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Décisions

Cass. crim., 10 octobre 2006, n° 05-87.182

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Ract-Madoux

Avocat :

Me Capron

Cass. crim. n° 05-87.182

10 octobre 2006

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Marcel, Y Geneviève, épouse X, contre l'arrêt de Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2005, qui, pour abus de faiblesse, les a condamnés, chacun, à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 121-1 et de l'article 313-4 du Code pénal, dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 juin 2001, et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X coupables du délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne au préjudice de Madeleine Y et a prononcé, en conséquence, à l'encontre de chacun d'entre eux, une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant une durée de trois ans comportant l'obligation d'indemniser la victime et les a condamnés solidairement à payer à l'Udaf de la Charente-Maritime, prise en sa qualité de représentante légale de Madeleine Y, partie civile, la somme de 18 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que, le 21 juin 2000, Madeleine Y quittait le domicile de sa fille Geneviève où elle avait vécu durant sept ans et déposait plainte contre son gendre Marcel X, époux de Geneviève, pour escroquerie par abus de faiblesse ; que ce dernier lui avait fait ouvrir un compte joint au Crédit Agricole de Jonzac afin de faciliter les dépôts et retraits d'argent ; que Geneviève X justifiait qu'il avait été décidé que ce serait son mari qui serait co-titulaire du compte pour éviter les ennuis avec ses frères et soeurs, sachant que la mésentente régnait dans la famille, pour régler la succession de leur mari et père décédé en septembre 1982 ; que Madeleine Y avait réalisé que ses comptes avaient été vidés et qu'il n'y avait plus aucune trace de ses économies (220 000 francs) ni de sa pension de retraite (4 759 francs par mois) qu'elle percevait depuis le mois de janvier 1993 ; que l'information judiciaire permettait d'établir que Marcel X avait effectué, entre le 25 août 1999 et le 13 janvier 2000, en moins de six mois, quatre retraits de numéraire pour un montant total de 32 100 francs et aussi rédigé plusieurs chèques pour un montant total de 26 628 francs ; que, notamment, courant mai 2000, trois chèques étaient émis par Marcel X au bénéfice du magasin Intermarché pour un total de 4 408, 57 francs et toujours, en mai 2000, un chèque au magasin M. Bricolage pour 1 926 francs ; que l'enquête révélait, par ailleurs, qu'une somme de 66 800 francs que Madeleine Y avait économisée sur un compte épargne logement (compte Orchestral) avait été retirée en espèces de ce compte le 28 avril 1998 ; que, quelques jours plus tard, le compte des époux X ouvert à la Société Générale de Pons était crédité d'une somme de 65 000 francs ; que, tout au long de la procédure et lors des débats en première instance et en appel, Marcel et Geneviève X ont soutenu avoir agi conformément aux souhaits de Madeleine Y et avec son consentement ; que, pourtant, les pièces médicales et expertises recueillies au cours de l'instruction faisaient apparaître des troubles dans l'état de santé de Madeleine Y ; que le docteur Z, sollicité pour saisir le juge des tutelles, établissait le 1er septembre 1999 un certificat médical duquel il ressortait des troubles de mémoire importants avec désorientation dans le temps et dans l'espace, troubles qui s'étaient notamment aggravés depuis deux à trois mois et semblaient d'évolution rapide ; que le docteur a dans un certificat du 13 août 1999 précisait que Madeleine Y présentait des troubles de la mémoire dans un contexte anxio-dépressif et que des prescriptions médicamenteuses ont été données dès 1998 sans amélioration durable ; que le docteur B, médecin expert, concluait que Madeleine Y présentait de graves troubles cognitifs et que son état s'était brutalement aggravé à compter de mai-juin 1999 ; que les diverses constatations médicales établissaient que les capacités de réflexion et d'autonomie de Madeleine Y ont été particulièrement amoindries dès 1998 ; que, c'est justement à compter de cette date, que les prélèvements opérés par les époux X ont été très importants ; que leur empressement à retirer des fonds, leur absence d'explications pertinentes sur le

versement effectué à la Société Générale démontrent le caractère frauduleux de cette opération, alors qu'ils savaient Madeleine Y particulièrement vulnérable en raison de son état psychique déficient ; que, c'est à bon droit, que les premiers juges ont retenu les époux X dans les liens de la prévention pour les faits commis d'avril 1998 à juin 2000 ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité mais que, pour mieux prendre en compte la personnalité des prévenus et l'intérêt de la victime, la peine prononcée sera modifiée en condamnant les prévenus chacun à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans avec obligation d'indemniser la victime ; que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour la partie civile des agissements coupables du prévenu ; qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué sur les dommages-intérêts alloués " (cf., arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;

"1) alors que, de première part, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les textes susvisés en déclarant Marcel X coupable du délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne sans caractériser l'accomplissement par celle-ci d'un quelconque acte personnel constitutif d'un abus frauduleux ;

"2) alors que, de deuxième part, le délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne suppose, pour être constitué, un mensonge de nature à contraindre la victime à accomplir un acte qui lui soit gravement préjudiciable ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans caractériser en quoi Marcel et Geneviève X auraient menti à Madeleine Y, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3) alors que, de troisième part, le délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne suppose, pour être constitué, que le prévenu ait commis des actes d'abus frauduleux ;

qu'en déclarant Marcel et Geneviève X coupables du délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne au préjudice de Madeleine Y à raison de retraits opérés sur son compte bancaire et de l'émission de chèques par Marcel X, sans caractériser en quoi ces actes auraient constitué un abus de la situation d'ignorance ou de faiblesse de Madeleine Y et auraient revêtu un caractère frauduleux, la cour d'appel a également violé les textes susvisés ;

"4) alors que, de quatrième part, Marcel et Geneviève X avaient fait valoir, dans leurs conclusions d'appel, que les retraits opérés sur le compte bancaire de Madeleine Y et sur son compte épargne logement et l'émission de chèques par Marcel X avaient eu pour objet soit de faire participer Madeleine Y aux charges de la maison où elle vivait en lui permettant de conserver un train de vie supérieure à celui qu'elle aurait eu, compte tenu de ses ressources, si elle avait été accueillie dans n'importe quelle structure d'hébergement pour personnes âgées ainsi qu'une réelle autonomie financière, soit de rembourser une partie des honoraires d'avocats et des frais de justice qui avaient été avancés par Marcel et Geneviève X dans le cadre de procédures judiciaires que Madeleine Y avait engagées et qu'en conséquence ces opérations n'étaient ni constitutives d'abus frauduleux, ni de nature à causer à Madeleine Y un grave préjudice ; qu'en omettant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;

"5) alors qu'enfin, le délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne suppose, pour être constitué, que le prévenu ait obligé la victime à un acte ou à une abstention préjudiciable ; que, dès lors, en déclarant Marcel et Geneviève X coupables du délit d'abus de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne au préjudice de Madeleine Y à raison de retraits opérés sur son compte bancaire et sur son compte épargne logement et de l'émission de chèques par Marcel X, sans caractériser la contrainte qui aurait été exercée par les prévenus à l'encontre de cette dernière lors ces opérations ni rechercher si, comme le soutenaient les prévenus, lesdites opérations n'avaient pas été réalisées avec le consentement de Madeleine Y, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables et a ainsi justifié l'allocation au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs, Rejette les pourvois.