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Décisions

Ministre de l’Économie, 24 mai 2007, n° ECEC0756914S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Loxam SA

Ministre de l’Économie n° ECEC0756914S

24 mai 2007

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI

Décision Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 23 avril 2007, vous avez notifié la prise de contrôle exclusif de la société Laho Equipement (ci-après " Laho Equipement ") par la société Loxam SA (ci-après " Loxam "). Cette opération a été formalisée par un contrat de cession signé le 6 mars 2007.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

Loxam est principalement active dans la location de matériel de chantier, ainsi que dans la fourniture de services annexes à la location (livraison/enlèvement, réparation, carburant, assurances). Le groupe Loxam est présent dans neuf pays européens. En France, Loxam se compose de plusieurs filiales et départements qui sont regroupés autour d'un " pôle généraliste ", d'un " pôle spécialisé " et d'un " pôle immobilier ". De manière résiduelle, Loxam est également active dans la vente de matériels de chantier, d'outillages, et de petits matériels. L'activité de Loxam est organisée selon un réseau d'environ 320 agences de location réparties sur l'ensemble du territoire national. En 2005, Loxam* a réalisé un chiffre d'affaires total mondial hors taxes de 485,5 millions d'euro, dont environ [> 50] millions d'euro en France.

Laho Equipement est détenue par la société holding Financière Vertigo SAS, elle-même contrôlée par des fonds d'investissement gérés ou conseillés par Barclays Private Equity France SAS. Laho Equipement est principalement active dans la location de matériel de chantier et dans la fourniture de services annexes à la location, quasi exclusivement en France (1). Laho Equipement y dispose de 116 agences de location. De manière résiduelle, Laho Equipement est également active dans la vente de matériels de chantier, d'outillages, et de petits matériels. En 2005, Laho Equipement a réalisé un chiffre d'affaires total mondial hors taxes de 112,6 millions d'euro, dont environ 112 millions d'euro en France.

L'opération notifiée consiste en l'acquisition de la totalité des titres de la société Financière Vertigo SAS. Aux termes du contrat de cession, Loxam détiendra ainsi le contrôle exclusif de Laho Equipement. Cette opération constitue donc une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatif à la concentration économique.

2. LES MARCHÉS CONCERNÉS

A titre liminaire, concernant les marchés de la vente de matériel de chantier et de produits accessoires (outillages, consommables, équipements de protection individuels, matériel électroportatif et autre petit matériel), où les parties sont actives de manière résiduelle, leur position sera inférieure à 5 % après l'opération, quelles que soient les délimitations de marché retenues. Dès lors, ces marchés n'ont pas besoin d'être plus précisément définis, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées.

Il convient d'étudier plus précisément les marchés sur lesquels les parties sont particulièrement actives. Ainsi, ces dernières sont simultanément présentes dans le secteur de la fourniture de matériel de chantier, et plus spécifiquement dans celui de la location de matériel de chantier.

2.1. Les marchés de service

Selon les parties, il existerait un marché global de la fourniture de matériel de chantier, incluant l'activité de vente et l'activité de location. En effet, elles considèrent que, du point de vue de la demande, les entreprises de construction ont le choix entre la location et l'achat du matériel de chantier. Dès lors, elles arbitreraient entre ces deux modalités pour procéder à la réalisation de travaux. Du côté de l'offre, des sociétés proposent à la fois du matériel à la vente et à la location. Cette substituabilité serait d'autant plus importante que les activités de la location et de la vente sont interpénétrées, comme en témoignerait la tendance des entreprises historiquement spécialisées dans la vente de matériel à proposer des services de location.

Toutefois, l'existence d'un marché global de la fourniture de matériel de chantier n'a pas été retenue par le ministre chargé de l'Economie dans sa pratique décisionnelle. Ainsi, une distinction a été faite entre la fabrication et la vente de matériel, d'une part, et la location de matériel, d'autre part (2). Au demeurant, il convient de relever que les parties, ainsi que leurs principaux concurrents, sont spécialisés dans la location de matériel de chantier. Leur activité de vente de matériel de chantier reste en effet très limité (elle ne représente que [0-5]% du chiffre d'affaires de Loxam en France et [0-5]% du chiffre d'affaires de Laho Equipement).

Au sein du marché distinct de la location de matériel, la question de segmentations plus fines se pose, même si les parties considèrent qu'il forme un marché pertinent pour l'analyse concurrentielle.

2.1.1. Une segmentation par type de matériel

Concernant l'activité de location de matériel de chantier, les parties ont indiqué qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les différents types de matériel dans la mesure où, d'une part, " un client demande une fonction et non pas un engin en particulier " et où, d'autre part, " les sociétés de location proposent tous types d'engins. "

Les parties à la présente opération ont indiqué que, du point de vue de la demande, les clients s'adresseraient à des loueurs pour obtenir un service, à savoir celui de la location de matériel. Ces clients rechercheraient en fait une ou plusieurs fonctions (énergie, élévation, compactage, terrassement, construction modulaire) et attendraient des loueurs qu'ils offrent des gammes diversifiées de matériel pouvant correspondre à leurs besoins. A l'appui de cet argument, les parties ont fourni un échantillon de factures montrant effectivement que plusieurs types de matériel, aux fonctions différentes, sont loués simultanément par une même entreprise pour un chantier donné. Ainsi, par exemple, une entreprise qui loue une nacelle élévatrice peut également louer, auprès du même prestataire, des compresseurs, des groupes électrogènes et des bungalows.

Le test de marché a confirmé que les entreprises qui font appel à un loueur de matériel de chantier recherchent la possibilité d'accès à une gamme diversifiée d'outils.

En outre, les entreprises de location proposent généralement une gamme complète de matériel, couvrant un grand nombre de types d'engins qu'ils peuvent ajuster aisément en fonction de la demande des clients. Selon les parties, qui s'appuient sur des données du DLR, il y aurait en France 2 040 établissements dits " généralistes ", soit environ 62 % des points de location (3).

Il convient néanmoins de nuancer les arguments conduisant à caractériser un marché pertinent de la location de matériel de chantier.

Le ministre chargé de l'Economie a déjà eu l'occasion d'étudier ce secteur et analysé l'opération sur des segments plus fins. Dans la décision Pinguely précitée, il a ainsi défini " l'activité de location [comme] consist[ant] à mettre en relation des professionnels qui, d'un côté, proposent une gamme de produits et de services associés (assistance, réparation, éventuellement mise à disposition de personnel qualifié) et, de l'autre, louent ces engins généralement pour de courtes périodes (utilisateur final de type entreprise de bâtiment par exemple). " Or, dans cette précédente affaire, les parties à l'opération étaient simultanément actives sur le marché des engins élévateurs, sur lequel leur position a été analysée.

En outre, la pratique de la multi location ne peut être généralisée à l'ensemble des clients puisque certains peuvent avoir un besoin spécifique. En effet, le test de marché a confirmé la pertinence d'une segmentation car, du point de la vue de la demande, il peut exister un besoin particulier pour un type de matériel, notamment lorsque l'entreprise du bâtiment ne réalise qu'une tranche de travaux ne nécessitant qu'un seul type de matériel.

Enfin, l'existence d'une proportion non négligeable de loueurs spécialisés dans la location d'un type de matériel précis (environ 40 % des acteurs de la location de matériel de chantier en France) est également un indice tendant à délimiter plus finement le marché.

Au cas d'espèce, Loxam et Laho Equipement sont présentes sur tous les types de matériel de chantier proposés à la location puisque ces acteurs détiennent une gamme complète d'engins. Les parties sont donc simultanément présentes sur les segments suivants, qui regroupent les matériels par grande fonction, à savoir :

- le matériel d'élévation de personnes. Ce type de matériel comprend toutes les machines mobiles destinées à déplacer des personnes pour la réalisation de travaux en hauteur ;

- les groupes électrogènes, qui sont des appareils de production autonome d'électricité ;

- le matériel de construction modulaire, constitué par des éléments mobiles et modulables de bureau, d'habitation ou d'entreposage temporaires ;

- le matériel pour le compactage qui est composé de machines automotrices ou portées, destinées à compacter des sols ou des revêtements ;

- le matériel pour le terrassement. Ce type de matériel comprend toutes les machines automotrices destinées à effectuer des opérations de chargement ou d'excavation, ainsi que leurs accessoires, pour tout type de travaux et de chantiers.

Au cas d'espèce, il n'est toutefois pas nécessaire de trancher définitivement la question de la délimitation exacte des marchés pertinents concernés par l'opération. En effet, quelles que soient les segmentations retenues, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

2.1.2. Une segmentation selon l'importance du chantier

La question de l'existence d'une segmentation supplémentaire selon l'importance du chantier a été évoquée par des tiers à l'occasion du test de marché. Le marché de la location de matériel pourrait en effet être segmenté plus finement en fonction de la capacité des entreprises de location à intervenir sur le plan national pour des travaux d'envergure. Il apparaît toutefois qu'une telle segmentation ne se justifie pas puisque les chantiers restent circonscrits à une zone géographique restreinte. En outre, pour les chantiers de grande ampleur, tels que ceux des lignes à grande vitesse, par exemple, il apparaît qu'il s'agit plutôt d'une succession de chantiers qui nécessitent, pour chaque tranche locale, de faire appel à des loueurs installés à proximité des travaux réalisés.

L'instruction n'a donc pas permis de confirmer la pertinence d'une segmentation du marché de la location de matériel de chantier selon l'importance du chantier.

2.1.3. Une segmentation par type de clientèle

De la même manière, des tiers ont évoqué la possibilité de segmenter le marché selon que le client est " un grand compte ", une entreprise locale du bâtiment ou une collectivité locale. Une entreprise active au niveau national pourrait en effet avoir une propension à faire appel à un fournisseur qui dispose d'agences sur l'ensemble du territoire et d'une organisation lui garantissant une disponibilité immédiate du matériel recherché. La crainte de voir la nouvelle entité acquérir une position incontournable pour les clients qui travaillent sur l'ensemble du territoire national est ainsi ressortie du test de marché.

Toutefois, il n'existe pas de gamme de matériels destinée spécifiquement aux grands comptes dans la mesure où ces derniers n'ont pas de besoins différents des artisans du bâtiment. L'instruction n'a pas permis d'établir que la demande des grands comptes en termes de matériel ou de service soit spécifique, ni que ces grandes entreprises ne référençaient pas les loueurs ne disposant pas d'une couverture nationale.

De plus, les conditions tarifaires de la location de matériel de chantier sont relativement homogènes pour tous les types de clients. Par ailleurs, rien n'indique qu'il soit possible aux loueurs de mettre en place une tarification différenciée par type de clientèle, comme, par exemple, un grand compte ou un artisan du bâtiment. Enfin, il n'existe pas de loueurs de matériel de chantier spécialisé par type d'acheteurs.

En conséquence, l'instruction n'a donc pas permis de confirmer la pertinence d'une segmentation du marché de la location de matériel de chantier par type de clientèle.

2.2. Les marchés géographiques

Les parties considèrent que le marché global de la location de matériel de chantier, lest de dimension nationale. En effet, l'activité de location est caractérisée par l'existence d'un maillage constitué par un nombre important d'agences (plus de 800 en 2006), couvrant l'ensemble du territoire français. Selon les parties, cette disposition a pour conséquence " une propagation de proche en proche de la concurrence et donc une homogénéité des conditions de concurrence sur tout le territoire ". Les parties ont également indiqué que le marché se caractérisait également par des conditions de services (dépannage, entretien, livraison...) et de tarifs uniformes sur l'ensemble du territoire national, pour chaque réseau d'agences.

S'agissant des marchés de la location définis par grand type de matériel de chantier, le ministre chargé de l'Economie a déjà eu l'occasion de se prononcer pour une dimension nationale concernant la location d'engins élévateurs (4). Il pourrait être envisagé de retenir une délimitation identique pour les autres types de matériel dans la mesure où il existe des similarités dans les structures de ces différents marchés.

Toutefois, les autorités de concurrence considèrent que les marchés de location sont " par essence " des marchés locaux de distribution (5). Les parties reconnaissent en effet qu'une agence de location a, en général, un rayon d'action de 50 à 100 kilomètres, même si elles contestent la dimension locale du marché retenue pour les besoins de l'analyse. En effet, les grands groupes du BTP possèdent une organisation relativement décentralisée, reposant sur des filiales régionales. Ainsi, au sein de chaque région, des agences prennent en charge les chantiers à exécuter. Les parties précisent ainsi que " la responsabilité de la bonne exécution technique et économique d'un chantier repose sur les opérationnels locaux [...] qui prennent [...] les décisions relatives aux achats de services de location de matériel ".

Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher la question de la délimitation géographique exacte du marché global de la location de matériel de chantier dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

En tout état de cause, compte tenu du fait que la très grande majorité des concurrents des parties disposent d'une gamme complète de matériels de chantier offerts à la location, à l'exception des loueurs " spécialistes ", l'analyse menée au niveau local pour chacun des marchés de matériel sera analogue à celle menée au niveau local pour le marché global de la location " généraliste " de matériel de chantier. Une analyse au niveau national par type de matériel complétera cette approche en tenant compte de la concurrence des loueurs " spécialistes ".

3. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

3.1. Les positions des acteurs du marché

3.1.1. Sur le marché global

<emplacement tableau>

Sur le marché global de la location de matériel de chantier, au niveau national, la position des parties est estimée entre [10-20]%. Même si la nouvelle entité détiendra une part de marché nettement supérieure aux autres acteurs du marché, celle-ci est modérée et la nouvelle entité restera exposée à la concurrence de multiples acteurs.

3.1.2. Sur les segments définis par type de matériel

a) Segment de la location " généraliste " de matériel

<emplacement tableau>

Sur le segment de la location dite " généraliste " de matériel de chantier, au national, la position des parties est estimée entre [10-20]%. Bien que disposant de parts de marché sensiblement inférieures, les concurrents immédiats de la nouvelle entité sont des sociétés importantes : Kiloutou ([0-10]%), Hertz Equipement ([0-10]%), BML ([0-10]%).

b) Segments de la location " spécialiste " de matériel

- Position des acteurs sur le segment de la location de matériel d'élévation de personnes

<emplacement tableau>

Sur le segment de la location de matériel d'élévation de personnes, au niveau national, la position des parties est estimée entre [20-30]%. La nouvelle entité doit principalement faire face à la concurrence de Kiloutou ([10-20]%), et de loueurs spécialistes tels que Accès Industrie ([0-10]%), de Lev ([0-10]%) et de Salti/Nas'L ([0-10]%).

- Position des acteurs sur le segment de la location de groupes électrogènes

<emplacement tableau>

Sur le segment de la location de groupes électrogènes, au niveau national, la position des parties est estimée entre [10-20]%. La nouvelle entité reste confrontée à la pression du numéro un de la location de groupes électrogènes en France, Aggreko avec [10-20]% de parts de marché en valeur, ainsi que d'acteurs tels que Delta Service Loc. ([0-10]%), Energyst ([0-10]%) et Hertz Equipement ([0-10]%).

- Position des acteurs sur le segment de la location de matériel de compactage

<emplacement tableau>

Sur le segment de la location de matériel de compactage, au niveau national, la position des parties est estimée entre [10-20]%. La nouvelle entité devance largement ses concurrents qui détiennent des parts de marché en valeur très inférieures aux siennes.

- Position des acteurs sur le segment de la location de matériel de terrassement

<emplacement tableau>

Sur le segment de la location de matériel de terrassement, au niveau national, la position des parties est estimée entre [10-20]%. Les concurrents de la nouvelle entité détiennent des parts de marché en valeur plus limitées : la société Kiloutou en détient [0-10]%, BML [0-10]%, et Hertz Equipement [0-10]%.

- Position des acteurs sur le segment de la location de constructions modulaires

<emplacement tableau>

Sur le segment de la location de constructions modulaires, au niveau national, la position des parties est estimée entre [0-10]% et [20-30]%. Cette différence dans les parts de marché en valeur et en volume tient à l'existence de concurrents, dont Algeco, qui, bien que disposant d'un nombre limité d'agences, réalisent un chiffre d'affaires important sur ce marché.

Même si la nouvelle entité dispose à l'issue de l'opération d'une part de marché en volume non négligeable, celle-ci doit être relativisée au regard de sa part de marché en valeur qui apprécie le poids économique réel des acteurs sur ce marché spécialisé. En effet, il existe un " effet réseau " qui résulte du nombre important d'agences dont disposent les parties en comparaison de leurs concurrents spécialistes, qui opèrent à travers un réseau moins dense. Ce déséquilibre dans la couverture nationale, au profit de la nouvelle entité, ne saurait toutefois affaiblir la crédibilité de l'offre des concurrents parmi lesquels Algeco, premier acteur du marché de la location de constructions modulaires avec [20- 30]% de part de marché en valeur.

3.1.3. Sur les segments géographiques plus fins

Sur l'ensemble du territoire national, les parties sont présentes simultanément dans 62 départements, parmi lesquels cinq pourraient constituer autant de marchés distincts affectés par l'opération. En effet, dans l'Aisne, l'Aveyron, la Manche, la Meuse et les Pyrénées Orientales, la nouvelle entité détiendra plus de [20-30]% des agences de location de matériel de chantier. Loxam Laho Equipement

<emplacement tableau>

Les parties ont précisé que ces parts de marché étaient majorées compte tenu de l'existence de concurrents non référencés par l'annuaire Matériels & Chantiers, à partir duquel elles ont estimé le nombre d'agences de location de matériel de chantier au niveau de chaque département. En complétant ces données, les parties ont ainsi revu les parts de marché en volume cumulées et les ont estimées respectivement à [30-40]% (Aisne), [10-20]% (Aveyron), [10-20]% (Manche), [10-20]% (Meuse) et [10-20]% (Pyrénées Orientales).

En outre, la présence dans les départements limitrophes de concurrents susceptibles d'intervenir dans les zones de chalandise où les parties sont simultanément actives a également pour effet de minorer ces parts de marché. Ainsi, selon les parties, les loueurs implantés à Amiens, à Compiègne, voire à Lille proposent leurs services dans l'Aisne. Dans l'Aveyron, les loueurs peuvent également intervenir depuis Toulouse et Montpellier.

En tenant compte de ces éléments, les parties soutiennent donc que leur part de marché cumulée, au niveau départemental, serait par conséquent systématiquement inférieure à 25%.

Au-delà de la valeur des parts de marché, il convient d'étudier les contraintes concurrentielles actuelles auxquelles la nouvelle entité est soumise, notamment en analysant la capacité des autres acteurs à la concurrencer et celle des clients à contrebalancer un éventuel pouvoir du côté de l'offre.

3.2. Analyse des contraintes concurrentielles actuelles

3.2.1. Les autres acteurs présents sur le marché global

Plusieurs types d'acteurs sont actifs sur le(s) marché(s) de la location de matériel de chantier. Certains détiennent des agences couvrant l'ensemble du territoire français, tels que Loxam, Laho, Kiloutou, Hertz Equipment, BML, Algeco, Aggreko, Accès Industrie, CGL et Salti. D'autres sont des groupes régionaux, qui sont plus particulièrement actifs sur une partie, plus ou moins importante, du territoire. Il en existerait une trentaine, parmi lesquels Locarest et Régis Location. Enfin, il convient de relever le nombre très important d'acteurs locaux (plus de 800) que sont les PME actives dans une zone restreinte autour de leur(s) agence(s).

a) Les acteurs " nationaux "

Les parties ne sont pas les seuls acteurs du marché à disposer d'un maillage territorial de plusieurs dizaines d'agences de location, couvrant l'ensemble du territoire national. Qu'ils soient loueurs " généralistes ", comme Kiloutou, Hertz Equipement et BML, ou loueurs " spécialistes ", tels que Algeco, Aggreko, Accès Industrie, CGL ou Salti, ces concurrents sont en mesure d'intervenir sur des chantiers situés dans plusieurs régions françaises. En termes de positionnement commercial, les loueurs généralistes " nationaux " cités ci-avant sont considérés comme des concurrents directs des parties. Ils jouissent également d'une notoriété comparable au plan national même si Loxam est, et est perçu, comme " le numéro un de la location professionnelle ".

b) Les acteurs " régionaux "

Dans chaque région française, des groupes de taille importante mais disposant de plusieurs agences, sont en mesure de concurrencer la nouvelle entité. Des acteurs tels que Locarest (Alsace, Franche-Comté, Lorraine), Régis Location (Haute-Normandie), AEB (Centre), Locadour (Aquitaine), Locarmor (Bretagne), Cheraki (Provence-Alpes-Côte d'Azur), Vendée Location (Pays de la Loire) et Top'Loc (Rhône-Alpes) disposent au minimum de dix agences au niveau de leur région d'implantation respective.

c) Les acteurs " locaux "

Il s'agit de petites entreprises, très souvent familiales, qui offrent du matériel de chantier à la location dans nombre très limité d'établissements. Ces acteurs sont référencés dans un annuaire professionnel qui répertorie les fournisseurs de matériel de chantier (Matériels & Chantiers). Les parties ont indiqué que, malgré leur petite taille, ces acteurs étaient sollicités sur de " grands chantiers ". Les exemples fournis par les parties, concernant la construction d'une ligne de tramway à Lyon, d'une autoroute et d'une ligne ferroviaire à grande vitesse, montrent effectivement la présence d'acteurs locaux sur ces chantiers. La question pouvait se poser du caractère " accessoire " ou " complémentaire " de leur prestation sur des chantiers, où la nécessité de rationaliser les choix de sous-traitance peut amener à restreindre le nombre de loueurs de matériel. Toutefois, compte tenu du nombre déjà important d'entreprises de BTP actives sur un chantier, le recours à plusieurs types de loueurs (nationaux, régionaux et locaux) est une pratique très courante.

Les parties ont également précisé que des loueurs " locaux " étaient référencés chez les grandes entreprises du BTP, comme Vinci. Ces référencements constituent une sélection de prestataires susceptibles d'être retenus pour effectuer des locations sur des chantiers. Ces référencements s'effectuent essentiellement sur des critères tels que le prix, la qualité du matériel et la qualité du service. Dès lors, des entreprises de location de petite taille remplissant ces critères pourraient être sollicités par ces grandes entreprises du BTP.

3.2.2. Le contrepouvoir de la demande

En premier lieu, le poids que représentent les principaux clients de chacune des parties au sein de leur chiffre d'affaires est significatif. En effet, en 2005 et en 2006, les cinq clients les plus importants représentent respectivement environ [20-30]% du chiffre d'affaires de Loxam et environ [15-25]% de celui de Laho Equipement.

En second lieu, les grands groupes du BTP sont des acteurs importants qui détiennent de fortes capacités de négociation. En outre, les autres types de demandeurs (PME, collectivités locales) disposent de la capacité à rechercher des fournisseurs alternatifs. En effet, les entreprises qui font appel à des sociétés de location se caractérisent par leur mobilité dans la mesure où elles interviennent sur des chantiers qui sont, par définition, temporaires. Ceci explique, qu'à chaque nouveau chantier, les entreprises de location louent généralement le matériel pour la réalisation des travaux à proximité du chantier.

Enfin, même si les grands groupes du BTP sont confrontés à très peu de fournisseurs de matériel de location installés sur l'ensemble du territoire national, ils ont la possibilité de faire appel à des loueurs locaux et régionaux, ce que confirme le test de marché.

3.3. Analyse des contraintes concurrentielles potentielles

3.3.1. Examen des barrières à l'entrée

Il apparaît que sur les marchés étudiés, les barrières à l'entrée, mais aussi à l'expansion, sont faibles.

En premier lieu, la substitution d'un loueur par un autre n'est pas coûteuse. La location est en général de courte durée et il n'existe pas d'obstacles à passer d'un loueur à l'autre, compte tenu de la standardisation des matériels de chantier.

En outre, il n'existe pas de limitation de capacité : les loueurs peuvent agrandir leur parc locatif ou ouvrir sans obstacle significatif des nouvelles agences pour répondre à la demande des clients. Au vu de l'absence de barrières à l'expansion ou à l'entrée, chaque loueur a donc intérêt à accroître rapidement sa capacité pour répondre à une hausse des besoins des clients. A cet égard, il peut être relevé que la perspective d'un chantier important entraine la création d'agences à sa proximité pour répondre aux besoins prévus. Les ouvertures récentes d'agences de location de matériel de chantier dans les Bouches-du-Rhône à Cadarache, en prévision du projet ITER, constituent un exemple flagrant.

Selon les parties, il n'existerait pas non plus de barrières temporelles. Une nouvelle agence peut être ouverte en quelques mois grâce à la disponibilité des machines auprès des fournisseurs et à un accès facilité au financement, notamment par le biais du leasing.

L'entrée sur le marché de la location pour des acteurs opérant sur un secteur connexe (comme la fabrication ou la vente de matériel) est facilitée par la détention d'une expertise dans le secteur, d'un parc de matériel, voire d'un portefeuille de clients et d'un réseau d'agences déjà constitué.

Enfin, du point de vue des barrières financières, les parties estiment que l'investissement nécessaire pour ouvrir une agence disposant d'un parc locatif moyen avoisine 500 000 euro. Compte tenu des caractéristiques du marché, ce montant ne saurait être dissuasif à l'entrée ou à l'extension de capacités sur le marché.

3.3.2. Exemples récents d'entrée ou d'extensions de capacités sur le marché

A titre liminaire, il peut être indiqué que le nombre d'agences de location de matériel a augmenté de 14% environ en France de 2003 à 2006, ce qui représente entre 70 et 100 ouvertures d'agences chaque année.

a) Les entrées sur le marché

Des opérateurs actifs dans la fabrication et la vente de matériel sont entrés sur le marché de la location ces dernières années : les parties ont cité Caterpillar, Wacker, Atlas Copco, Haulotte.

D'autres acteurs ont pénétré récemment le marché de la location. Ainsi, Liebherr Location, qui a commencé son activité sur le territoire national en 2001, exploite à ce jour 21 agences. Réseau Loc, fililale du groupe britannique Wolseley, qui a ouvert sa première agence en 2005, exerce son activité à travers 18 agences implantées dans les points de distribution Réseau Pro. De même, dk Rental (Belgique), Riwall (Pays-Bas) et Zooom (Grande Bretagne) se sont implantés en France, entre 2000 et 2006.

b) Les extensions de capacités sur le marché

Le principal concurrent des parties, la société Kiloutou, qui dispose actuellement d'un réseau de 180 agences, a annoncé, selon les parties, un objectif de 275 agences à l'horizon 2009. Cette information est confirmée dans la presse spécialisée.

Enfin, d'autres acteurs nationaux tels que Régis Location et Locarest ont également développé leur réseau d'agences au cours des dernières années.

3.3.3. Perspectives de croissance du marché

Il avait déjà été relevé, dans une décision précédente mais datant de 1994, que le marché de la location de matériel de chantier était en pleine croissance (6).

Selon les parties, le marché de la location de matériel connaît toujours un mouvement durable de croissance. Les entreprises de BTP recourent en effet de plus en plus à la location comme alternative à la propriété du matériel.

Ainsi, en France, le marché de la location de matériel connaît depuis 2003 des taux de croissance annuelle compris entre 5% et 10%. Ces chiffres ont été confirmés par le test de marché.

3.4. Analyse des risques emportés par l'opération

3.4.1. Risque d'effets unilatéraux et de création ou de renforcement d'une position dominante

Comme l'indiquent les Lignes directrices de la DGCCRF relatives au contrôle des concentrations, " l'écart entre la position de l'entité issue de la fusion et ses principaux concurrents est [...] un indice d'atteinte à la concurrence [...] " (7). Ainsi, à l'occasion d'une opération dans le secteur de la sécurité, le ministre chargé de l'Economie avait saisi le Conseil de la concurrence dans la mesure où le nouvel ensemble détenait une part de marché (29 %) huit fois supérieure à celle de son premier concurrent.

Au cas d'espèce, il existera un écart important entre la position de la nouvelle entité et de ses concurrents, puisque, en termes de nombre d'agences, elle détiendra environ 2,5 fois plus d'agences que son premier concurrent et six fois plus d'agences que le troisième acteur. Il convient donc d'analyser les risques d'atteinte à la concurrence qui pourraient résulter de cet écart.

A l'issue de l'opération, la nouvelle entité disposera d'environ 440 agences réparties sur l'ensemble du territoire national : ce réseau lui confère une couverture géographique supérieure à celle de ses principaux concurrents (Kiloutou : 180 agences, BML : 71 agences, Hertz Equipement : 68 agences). Toutefois, le nombre important d'agences détenues par les parties n'est pas susceptible d'engendrer des risques d'atteinte à la concurrence compte tenu des éléments suivants.

En premier lieu, la possession d'un réseau étendu d'agences ne confère pas, en soi, un avantage compétitif décisif (" un effet réseau ") à son détenteur, dès lors que ce dernier détient une part de marché en valeur limitée et inférieure à sa part de marché en volume. Les tableaux reprenant les positions de la nouvelle entité et de ses concurrents sur les différents marchés montrent ainsi que les parts de marché en valeur de Loxam, à l'issue de l'opération, sont systématiquement inférieures à celles qui ont été calculées en nombre d'agences. On ne peut donc pas parler d'un effet réseau au cas d'espèce.

En second lieu, il existe une offre crédible alternative, quelle que soit la dimension géographique retenue. Les parties ont fourni un grand nombre d'éléments démontrant la qualité de l'offre des concurrents existants, sur un marché caractérisé par l'importance d'offrir, à tout moment, du matériel de chantier. En effet, des agences de concurrents, qu'ils soient régionaux ou nationaux, sont implantées à proximité de celles des parties. Ces concurrents, généralistes ou spécialistes de la location de matériel de chantier, disposent de la même gamme d'engins et offrent autant d'alternatives locales en cas d'augmentation unilatérale des prix par Loxam.

En troisième lieu, au niveau national, la part de marché cumulée des parties n'excède pas [20- 30]% sur un marché éclaté où les dix premiers acteurs ne représentent que 40 % du marché. Il convient de rappeler qu'une part de marché ne constitue qu'un indice d'appréciation du pouvoir de marché d'un acteur économique et l'analyse concurrentielle ne saurait se limiter à sa seule prise en compte. Or, sur des marchés où existent un important contre-pouvoir d'une partie de la demande, constituée par les grands comptes, et des barrières à l'entrée et à l'extension relativement faibles, cette position n'est pas susceptible de créer, ou de renforcer, une position dominante de Loxam.

Enfin, au niveau local, l'analyse de chacune des zones de chalandise a montré que la position des parties, n'excédait jamais [30-40]% selon une estimation par excès du nombre d'agences de location de matériel de chantier par département. Cette position n'est pas suffisante pour leur permettre d'augmenter unilatéralement les prix sur chacune de ces zones. En effet, il y existe à chaque fois une offre concurrente en mesure de répondre à un report de demande, qui n'est donc pas captive (8). Cette offre est considérée comme crédible dans la mesure où les concurrents disposent d'une gamme de matériel offert à la location comparable à celle des parties. Dès lors, au niveau local, une agence Loxam ou Laho Equipement entre directement en concurrence avec une autre agence de location, quelle que puisse être l'étendue du réseau auquel elle appartient.

3.4.2. Risque de création ou de renforcement d'une puissance d'achat qui placerait les fournisseurs en situation de dépendance économique

Sur les marchés amont de l'approvisionnement en matériel de chantier, où les parties sont actives en tant qu'acheteurs, le risque étudié consisterait en la création ou au renforcement d'une puissance d'achat qui placerait les fournisseurs de matériel de chantier en situation de dépendance économique. Ainsi, la crainte d'une pression accrue sur les conditions de vente (prix, garanties, valeur de reprise, prix des pièces de rechange) par une concentration de la capacité de négociation de Loxam a été citée comme un potentiel risque d'atteinte à la concurrence par un tiers questionné lors du test de marché.

Pour autant, les conditions nécessaires pour caractériser l'existence d'un tel risque ne sont nullement réunies au cas d'espèce. D'une part, les achats réalisés par la nouvelle entité ne lui permettent pas d'exercer une pression suffisante dans les négociations commerciales avec ses fournisseurs. En effet, au niveau national, elle ne représentera, au maximum, que [0-10]% des achats de matériel de chantier sur un marché où la demande est très éclatée. D'autre part, les fabricants de matériel de chantier sont des groupes importants, actifs au niveau mondial et disposant d'un fort pouvoir de négociation. Dès lors, la présente opération n'est pas susceptible d'engendrer un risque d'atteinte à la concurrence sur les marchés amont de la location de matériel de chantier.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

* erreur matérielle : lire " le groupe Loxam " au lieu de " Loxam "

1 Une partie infime du chiffre d'affaires de Loxam est exportée vers les pays limitrophes, et ne concerne que des activités de vente de matériel.

2 Cf. C2003-226 Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 19 novembre 2003 au Conseil de la société Pinguely, relative une concentration dans le secteur de la location d'engins élévateurs, publiée au BOCCRF n° 2004-05.

3 Fédération nationale des distributeurs, loueurs et réparateurs de matériels de bâtiment, travaux publics et manutention.

4 Cf. la décision C2003-226 Pinguely/Lev SA précitée.

5 Cf. par exemple, la décision de la Commission européenne IV/M.486 Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

6 Cf. Décision de la Commission européenne IV/M.486 Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

7 Cf. Lignes directrices de la DGCCRF relatives au contrôle des concentrations, version du 30 avril 2007, point 329.

8 Les entreprises actives sur le marché de la vente de matériel de chantier exercent également une pression concurrentielle sur les parties et leurs concurrents, compte tenu de l'absence de barrières à l'entrée sur le marché. Elles constituent ainsi une concurrence et une offre potentielle.