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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 29 mars 2004, n° 00-01406

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Dargent (ès qual.), Pains et Délices d'Antan (SARL)

Défendeur :

Carlier (Epoux), Cribier, Bono (ès qual.), Claisse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ruffier

Conseillers :

MM. Alesandrini, Minnegheer

Avoués :

SCP Six-Guillaume, SCP Delvincourt-Jacquemet, SCP Genet Braibant, SCP Thoma Le Runigo Delaveau Gaudeaux, Me Estival

Avocats :

Mes Boquet, Durieux, Pelletier

T. com. Reims, du 2 mai 2000

2 mai 2000

Faits - procédure - prétentions et moyens des parties

1-Par acte authentique en date du 19février 1998, les époux Carlier ont vendu à la SARL Pains et Délices d'Antan un fonds de commerce de boulangerie, pâtisserie, confiserie, plats cuisinés, sandwichs et glaces sis à Reims - 164, avenue Jean Jaurès.

Cet acte faisait suite à une promesse de vente sous conditions suspensives signée le 2 décembre 1997 entre les époux Carlier et Fabien Claisse qui, avant la réitération de la vente, avait constitué la SARL devenue finalement acquéreuse du fonds de commerce.

En raison d'un chiffre d'affaires inférieur à celui qui avait servi de base aux négociations d'achat du fonds de commerce et imputant cette diminution à l'ouverture d'un autre fonds de commerce situé non loin du sien entre la promesse de vente et la signature de l'acte authentique, la SARL Pains et Délices d'Antan, dès le 28 avril 1998, a fait assigner les époux Carlier ainsi que l'Agence Centrale, intermédiaire de vente, aux fins d'une part, qu'il fût constaté le dol dont elle avait été victime du fait de la dissimulation, au moment de la promesse de vente, de l'ouverture prochaine d'un commerce similaire de boulangerie, d'autre part que fût accueillie son action estimatoire du préjudice qu'elle avait subi. Préalablement, Fabien Claisse avait obtenu du Président du Tribunal de commerce de Reims une ordonnance autorisant la saisie conservatoire des sommes détenues par Maître Quinard, séquestre des fonds remis lors de la vente du 19 février 1998. Par ailleurs, Daniel Cribier, agent immobilier exploitant sous l'enseigne Agence Centrale a assigné en intervention forcée Fabien Claisse en paiement de la somme de 178 498 FF au titre de sa commission d'intermédiaire demeurée impayée. Le 4 mai 1999, la SARL Pains et Délices d'Antan a été toutefois placée en redressement judiciaire puis le 6 juillet 1999 en liquidation judiciaire, Maître Dargent ayant été désigné mandataire liquidateur.

2- Par jugement du 2 mai 2000, le Tribunal de commerce de Reims:

- débouté la SARL Pains et Délices d'Antan de toutes ses demandes;

- condamné ladite société à payer aux époux Carlier une somme de 61 563,40 FF avec intérêts à compter du 8 décembre 1998 correspondant à ce qui leur restait dû au titre de la vente du fonds de commerce, ainsi qu'une somme de 5 000 FF à titre de dommages et intérêts et celle de 8 000 FF sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- condamné conjointement et solidairement la SARL Pains et Délices d'Antan et Fabien Claisse à payer à Daniel Cribier la somme de 178 488 FF avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 1998 et celle de 8 000 FF en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement;

- débouté les époux Carlier de leurs autres demandes;

- condamné la SARL Pains et Délices d'Antan et Fabien Claisse aux dépens.

Il est fait ici expresse référence aux motifs de cette décision.

3- Par acte du 5 juin 2000, Maître Dargent, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Pains et Délices d'Antan, a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Il rappelle que la promesse de vente du 2 décembre 1997 concernait d'une part, la cession d'un fonds de commerce, d'autre part, un droit au bail, enfin, une cession de matériels et mobiliers commerciaux, le prix de la vente ayant été arrêté à 1 850 000 FF et deux conditions suspensives ayant été définies : 1°) l'obtention au plus tard le 30 janvier 1998 par Fabien Claisse d'un ou plusieurs prêts destinés au financement de l'opération, 2°) la vente prévue pour le 21 décembre 1997 du fonds de commerce qu'il exploitait jusque là à Chailly en Gatine. Il précise que la promesse mentionnait que le vendeur certifiait qu'à sa connaissance, il n'existait aucune ouverture prochaine d'un commerce semblable à celui objet des négociations et s'engageait à apporter gratuitement sa collaboration à l'acheteur, si ce dernier la demandait, pendant un délai de 8 jours à dater de la prise de possession, pour lui faire connaître la clientèle, l'initier au commerce et l'habituer à la maison, le présenter aux fournisseurs. Il explique enfin que la promesse avait prévu que dès la levée de la dernière condition suspensive, l'acquéreur s'engageait à régler la rémunération du mandataire, l'Agence Centrale, qui avait négocié les termes, le prix et les conditions de la promesse, soit la somme de 178 488 FF TTC.

Maître Dargent critique l'ensemble de la décision dont il fait appel. Il soulève en premier lieu l'incompétence de la Cour d'appel de Reims au profit de celle de Paris en raison des dispositions de la promesse de vente qui emportait clause d'attribution de compétence aux Tribunaux de Paris.

A titre subsidiaire, il soutient que la vente est entachée de nullité en raisons des manœuvres dolosives des époux Carlier. Il explique qu'ils ont en effet trompé l'acheteur sur les qualités substantielles du fonds de commerce en annonçant des résultats d'exploitation qui se sont très vite avérés en deçà de la réalité, et qu'ils se sont abstenus sciemment de l'informer en temps utile de l'ouverture d'un commerce de même nature et concurrent, le Fournil de Papé, en sachant que cela modifierait incontestablement les facteurs locaux de commercialité. Il fait valoir que la chute brutale du chiffre d'affaires dès les premières semaines d'exploitation révèle l'ampleur de la supercherie. Ils estiment que les époux Carlier connaissaient dès l'origine de la négociation le fait qu'une nouvelle boulangerie s'implanterait à côté de leur fonds et qu'ils n'ont révélé cette modification substantielle des conditions de la vente que lors de la réitération de celle-ci en forme authentique. Il considère qu'à ce moment là, Fabien Claisse, à qui aucun délai de réflexion n'a été donné, ne pouvait plus revenir sur son engagement dès lors que d'une part, il avait déjà vendu le commerce qu'il exploitait précédemment, d'autre part, sa famille avait déjà déménagé et enfin, il était sous la pression financière que faisait naître un éventuel dédit sanctionné par une indemnité forfaitaire et irréductible de 185 000 FF. Il estime qu'il ne saurait, dans ces conditions, être valablement soutenu que Fabien Claisse a consenti librement le jour de l'acte authentique à la vente litigieuse. En ce qui concerne les chiffres d'affaires, il expose que les époux Carlier ont caché le fait qu'ils étaient en baisse depuis le début de l'année 1997 et, pour ce faire, ont manipulé les comptes. Il ajoute qu'ils n'ont pas non plus fait état lors des négociations de la vétusté du four dont les trous de corrosion avaient été colmatés avec du mastic pour empêcher leur visibilité. En toute hypothèse, il réfute la thèse selon laquelle le commerce ne serait devenu moins florissant qu'après sa cession en raison des insuffisances professionnelles de Fabien Claisse.

Sur les demandes reconventionnelles des époux Carlier, il soutient que la créance qu'ils exposent n'est pas justifiée, qu'au surplus, ils n'ont jamais réclamé en première instance le remboursement qu'ils sollicitent désormais devant la cour de taxes et impôts divers, qu'en toute hypothèse, il n'est pas justifié d'une déclaration de créance à la procédure collective. Il observe en outre que la valeur des stocks sur laquelle les demandes sont formulées ne se fonde sur aucun inventaire contradictoire, que la demande de remboursement de la taxe d'habitation pour l'année 1998 n'est pas justifiée, les époux Carlier étant locataires des locaux d'habitation au 1er janvier de cette année-là, que le prix de la cuisine équipée ne peut être réclamé au mandataire liquidateur de la SARL Pains et Délices d'Antan, la promesse d'achat, si elle n'est pas annulée, ayant été stipulée par Fabien Claisse personnellement.

Sur la demande reconventionnelle de Daniel Cribier, il fait valoir qu'il y a eu concertation frauduleuse entre celui-ci et les époux Carlier pour vicier le consentement de l'acheteur et que la nullité de la promesse de vente et de l'acte authentique entraînera nécessairement la nullité des autres actes y afférents. Il précise que Daniel Cribier, comme son associé, Serge Bono, sont des professionnels de la vente de fonds de commerce et tenus, en cette qualité, à un devoir de conseil et d'information tant envers les vendeurs qu'envers les acheteurs. Il considère qu'en l'occurrence l'un et l'autre n'ont pas satisfait à cette obligation alors qu'ils ne pouvaient ignorer l'installation du Fournil de Papé et les conséquences qui allaient en résulter. A ce propos, il demande que la pièce versée aux débats, relative à un bon de visite, contre laquelle un incident de faux a été formé soit écartée des débats.

Il soutient que non seulement Daniel Cribier et Serge Bono ont concouru au dol des époux Carlier, mais qu'ils ont fait preuve également d'un comportement dolosif propre en ayant fait signer à l'acheteur un engagement personnel au titre des honoraires de commissionnement. Il explique que ce document a en effet été présenté à Fabien Claisse comme un engagement envers l'Agence Centrale, à l'égard de laquelle la promesse de vente stipulait d'ailleurs que lesdits honoraires devaient être versés, alors qu'il s'agissait d'un document établi par Serge Bono en sa qualité d'agent commercial, qui, conscient de la mauvaise affaire que ferait la SARL Pains et Délices d'Antan, a cherché avec la complicité de Daniel Cribier à rendre Fabien Claisse personnellement débiteur de la rémunération de l'intermédiaire.

Aux termes de ses écritures, Maître Dargent conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, à la nullité pour vice du consentement de la cession du fonds de commerce et donc de la promesse de vente et de l'acte authentique de réitération, à la condamnation des époux Carlier à la restitution du prix de vente, en principal, intérêts et accessoires à titre de rapport ou par voie de dommages et intérêts dont le montant s'établirait alors à 350 635 euro, ce solidairement avec l'Agence Centrale, Daniel Cribier et Serge Bono, à la condamnation solidaire des mêmes à payer une somme de 30 500 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires et au débouté de l'ensemble des demandes formées par les époux Carlier, Daniel Cribier et Serges Bono. Il demande à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il se réserve éventuellement le droit d'engager la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte de vente.

A titre plus subsidiaire, Maître Dargent demande de déclarer nuls le mandat de démarchage et le bon de visite dont se prévalent l'Agence Centrale, Daniel Cribier et Serge Bono, de les condamner en toute hypothèse à payer la somme de 30 500 euro à titre de dommages et intérêts et de procéder à la réfaction du prix de vente du fonds de commerce. Dans ce dernier cas, il sollicite l'organisation d'une mesure d'expertise aux fins de rechercher la valeur réelle du fonds de commerce et la condamnation à titre de provision des époux Carlier, solidairement avec l'Agence Centrale, Daniel Cribier et Serge Bono à payer la somme de 76 276 euro. Il réclame enfin contre tous les intimés une indemnité de 15 300 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Fabien Claisse reprend à son compte l'ensemble des moyens et arguments développés par Maître Dargent. Il souligne avoir rempli toutes les obligations pour mener à bien l'acquisition du fonds de commerce et ajoute que les époux Carlier ont organisé après la vente une politique de dénigrement systématique à l'encontre de la SARL Pains et Délices d'Antan ainsi que le démontrent les 110 attestations de leurs anciens clients qu'ils produisent aux débats. Il met également en cause la responsabilité du notaire qui ne lui a accordé aucun délai de réflexion après avoir ajouté à l'acte authentique le nouvel élément essentiel de l'ouverture d'un commerce concurrent à proximité du fonds, et qui a libéré très rapidement les fonds séquestrés en dépit d'une sommation interpellative de les conserver qui lui avait été délivrée le 28 avril 1998. Il conclut par ailleurs et de manière propre à la nullité du bon de visite qui, selon lui, contient un faux en écriture que la cour devra apprécier, ainsi qu'à la nullité de la reconnaissance de dette personnelle en ce qui concerne les honoraires de commissionnement, celle-ci ayant été reçue par Serge Bono qui, en la circonstance, a outrepassé son mandat aux termes duquel il avait pour unique mission d'obtenir des propriétaires, acquéreurs ou locataires mandats ou promesses de vente qu'il devait transmettre immédiatement à l'Agence Centrale.

Aux termes de ses écritures, ils concluent à titre principal à l'incompétence de la cour d'appel de Reims au profit de la Cour d'appel de Paris, à titre subsidiaire à l'examen de l'incident de faux qu'il soutient, à titre plus subsidiaire, à la nullité de la promesse de vente et de l'acte authentique de réitération pour vice du consentement, à la restitution du prix ou à la fixation de dommages et intérêts d'un montant de 350 635 euro au paiement desquels les époux Carlier, l'Agence Centrale, Daniel Cribier et Serge Bono seront solidairement condamnés. Il sollicite également la condamnation des mêmes à payer la somme de 30 500 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires. Plus subsidiairement encore, il conclut à la nullité du bon de visite, du mandat de démarchage et de la reconnaissance de dette et à la condamnation de l'Agence Centrale, Daniel Cribier et Serge Bono à payer la somme de 30 500 euro à titre de dommages et intérêts. Il sollicite aussi la réfaction du prix de vente, l'organisation d'une mesure d'expertise aux fins d'évaluer le prix réel du fonds de commerce, et la condamnation des époux Carlier ainsi que de l'Agence Centrale, de Daniel Cribier et de Serge Bono à rapporter à titre provisionnel la somme de 76 276 euro. Il réclame enfin une indemnité de 15 300 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les époux Carlier demandent la confirmation pure et simple du jugement entrepris mais forment appel incident pour voir leur créance fixée à la liquidation de la SARL Pains et Délices d'Antan à la somme de 14 095,34 euro. A propos des demandes formées par Maître Dargent, ils font observer tout d'abord que l'assignation devant le Tribunal de commerce de Reims leur a été délivrée par la SARL Pains et Délices d'Antan et Fabien Claisse qui ont donc renoncé à la clause d'attribution de compétence aux juridictions parisiennes, de sorte que l'incompétence aujourd'hui soulevée n'est plus recevable. Sur les manœuvres dolosives, ils affirment qu'au moment de la signature de la promesse de vente, ils ignoraient totalement le projet d'ouverture d'un terminal de cuisson de pâtons surgelés, lequel commerce n'étant au surplus pas dans leur secteur de chalandise puisqu'il ne s'agit pas d'une boulangerie traditionnelle. Ils observent par ailleurs que dans le quartier, il existe 14 boulangeries traditionnelles dont 6 dans la rue Jean Jaurès, 2 boulangeries de grandes surfaces et 2 dépôts de pains. Ils ajoutent que lors de la signature de l'acte authentique de vente, l'attention de l'acheteur a été spécialement attirée sur l'ouverture prochaine, alors connue, du "Fournil de Papé" et que les mentions contenues à ce propos dans le contrat excluent toute notion de dol. Ils remarquent que le terminal de cuisson a été ouvert le 31 décembre 1997 et que Fabien Claisse a commencé son activité le 19 février 1998, jour de la signature de la vente, que début janvier il avait déjà été averti de l'élément nouveau. Sur l'état du four de cuisson, ils répliquent qu'il fonctionnait bien au moment où ils ont cédé leur fonds et que pendant huit jours, ils ont accompagné Fabien Claisse, conformément à leur obligation contractuelle, dans l'exploitation de la boulangerie et qu'aucune anomalie de fonctionnement ne leur a été signalée. Ils estiment donc qu'il n'existe aucune preuve de sa défectuosité au jour de la prise de possession et rappellent que le cessionnaire, professionnel de surcroît, a déclaré prendre le fonds avec tous ses éléments corporels et incorporels dans l'état où ils se trouvaient. En ce qui concerne les chiffres d'affaires, ils font valoir qu'ils les ont toujours maintenus en progression constante tant qu'ils ont exploité le fond et que l'affaire n'a périclité qu'après leur départ. Ils affirment n'avoir usé d'aucune manœuvre pour tronquer les chiffres donnés. Ils indiquent qu'eux-mêmes avaient tout intérêt à la réussite de la cession car ils restaient tenus vis-à-vis du bailleur du paiement du loyer et qu'il est donc faux de prétendre qu'ils n'ont eu de cesse de dénigrer les acquéreurs après leur départ. Considérant que la procédure engagée à leur encontre est abusive, ils réclament contre Maître Dargent une somme de 7-700 euro à titre de dommages et intérêts et sollicitent une somme de même montant en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Daniel Cribier, en sa qualité d'exploitant sous l'enseigne "Agence Centrale", observe en premier lieu que l'exception d'incompétence n'a pas été soulevée avant toute défense au fond en première instance et qu'elle est donc aujourd'hui irrecevable. Au fond, il explique que Fabien Claisse s'est obligé à régler la rémunération de l'intermédiaire en même temps qu'il s'était engagé à acquérir le fonds de commerce, et qu'il n'a jamais payé cette rémunération. Il approuve donc la décision du tribunal qui a condamné Fabien Claisse et la SARL Pains et Délices d'Antan a payé celle-ci, soit la somme de 178 488 FF TTC avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 1998 dès lors qu'il est certain qu'il avait été établi que les époux Carlier n'avaient jamais eu connaissance de l'installation d'un terminal de vente de pains au moment de la signature de la promesse de vente et qu'au surplus ce nouveau commerce n'avait apporté aucune perturbation commerciale dans le quartier. Sur le mandat vente, il indique qu'il n'est pas susceptible de contestation dans la mesure où il est mentionné dans la promesse de vente que les parties reconnaissaient avoir été mises en présence l'une de l'autre par l'Agence Centrale. En ce qui concerne le bon de visite, il note que la comparaison des signatures apposées sur les différents documents établis à l'occasion de l'opération de vente permet de considérer que celles figurant sur le bon de visite n Il B du 25 novembre 1997 ne sont pas fausses. Il rejette tout autant le moyen de nullité soulevé à propos de la reconnaissance personnelle de dette de Fabien Claisse relative au paiement des honoraires de commissionnement dès lors que les manœuvres frauduleuses invoquées ne sont pas prouvées et que Serge Bono était parfaitement en droit, en tant que titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier, de faire établir à son nom propre une telle reconnaissance car au sein de l'agence, il s'occupait personnellement des cessions de fonds de commerce. Sur la vente elle- même, il soutient que dès que Fabien Claisse a été avisé de la vente du fonds de commerce des époux Carlier, il s'est rendu à Reims pour visiter les locaux, soit le 25 novembre 1997, et a été mis aussitôt en possession des bilans comptables et de commerce tenus par les vendeurs. Il ajoute que pour cette opération, Fabien Claisse avait un conseil, le Cabinet comptable Lefebvre Quillart, à qui il a remis l'ensemble de ces documents ; qu'il est ensuite venu à Reims de nombreuses fois et qu'il a donc été en mesure de s'assurer des contingences locales afférentes au fonds de commerce qu'aucune banque consultée n'a émis d'avis défavorable sur le projet; que Serge Bono n'a appris l'ouverture du terminal de cuisson qu'en même temps que les époux Carlier, soit le jour de la signature de l'acte de vente et qu'il n'y avait aucune raison qu'il le connût auparavant, Il fait en outre valoir que le jour de la vente, il a été proposé à Fabien Claisse de retarder la signature de l'acte pour lui permettre le temps de la réflexion, mais qu'il a refusé en souhaitant que la vente fût conclue immédiatement. Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement déféré, sous réserve de constater que désormais la SARL Pains et Délices d'Antan est en liquidation judiciaire et qu'il y a lieu de condamner Fabien Claisse à lui payer la somme de 27 210,32 euro, laquelle ne pourra être reversée à hauteur de 90 % à Serge Bono que lorsque la créance aura été effectivement payée. Aux termes de ses écritures, il réclame contre la SCP Dargent Morange, ès qualités, et Fabien Claisse la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Serge Bono constate également que l'incompétence soulevée devant la cour est tardive pour ne pas avoir été soutenue avant toute défense au fond devant le tribunal. Sur le mandat de vente et la validité du bon de visite du 25 novembre 1997, il oppose les mêmes arguments que ceux défendus par Daniel Cribier. Sur la reconnaissance de dette, il observe que Fabien Claisse ne remet pas en cause son écriture, ni sa signature et qu'il ne rapporte pas la preuve des manœuvres dolosives qu'il invoque. Il estime normal que la reconnaissance de dette ait été signée avec lui dans la mesure où Fabien Claisse n'a eu affaire qu'avec lui. Il ajoute qu'il a toujours été le seul dans l'agence à s'occuper de la cession de fonds de boulangerie-pâtisserie, étant le seul à bien connaître cette profession, et était titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier qui lui permettait personnellement de recueillir l'engagement des parties. Il affirme qu'il a parfaitement accompli son rôle d'intermédiaire, notamment en obtenant une baisse du prix de cession au profit de Fabien Claisse. En ce qui concerne la vente même du fonds, il réfute toutes les accusations de manœuvres dolosives portées à son encontre en faisant valoir que Fabien Claisse a été en possession de tous les documents comptables de la boulangerie, qu'il a bénéficié de l'assistance d'un professionnel de la comptabilité qui a élaboré son plan de financement, qu'il est venu à Reims de nombreuses fois et a eu à chaque fois l'occasion de visiter la boulangerie et de connaître le contexte commercial local, Il certifie n'avoir jamais connu lui-même, avant la signature de la promesse de vente, l'ouverture prochaine d'un terminal de cuisson. Il objecte, par ailleurs, que si Fabien Claisse n'a pu prendre connaissance de l'acte de vente que la veille de la signature, il ne peut que le reprocher au notaire rédacteur. Il termine ses écritures en sollicitant la condamnation personnelle de Fabien Claisse à lui payer la somme de 27 210,32 euro au titre de ses honoraires de commissionnement. A titre subsidiaire, pour le cas où la cour attribuerait cette somme à Daniel Cribier, il demande de dire que 90 % de son montant devront lui être attribués. Il réclame enfin contre la SCP Dargent Morange, ès qualités, et Fabien Claisse une indemnité de 1 219,59 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'instruction de l'affaire a été clôturée en cet état des prétentions et moyens des parties par une ordonnance 5 novembre 2003.

Par lettre du 4 novembre 2003, l'avoué de Serge Bono a sollicité le rejet des écritures de Fabien Claisse notifiées le 30 octobre 2003 et de celles de la SARL Pains et Délices d'Antan notifiées le même jour, ainsi que des pièces communiquées en même temps par ce dernier, au motif qu'il était impossible pour le client d'en prendre connaissance avant la clôture des débats et que le respect du principe de la contradiction n'avait pas été respecté.

Motifs de la décision

1- Sur la demande de rejet d'écritures et de pièces

En ce qui concerne les écritures déposées par Fabien Claisse et la SCP Dargent & Morange quelques jours avant la clôture des débats, force est de constater qu'elles reprennent intégralement les écritures précédemment déposées, qu'elles ne développent ni prétentions, ni moyens nouveaux et qu'elles n'ont eu pour seul objet que de répondre aux arguments avancés par les parties adverses. Dès lors que tout ce qu'elles contenaient était donc déjà dans le débat, la tardiveté de leur notification n'a pas été de nature à porter atteinte au principe de la contradiction.

Quant aux pièces, il s'avère que toutes celles mentionnées en annexe des conclusions récapitulatives n° 2 de la SCP Dargent avaient déjà été communiquées à l'appui des premières conclusions déposées le 5 octobre 2000 par l'avoué de ladite SCP, à l'exception des pièces cotées n° 63, 64, 65, 66 A, 66 B et 67 qui, jusqu'au 30 octobre 2003 n'avaient jamais été communiquées. Il est, dans ces conditions, certain qu'à cette date, Serge Bono n'était plus en mesure de produire des observations éventuelles sur la forme et le contenu de ces pièces. Cette notification tardive contrevient donc au principe de la contradiction des débats et ne saurait être admise par la cour. En toute hypothèse, l'examen de ces pièces révèlent qu'elles sont sans intérêt pour la solution du litige.

2- Sur l'incompétence

Il est constant qu'en cette affaire, la procédure a été initiée par Fabien Claisse et la SARL Pains et Délices d'Antan qui ont saisi tous deux le Tribunal de commerce de Reims. Il est donc pour le moins curieux que devant la cour, ils se réfèrent à la clause d'attribution de compétence insérée dans la promesse synallagmatique de vente pour soulever l'incompétence de cette juridiction. En premier lieu il convient d'observer que les exceptions de procédure doivent toujours être soulevées avant toute défense au fond et qu'en conséquence, la compétence des juridictions parisiennes auraient dû être revendiquée devant les premiers juges. En second lieu, en vertu des dispositions du Code de l'organisation judiciaire et plus particulièrement de l'article R. 212-2, une cour d'appel ne connaît de l'appel que des jugements des juridictions situées dans son ressort. Il est donc impossible pour la Cour d'appel de Paris de statuer en appel sur une décision émanant du Tribunal de commerce de Reims. L'exception d'incompétence est de la sorte dépourvue de fondement et sera rejetée.

3-Sur la régularité des opérations avant précédé la signature de la promesse de vente

3-1 Sur le mandat de vente du 21 novembre 1997

Des pièces versées aux débats, il s'avère que deux mandats de vente sans exclusivité ont été successivement consentis par les époux Carlier à l'Agence Centrale : le premier daté du 20 novembre 1997 sur lequel ne figure aucun nom d'acheteur, le second daté du 21 novembre 1997 sur lequel figure le nom de Fabien Claisse. Si celui-ci apparaît donc sur ce dernier document, c'est qu'il était nécessairement connu des mandants et du mandataire au moment où l'acte a été signé. Les époux Carlier et l'Agence Centrale, qui' ne contestent pas leurs signatures, étaient dès lors parfaitement en droit de limiter le mandat de vente à un seul potentiel acheteur qui avait déjà fait part de sa manifestation d'intérêt à l'opération de vente annoncée. Aucune raison objective ne permet de considérer, dans ces conditions, que la seule référence faite à Fabien Claisse constituerait une preuve de manœuvres frauduleuses concertées entre les vendeurs et leur mandataire.

3-2 Sur la régularité du bon de visite

Pour statuer sur l'incident de faux qui lui est soumis, la Cour dispose en original du bon de visite litigieux et de diverses copies de documents sur lesquels est apposée la signature de Fabien Claisse qui ne les conteste pas. S'il est exact que la signature figurant sur le bon de visite semble avoir été surchargée, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle ne diffère pas des signatures qui figurent sur les autres documents non contestés. Dans ces conditions, l'accusation de faux n'apparaît pas reposer sur des éléments de preuve sérieux, d'autant qu'il est par ailleurs constant que Fabien Claisse a visité les locaux commerciaux avant la signature du compromis de vente, ainsi qu'il l'a formellement déclaré dans cet acte, et qu'il n'est produit aux débats aucun autre bon de visite de nature à certifier qu'il les aurait visités à une autre date et dans d'autres conditions que celles exposées dans le bon de visite critiqué.

3-3 Sur la reconnaissance de dette

Cette reconnaissance de dette concerne les honoraires de commissionnement dont il est dit dans la promesse de vente qu'ils devaient être réglés au mandataire, c'est à dire à l'Agence Centrale, par l'acquéreur du fonds de commerce après la levée de la dernière condition suspensive. Il s'avère ainsi qu'en toute hypothèse, la somme correspondant à ces honoraires devait être payée, une fois la vente parfaite, par la personne désignée comme acquéreur dans l'acte sous-seing privé, c'est-à-dire par Fabien Claisse qui avait faculté de substituer toute personne physique ou morale de son choix. Il ne saurait dès lors être valablement soutenu qu'il y a eu manœuvres frauduleuses en ce qu'il a été demandé à Fabien Claisse de s'engager personnellement à payer lesdits honoraires dans la mesure où la promesse de vente le désignait expressément "acquéreur" et qu'il n'a pas usé, en cette matière, de la faculté précitée alors qu'il avait déjà créé la SARL Pains et Délices d'Antan. Il convient en outre de constater que la reconnaissance de dette du 12 février 1998 ne déroge pas aux conditions stipulées dans ladite promesse dans la mesure où elle a été faite à Serge Bono en sa qualité de représentant de l'Agence Centrale. En effet, Fabien Claisse déclare dans ce document devoir la somme de 178 000 FF à l'Agence Centrale et s'engage à la payer à "M. Bonno Agence Central" (retranscription littérale de l'expression utilisée dans la reconnaissance de dette). Il ne peut davantage être reproché à Serge Bono d'avoir abusé de son mandat au sein de l'Agence Centrale, ce grief ne pouvant être formulé que par l'agence en question, laquelle, représentée à la procédure par Daniel Cribier, ne le fait pas. Il s'ensuit que de tout ce qui précède, Fabien Claisse ne peut valablement soutenir qu'il a été lésé par une reconnaissance de dette qu'il a librement signée, sans menace, ni contrainte, et qui n'est intervenue que comme moyen d'exécution d'un engagement pris par lui-même lors de la signature de la promesse de vente.

4- Sur la régularité des opérations de vente

Maître Dargent et Fabien Claisse considèrent que l'opération de vente est irrégulière et doit être annulée en raison du consentement vicié de l'acquéreur par les manœuvres dolosives des Epoux Cartier concertées avec leur mandataire, l'Agence Centrale prise en la personne de Daniel CRIBER et de Serge Bono. Les manœuvres dolosives avancées seraient, selon les appelants, Constituées d'une part, par l'ouverture du "Fournil de Papé", d'autre part, par l'absence de véracité des chiffres d'affaires annoncés du fonds de commerce. Avant d'analyser l'une et l'autre des manœuvres alléguées, il importe de rappeler que le dol, cause de nullité du contrat, est constitué par des agissements malhonnêtes en vue de faire souscrire un engagement qui n'aurait pas été pris si l'on avait pas agi de cette manière envers le contractant.

4-1 Sur l'ouverture du "Fournil de Papé"

Le grief relatif à cette ouverture est fondé sur la réticence dolosive. Les époux Carlier, comme les représentants de l'Agence Centrale, auraient volontairement tu une information qu'ils possédaient afin d'induire en erreur Fabien Claisse sur le marché local de boulangerie immédiatement environnant du fonds de commerce qu'on lui avait offert à la vente.

Il convient à ce sujet, et en tout premier lieu, d'observer que dans la promesse de vente, les vendeurs du fonds avaient déclaré expressément qu'à leur connaissance, il n'existait aucune ouverture prochaine d'un commerce semblable à celui objet de la vente et pouvant lui nuire.

Des pièces versées aux débats, seulement deux attestations laissent entendre que les époux Carlier étaient au courant, avant les négociations ayant précédé la signature de la promesse de vente, d'un terminal de cuisson qui, bien que ne pouvant prétendre à l'appellation boulangerie, était destinée à vendre des produits similaires à ceux fabriqués par les boulangers-pâtissiers.

D'une part, il s'agit de l'attestation de Monsieur Laurent Rochette, boulanger alors installé dans le même quartier que les époux Carlier, aux termes de laquelle il explique avoir eu connaissance de l'ouverture du terminal dès la fin 1996 et être certain que lesdits époux Carlier étaient forcément au courant de l'événement annoncé dès lors qu'ils appartenaient au syndicat des artisans-boulangers qui, à plusieurs reprises, avait manifesté sa désapprobation au sujet de ce projet commercial. Il importe d'ajouter que non seulement Laurent Rochette a délivré cette attestation mais avait, antérieurement à l'ouverture du terminal, et donc antérieurement à la vente du fonds de commerce des époux Carlier, adressé une lettre au Tribunal administratif de Chalons En Champagne au nom de tous ses "collègues artisans-boulangers du quartier" aux fins de protester contre la délivrance du permis de construire qui avait été accordé pour l'édification du terminal.

D'autre part, il s'agit de l'attestation de Monsieur Vinsonneau, également boulanger dans le même quartier, aux termes de laquelle il affirme que l'ouverture du terminal était connue de tous suite à une réunion syndicale qui s'était tenue en avril 1997.

Bien que ces attestations soient contestées par les intimés, il paraît peu probable que les professionnels de la boulangerie, de même d'ailleurs que les professionnels de la vente de fonds de commerce, qui ont tous une obligation de s'informer, ne fussent pas avertis de l'ouverture d'un terminal de cuisson qui, bien que nature industrielle, était nécessairement amené à concurrencer l'activité artisanale traditionnelle des boulangers, d'autant que ce terminal a été créé sous forme de société à responsabilité limitée et a donc nécessairement fait l'objet d'une publication dans les revues d'annonces spécialisées, et qu'il a en outre donné lieu à demande de permis de construite et, par conséquent, également à publication de ce chef.

Pour autant et pour les même raisons, l'ignorance dans laquelle Fabien Claisse s'est trouvé est inexcusable, car en tant que professionnel, il avait également l'obligation de s'informer et donc de vérifier avant l'acquisition du fonds de commerce l'état du marché de la boulangerie dans le secteur où il comptait s'installer. Il ne peut, dans ces conditions, que s'en prendre à lui-même de son défaut de vérification, laquelle vérification auprès du syndicat des boulangers, de la préfecture et du registre du commerce lui aurait permis facilement de savoir qu'un commerce nouveau et potentiellement concurrentiel devait s'ouvrir à proximité du local qu'il entendait acheter.

En toute hypothèse, l'erreur dans laquelle il s'est trouvé n'a pas été déterminante dans sa décision de contracter car il en a pris conscience à un moment où il pouvait encore se dédire, puisqu'il n'avait pas réitéré sa volonté d'acheter par acte authentique, et ce à un coût très largement moindre que celui de la perte totale du fonds de commerce qu'il lui impute aujourd'hui, l'indemnité, au surplus discutable, ayant été fixée en ce cas à 125 000 FF.

4-2 Sur l'absence de véracité des chiffres d'affaire

Dans la promesse de vente, Fabien Claisse a déclaré qu'il avait examiné les livres comptables se rapportant aux trois dernières années d'exploitation du fonds de commerce par les époux Carlier. Or, il s'avère qu'après l'analyse de ces documents opérée fin 1998 par la société d'expertise comptable Montador et Associes pour le compte de la SARL Pains et Délices d'Antan, il est apparu que le chiffre d'affaires calculé à partir du livre des recettes était en baisse depuis environ 12 mois avant la vente et qu'il existait un écart entre le chiffre d'affaire déclaré au compte de résultat et le chiffre d'affaires calculé à partir du livre des recettes au titre des exercices 1995/1996 et 1996/1997. Il est dès lors constant que dès avant la signature de la promesse de vente, Fabien Claisse était en possession de tous les éléments qui lui permettaient de connaître ce résultat aujourd'hui déploré. Il ne peut, dans ces conditions, être valablement soutenu que les époux Carlier ont caché ou tronqué les informations comptables pour tromper leur acheteur.

Il s'ensuit qu'en l'absence de manœuvres dolosives à un quelconque titre, tous les arguments développés sur la cause de la baisse brutale du chiffre d'affaires après la vente sont sans intérêt.

4-3 Sur la vétusté du four

Il suffit une fois de plus de rappeler que Fabien Claisse est un boulanger qui exploitait avant d'acquérir la boulangerie des époux Carlier un fonds de commerce de boulangerie qu'il avait donc au moment de s'engager une connaissance nécessairement suffisante des matériels de cuisson pour s'apercevoir que le four du fonds qu'il entendait acheter était ancien ; qu'il a par ailleurs déclaré, dans le compromis de vente, "reconnaître les matériels en état de fonctionnement" et "prendre le fonds dans l'état où il se trouvera(it) le jour de la prise de possession, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni diminution de prix pour cause de vétusté, dégradation ou détérioration" que Maître Dargent et Fabien Claisse sont dès lors mal venus pour prétendre que la vétusté du four ne pouvait être détectée avant la signature du compromis de vente.

5- Sur les demandes reconventionnelles

5-1 Sur les demandes des époux Carlier

Les époux Carlier forment appel incident de ce chef en faisant valoir que désormais la créance qu'ils revendiquent ne peut plus qu'être inscrite au passif de la SARL Pains et Délices d'Antan.

Ils ont produit leur créance à la liquidation, mais le juge commissaire a sursis à statuer sur la demande jusqu'à ce que la cour de céans rende sa décision dans la présente affaire. Il ne saurait dès lors être soutenu que la réclamation des époux Carlier est irrecevable au motif que la créance n'a pas été produite à la procédure collective, pas plus qu'il ne saurait être prétendu qu'elle est tardive pour ne pas avoir été présentée en première instance alors que devant les premiers juges, la procédure collective n'était pas encore ouverte.

En ce qui concerne le montant du stock, il est produit aux débats seulement deux états dont l'un n'est pas signé par Fabien Claisse et dont l'autre, signé, n'est pas daté de sorte qu'il n'est pas possible de savoir s'il s'agit effectivement d'un inventaire de marchandises laissées en stock au moment de la prise de possession du fonds de commerce par le nouveau propriétaire. Ces éléments sont dès lors insuffisants pour considérer qu'il s'agit de l'inventaire contradictoire prévu dans le compromis de vente aux termes duquel il était stipulé que la reprise des marchandises devait être payée au prix des factures d'achat hors taxes sur production desdites factures.

S'agissant des impôts, en vertu du compromis de vente et de l'acte authentique de vente, il était convenu que l'acquéreur devait régler à compter de l'entrée en jouissance les impôts, contribution, taxe professionnelle auxquels le fonds était assujetti. Pour la taxe professionnelle, il était spécialement prévu qu'il rembourserait au cédant, au prorata du temps, la taxe professionnelle acquittée par ce dernier pour l'année entière. Il résulte, par ailleurs, des documents contractuels que d'une part, le fonds de commerce comprenait une maison sise à Reims, 164 avenue Jean Jaurès, cadastrée section CV n° 1002, composée d'un rez-de-chaussée avec une boulangerie, un fournil et un laboratoire et de deux étages, d'autre part, l'immeuble abritant le fonds de commerce ainsi défini faisait l'objet d'un bail de neuf années.

Pour ce qui concerne la taxe d'habitation, les époux Carlier produisent la copie de deux avis émis pour l'année 1998 dont l'un se rapporte à l'immeuble sis 164 avenue Jean Jaurès mais dont l'autre concerne un immeuble sis 1 rue de Metz qui n'a jamais été inclus dans la désignation du fonds de commerce ayant fait l'objet de la vente. A ce dernier titre, la demande des époux Carlier n'est donc pas fondée. Au titre de l'autre avis, les termes contractuels employés ne permettent pas de considérer que la taxe d'habitation devait être payée par l'acquéreur au prorata du temps passé. Il convient donc de s'en tenir au principe selon lequel cet impôt est payé par l'occupant des lieux au 1er janvier de l'année d'imposition. En revanche, il ne fait aucun doute que la taxe professionnelle devait être payée par l'acquéreur au prorata du temps passé, donc à 10/12e du montant pour l'année 1998, soit à 28 245 FF ou 4 305,92 euro.

Concernant les éléments de cuisine du local d'habitation attaché au fonds de commerce, il s'avère qu'ils n'ont pas été inclus dans la désignation des biens du fonds en question et que Fabien Claisse s'est engagé personnellement à l'acheter aux termes d'une reconnaissance datée du 2 décembre 1997. Il ne saurait dès lors être réclamé à Maître Dargent, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Pains et Délices d'Antan, la somme correspondant à cet engagement dont est seul débiteur Fabien Claisse envers qui force est de constater qu'il n'est rien demandé à ce titre.

Les époux Carlier demandent également des dommages et intérêts pour procédure abusive sans expliquer en quoi consiste l'abus alors que, par ailleurs, ils sont eux-mêmes demandeurs à l'instance. Ils seront donc déboutés de ce chef. L'équité commande en revanche de condamner Maître Dargent, ès qualités, à leur payer la somme de 2 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

5-2 Sur les demandes de Serge Bono et Daniel Cribier

Il est constant, au vu de ce qui précède, que Fabien Claisse s'est engagé personnellement à payer à Serge Bono, agent immobilier, les honoraires de commissionnement dus à l'Agence Centrale. Il n'existe aucune raison pour que cet engagement ne soit pas honoré. Il convient dès lors d'infirmer sur ce point le jugement déféré qui a condamné Fabien Claisse à payer les honoraires à Daniel Cribier, alors que celui-ci ne bénéficiait pas de la reconnaissance de dette. Fabien Claisse sera, par conséquent, condamné à payer à Serge Bono la somme de 27 210,32 euro avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 1998, date de la mise en demeure valant interpellation suffisante au sens de l'article 1153 du Code civil. Compte tenu de ce que Daniel Cribier reconnaît que 90 % de cette somme restera acquise à Serge Bono, il y a lieu de dire que celui-ci devra reverser à Daniel Cribier les 10 % restants une fois qu'il aura reçu le paiement effectif des honoraires.

L'équité commande de condamner Maître Dargent, ès qualités, et Fabien Claisse à payer à Serge Bono et Daniel Cribier chacun la somme de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Recevant en la forme l'appel principal de Maître Dargent, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Pains et Délices d'Antan et les appels incidents de Fabien Claisse, des époux Carlier et de Serge Bono ; Déclare non fondés l'appel principal de Maître Dargent et l'appel incident de Fabien Claisse; Déclare partiellement bien fondé l'appel incident des époux Carlier; Déclare bien fondé l'appel incident de Serge Bono; En conséquence, Confirme le jugement déféré en tant qu'il a débouté la SARL Pains et Délices d'Antan et Fabien Claisse de l'ensemble de leurs demandes; L'infirme en toutes ses autres dispositions; Et statuant à nouveau, Fixe la créance des époux Carlier au passif de la liquidation de la SARL Pains et Délices d'Antan à la somme de quatre mille trois cent cinq euro et quatre-vingt douze centimes (4 305,92 euro); Condamne Maître Dargent, ès qualités de la SARL Pains et Délices d'Antan à payer aux époux Carlier la somme de deux mille cinq cents euro (2 500 euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Déboute les époux Carlier de leurs plus amples demandes;

Condamne Fabien Claisse à payer à Serge Bono la somme de vingt sept mille deux cent dix euro et trente deux centimes (27 210,32 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 1998; Dit que Serge Bono reversera 10 % de cette somme à Daniel Cribier dès qu'il en aura reçu paiement; Condamne Maître Dargent, ès qualités de la SARL Pains et Délices d'Antan, et Fabien Claisse à payer à Serge Bono et à Daniel Cribier chacun la somme de mille euro (1 000 euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Maître Dargent, ès qualités de la SARL Pains et Délices d'Antan et Fabien Claisse aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel seulement pouvant être directement recouvrés par la SCP Delvincourt-Jacquemet, la SCP Thoma-Le Runigo-Delaveau-Gaudeaux et la SCP Genet et Braibant, avoués à la cour, dans les formes et conditions prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.