernent le rapport d'enquête administrative de M. H..., inspecteur de la DGCCRF. Ces pages sont vierges dans le rapport d'enquête, car elles servent de séparation entre les parties. Le moyen manque donc en fait.
80. Par ailleurs, il ressort de l'examen du rapport d'enquête administrative du 22 décembre 2004 que celui-ci est bien signé de son rédacteur, M. Clément H..., inspecteur des services déconcentrés de la DGCCRF. Le moyen manque donc, là encore, en fait.
81. S'agissant ensuite du moyen - au demeurant non démontré - tiré de l'irrégularité du procès-verbal d'audition de M. I..., directeur de la formation professionnelle, au motif qu'il ne serait pas clos correctement, il est de jurisprudence constante que le caractère irrégulier des procès-verbaux ne peut être soulevé que par la personne interrogée par l'enquêteur, ou à qui ce dernier a demandé la communication de documents, à l'exclusion de tiers (Cour d'appel de Paris, 2 mars 1999, SA Seco Desquenne et Giral Construction).
82. Le rapporteur étant, en vertu de l'article L. 450-1 du Code de commerce, investi des mêmes pouvoirs que l'enquêteur, cette jurisprudence est directement transposable au moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal d'audition de MM. F... et E..., au motif qu'ils ne justifieraient pas d'une habilitation de la région pour parler en son nom.
83. M. X n'est donc pas recevable à contester la régularité des procès-verbaux d'audition évoqués ci-dessus.
84. En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'audition de M. X et de Mme G..., au nom de la société Espace Studio Création, il est de jurisprudence constante que le livre IV du Code de commerce ne fait pas obligation au rapporteur d'entendre les intéressés, ni d'entendre une partie, dès lors qu'il est maître du déroulement de son instruction (Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2000, n° 2000-06426).
85. Enfin, le Conseil de la concurrence n'a pas reçu de seconde saisine le 19 mars 2005 de la SARL Aisne Formation Picarde au sujet des pratiques examinées dans la présente affaire, qui aurait fait l'objet d'un enregistrement distinct de la présente saisine. La demande de jonction de deux saisines est donc sans fondement.
86. Les moyens doivent donc être écartés.
2. SUR LE FOND
a) L'examen des pratiques mises en œuvre par la cellule d'appui pédagogique
87. Aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce : "Sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet et peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :
1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprise (...)".
88. Les pratiques de la cellule d'appui pédagogiques seront examinées sous l'angle de l'entente anticoncurrentielle entre les entreprises membres de cette cellule, qui pourraient être tentées d'empêcher ou de limiter l'accès de centres de formation concurrents au marché de la formation professionnelle financé par la région Picardie.
89. Les pratiques décrites dans le rapport d'enquête mettent en cause la mission d'audit confiée à la cellule d'appui pédagogique, le rôle de l'AFPA à la fois comme centre de formation et organisme certificateur des formations professionnelles pour le compte du ministère du Travail et la place des GRETA dans les formations en langue et bureautique.
90. S'agissant du rôle de l'AFPA comme organisme certificateur, il convient d'observer que les missions de l'AFPA de validation des compétences professionnelles, d'élaboration de référentiels de formation et les missions d'expertise qui lui sont demandées par l'État, ne font pas partie du dispositif de labellisation mis en place par la région Picardie ni des missions exercées par l'AFPA dans le cadre de la cellule d'appui pédagogique.
91. Ces missions particulières de l'AFPA ne peuvent donc servir à établir l'existence d'une entente anticoncurrentielle entre les membres de la cellule d'appui pédagogique.
92. S'agissant ensuite des missions confiées à la cellule d'appui pédagogique, celle-ci apparaît comme étant à la fois compétiteur et arbitre en aidant à la sélection des offres de formation au stade de la pré-instruction des dossiers en assistant les services de la région, puis en réalisant, jusqu'en 2003, les audits préalables de qualité et en participant au comité technique de labellisation.
93. Dans son avis n° 00-A-31 du 12 décembre 2000 relatif à une demande d'avis présentée par la Fédération de la formation professionnelle (FFP), le Conseil de la concurrence a considéré que "l'utilisation des compétences acquises par les organismes publics dans l'élaboration des politiques et programmes d'action engagés au niveau local apparaît particulièrement importante en ce qu'elle permet de bénéficier d'un retour d'expérience, de suivre les évolutions et d'adapter le dispositif de formation aux besoins des différents demandeurs. Toutefois, notamment au niveau régional et local, l'accès privilégié à l'information résultant de la participation aux instances de concertation et les actions d'aide à la décision ne doivent pas donner aux organismes publics, en tant que dispensateur de formation, des avantages tels qu'ils leur permettraient d'évincer leurs concurrents".
94. En l'espèce, les organismes privés sont davantage représentés au sein de la CAP que les organismes publics. Il convient d'examiner si les experts de la cellule d'appui pédagogique se seraient entendus pour privilégier les actions de formation mises en place par les centres de formation auxquels ils appartiennent, ou par d'autres centres qu'ils auraient décidé de favoriser.
95. Il ressort des données figurant en page 28 du rapport d'enquête que la cellule d'appui pédagogique a, en 2001, réalisé 111 audits dont 47 ont concerné les actions mises en œuvre par les organismes de rattachement des membres du groupement. L'enquêteur constate qu'en 2001, ont été réalisés 144,50 jours d'audits et que les auditeurs interviennent de manière croisée chez leurs partenaires : en règle générale, le CAFOC audite l'AFPA et inversement. En 2002, 85 audits ont été réalisés, dont 34 concernaient les actions mises en œuvre par les organismes de rattachement des membres du groupement.
96. Il convient d'examiner si une corrélation peut être mise en évidence entre, d'une part, les audits réalisés par la CAP et, d'autre part, le montant des subventions que percevraient plus particulièrement certains organismes de formation.
97. Selon les données figurant en page 11 du rapport d'enquête, pour l'année 2003, la région Picardie a versé 31 157 660 euro pour les formations labellisées proposées par 117 centres de formation. Ces sommes ont été réparties entre 19 entreprises gérées sous statut commercial, 60 associations et 12 enseignes d'établissements publics (dont 6 CFPA, 10 GRETA, le département de l'éducation permanente (DEP) de l'UPJV, les Chambres des métiers).
98. La liste des actions labellisées remise par le directeur adjoint de la formation, indique quant à elle un total de 873 actions labellisées en 2003 dispensées par 123 organismes de formation (annexe 8 de la proposition de non lieu, cotes 923 à 953).
99. L'examen des montants des subventions allouées par la région Picardie montre que 23 centres de formation réalisent 70 % des dépenses allouées en 2003 par le Conseil Régional au titre des formations pré-qualifiantes, qualifiantes et des Passeports Bureautiques et Langues. La moitié de la somme globale versée est perçue par les dix premiers organismes, tandis que 72 établissements ayant ouvert une action perçoivent moins de 1 % du cumul (rapport d'enquête administrative p. 169) :
Part des subventions perçues en 2003 par les organismes détenant des actions labellisées
<emplacement tableau>
100. Sur ces 23 centres de formation, la part la plus élevée est perçue par le GRETA, avec 18,20 %, et la part la moins élevée par le CRACEGA, avec 1,12 %.
101. Il convient ensuite d'examiner les parts de subventions détenues par les organismes de formation représentés au sein de la cellule d'appui pédagogique (rapport d'enquête administrative p. 170) : Parts des subventions détenues par les organismes représentés à la cellule d'appui pédagogique
<emplacement tableau>
102. Ces chiffres illustrent le caractère très atomisé du marché de la formation professionnelle financé par la région Picardie, puisque 123 organismes de formation réalisent 873 actions labellisées par la région.
103. Ce caractère atomisé se retrouve dans les parts de subventions détenues par les organismes, la part la plus importante étant détenue par les GRETA avec seulement 18,20 % de parts de marché. Ce chiffre recouvre en réalité les parts de marchés cumulées de chacun des dix GRETA installés en Picardie, ce qui donne pour chacun une part moyenne de 1,8 %.
104. L'AFPA ne se voit allouer que 6,04 % du montant des subventions du Conseil Régional. Ce chiffre représente, là aussi, les parts de subventions cumulées des cinq centres AFPA établis en Picardie, ce qui donne pour chacun une part moyenne de 1,2 %.
105. Puis vient Interfor Sia avec 1,4 % du montant des subventions, tandis que l'université Picardie Jules Verne, l'université technologique de Compiègne, la maison familiale et rurale de Flixecourt et le centre de formation des maisons familiales et rurales de Picardie se partagent de 0,32 % à 0,92 % de ces subventions.
106. Aucun organisme de formation ne détient donc une part significative des subventions versées par la région Picardie.
107. Par ailleurs, M. A..., délégué académique et conseiller technique du recteur, indique dans son audition retracée par procès-verbal du 3 novembre 2004 (annexe n° 27 du rapport d'enquête) qu'il existe une véritable concurrence entre les GRETA et l'AFPA : "Nous sommes concurrents de l'AFPA qui intervient dans les mêmes créneaux (niveau 5,4 ou 3) avec des validations spécifiques comparables aux diplômes de l'éducation nationale. Les GRETA se trouvent en concurrence frontale avec l'AFPA notamment sur le marché des demandeurs d'emploi du conseil régional de Picardie. Nous entretenons des relations cordiales avec l'AFPA dans la mesure où ils appartiennent comme nous au secteur public. Nous n'avons pas établi de partenariat particulier, même si parfois les instances ministérielles nous ont amenés à intervenir conjointement dans des dispositifs particuliers. (...) Nous sommes tributaires de l'AREAF pour tous les stagiaires pris en charge financièrement par le Conseil régional, qui représentent environ 48 % de l'activité des GRETA. L'État représente 20 %. Le reste est couvert par des fonds privés".
108. Il ressort aussi de la liste des actions pré-qualifiantes et qualifiantes non retenues pour composer l'offre labellisée pour l'année 2002 que sur les 64 actions non retenues, 34 actions étaient présentées par les GRETA tandis que 4 actions étaient présentées par l'AFPA (annexe 10 de la proposition de non lieu, cotes 1017 à 1019). Sur les 66 actions non retenues pour l'année 2003, 36 actions étaient présentées par les GRETA, 2 étaient présentées par l'AFPA (Amiens et Oise) et une était présentée par l'AFDE Aisne (annexe 11 de la proposition de non lieu, cotes 1048 à 1050).
109. Dès lors, compte tenu de l'éparpillement des centres de formation et des résultats ci-dessus décrits, il n'est pas établi que les entreprises ou organismes représentés au sein de la cellule d'appui pédagogique par les experts qui y siégeaient se seraient entendus afin de favoriser les actions rattachées à l'organisme auquel appartiennent ces experts et, notamment, aux GRETA ou à l'AFPA, lors de la réalisation des audits préalables à la labellisation.
110. S'agissant enfin de la critique selon laquelle les GRETA maîtriseraient les formations "Passeports" en langue et bureautique, il ressort des statistiques retracées à la page 170 du rapport d'enquête administrative que les dix GRETA détiennent, effectivement, une part de subvention cumulée importante pour ces formations : Parts des subventions des organismes assurant des formations passeports en bureautiques et langues
<emplacement tableau>
111. Néanmoins, chaque GRETA pris séparément ne possède qu'une part de subvention moyenne de 4,39 %. Les GRETA sont dépendants du Conseil Régional de Picardie puisque les formations financées par la région représentent 48 % de leurs activités. L'espace AFIDA, avec seulement deux établissements, vient en deuxième position avec 14,43 % de parts cumulées de subventions, ce qui représente une part moyenne par établissement supérieure à celle détenue par les GRETA (7,2 %).
112. En réalité, les pratiques mises en cause dans le rapport d'enquête pour les Passeports Langues et Bureautique concernent les décisions prises par la région Picardie d'attribuer la labellisation, après appel à projet, aux actions de formation proposées par les GRETA, car ceux-ci disposeraient d'un environnement en coût et matériel plus favorable, ce qui se ressentirait dans les prix des formations et dans les marges résultant des prix fixés par la région. L'action de la cellule d'appui pédagogique n'est pas concernée et il a été vu ci-dessus que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour connaître des décisions de labellisation prises par le Conseil Régional de Picardie.
113. Enfin, une critique est tirée de ce qu'une personne, détachée par le centre académique de formation continue (CAFOC) à la cellule d'appui pédagogique et missionnée par le GIP Forinval à la MRCCP, aurait travaillé sur le référentiel utilisé dans le cadre du Passeport Bureautique et qu'un autre agent de la DAFPIC aurait suivi le référentiel du Passeport Langues. Mais ces missions de certification sont indépendantes des missions confiées au GIP Forinval dans le cadre de la cellule d'appui pédagogique et ne peuvent pas davantage servir à établir l'existence de pratiques d'entente anticoncurrentielle de la part de la cellule d'appui pédagogique.
114. Il s'ensuit qu'aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le groupement d'entreprises constitué autour de la cellule d'appui pédagogique aurait servi de support à une politique d'exclusion des organismes de formation concurrents du secteur de la formation professionnelle financée par la région Picardie et constituerait une entente anticoncurrentielle au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
b) L'examen des pratiques mises en œuvre par l'AREAF et l'AFPA au stade de la procédure d'orientation des demandeurs d'emploi
115. Comme précédemment, les pratiques de l'AREAF seront examinées sous l'angle de l'entente anticoncurrentielle entre ses membres, au sens de l'article L. 420-1 ci-dessus cité. Il en sera de même des pratiques imputées à l'AREAF et l'AFPA, à partir de la convention de coopération signée entre ces deux associations.
116. Selon les données de la DRTEFP pour l'année 2002 retracées dans l'étude du DIFE sur la formation professionnelle en Picardie, 16 351 personnes avaient suivi en 2002 une formation qualifiante, pré-qualifiante ou emploi-jeune dans le cadre du programme du Conseil Régional alors que 3 901 personnes avaient suivi une formation financée par l'État, 3 181 personnes avaient été accueillies par l'AFPA dans le cadre de la commande publique de l'État et 5 199 personnes dans le cadre des dispositifs Assedic. Ainsi, 57 % des stagiaires demandeurs d'emploi (en formation sur les dispositifs publics ou Assedic), le seraient sur des formations financées par la région (annexe 3 de la proposition de non lieu, cote 5376).
117. Il convient d'examiner si les membres de l'AREAF se seraient entendus pour capter le plus possible de demandeurs d'emploi de la région, afin de les orienter vers les formations du Conseil régional et favoriser certains centres de formation labellisés.
118. Les missions de l'AREAF sont :
- l'accueil des publics sur l'ensemble du territoire ;
- l'orientation éventuelle de ces publics vers les actions de formation des programmes régionaux ;
- le relais de la région auprès des bénéficiaires et des différents partenaires, de la politique régionale de la formation continue ;
- le suivi des stagiaires pendant et après les parcours ;
- l'implication dans la détection des besoins de formation et d'emploi sur l'ensemble du territoire ;
- la production d'éléments statistiques et financiers reflétant son activité.
119. En premier lieu, il convient d'observer que les centres AREAF ne sont un passage obligatoire que pour les demandeurs de stage souhaitant bénéficier d'une formation financée par le Conseil régional. L'ANPE ou l'AFPA n'envoient pas les demandeurs de stages vers l'AREAF si ceux-ci n'entrent pas dans le cadre du programme de formations du Conseil régional. Il est donc inexact d'affirmer que tout demandeur d'emploi exprimant en Picardie un besoin en formation est orienté vers les centres AREAF.
120. Ensuite, il ressort du rapport d'audit de la société Quatalyse Quaternaire qu'en 2000, sur les 31 735 personnes accueillies par l'AREAF, un tiers seulement avait intégré une action du Conseil régional de Picardie tandis que 10 % avaient été réorientées (annexe 13 de la proposition de non lieu, cote 3698).
121. Cette proportion reste constante en 2001, car sur les 31 634 personnes accueillies, 10 077 personnes sont finalement entrées en formation, soit 31 % et 2 825 ont été réorientées, soit 8 % (annexe 14 de la proposition de non lieu, rapport d'activité de l'AREAF pour 2001, cotes 603 et 604).
122. En 2002, la proportion d'entrées en formation augmente : sur les 32 375 personnes accueillies, 13 309 parcours de formation ont été prescrits, soit 41 % (annexe 3 de la proposition de non lieu, étude du DIFE sur la formation professionnelle en Picardie, cote n° 5381).
123. L'AREAF n'orientant vers les formations du programme régional qu'un tiers ou un peu plus des personnes accueillies, cette procédure n'épuise pas les possibilités laissées aux centres de formation non labellisés de former les 60 % à 70 % de demandeurs d'emploi restants qui n'entrent pas dans le cadre du dispositif régional.
124. L'AREAF ne tente donc pas de capter l'intégralité des demandeurs d'emploi accueillis dans ses centres pour les orienter vers les formations labellisées par la région Picardie.
125. En second lieu, l'obligation de passer par les sites AREAF pour tout demandeur de stage souhaitant bénéficier d'une formation du programme régional aurait un effet anti-concurrentiel si les conseillers de l'AREAF relayaient, sur le terrain, l'entente anti-concurrentielle entre les membres du 3ème collège de cette structure, afin d'exclure certains organismes de formation du marché de la formation professionnelle financée par la région Picardie et en en favorisant d'autres. Ce traitement de faveur pourrait concerner les organismes de formation auxquels les conseillers AREAF ou les membres du 3ème collège appartiennent.
126. Toutefois, sur les 206 personnes employées dans les 39 antennes locales de l'AREAF, six seulement étaient mises à disposition par des organismes de formation (rapport d'enquête administrative p. 149).
127. L'examen des parts de subventions des organismes de formation participant au fonctionnement de l'AREAF fait apparaître des chiffres variant de 0,34 % à 18,20 %, la part la plus élevée étant détenu par le GRETA et ses dix établissements (rapport d'enquête administrative p. 170) : Parts des subventions des organismes participant à l'AREAF
<emplacement tableau>
128. Il ressort des chiffres ci-dessus reproduits qu'aucun organisme de formation participant au fonctionnement de l'AREAF ne détient une part significative des subventions versées par la région Picardie, puisque chaque GRETA pris séparément ne détient en moyenne que 1,82 % de ces parts.
129. Par ailleurs, à l'issue d'une prestation réalisée par l'AREAF (bilan de compétence, bilan d'orientation ou diagnostic formation), le choix de l'organisme de formation labellisé appartient au stagiaire comme ceci est expressément indiqué à la page 25 du rapport d'enquête administrative.
130. Selon les déclarations du directeur général de l'AREAF d'Amiens retracées à la page 144 du rapport d'enquête, le fonctionnement de l'AREAF est le suivant : dès lors que plusieurs organismes proposent des formations adaptées aux compétences manquantes de l'individu, le site AREAF communique à ce dernier la liste des organismes labellisés et le choix appartient au stagiaire. Le site AREAF réalise la prescription du parcours de formation en fonction du choix retenu. Si un seul organisme existe, c'est vers ce centre que le candidat est orienté. Une fois cette sélection réalisée, le site AREAF envoie une proposition de parcours à l'organisme de formation, lequel renseigne de manière prévisionnelle les éléments relatifs au déroulement de l'action. Ensuite, le site AREAF informe par internet la direction de la formation du Conseil régional de l'action choisie, à qui il appartient de formaliser le parcours par une convention conclue entre la région et l'organisme choisi.
131. L'existence d'une entente anticoncurrentielle entre les membres de l'AREAF, relayée sur le terrain par les conseillers de cette association, n'est donc pas établie.
132. S'agissant de la situation particulière du cabinet Studio Espace Création, selon un jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 19 octobre 2004, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 29 décembre 2006, la convention de labellisation du 11 février 1998 expirait le 31 décembre de la même année et ne comportait aucune clause de tacite reconduction. Ces deux décisions précisent en outre qu'aucune disposition contractuelle n'était relative à une quantité minimale annuelle de prestations à commander et à la rémunération de telles prestations.
133. Il semble donc qu'aucun stagiaire n'a plus choisi Studio Espace Création dans le cadre du programme régional, dès lors que ce centre n'était plus labellisé à l'expiration, le 31 décembre 1998, de la convention attribuant ce label.
134. Le procès-verbal d'audition du 20 février 2007 de MM. F... et E... fait en outre état de certaines difficultés qui seraient apparues au cours des actions de formation mises en place par Studio Espace Création (annexe 7 de la proposition de non lieu, cotes 6381 à 6396).
135. Après avoir rappelé que cet organisme avait travaillé avec la région jusqu'en 1997-1998, qu'il avait même participé à la confection du logo régional, que la région lui reconnaissait un vrai savoir-faire sur l'imagerie de synthèse et que le studio avait donc été labellisé une première fois en 1996 pour la formation des adultes, ces deux agents indiquent que la région a été alertée par les stagiaires sur des dysfonctionnements internes.
136. Un agent de la région est allé voir sur place, qui a constaté des anomalies dans l'organisation pédagogique. Un représentant de la cellule d'appui pédagogique est allé réaliser un audit, lequel n'a, d'ailleurs, pas été entièrement négatif.
137. Mais un problème de coût horaire s'est également posé, le studio Espace Création contestant le coût horaire de 100 F/heure qui lui était imposé par la région.
138. Ainsi, des motifs autres qu'un objectif anticoncurrentiel ont pu conduire à exclure le cabinet Studio Espace Création de la liste des organismes labellisés, par une décision de la région dont la légalité ne peut être appréciée par le Conseil de la concurrence. La preuve d'une entente anticoncurrentielle entre les membres de l'AREAF, portant sur l'activité du cabinet Studio Espace Création, n'est pas apportée.
139. S'agissant enfin de l'entente anticoncurrentielle alléguée entre l'AREAF et l'AFPA, qui serait matérialisée par le contrat de coopération passé entre ces deux organismes, M. J..., directeur régional de l'AFPA Picardie, a déclaré (rapport d'enquête administrative p. 160) : "L'AFPA a signé avec l'AREAF une convention qui crée des passerelles permettant d'assurer la continuité du service entre les différents dispositifs AFPA et AREAF. Cette convention prévoit la vérification de la saturation du dispositif AFPA. Cela permet de vérifier que la volumétrie accordée par la région à l'AFPA est respectée et la commande honorée. Au cas contraire, il convient de réajuster au risque de perdre la labellisation ou de subir une diminution de la volumétrie. Sur les 8000 stagiaires que nous évaluons dans le cadre du système S2, seul un tiers sont orientés vers les formations AFPA, un tiers sur des formations hors AFPA et le reste sur des solutions alternatives. A ce jour un demandeur d'emploi qui se présente à l'AREAF est orienté vers un centre de formation disposant d'une labellisation éventuellement de l'AFPA. Si le stagiaire est orienté vers l'AFPA, la convention se décline et inversement si l'AFPA adresse des stagiaires vers l'AREAF. C'est une reconnaissance mutuelle du travail des deux organismes. L'AFPA dispose de 22 psychologues".
140. L'AFPA ne participe pas au fonctionnement de l'AREAF par la mise à disposition de conseillers. Cet organisme effectue un travail d'orientation dans le cadre du service intégré d'appui au projet professionnel mis en place avec l'ANPE. Dans ce cadre, l'AREAF peut intervenir comme sous-traitant pour réaliser des bilans de compétence.
141. Selon les déclarations de M. J..., seul un tiers des stagiaires reçus par l'AFPA sont orientés vers les formations AFPA, qui ne pratique donc pas une politique tendant à se réserver le marché de la formation professionnelle à destination des demandeurs d'emploi. Elle n'hésite pas à adresser les personnes accueillies vers d'autres centres de formation que les siens.
142. Dans ces conditions, et compte tenu du caractère très éclaté du marché de la formation professionnelle, où l'AFPA ne reçoit que 6,04 % des subventions, aucune preuve d'une entente anticoncurrentielle entre l'AREAF et l'AFPA n'est apportée, qui aurait eu pour objet d'empêcher l'accès de certains organismes de formation au marché de la formation professionnelle financé par la région Picardie et de favoriser plus particulièrement les formations de l'AFPA.
143. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire application, pour les pratiques relevant de la compétence du Conseil, des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce et de dire qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.
Décision
Article 1er : La saisine est rejetée comme irrecevable en tant qu'elle porte sur les pratiques reprochées à la région Picardie.
Article 2 : Il n'y a pas lieu, en ce qui concerne les autres pratiques alléguées, de poursuivre la procédure.