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Décisions

Conseil Conc., 13 septembre 2007, n° 07-D-28

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre, la Société havraise de gestion et de transport et la société Havre Manutention

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Seulin, par M. Lasserre, président, Mmes Aubert, Perrot, vice-présidentes.

Conseil Conc. n° 07-D-28

13 septembre 2007

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 22 janvier 2001, sous le numéro F 1288, par laquelle la Société générale maritime (SOGEMA) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre (CIPHA), la Société havraise de gestion et de transport (SHGT) et la société Havre Manutention dans le secteur du stockage et de la manutention des vracs solides en 2000 et 2001 ; Vu la décision n° 02-D-15 du 1er mars 2002 par laquelle le Conseil de la concurrence a rejeté la demande de mesures conservatoires déposée par la SOGEMA par lettre du 7 novembre 2001 ; Vu la décision n° 06-S-04 du 18 juillet 2006 par laquelle le Conseil de la concurrence a sursis à statuer et renvoyé le dossier à l'instruction en ce qui concerne l'existence d'abus de position dominante du port autonome du Havre et de la CIPHA ainsi que d'une entente anticoncurrentielle entre le port autonome du Havre, la CIPHA, la SHGT et Havre Manutention ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par la SOGEMA, la CIPHA, la SHGT, le port autonome du Havre et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la SOGEMA, du port autonome du Havre, de la CIPHA et de la SHGT entendus lors de la séance du 4 juillet 2007 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. La décision n° 06-S-04 du 18 juillet 2006 comporte un exposé sur les secteurs et opérateurs concernés par l'affaire, qui est pour l'essentiel reproduit ci-dessous. L'instruction du dossier ne conduit pas à le modifier. Dans le cadre des présentes constatations, les différentes conditions tarifaires pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port nécessaire à la manutention du charbon sont en outre présentées.

" 1. Par lettre enregistrée le 22 janvier 2001 sous le numéro F 1288, complétée par une demande de mesures conservatoires enregistrée le 7 novembre 2001 sous le numéro M 292, la Société générale maritime (SOGEMA) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques qui seraient mises en œuvre, dans le secteur de la manutention des vracs solides, par le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre (CIPHA), la Société havraise de gestion et de transport (SHGT) et la société Havre Manutention pendant les années 2000 et 2001, en vue de l'empêcher de développer ses activités de manutentionnaire de vracs solides, en particulier de charbon, au terminal multivrac (MTV) du port autonome du Havre.

2. Le Conseil de la concurrence a, dans sa décision n° 02-D-15 du 1er mars 2002, déclaré irrecevable la saisine F 1288 en tant qu'elle vise le refus opposé par le port autonome du Havre d'autoriser la société SOGEMA à occuper une parcelle du domaine public portuaire et a rejeté, pour le surplus, la demande de mesures conservatoires.

3. (...)

A. LES INTERVENANTS DANS LE SECTEUR DE LA MANUTENTION DES VRACS SOLIDES AU PORT AUTONOME DU HAVRE

1. LE PORT AUTONOME DU HAVRE

4. Le port autonome du Havre a été créé par le décret n° 65-936 du 8 novembre 1965. Selon l'article L. 111-1 du Code des ports maritimes, c'est un établissement public de l'État, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre chargé des ports maritimes et soumis au contrôle économique et financier de l'État.

5. Aux termes de l'article L. 111-2 du Code des ports maritimes, il est chargé, à l'intérieur des limites de sa circonscription, des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de reconstruction, ainsi que de l'exploitation, de l'entretien, de la police du port et de ses dépendances et de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté.

6. L'administration du port est assurée par un conseil d'administration, assisté d'un directeur. Le conseil d'administration établit et présente chaque année les états prévisionnels relatifs à l'exercice suivant, concernant les recettes de l'exploitation et les opérations en capital (articles L. 112-1 et L. 113-2 du Code des ports maritimes).

7. Le port autonome du Havre peut accueillir sur ses terminaux toutes sortes de fret : conteneurs, trafics rouliers (trafic de véhicules ou, plus généralement, fret roulant), trafic conventionnel (fret des colis lourds de matériel industriel et sacherie), vracs liquides (pétrole brut, produits pétroliers, hydrocarbures gazeux, autres liquides) et vracs solides (charbon, céréales, ciment, autres solides constitués essentiellement des pigments ilménites et des tourteaux de soja).

8. De 1999 à 2002, le port autonome du Havre a réalisé un trafic se situant dans une fourchette de 63,9 à 67,6 millions de tonnes de fret, le trafic le plus important ayant été réalisé en 2001 avec 68 970 022 tonnes. Les tonnages ayant transité par le port ont augmenté en moyenne de 5,90 % de 1999 à 2002. Les vracs liquides constituent de très loin le trafic le plus important du port : en 2001, ils représentaient 67,53 % de l'activité.

9. Le trafic de vracs solides est minoritaire et même en régression dans l'activité du port autonome du Havre, passant de 8,54 % en 2000 à 8,28 % en 2002. Par ailleurs, au sein même des vracs solides, la part du charbon a baissé de façon importante au profit notamment des pigments ilménites et des tourteaux. Ainsi, les trafics de charbon ont connu une chute sans interruption entre 1999 et 2002, passant de 3 446 709 tonnes à 2 489 406 tonnes, soit une chute de - 38,45 %. Le charbon ne représentait plus que 3,28 % de l'activité du port en 2002 contre 5,39 % en 1999.

10. L'activité de manutention de vracs solides se distingue des autres manutentions (vracs liquides et conteneurs) car elle nécessite des infrastructures spécifiques. Deux terminaux seulement du port autonome du Havre sont susceptibles d'accueillir les navires minéraliers : le môle central 6 (ci-après MC6) et le terminal Multivrac (ci-après MTV).

11. Trois types de navires peuvent y être reçus :

- les " Cap Size " : cargos pouvant franchir les caps maritimes, d'une capacité de 130 000 à 150 000 tonnes ;

- les " Panamax " : cargos dimensionnés pour le canal de Panama, d'une capacité allant jusqu'à 70 000 tonnes. Ils peuvent remonter certains fleuves (la Seine, par exemple).

- les " Handy Size " : cargos de petite capacité, de 30 000 à 40 000 tonnes, pouvant aussi remonter certains fleuves.

a) Le terminal MC6

12. Il s'agit d'un môle public intégralement dédié par convention à l'approvisionnement charbonnier d'Électricité de France (EDF), via sa filiale, la Compagnie d'approvisionnement de combustible et de logistique (CAPCOL). Ce terminal dispose d'un appontement de 232 mètres de long accessible aux navires de 170 000 tonnes de port en lourd (tpl). Son outillage se compose de deux portiques de 30 tonnes assurant une cadence moyenne de déchargement de 30 000 tonnes par jour.

13. Le MC6 est principalement utilisé pour alimenter, par des bandes transporteuses, la centrale thermique du Havre, d'une puissance de 2 050 MW, située à proximité du terminal. Le môle dispose de deux parcs publics de stockage (est et ouest) dédiés à CAPCOL, d'une capacité totale de 220 000 tonnes de charbon. Ce dispositif est complété par un troisième parc passif dédié à EDF appelé zone 2, qui comprend une capacité de stockage de réserve de 250 000 tonnes. La centrale EDF du Havre dispose également d'un parc de stockage de 350 000 tonnes. Les capacités de stockage totales dédiées au charbon EDF atteignent donc 470 000 tonnes au port autonome du Havre et 820 000 tonnes si on inclut la centrale EDF du Havre.

14. Les trafics manutentionnés au terminal MC6 ont fait l'objet d'une évaluation précise par le port autonome du Havre, à partir des factures adressées aux prestataires (rapport d'enquête p. 19) :

<emplacement tableau>

15. Pour l'ensemble des tonnages manutentionnés, la baisse du trafic du charbon atteint 31,91 % sur la période considérée, ce qui confirme la tendance constatée lors de l'examen des tonnages globaux. Pour les tonnages déchargés, la baisse entre 1999 et 2002 a atteint près de - 18 %. Les expéditions du MC6, soit en direction d'un autre parc de stockage ou de la centrale EDF, soit par barge ou par wagon, ont également enregistré une baisse conséquente de - 24 %.

b) Le terminal Multivrac (MTV)

16. Contrairement au MC6, le centre Multivrac (MTV) n'est pas dédié exclusivement au trafic de charbon. Situé sur la berge sud du grand canal du Havre, il est destiné à traiter tous les types de produits pondéreux ou agroalimentaires. Mis en service en 1985, il est accessible aux navires jusqu'à 170 000 tonnes et 17 mètres de tirant d'eau.

17. L'appontement public servant au déchargement du charbon est équipé de deux portiques de 30 et 15 tonnes permettant d'atteindre une cadence de 20 000 t/jour au déchargement et autorisant le rechargement sur navires de 35 000 tonnes. Cet appontement dispose également d'un poste de rechargement sur barges et caboteurs jusqu'à 7 000 tonnes de port en lourd et de bandes transporteuses jusqu'à la tour de répartition. Cet outillage public est financé et géré par le port, qui emploie son propre personnel pour entretenir et manœuvrer les portiques. Après la tour de répartition se trouve un parc de stockage du charbon dont la CIPHA est concessionnaire. Durant toute la durée de son contrat de concession, la CIPHA est propriétaire de l'outillage public de manutention situé après cette tour.

18. Par sa situation géographique, le terminal MTV pâtit d'un handicap : il est situé à l'extrémité du grand canal du Havre. Pour y accéder, les navires doivent franchir une écluse (écluse François 1er).

De 1999 à 2002, les tonnages de charbon manutentionnés sur le terminal MTV pour les années concernées ont atteint les volumes suivants (rapport d'enquête p. 20) :

<emplacement tableau>

19. Le terminal MTV a également enregistré une baisse importante de ses trafics de charbon manutentionnés entre 1999 et 2002 de - 20,78 % (contre - 31,91 % pour le MC6). Cette chute a particulièrement touché les transbordements directs dont la proportion est passée de 10 % en 1999 à 3,22 % en 2002. Parallèlement, les volumes expédiés par trains ou camions (outillage public concédé) n'ont enregistré qu'une baisse de - 18 % en 1999 et 2000, pour remonter les deux années suivantes.

2. LA COMPAGNIE INDUSTRIELLE DES PONDEREUX DU HAVRE (CIPHA)

20. La CIPHA a été créée à l'occasion de la réalisation du MTV. Le positionnement du terminal MTV résulte d'un choix stratégique du port autonome du Havre de créer, au début des années 80, un terminal en amont de l'écluse François 1er. Le terminal MC6 étant un terminal mono-produit sans possibilité de développement des capacités de stockage, il s'est avéré nécessaire de développer des surfaces nouvelles ailleurs.

21. Le port autonome du Havre a recherché des investisseurs privés pour la réalisation d'un centre de stockage pondéreux dans le cadre d'un partenariat public-privé conformément à la politique portuaire de l'époque. La CIPHA a été créée pour mettre en place ce partenariat. Elle regroupait à l'époque plusieurs compagnies liées à l'activité du charbon et de la manutention. En 2003, ses actionnaires sont Total Coal pour 38,75 %, SHGT pour 38,75 %, Sea Invest (société belge domiciliée à Gand) pour 9 %, CEF Energie pour 8,5 %, CPE pour 4 % et Bolloré pour 1 %.

22. Un contrat de concession d'outillage public a été conclu le 7 décembre 1983 entre la CIPHA et le port autonome du Havre, pour une durée de 50 ans, qui a été approuvé par arrêté du 3 février 1984 du secrétaire d'État auprès du ministre des Transports et de la Mer.

23. Selon l'article 1er du contrat, la concession a pour objet l'établissement et l'exploitation d'un outillage de stockage et de rechargement de pondéreux (charbon, minerais, cokes de pétroles, etc.) comprenant :

- un parc de stockage d'une capacité théorique de 600 000 tonnes ;

- une station de reprise à partir des équipements publics et des équipements de manutention interne ;

- des outillages de rechargement sur wagons et camions ;

- des transporteurs internes reliés à une usine de traitement et des transporteurs de liaisons avec les outillages du port et les outillages de rechargement.

24. L'article 3 du contrat stipule :

"Le concessionnaire pourra engager son capital dans des activités autres que la concession. Ces activités devront être en étroite relation avec celles de la concession, par exemple : construction et exploitation d'une usine de traitement des charbons, activités de manutention, valorisation du charbon et autres activités connexes."

25. A la date du 14 juin 2004, les investissements réalisés par la CIPHA s'élevaient à un total de 7 183 359,51 euro (47 millions de francs) et se répartissaient comme suit :

- agencements et aménagements de terrain : 2 970 789,71 euro ;

- installations techniques : 3 634 769,85 euro ;

- outillage : 1 465,37 euro ;

- installations générales : 515 209,85 euro ;

- mise en conformité des installations : 58 613,83 euro ;

- matériel de télécommunication : 2 510,90 euro.

26. Les installations de pondéreux sont reliées aux installations de déchargement de navires du port autonome du Havre de sorte qu'il y a une continuité technique entre les installations du port et celles de la CIPHA. En vertu de l'article 39 du cahier des charges, la CIPHA paie, en outre, une redevance domaniale au port, dont le montant s'élevait à 210 236,94 euro en 2000 et à 212 827,22 euro en 2001. A la fin du contrat de concession, toutes les installations réalisées par la CIPHA reviendront gratuitement au port.

27. A l'heure actuelle, la CIPHA reste liée par la concession d'outillage public du 7 décembre 1983. Elle n'a pas conclu avec le port autonome du Havre une convention d'opérateur de terminal au sens de l'article R. 115-14 du Code des ports maritimes.

28. Pour les années 1999 à 2001, les tonnages reçus par la CIPHA au MTV par type de clientèle sont les suivants (rapport d'enquête p. 38) :

<emplacement tableau>

29. La CIPHA est la seule à recevoir sur le MTV des cargaisons de charbon industriel, principalement destinées aux industries et aux chaufferies collectives. Dans son courrier du 1er décembre 2003 adressé à la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'Île-de-France, la CIPHA indique disposer d'une capacité de stockage de 1 850 000 tonnes (annexe n° 1224 au rapport d'enquête). Son parc de stockage est équipé des moyens techniques nécessaires pour le criblage et le stockage de longue durée.

30. Le marché étant étroit et les besoins évoluant peu, la CIPHA a offert ses services à EDF pour des stockages de longue durée. Les tonnages de CAPCOL à destination des centrales EDF de la Normandie et de l'Île-de-France constituent l'un des principaux trafics pour les trois années examinées, puisqu'ils représentent 40 % des tonnages reçus (déchargement et transbordement direct). Les trafics à destination des négociants en charbon représentent 35 % des volumes manutentionnés.

3. LA SOCIETE HAVRAISE DE GESTION ET DE TRANSPORT (SHGT) ET LA SOCIETE HAVRE MANUTENTION

31. La SHGT a pour activité la logistique et la gestion des terminaux portuaires. Elle a été créée en 1968 en tant que filiale à 100 % de Ernewa France. La SHGT existe sous sa forme actuelle depuis 1999 et, en 2003, la Sofrino-Sogéna figure parmi ses actionnaires principaux. La SHGT est actionnaire de la société CIPHA pour 38,75 % du capital.

32. Par convention du 3 juin 1985, la CIPHA a donné mission à la SHGT d'exécuter pour son compte un certain nombre de tâches nécessaires à son propre fonctionnement et à celui du terminal MTV : - secrétariat général de la compagnie ; - gestion administrative et financière ; - actions commerciales, y compris le développement ; - suivi permanent de l'organisation opérationnelle du centre Multivrac.

33. Sont exclues de la mission la fonction de direction générale, les fonctions techniques, d'exploitation et d'entretien ainsi que la fonction de maîtrise d'ouvrage.

34. Le premier accord entre la CIPHA et la SHGT, relatif à des prestations de manutention pour le compte de la CIPHA, date du 15 janvier 1991. Auparavant, la CIPHA recourait aux services d'autres manutentionnaires. Ce contrat a été renouvelé, depuis, tous les deux ans par tacite reconduction. Les prestations de manutention étaient assurées matériellement, jusqu'en 1999, par la société Chamar en sous-traitance de la SHGT. A la fin de l'année 1999, la société Chamar, qui avait deux clients, CAPCOL au MC6 et SHGT au MTV, a perdu le premier au profit de la SOGEMA. La SHGT a décidé de devenir directement manutentionnaire en créant en 1999 la société Havre Manutention et en se portant acquéreur de la société Chamar. Puis, Havre Manutention a été absorbé par la SHGT en 2002.

35. Le contrat de la SOGEMA n'ayant pas été renouvelé, c'est la SHGT qui a été choisie en 2002 pour assurer les opérations de manutention sur le MC6 dans des conditions différentes du contrat qui liait la SOGEMA à CAPCOL. Pour la SHGT, le contrat est sans exclusivité de trafic et sans prise en charge par CAPCOL des frais fixes de la main d'œuvre dockers et des engins. A partir de 2002, la SHGT est ainsi devenue la seule entreprise de manutention des vracs solides au port autonome du Havre. Ses chiffres d'affaires, pour les années 2000 à 2002, sont les suivants (rapport d'enquête p. 62) :

<emplacement tableau>

4. LA COMPAGNIE D'APPROVISIONNEMENT DE COMBUSTIBLES ET DE LOGISTIQUE (CAPCOL)

36. Cette filiale d'EDF spécialisée dans la logistique a été créée, en 1996, afin d'assurer l'approvisionnement des centrales thermiques EDF maintenues en appoint des centrales nucléaires. Parmi ses actionnaires figuraient la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) et EDF-SAE (Société auxiliaire énergie), filiale d'EDF. En 2001, le capital d'EDF-SAE a été cédé à EDF-Trading.

37. Une convention d'exploitation du terminal MC6 a été conclue, le 20 décembre 1999, entre le port autonome du Havre et CAPCOL, pour une durée de trois ans prenant effet le 1er janvier 1999 pour expirer le 31 décembre 2001. Elle avait pour objet les conditions de déchargement-rechargement par le port autonome du Havre et CAPCOL au quai MC6. Le port autonome du Havre s'est engagé à maintenir un niveau d'entretien et de contrôle des installations compatibles avec les besoins de CAPCOL et sur une cadence de déchargement moyenne par navire de 25 000 t/jour, dimanche de 0h00 à 24h00 et jours fériés exclus, jusqu'au dégoulottage de l'installation (passage à une cadence de 40 000 t/j). Le port autonome du Havre ne s'est engagé au-delà de cette cadence qu'à la suite des améliorations apportées par ces travaux, qu'il devait faire réaliser avant le 1er septembre 2000.

38. En contrepartie de ces obligations, CAPCOL s'est engagée à verser au port une participation annuelle de 13 MF (valeur 1999) par mensualités égales, pour le maintien du potentiel de production du MC6 et une taxe d'équipement de 2 F/t au-delà du seuil de 900 000 tonnes par an déchargées au titre de l'amortissement des travaux de dégoulottage.

39. Le volet financier de l'accord contractuel a été remis en cause, en 2002, par CAPCOL. Tant qu'aucun accord n'était intervenu, les prestations d'outillage effectuées pour CAPCOL ont été facturées en 2002 au tarif public applicable aux tiers.

5. LA SOCIETE GENERALE MARITIME (SOGEMA)

40. La SOGEMA est une société de manutention portuaire spécialisée dans la manutention des vracs secs (charbon, agroalimentaire et engrais). A la date de sa saisine, en 2001, ses actionnaires étaient la SCPA (Société commerciale des potasses d'Alsace) à hauteur de 64 % et la société EDF-SAE, à hauteur de 34 %. Son actionnaire unique est désormais Sea Invest, entreprise belge domiciliée à Gand, qui est également actionnaire minoritaire de la CIPHA.

41. La SOGEMA est installée en France sur les ports de Rouen, le Havre, Montoire-Saint-Nazaire, Bordeaux, Sète et Strasbourg (port fluvial). Elle exploite un terminal charbonnier au port autonome de Rouen, où elle assure la manutention des tonnages de charbon de CAPCOL. Elle y traite également différents vracs solides. A Rouen, la SOGEMA est propriétaire de l'outillage de chargement et de déchargement des navires sur son terminal. Elle indique qu'elle y dispose d'un parc de stockage de 420 000 tonnes auquel vient s'ajouter un parc de 500 000 tonnes loué par EDF, soit une capacité totale de stockage de 920 000 tonnes.

42. En août 1999, CAPCOL a demandé à la SOGEMA de s'installer au Havre pour y développer son activité, avec comme trafic de base le trafic EDF. CAPCOL et la SOGEMA ont conclu le 10 octobre 2000 une convention pour la manutention du charbon sur le terminal MC6 et sur le parc de stockage de la zone n° 2, pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2000 jusqu'au 31 décembre 2001. Cette convention avait pour objet la manutention liée à tout mouvement du charbon pris en charge par CAPCOL transitant, avec ou sans passage en stock, par le poste minéralier MC6 et la zone n° 2, ainsi que la manutention au " quai pondéreux " (terminal MTV).

43. La SOGEMA est chargée : d'effectuer les opérations de déchargement des navires destinés à CAPCOL arrivant au poste minéralier MC6 ou au quai pondéreux ; de gérer le parc de stockage portuaire (MC6 et zone 2) ; d'assurer le chargement des trains et des barges acheminant le charbon pour CAPCOL, soit en direct, soit en reprise du stock portuaire du MC6 ou du parc de stockage de la zone 2 ; d'assurer l'alimentation directe de la centrale thermique du Havre par tapis transporteur ou en reprise depuis le MC6 ou la zone 2 ; d'assurer l'entretien des charbons compactés ; de transmettre à CAPCOL toutes les informations concernant le déroulement des opérations.

44. La SOGEMA met à disposition les moyens, tant en personnel qu'en matériel, qui lui sont nécessaires pour assurer les opérations lui incombant. En contrepartie, CAPCOL participe au maintien en exploitation de l'outil de manutention et du personnel de la SOGEMA en versant une prime fixe non indexée de 7,2 MF/an (1 097 632,92 euro) en 12 versements mensuels, correspondant à la prise en charge de 17 dockers. En outre, CAPCOL verse pendant deux ans à la SOGEMA une participation à l'amortissement du matériel nécessaire à la manutention en zone 2 de 700 KF/an (106 714,31 euro).

45. Le contrat de la SOGEMA n'a pas été renouvelé à l'issue des deux ans. CAPCOL a, en effet, choisi la SHGT pour manutentionner son charbon, sans prise en charge des frais fixes de la main d'œuvre des dockers et sans participation à l'amortissement du matériel.

46. Le chiffre d'affaires réalisé par la SOGEMA, en 2000 et 2001, a été le suivant (rapport d'enquête p. 59) :

<emplacement tableau>

(...) "

A. LES DIFFERENTES TARIFICATIONS POUR L'UTILISATION DE L'OUTILLAGE PUBLIC GERE PAR LE PORT AUTONOME DU HAVRE

2. Ainsi que le prévoit l'article R. 113-13 du Code des ports maritimes, les ressources du port autonome du Havre (ci-après le cas échéant désigné " PAH ") comprennent, notamment, les produits des droits des ports, les revenus des domaines immobiliers et les produits de l'exploitation de l'outillage public directement administré ou affermé par le port.

3. Il existe, pour la période et l'activité concernée, deux types de tarification pour l'utilisation de l'outillage public du port qui sert au chargement, au déchargement et aux transbordements des cargaisons des navires :

- les tarifs publics ;

- les grilles tarifaires contractuelles issues des conventions passées avec CAPCOL pour le terminal MC6 (convention d'exploitation du terminal) et avec CIPHA pour le terminal MTV (concession d'outillage public pour l'exploitation d'un parc de stockage).

1. LES TARIFS PUBLICS

4. Les tarifs publics font l'objet d'une publication annuelle dans une brochure intitulée " Tarifs et conditions d'usage des engins de manutention ". Ces tarifs sont arrêtés par décision du conseil d'administration du port. Les projets de fixation ou de modification des tarifs et des conditions d'usage de l'outillage font l'objet d'un affichage pendant quinze jours dans les endroits du port principalement fréquentés par les usagers.

5. Les tarifs publics applicables au terminal MTV étaient les suivants pour les années 1999, 2000 et 2001 :

<emplacement tableau>

6. L'examen des recettes issues de l'utilisation de l'outillage au MTV indique que celui-ci n'a été utilisé qu'une fois entre 1999 et 2002 au tarif public, à l'occasion du déchargement, par la SOGEMA, du navire Toscanini qui transportait du charbon destiné à CAPCOL, au mois de février 2001.

7. Les tarifs publics sur le terminal MC6 pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port étaient quant à eux les suivants pour les années 1999, 2000 et 2001 :

<emplacement tableau>

8. L'examen des recettes issues de l'utilisation de l'outillage du MC6 montre que celui-ci n'a pas été utilisé entre 1999 et 2002 pour d'autres trafics que ceux de la société CAPCOL. Alors que les recettes pour l'utilisation de l'outillage public par la SOGEMA, manutentionnaire de CAPCOL, s'élevaient respectivement pour les années 2000 et 2001 à 5 476 900 euro TTC et 4 025 263 euro TTC, celles concernant les mêmes outillages par des tiers ont été nulles.

2. LES TARIFS CONVENTIONNELS APPLICABLES A LA CIPHA ET A CAPCOL

9. L'annexe à la convention de concession d'outillage public conclue entre le port autonome et la CIPHA pour l'exploitation d'un parc de stockage, qui définit les conditions d'usage des outillages de manutention gérés par le port pour le fonctionnement de la concession, indique que " l'association d'intérêt (...) établie entre le PAH et la CIPHA doit comprendre l'application en faveur du concessionnaire d'un tarif spécial relatif à l'usage de l'outillage public géré par le PAH. (...) le port autonome s'engage à appliquer les conditions tarifaires définies ci-après à toute tonne de charbon chargée ou déchargée à l'appontement, destinée aux installations de la CIPHA. "

10. Le port autonome facture directement à la CIPHA les frais d'utilisation de son outillage. La grille tarifaire applicable pour les années 1999, 2000 et 2001 a été convenue entre les parties de la façon suivante :

<emplacement tableau>

11. Par ailleurs, dans le cadre de la convention d'exploitation de terminal du 20 décembre 1999 conclue entre le port autonome du Havre et CAPCOL sur le MC6, une nouvelle grille tarifaire pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port autonome du Havre sur le terminal MC6 a été instituée en fonction de différents types de tonnages annuels. Comme en ce qui concerne le MTV, ces tarifs sont très sensiblement inférieurs aux tarifs publics.

B. LES PRATIQUES RELEVEES EN CE QUI CONCERNE LES OPERATIONS AU MTV

12. La SOGEMA fait valoir qu'elle a cherché à réaliser des opérations de manutention sur le terminal MTV dans le but de décharger du charbon destiné à EDF lorsque cette opération n'était pas possible sur le terminal MC6, mais aussi avec l'objectif plus général de développer ses activités au port du Havre. Elle soutient en avoir été empêchée par des pratiques constitutives d'abus de position dominante du port autonome et de la CIPHA, également révélatrices d'une entente anticoncurrentielle entre le port autonome, la CIPHA, la SHGT et la société Havre Manutention.

1. SUR L'ABUS DE POSITION DOMINANTE REPROCHE AU PORT AUTONOME DU HAVRE

13. La SOGEMA s'estime victime de discrimination tarifaire. Elle reproche au port autonome des décisions ayant consisté à lui appliquer les tarifs publics pour les prestations de déchargement de l'outillage public du port alors qu'elle estime avoir droit aux tarifs conventionnels dont bénéficie la CIPHA lorsqu'elle assure la manutention, en l'occurrence par l'intermédiaire de ses sous-traitants la SHGT ou Havre Manutention. Inversement, la SOGEMA considère que certaines prestations pourraient ne pas justifier l'application des tarifs conventionnels que ce soit pour la CIPHA, ou d'autres intervenants. Elle fait valoir que les tarifs conventionnels sont, en effet, appliqués à la CIPHA aussi bien pour les opérations de transbordement direct sans utilisation du parc de stockage que pour les opérations nécessitant le recours aux installations concédées.

14. L'existence de cette discrimination est illustrée, selon elle, par une télécopie de CAPCOL du 31 octobre 2000 aux termes de laquelle cette société, reprenant les propositions de la CIPHA, constatait que celle-ci proposait un prix de 22 francs par tonne pour des prestations de déchargement de navire et de mise sur parc, dans l'hypothèse où CAPCOL lui confierait l'intégralité de l'opération (son manutentionnaire sous-traitant, Havre Manutention, filiale de la SHGT, se chargeant des opérations de manutention) alors qu'un prix beaucoup plus élevé basé sur le tarif public d'outillage serait appliqué à la SOGEMA pour les prestations dudit outillage si CAPCOL ne confiait pas à la CIPHA les opérations de manutention.

15. La saisissante indique que le port autonome du Havre a refusé d'appliquer à la SOGEMA les tarifs consentis à la CIPHA pour les opérations nécessitant le recours aux installations de stockage : il n'aurait pas répondu à sa demande, formulée par fax du 2 novembre 2000, de lui appliquer lesdits tarifs et, lorsqu'elle a manutentionné le 24 février 2001 le charbon du navire Toscanini sur le terminal MTV et stocké ce charbon sur le parc de la CIPHA, le port lui aurait facturé le tarif public pour l'utilisation de l'outillage public, lui imposant, selon elle, un surcoût de 237 230 euro.

16. En ce qui concerne les opérations de bord à bord n'appelant pas l'utilisation du parc de stockage, la SOGEMA fait valoir que le port autonome du Havre, là encore, lui a indiqué que les tarifs publics lui seraient appliqués alors qu'il a appliqué des tarifs différents à la CIPHA et à l'entreprise de manutention retenue par elle. Il en serait résulté que la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) et la société Terval auraient, les 16 juin et 10 juillet 2000, refusé les propositions tarifaires de la SOGEMA établies à partir de ce tarif public au motif que celles-ci ne correspondaient pas aux propositions du marché local.

17. Ces faits constitueraient, de plus, une violation de la concession conclue entre le port autonome et la CIPHA le 7 décembre 1983. Celle-ci ne subordonnerait pas l'accès au tarif particulier négocié au profit du concessionnaire pour l'utilisation de l'outillage du port à la condition de recourir aux services d'une entreprise particulière de manutention, ni ne confèrerait de priorité à une entreprise quelconque pour l'accès à cet outillage public.

18. La SOGEMA souligne qu'elle a adressé au port autonome, le 4 septembre 2000, un courrier dans lequel elle écrivait : " Nous avons évoqué lors de notre rencontre la différence de traitement entre opérateurs havrais concernant l'utilisation de l'outillage public pour des opérations de transbordement en direct de bord sur barges et nous sommes en l'attente de votre réflexion sur ce problème. " Ce courrier n'aurait pas eu d'effet.

19. Selon la SOGEMA, le même tarif devrait être appliqué pour une même catégorie d'opérations à tous les manutentionnaires souhaitant décharger du charbon sur le MTV. Une différence ne pourrait être justifiée qu'en fonction du type d'opérations (opérations de bord à bord sans utilisation du parc de stockage ou opérations nécessitant l'utilisation du parc de la CIPHA) et non en fonction de la qualité du manutentionnaire, selon qu'il est lié ou non au concessionnaire.

2. SUR L'ABUS DE POSITION DOMINANTE REPROCHE A LA CIPHA

20. La SOGEMA soutient que la CIPHA, pourtant simple entrepositaire, utilise le tarif privilégié dont elle bénéficie pour l'utilisation de l'outillage public de manutention géré par le port, qu'elle a réussi à se réserver, pour écarter toute concurrence sur le terminal MTV dans l'activité de manutention.

21. Dans un premier temps, la CIPHA aurait suivi une stratégie ne permettant, de facto, l'usage de son installation de stockage à des conditions économiques raisonnables que pour autant que la manutention lui soit confiée, et en la faisant sous-traiter à Havre Manutention, filiale de la SHGT.

22. La SOGEMA expose que, le 7 décembre 1999, CAPCOL a demandé les tarifs de la CIPHA pour le stockage de charbon sur le terminal MTV, en indiquant que la SOGEMA serait son manutentionnaire : " Comme par le passé, et au vu de la qualité de la prestation, nous souhaitons avoir la possibilité de stocker du charbon sur le site de la CIPHA en 2000. CAPCOL ayant par ailleurs décidé de faire manutentionner ses tonnages au Havre par la SOGEMA à compter du 1er janvier 2000, nous vous demandons donc de bien vouloir nous envoyer votre meilleure offre commerciale correspondant aux prestations de stockage, relevage, compactage ou criblage de charbon par la CIPHA. "

23. Dans sa réponse du 18 janvier 2000, la CIPHA indiquait ce qui suit : " Nous avons signé en 1983 avec le port autonome du Havre un contrat de concession au centre multivrac, avec vocation d'opérateur unique, pour des installations destinées à recevoir et traiter les charbons par les industries diverses, EDF ayant l'usage quasi exclusif du terminal MC6, relié à sa centrale thermique. Tous les textes et toutes les décisions du Conseil d'administration du port autonome du Havre ont toujours été dans ce sens. Pendant 15 ans, cette organisation a donné satisfaction à tous nos clients, y compris à vous-même, que ce soit en tant qu'EDF ou CAPCOL. Vous vous plaisez à constater, ce dont nous vous remercions, que la prestation de CIPHA était excellente, bien que les tonnages reçus pour votre compte aient varié de 0 à 1 175 KT sur 12 mois consécutifs sans aucune planification prévisionnelle de votre part, en particulier l'hiver dernier où la pointe d'activité a provoqué chez CIPHA des charges exceptionnelles insupportables (déplacements de tas par poussage et camionnage, rechargement des barges sans utilisation de la roue pelle immobilisée pour le déchargement des navires). Par ailleurs, les clients réguliers de CIPHA ont dû supporter des surestaries très importantes du fait de l'encombrement du quai. Vous avez bénéficié d'un tarif particulier prenant en compte votre potentiel et vos engagements de tonnages tels que décrits par notre lettre du 16 mars 1999. Ce tarif était évidemment établi compte tenu du caractère global de nos prestations d'opérateur unique. L'expérience malheureuse pour la CIPHA de la campagne 1998/1999, ci-dessus rappelée, nous conduit bien évidemment à revoir notre tarif pour l'ensemble de nos prestations habituelles, et vous le trouverez en annexe pour la poursuite de notre contrat. Bien entendu, les tonnages actuellement stockés bénéficient du tarif 1999, tant en ce qui concerne le stockage que la réexpédition. Vous nous interrogez sur notre tarif stockage/relevage/compactage, dans l'hypothèse où vous décideriez de nous retirer la partie manutention. Nous vous rappelons bien entendu que nous sommes en relation contractuelle d'affaires depuis plus de 8 ans. Le contenu du contrat qui nous lie a toujours été le même et consiste en une prestation globale incluant aussi bien l'utilisation de l'outillage que la manutention, le stockage, le relevage et le compactage. Retirer l'un des composants essentiels de ce contrat aurait pour effet d'en bouleverser l'économie (...). Si vous décidez de passer outre, nous vous indiquons dans ce contexte, que nos prestations, si elles devaient exclure la manutention, sont régies par des tarifs publics qui recevront alors application. "

24. N'ayant pas reçu le tarif correspondant aux seules prestations de stockage, relevage, compactage ou criblage du charbon par la CIPHA, CAPCOL réitérait sa demande le 19 janvier 2000 dans les termes suivants : " Par courrier du 7 décembre dernier, je vous demandais de bien vouloir m'adresser le tarif correspondant à vos prestations sur le terminal multivrac, sachant que nous souhaitons confier la manutention sur ce quai public au manutentionnaire SOGEMA. Lors de notre entretien téléphonique du 6 janvier dernier, je vous ai décrit les difficultés actuelles d'approvisionnement des centrales EDF et la sécurité qu'apporterait le déchargement de 2 navires au multivrac, avec une contrainte de nomination des navires dans les 2 jours suivants. Vous m'avez alors déclaré ne pas pouvoir donner dans ce délai autre chose qu'un tarif complet incluant la manutention par un partenaire de votre choix. Comme tout chargeur sur un quai public, j'estime avoir le choix du manutentionnaire et je réitère donc ma demande de tarification pour vos propres services, demande qui s'appuie sur le fondement de l'article 81-1 e) du traité de Rome relatif à l'interdiction des ventes liées ou subordonnées. Par ailleurs, j'ai déjà pu vous expliquer que le choix par CAPCOL de la SOGEMA pour la manutention de ses tonnages sur le port du Havre ne recelait aucune agressivité vis-à-vis de CIPHA, mais qu'il s'intégrait dans la recherche constante d'une amélioration de la compétitivité des chaînes logistiques. Devant l'urgence à prendre des dispositions pour le déchargement des prochains navires et ayant bien noté la date du 17 janvier pour votre conseil d'administration, je vous demande une réponse avant le 31 janvier 2000. "

25. La CIPHA répondait dans un courrier du 25 janvier 2000, en ne transmettant toujours pas sa tarification hors prestations de manutention : " Votre courrier du 19 janvier dernier s'est croisé avec notre propre courrier du 18 janvier, dont nous vous confirmons les termes. Votre courrier évoque en ce qui concerne le choix du manutentionnaire la notion de vente liée, sur le fondement de l'article 81.1 e) du traité de Rome. En aucun cas, il ne s'agit d'une vente liée mais d'un mode d'organisation. Nous devons souligner que les récentes évolutions de la politique portuaire française privilégient la notion de "terminal opérateur", où un opérateur unique ayant participé aux investissements intègre l'ensemble des opérations liées à un déchargement ou chargement d'un navire. Le Code des ports maritimes vient ainsi d'être modifié (décret n° 99-782 du 8 septembre 1999) pour prendre en compte cette évolution notamment au titre du projet vrac de Dunkerque. Le récent rapport de la Cour des comptes sur les ports propose d'ailleurs d'infléchir la politique portuaire française dans ce sens. Le système d'opérateur unique répond à un souci d'efficacité et de compétitivité, qui est le votre. Comme nous vous l'avons précisé verbalement lors de la dernière réunion entre nos deux sociétés et la SOGEMA, nous sommes prêts à étudier l'intégration de la prestation de cette dernière société, mais nous nous sommes heurtés à un refus verbal de leur part. "

26. Dans un courrier du 26 janvier 2000, CAPCOL réitérait sa demande de tarification hors manutention et demandait à la CIPHA de lui faire parvenir avant le 31 janvier 2000 les tarifs publics en vigueur au 1er février 2000 mentionnés dans son courrier du 18 janvier : " Votre courrier cité en référence et reçu le 26 janvier courant a probablement croisé notre envoi recommandé du 19.01.2000. 1. Nous actons le fait que les tonnages actuellement stockés bénéficieront du tarif 1999 incluant la manutention par le personnel de votre choix, proposition que nous vous avions faite dans notre courrier du 19.01-2000. 2. Concernant votre tarification 2000 incluant la manutention, nous vous en remercions tout en vous rappelant qu'elle ne correspond pas à notre demande dans la mesure où CAPCOL a confié la manutention de ses tonnages sur ce quai public au manutentionnaire SOGEMA. Face à l'urgence des décisions à prendre pour le déchargement des prochains navires et devant le risque de rupture d'approvisionnement sur les centrales d'EDF, nous vous confirmons notre demande de tarification hors manutention et vous demandons donc de nous faire parvenir avant le 31.01.2000 les tarifs publics en vigueur au 01.02.2000 et mentionnés dans votre courrier. "

27. Le 1er février 2000, le port autonome du Havre a communiqué sous la forme suivante à CAPCOL les taxes pour l'utilisation des installations concédées de la CIPHA sur le MTV (ces installations interviennent en " aval " de l'outillage public géré par le port lui-même). Il s'agit des tarifs publics approuvés par le port selon la procédure définie à l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes : " Tarifs approuvés par le Port autonome du Havre selon la procédure définie à l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes : ces taxes d'usage s'entendent pour des trafics de combustibles minéraux solides, hors assurances, à date du 1er janvier 1993. Ces taxes incluent la taxe d'usage de l'outillage du port autonome du Havre, au centre Multivrac, pour des opérations de déchargement navires et rechargement barges, caboteurs.

1. Déchargement d'un navire spécialisé pour le transport de marchandises en vrac, transfert et mise sur le parc CIPHA : par tonne 34,56 F/t (5,27 euro)

2. Reprise sur parc CIPHA et chargement sur moyen d'évacuation :

- sur wagon isolé par tonne 14,32 F/t (2,18 euro)

- sur rames de wagon par tonne 11,73 F/t (1,79 euro)

- sur trains complets par tonne 9,05 F/t (1,38 euro)

- sur camions par tonne 13,44 F/t (2,05 euro)

- sur barges, caboteurs et navires de mer par tonne 8,60 F/t (1,31 euro)

3. Stationnement sur le parc CIPHA :

La taxe de stationnement sur parc est calculée par jour indivisible et par tonne, sous réserve d'une franchise de quinze jours : par tonne et par jour ........0,109 F/t (0,02 euro)

L'application de ces tarifs s'effectue sous réserve de l'approbation des conditions générales de CIPHA. "

28. Dans un courrier complémentaire du 1er février 2000, le directeur du port autonome précisait que pour le chargement sur barges, caboteurs et navires de mer, le tarif de 8,60 F/t n'intégrait pas le tarif d'outillage public au MTV1 qui s'élevait à 9,99 F/t ni le tarif public au MTV2 qui s'élevait à 8,16 F/t.

29. La CIPHA a, à son tour, communiqué ces mêmes taxes d'usage à CAPCOL dans un courrier du 15 février 2000.

30. Par ailleurs, selon la SOGEMA, la CIPHA ne l'aurait, le cas échéant, acceptée comme sous-traitante de Havre Manutention (elle-même sous-traitante de SHGT) qu'à la condition qu'elle suspende auprès du port sa demande d'établissement d'un terminal sur le site du MTV et qu'elle s'engage à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT.

31. C'est ce qui ressortirait de deux projets de convention entre la CIPHA et CAPCOL déterminant les conditions de réception des tonnages de CAPCOL sur le terminal MTV.

32. Ces projets prévoient, à l'expiration de la convention au mois de mars 2001, l'engagement de la société CAPCOL sur un tonnage minimum en 2000 et 2001 et l'engagement de la CIPHA sur un tarif de 22 F/t pour le déchargement des navires.

33. Le premier projet, daté du 24 octobre 2000 et adressé par la CIPHA à CAPCOL le 26 octobre 2000 par télécopie, stipule en outre dans son article 6 " Trafic CAPCOL : mode d'organisation de la CIPHA " : Pour les opérations de déchargement navires de CAPCOL (et uniquement pour ceux-là), Havre Manutention (sous-traitant de SHGT) prendra comme sous-traitant SOGEMA, sachant que SHGT (avec sa filiale Havre Manutention) est le manutentionnaire de CIPHA (...). "

34. L'article 8 du projet relatif aux accords complémentaires précise : " Le présent contrat sous-entend des accords complémentaires entre des sociétés non signataires du présent accord. Cependant, la réalisation de ce contrat est totalement subordonnée au constat par les parties de la réalisation des engagements suivants, pris lors de la réunion au Havre du 18 octobre 2000 et approuvés par la SHGT, Havre Manutention, CAPCOL et CIPHA. Ceux-ci sont les suivants :

- SOGEMA suspend auprès du port autonome du Havre sa demande d'établissement d'un terminal sur le site du centre Multivrac. CAPCOL adressera à CIPHA copie du courrier de la SOGEMA.

- SOGEMA s'est engagé auprès du PAH et du GEMO à ne pas traiter les trafics de CIPHA et de SHGT. Afin d'appliquer la présente convention, Havre Manutentions notifiera auprès du PAH et du GEMO son accord pour que le trafic CAPCOL traité au centre Multivrac, le soit dans le mode d'organisation ci-avant décrit et pour la période considérée. CIPHA adressera à CAPCOL copie du courrier de Havre Manutentions.

L'application du présent contrat est suspendue au constat que les engagements ci-dessus ont bien été réalisés. "

35. Le deuxième projet, toujours daté du 24 octobre et transmis à CAPCOL le 27 octobre 2000 par télécopie, supprime la condition d'engagement de la SOGEMA pour les trafics de la CIPHA et de la SHGT, mais maintient la condition de suspension de la demande d'établissement de terminal de la SOGEMA au port autonome du Havre.

36. Ces projets de convention n'ont pas été entérinés en raison du refus de la SOGEMA de retirer sa demande d'occupation d'un terminal auprès du port autonome, comme elle en informait la CIPHA par télécopie du 31 octobre 2000 : " La société CAPCOL vient de me transmettre que vous leur avez signifié le 27 octobre 2000 votre accord pour faire décharger par SOGEMA le navire M/V Manna au centre Multivrac sous réserve qu'avant l'accostage du navire vous ayez reçu copie de l'engagement de SOGEMA de retirer sa demande de terminal auprès du PAH. En l'état, je vous informe que la SOGEMA ne peut que rejeter un tel accord en ce qu'il cherche à limiter le développement de notre société au port du Havre. Devant de telles pratiques anticoncurrentielles, je vous précise que dans l'hypothèse où la société CIPHA refuserait le prochain navire CAPCOL aux motifs que cette société n'aurait pas choisi Le Havre Manutention comme acconier, au terminal public du Multivrac, je saisirai immédiatement le Conseil de la concurrence pour non-respect de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ".

37. La CIPHA répondait en ces termes le jour même : " Le sens de votre fax du 31 octobre 2000 nous échappe, car nos sociétés ne sont pas en contact commercial. Par ailleurs, nous n'empêchons personne de travailler au centre Multivrac. Comme le prévoit notre contrat de concession, nous sommes prêts à recevoir tout trafic de charbon d'un opérateur en faisant la demande (sous réserves techniques), avec application de notre tarif public. De même, vous êtes parfaitement libre de demander un terrain au port autonome du Havre pour votre activité. CIPHA travaille pour EDF et CAPCOL depuis dix ans avec sa propre organisation et nous sommes toujours prêts à recevoir des tonnages de cet importateur. CAPCOL s'est rapproché de nous depuis le début de l'année 2000, pour nous demander des conditions particulières. Nous avons échangé avec cette société un grand nombre d'informations et entrepris sur cette base des négociations. C'est au cours de ces négociations, non conclues à ce jour, qu'un schéma de travail a été établi parmi d'autres, sur le constat que CAPCOL souhaitait faire décharger ses charbons par votre société, sachant que par ailleurs CIPHA s'est organisée pour faire décharger les charbons qu'elle reçoit par SHGT. CAPCOL nous a évoqué, au cours des négociations, que dans la recherche d'un accord global équilibré et destiné à concilier des intérêts concurrentiels réels, elle pourrait vous proposer d'abandonner votre projet d'installation qui, semble t-il, serait prématuré. Nous vous confirmons qu'il n'y a dans notre esprit aucune volonté de pratiques anticoncurrentielles. Chacun est libre de se déterminer. Cependant, vous conviendrez avec nous que la recherche d'un accord commercial peut amener les différentes parties à des concessions équilibrées ".

38. En l'absence d'accord de la SOGEMA pour retirer sa demande d'établissement de terminal sur le MTV, la société CAPCOL a décidé, le 31 octobre 2000, de faire décharger le navire MV/Manna par la CIPHA, dans les conditions qu'elle choisirait, au tarif de déchargement et mise sur parc de 22 F/t et en informait la CIPHA par télécopie du même jour : " Comme vous l'avez constaté, SOGEMA n'est pas prêt à retirer sa demande de terminal auprès du PAH. Lors de notre conversation téléphonique de ce matin, nous avons retenu qu'il existe de votre point de vue deux solutions pour permettre le déchargement du navire M/V Manna au centre Multivrac :

- soit la prestation de déchargement navire et mise sur parc est confiée totalement à CIPHA, qui retient SHGT comme manutentionnaire, pour un prix total, y compris la manutention, de 22 F/t ;

- soit le déchargement du navire et la mise sur parc sont effectués au centre Multivrac avec SOGEMA comme manutentionnaire, et dans ce cas vous considérez que le tarif public d'outillage du PAH doit s'appliquer, soit au total, si nous nous référons à votre courrier du 15 février 2000, 34,58 F/t hors assurance et hors manutention pour le déchargement d'un navire, transfert et mise sur le parc CIPHA.

Compte tenu de la situation conflictuelle entre SOGEMA, SHGT et CIPHA à ce jour, et afin que CAPCOL ne supporte pas le surcoût de la deuxième solution par rapport à la première qui nous apparaît inacceptable, nous demandons à CIPHA, sans préjudice des solutions d'organisation retenues plus tard et pour lesquelles nous estimons pouvoir dans le futur utiliser les services du manutentionnaire de notre choix, de traiter le navire MV/Manna dans les conditions qu'elle choisira au tarif de déchargement et mise sur parc de 22 F/t, en mettant tout en œuvre pour que le déchargement se passe dans de bonnes conditions. "

3. SUR L'ENTENTE ANTICONCURRENTIELLE IMPUTEE AU PORT AUTONOME DU HAVRE ET AUX SOCIETES CIPHA, SHGT ET HAVRE MANUTENTION

39. La SOGEMA soutient que c'est de manière concertée entre le port autonome, la CIPHA, la SHGT et Havre Manutention qu'elle a été empêchée d'exercer librement son activité de manutentionnaire sur le terminal MTV pour ses clients.

40. Elle fait valoir que l'existence d'une entente anticoncurrentielle est établie par le défaut de réponse du port autonome au courrier de son avocat du 11 octobre 2000 demandant une prise de position sur l'attitude de la CIPHA qui aurait refusé de stocker toute cargaison déchargée au poste Multivrac destinée à CAPCOL dans l'hypothèse où cette société ne ferait pas appel au manutentionnaire qu'elle aurait elle-même désigné. De même, dans le but de protéger la SHGT et sa filiale Havre Manutention, la CIPHA n'a jamais - indique-t-elle -sollicité du port l'application de la convention de concession en vue de faire bénéficier la SOGEMA des tarifs privilégiés pour l'utilisation de l'outillage public portuaire de manutention à l'occasion du déchargement du navire Toscanini et elle ne se serait pas non plus opposée aux pratiques de discrimination tarifaire du port pour les opérations de transbordement direct.

41. La saisissante souligne que les projets d'accords commerciaux d'octobre 2000 indiquent en outre manifestement à l'article 8 que la SHGT et Havre Manutention ont approuvé les deux conditions posées par la CIPHA : d'une part, que la SOGEMA retire sa demande de terminal sur le centre MTV et, d'autre part, qu'elle s'engage à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT.

C. LES GRIEFS NOTIFIES

42. Le 29 novembre 2006, les griefs suivants ont été notifiés :

" 1°) Il est fait grief au port autonome du Havre d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des infrastructures portuaires sur la basse vallée de la Seine en se livrant à des pratiques de discrimination tarifaire à l'encontre de la SOGEMA et en approuvant l'offre couplée de la CIPHA dans les conditions prévues à l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes, pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code du commerce. Ces pratiques ont eu pour objet et pour effet de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention des vracs solides sur le terminal Multivrac (MTV) du port du Havre ;

2°) Il est fait grief à la CIPHA d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des capacités disponibles de stockage de charbon sur la basse vallée de la Seine en se livrant à des pratiques d'offre couplée pour les prestations de stockage et de manutention sur le terminal MTV et en imposant des conditions de nature anticoncurrentielle à l'encontre de la SOGEMA dans ses projets d'accord commerciaux avec la société CAPCOL, pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code du commerce. Ces pratiques ont eu pour objet et pour effet de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention des vracs solides sur le terminal MTV du port du Havre ;

3°) Il est fait grief au port autonome du Havre de s'être entendu avec la CIPHA dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code du commerce, en approuvant les tarifs de la prestation globale offerte par la CIPHA dans les conditions prévues à l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes, sans exiger l'établissement d'un barème distinct pour l'utilisation des installations de stockages concédées et le service accessoire de la manutention. Le port autonome du Havre a approuvé par là même la politique commerciale suivie par la CIPHA pour limiter l'accès d'autres manutentionnaires sur le marché de la manutention du terminal MTV, qu'il est venu renforcer par l'édiction de tarifs publics applicables aux tiers pour l'utilisation des outillages publics gérés par lui deux fois plus élevés que ceux négociés avec la CIPHA, mettant ses concurrents dans l'impossibilité de présenter une offre compétitive ;

4°) Il est fait grief à la SHGT de s'être entendue avec la CIPHA dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code du commerce, en approuvant les conditions imposées par la CIPHA à la SOGEMA dans les projets d'accord commerciaux du 24 octobre 2000 négociés avec la société CAPCOL, aux termes desquelles la SOGEMA devait retirer sa demande de terminal sur le MTV et s'engager à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT ;

5°) Il est fait grief à la CIPHA de s'être entendue avec le port autonome du Havre dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code du commerce, en proposant à l'approbation du port selon la procédure prévue par les articles R. 115-15 et R. 115-16 du Code des ports maritimes, les tarifs de sa prestation globale incluant les prestations de manutention et de stockage du charbon sans présenter de tarifs distincts pour chacune de ces prestations ;

6°) Il est fait grief à la CIPHA de s'être entendue avec la SHGT dans des conditions contraires à l'article L. 420-1 du Code du commerce, en présentant à l'approbation de celle-ci les conditions qu'elle imposait à la SOGEMA dans les projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000 négociés avec la société CAPCOL aux termes desquelles la SOGEMA devait retirer sa demande de terminal sur le MTV et devait s'engager à ne pas traiter les trafics de la CIPHA et de la SHGT. "

II. Discussion

A. SUR LA COMPETENCE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

1. EN CE QUI CONCERNE LES TARIFS CONVENTIONNELS APPLICABLES A LA CIPHA POUR L'UTILISATION DE L'OUTILLAGE PUBLIC DE MANUTENTION GERE PAR LE PORT AUTONOME DU HAVRE

43. La CIPHA soutient que le juge administratif est seul compétent pour connaître des pratiques liées à l'application des tarifs conventionnels conclus entre le port autonome du Havre et elle-même pour l'utilisation de l'outillage public de manutention géré par le port, dès lors que la fixation de ces tarifs résulterait directement du contrat de concession d'outillage public relatif au stockage du charbon, qui revêt un caractère administratif. Elle soutient également que ces tarifs sont relatifs à l'organisation du service public et à la gestion du domaine public et, enfin, que même s'ils ne sont pas fixés unilatéralement, le port autonome du Havre disposerait de prérogatives de puissance publique au moment de leur détermination.

44. L'article L. 410-1 du Code du commerce énonce que " les règles définies au présent titre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public. "

45. Dans un arrêt du 18 octobre 1999, Aéroport de Paris et compagnie nationale Air France c/TAT European Airline Sarl, le tribunal des conflits a jugé que : " Si, dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de service, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen des prérogatives de puissance publique relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes publiques. "

46. Dans un arrêt du 16 mai 2000, Semmaris, la Cour de cassation a rappelé que les actes de gestion du domaine public et, notamment, la fixation des redevances afférentes à l'occupation du domaine public, échappent également à la compétence du Conseil de la concurrence. Dans une décision n° 01-D-78 du 6 décembre 2001 relative à des pratiques de l'INSEE concernant les conditions de commercialisation des informations issues du répertoire SIRENE, le Conseil a indiqué que la fixation unilatérale, par arrêté ministériel, du prix d'une prestation de service qui ne peut faire l'objet d'aucune négociation et peut être modifiée unilatéralement à tout moment, révèle par elle-même l'exercice d'une prérogative de puissance publique et qu'il n'était donc pas compétent pour en connaître.

47. Enfin, dans son avis n° 05-A-15 du 11 juillet 2005 concernant un projet de décret relatif aux redevances pour services rendus dans les aéroports, le Conseil de la concurrence a indiqué qu'il n'était pas compétent pour connaître de la fixation de tarifs résultant directement d'un contrat de concession ou d'occupation du domaine public.

48. En l'occurrence, si l'existence du tarif en question est prévue dans une annexe à la convention de concession d'outillage public de stockage et de rechargement de pondéreux à laquelle la CIPHA est partie, ce tarif ne porte pas sur les prestations objet de la concession (il porte sur des prestations qui interviennent en amont ou, le cas échéant, en aval) et il ne concerne pas non plus le niveau des redevances d'occupation du domaine public dues pour l'exercice de l'activité concédée.

49. De plus, ainsi que le Conseil l'a déjà relevé dans les décisions n° 02-D-15 et n° 06-S-04 (voir à cet égard les points 62 à 64 de cette dernière) ce tarif fait l'objet d'une négociation entre le port et la CIPHA, en tout cas depuis que les formules de calcul transitoires figurant dans l'annexe précitée ne s'appliquent plus, en vertu de l'article 3 de celle-ci. Cette négociation se conclut par la signature d'une convention.

50. Dans ces conditions, la détermination du tarif ne révèle pas l'exercice d'une prérogative de puissance publique.

51. A cet égard, contrairement à ce que soutient en substance la CIPHA, il ne suffit pas qu'un tarif soit prévu dans un contrat administratif pour que le Conseil de la concurrence ne puisse en connaître. En l'espèce, l'appréciation à porter sur le point de savoir si l'application au cas par cas de ce tarif revêt, par son caractère discriminatoire, la qualification d'abus de position dominante est détachable de celle consistant à juger de la légalité du contrat de concession.

52. Il résulte de ce qui précède que le Conseil est compétent pour qualifier au regard des règles de concurrence les tarifs " conventionnels " ou négociés avec la CIPHA pour l'utilisation de l'outillage de manutention géré par le port autonome du Havre.

2. EN CE QUI CONCERNE LES TARIFS POUR L'UTILISATION DES OUTILLAGES PUBLICS DE STOCKAGE CONCEDES A LA CIPHA

53. La CIPHA et le port autonome du Havre contestent également la compétence du Conseil de la concurrence pour connaître des pratiques liées à la détermination et à l'application des tarifs des outillages publics de stockage et de rechargement concédés à la CIPHA, qui sont adoptés dans les conditions des articles R. 115-15 et R. 115-16 du Code des ports maritimes. Leur procédure d'adoption révèlerait l'existence de prérogatives de puissance publique.

54. Ils font valoir que ces tarifs revêtent le caractère de redevances pour services rendus dans le cadre d'une mission de service public et que la procédure selon laquelle ils sont adoptés ferait usage de prérogatives de puissance publique.

55. Il convient de relever que les outillages publics concédés à la CIPHA comprennent les outillages spécifiques utilisés pour la mise sur parc de stockage (bandes transporteuses, station de reprise à partir des équipements publics et des équipements de manutention internes), le parc de stockage et les moyens de rechargement sur wagons et camions.

56. L'article 26 du cahier des charges stipule : " Dans les six mois précédant la mise en exploitation du centre Multivrac, il sera établi, selon la procédure définie à l'article R. 115-15 du Code des ports maritimes, un barème des tarifs d'usage des installations qui sera alors annexé au présent cahier des charges. La modification de ces tarifs interviendra dans les conditions prévues à l'article R. 116-16 du Code des ports maritimes. " Les principes d'établissement de ces tarifs sont définis à l'annexe du cahier des charges relative à la rémunération du concessionnaire.

57. L'article R. 115-5 du Code des ports maritimes dispose : " Les tarifs et conditions d'usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés, lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de l'obligation de service public, sont institués selon la procédure définie par les articles R. 115-9 à R. 115-13. Ils figurent en annexe au cahier des charges qui doit prévoir que leur modification est opérée selon la procédure fixée par l'article R. 115-16. " En vertu de l'article R. 115-16 du Code des ports maritimes, les projets modificatifs (par rapport au barème initial annexé au cahier des charges) des tarifs et conditions d'usage des installations concédées sont proposés pour approbation au port autonome, qui procède à leur affichage dans les endroits les plus fréquentés du port pendant quinze jours. Ces tarifs sont réputés approuvés si le conseil d'administration du port n'émet pas d'opposition dans un délai de quinze jours. En cas d'opposition, le ministre de Tutelle est saisi. Sauf confirmation de l'opposition par le ministre dans le délai d'un mois, celle-ci est levée de plein droit à l'expiration dudit délai.

58. Selon une jurisprudence bien établie, si un acte d'homologation par une personne publique constitue une décision administrative susceptible de recours devant la juridiction administrative, un tel acte n'a pas pour effet de conférer par lui-même à la décision homologuée un tel caractère (Conseil d'État, 18 juin 1954, sieur Basgeix, recueil p. 361, Tribunal des conflits, 12 juin 1961, sieur Rolland c/SNCF, recueil p. 866 ; voir aussi, par exemple, en ce qui concerne l'homologation ministérielle de l'offre tarifaire de France Télécom, la décision n° 98-MC-03 du Conseil de la concurrence, rappelée dans sa décision n° 04-D-22).

59. En l'occurrence, les pratiques reprochées à la CIPHA en ce qui concerne la tarification de l'utilisation de l'outillage public concédé résultent bien de décisions autonomes de sa part, même si les tarifs en question font le cas échéant l'objet d'une décision d'homologation.

60. En effet, l'annexe au cahier des charges de la concession, relative à la rémunération du concessionnaire, distingue les tarifs publics des tarifs spéciaux. Elle précise : " (...) les tarifs publics qui seront soumis au conseil d'administration du port autonome devront être calculés d'après les règles suivantes (compte-tenu du fait que les tarifs spéciaux sont négociés en fonction de la concurrence). " Il s'en déduit que les tarifs spéciaux, tels ceux négociés entre la CIPHA et CAPCOL, ne sont soumis à aucune règle particulière quant à leur détermination. Par ailleurs, si les tarifs publics, tels qu'ils ont été fournis à CAPCOL par le port autonome par lettre du 1er février 2000 et par la CIPHA par lettre du 15 février 2000, sont effectivement soumis aux termes du cahier des charges à des règles visant à assurer un certain bénéfice comptable au concessionnaire, aucune de ces règles n'oblige ni n'incite la CIPHA à présenter ces tarifs en groupant un certain nombre de prestations, pratique qui motive les griefs d'offre couplée adressés à cette société.

61. Par ailleurs, le Conseil de la concurrence étant compétent pour connaître des tarifs négociés en vue de l'utilisation des outillages portuaires de manutention, la circonstance, invoquée par la CIPHA, que les tarifs des outillages concédés prendraient en compte les montants des tarifs négociés est sans incidence sur sa compétence.

62. Il résulte de ce qui précède que le Conseil de la concurrence est compétent pour connaître des pratiques tarifaires de la CIPHA concernant les outillages publics concédés qui font l'objet des griefs adressés à cette société.

63. En revanche, la décision d'homologation du port autonome présente bien un caractère administratif. Dès lors, le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour examiner le grief d'abus de position dominante tiré de l'approbation, par le port autonome du Havre, de la grille tarifaire des outillages concédés à la CIPHA. De même, en s'abstenant de prendre position sur les agissements de la CIPHA et les différenciations tarifaires, le port autonome du Havre a agi en sa qualité d'organisateur du service public portuaire et mis en œuvre ses prérogatives de puissance publique. Cette abstention s'analyse comme une décision implicite de rejet qui revêt, elle aussi, un caractère administratif. Le Conseil de la concurrence n'est donc pas compétent pour connaître des griefs tirés de l'existence d'une entente entre le port autonome du Havre et la CIPHA qui serait matérialisée par l'approbation officielle des tarifs des outillages publics concédés.

64. Il résulte de ce qui précède que le Conseil est compétent pour se prononcer sur les griefs suivants :

- abus de position dominante du port autonome du Havre du fait de s'être livré à des pratiques de discrimination tarifaire à l'encontre de la SOGEMA en ce qui concerne l'utilisation de l'outillage public géré par lui-même (première partie du grief n° 1) ;

- abus de position dominante de la CIPHA du fait de ses offres couplées pour les prestations de stockage et de manutention sur le terminal MTV et du fait d'avoir imposé des conditions de nature anticoncurrentielle à l'encontre de la SOGEMA dans ses projets d'accords avec CAPCOL (grief n° 2) ;

- entente entre la CIPHA et la SHGT pour imposer à la SOGEMA des conditions de nature anticoncurrentielle dans les projets d'accord entre la CIPHA et CAPCOL (griefs nos 4 et 6).

B. SUR LES PRATIQUES

65. La présente décision analyse d'abord le marché pertinent, en vue de rechercher l'existence d'une éventuelle position dominante du port autonome du Havre et de la CIPHA. Elle examine ensuite les pratiques d'abus de position dominante imputées au port autonome du Havre et à la CIPHA, puis d'entente entre la CIPHA et la SHGT.

1. SUR LE MARCHE PERTINENT

66. Sont concernés les services portuaires destinés au charbon. S'agissant de la délimitation des marchés en termes de produits, peuvent être distingués les marchés des différentes infrastructures portuaires, sur lesquels interviennent le port autonome du Havre et la CIPHA, le marché du stockage, sur lequel interviennent la CIPHA et la SOGEMA, ainsi que le marché de la manutention sur lequel interviennent la CIPHA, la SHGT, Havre Manutention et la SOGEMA. CAPCOL n'est pas considéré dans la présente affaire comme un opérateur, puisqu'il n'intervient que pour ses propres besoins ou ceux du groupe EDF auquel il appartient.

67. S'agissant de la dimension géographique de ces différents marchés liés entre eux, il convient de faire application des critères rappelés par le Conseil dans sa pratique décisionnelle. Un marché géographique pertinent comprend le territoire sur lequel les offres de biens et services en cause des entreprises concernées sont sujettes à des effets de substitution et sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes.

68. Dans sa décision n° 05-D-28 du 15 juin 2005 relative à des pratiques d'entreprises de manutention et de stockage sur le port de La Rochelle, le Conseil a indiqué que la délimitation géographique d'un marché de services portuaires est liée aux " hinterlands " des ports, qui peuvent être définis comme les zones d'influence économique, structurées et innervées par des axes de desserte terrestre des ports. En principe, deux ports dont les " hinterlands " pour un produit débarqué à leurs quais ne se recoupent pas ou se recoupent marginalement ne font pas partie du même marché géographique.

69. En l'espèce, ainsi qu'il a été relevé dans la notification de griefs (points 93 à 103), les utilisateurs des services portuaires du port du Havre pour l'approvisionnement en charbon sont très essentiellement situés en Normandie et en Ile de France : ils représentent la totalité des volumes pour le charbon exclusivement " EDF " passant par le MC6 et plus de 80 % pour le charbon passant par le MTV. Or, ces utilisateurs n'ont guère d'alternative pour faire acheminer ce combustible jusqu'à leurs installations, hormis celle du port de Rouen, qui ne peut toutefois pas accueillir tous les types de navires accueillis au Havre, du moins pas à pleine charge. Compte-tenu du poids du charbon, qui requiert pour le transport intérieur en gros des moyens fluviaux ou ferroviaires pour lesquels la distance est un facteur déterminant de choix, ils peuvent en effet difficilement faire acheminer le charbon à partir d'autres ports maritimes plus lointains, contrairement à ce qui serait le cas pour des marchandises plus facilement transportables, notamment celles qui sont couramment mises en conteneurs. Les utilisateurs situés dans d'autres régions que la Normandie et l'Île-de-France sont soit soumis aux mêmes contraintes, soit ne reçoivent que marginalement du charbon importé par la Seine. En tout cas, aucun élément du dossier ne permet de penser que le port du Havre est en concurrence significative avec d'autres ports maritimes, hormis Rouen, pour l'acheminement du charbon.

70. Le représentant du port du Havre a certes fait valoir en séance qu'EDF utilisait différents ports pour l'approvisionnement en charbon de ses centrales thermiques. Toutefois, ce n'est pas la demande globale d'EDF pour l'ensemble de ses sites qu'il convient de prendre en considération, mais la demande d'EDF pour chaque site ou du moins pour des sites situés dans la même zone car, précisément compte-tenu des difficultés à transporter le charbon, la demande de chaque centrale, ou des centrales situées dans la même zone est particulière, ne serait-ce qu'en raison de la nécessité, pour l'opérateur, de disposer de stocks de sécurité dans le port maritime le plus proche.

71. Dans ces conditions, pour les besoins de la présente affaire, il suffit de retenir un marché géographique limité aux ports maritimes susceptibles d'accueillir des navires chargés de charbon dans la basse vallée de la Seine, c'est-à-dire Le Havre et Rouen, sans préjudice de la question de savoir si, en réalité, compte-tenu de leurs conditions d'accueil différentes des navires, Le Havre et Rouen ne constituent pas chacun un marché pertinent.

2. SUR L'EXISTENCE D'UNE POSITION DOMINANTE DU PORT AUTONOME DU HAVRE SUR LE MARCHE DES INFRASTRUCTURES PORTUAIRES DESTINEES AU CHARBON

72. Le marché sur lequel opère le port autonome du Havre en l'espèce est celui des infrastructures portuaires destinées au chargement et au déchargement du charbon, qui comprennent les appontements accessibles aux navires et l'outillage en vue du chargement et du déchargement des pondéreux.

73. Les ports du Havre et de Rouen, qui sont les deux seuls ports maritimes situés dans le marché géographique précédemment délimité, sont situés sur la Seine : le premier à l'embouchure de son estuaire et le second plus en amont et donc plus proche de l'agglomération parisienne. Le port de Rouen possède un terminal minéralier doté d'un quai de 320 mètres appelé " terminal SOGEMA ". L'outillage de manutention y est constitué de cinq grues comprenant une grue de 15 tonnes, deux grues de 8 tonnes et deux grues de 10 tonnes. La surface d'implantation de stockage s'étend sur 30 hectares. La SOGEMA dispose d'un parc de stockage privé de 420 000 tonnes tandis qu'EDF loue un parc de stockage de 500 000 tonnes.

74. Les portiques de déchargement du port autonome de Rouen sont plus nombreux que ceux des deux terminaux MC6 et MTV du port du Havre. Leurs capacités de déchargement sont pourtant moindres : leurs cadences ne dépassent pas les 15 000 tonnes de charbon par jour alors que les équipements des terminaux MC6 et MTV peuvent atteindre respectivement des cadences de déchargement de 30 000 tonnes et 20 000 tonnes par jour.

75. En ce qui concerne les tonnages reçus entre 2000 et 2001 (déchargements et réexpéditions), le port du Havre a traité 9 137 894 de tonnes de charbon contre 2 432 578 de tonnes pour le port de Rouen, soit 80 % des tonnages sur le marché de la basse vallée de la Seine (rapport d'enquête p. 24). Le port de Rouen, ne réalise donc que 20 % du trafic et ne peut, du fait de son emplacement, recevoir que des navires de moindre tonnage ou des navires Cap Size allégés préalablement au Havre. Il est peu probable qu'un autre port vienne à être construit dans la basse vallée de la Seine, susceptible de concurrencer le port autonome du Havre.

76. Il s'ensuit que, pour l'ensemble de ces raisons, le port autonome du Havre se trouve en position dominante sur le marché des infrastructures portuaires destinées au charbon de la basse vallée de la Seine.

3. SUR L'EXISTENCE D'UNE POSITION DOMINANTE DE LA CIPHA SUR LE MARCHE DU STOCKAGE DU CHARBON SUR LA BASSE VALLEE DE LA SEINE

77. L'activité de stockage est une activité pour laquelle il est justifié de tenir largement compte des capacités afin de déterminer la position sur le marché d'un opérateur. En effet, l'activité peut être sujette à de fortes variations dans des temps assez courts, selon les contrats de stockage conclus, mais aussi l'attractivité des opérateurs sur le marché est largement liée à leur capacité d'offre.

78. A cet égard, dans sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JOCE 1997, C 372, p. 5), la Commission européenne indique : " Si les ventes sont généralement la référence pour calculer des parts de marché, il y a néanmoins d'autres références, selon les produits ou l'industrie spécifique en question, qui peuvent offrir l'information utile, telles que, la capacité, le nombre d'opérateurs dans l'offre des marchés, les unités de flottes dans le cas de l'aérospatiale ou des réserves tenues dans le cas des secteurs tels que l'exploitation minière. "

79. C'est notamment ainsi que le Conseil de la concurrence a analysé l'impact sur le marché des parcs de stationnement de l'acquisition du groupe GTM par la société Vinci (avis n° 01-A-08 du 5 juin 2001).

80. Les capacités de stockage de charbon de la CIPHA ont d'ailleurs été mises en avant par la société elle-même lors d'une réunion avec EDF Trading le 26 avril 2000, au cours de laquelle elle indiquait disposer de la plus importante capacité de stockage de la basse Seine. Dans un courrier du 1er décembre 2003 adressé aux services d'enquête, la CIPHA a aussi indiqué que sa capacité de stockage constitue un atout déterminant pour elle par rapport à Rouen.

81. Il y a lieu de souligner par ailleurs que le marché du stockage n'est pas en l'espèce une simple composante d'un marché plus vaste qui serait celui des prestations d'opérateur unique de terminal de pondéreux. La CIPHA invoque à cet égard la qualité d'opérateur de terminal chargé d'une prestation globale. Cependant, la CIPHA n'est liée au port autonome du Havre que par une concession d'outillage public portant sur l'exploitation d'un parc de stockage, signé le 7 décembre 1983, et non par une convention d'opérateur de terminal. Elle n'a donc pas juridiquement la qualité d'opérateur de terminal et n'intervient qu'à titre accessoire sur le terminal MTV en qualité de manutentionnaire, ne disposant d'aucun monopole à ce titre. A cet égard, les responsabilités de la CIPHA ne sont pas les mêmes que celles d'un opérateur de terminal telles que définies par la convention type d'exploitation de terminal résultant du décret du 19 juillet 2000, indépendamment des obligations pesant sur elle en sa qualité d'exploitante d'une installation classée.

82. En outre, à supposer établie l'existence - invoquée par la CIPHA - d'une position dominante de la SOGEMA sur le marché de la manutention du charbon de la basse vallée de la Seine, celle-ci est sans incidence sur l'appréciation de la position de la CIPHA sur le marché du stockage des pondéreux. Il en est de même d'une supposée position dominante de la SOGEMA sur le marché des prestations globales (manutention et stockage), dont elle aurait abusé pour tenter d'accaparer la totalité du trafic du charbon de la basse vallée de la Seine. Au demeurant, les chiffres avancés par la CIPHA pour établir cette position dominante ne sont pas probants, dès lors qu'ils laissent de côté les capacités de stockage des différents opérateurs.

83. S'agissant, donc, des capacités de stockage, la CIPHA soutient devant le Conseil qu'elle ne disposerait que d'une capacité d'un million de tonnes qu'elle n'exploiterait réellement qu'à hauteur de 850 000 tonnes. Elle invoque un arrêté préfectoral du 11 octobre 2001 indiquant abroger un arrêté précédent du 23 juin 1983 et autorisant la CIPHA à exploiter un stockage de charbon d'un million de tonnes sur une superficie de 30 hectares.

84. Cependant, dans son courrier précité du 1er décembre 2003 aux services d'enquête, la CIPHA a indiqué : " La capacité de stockage constitue, comme nous l'avons précédemment évoqué, un atout déterminant de la CIPHA dans son évaluation concurrentielle vis-à-vis de Rouen et du MC6. Le MC6 ne dispose que d'une capacité de 250 000 tonnes sur le parc PAH Est, de plus le charbon est stocké sur une hauteur importante et les possibilités d'intervention restent limitées en cas d'auto échauffement des stocks. Rouen SOGEMA offre une large capacité de stockage de plus d'un million de tonnes dédiées presque exclusivement au trafic de CAPCOL. Pour la CIPHA, la capacité de décompose en : - 1ère zone : 850 000 tonnes ; - 2ème zone : 1 million de tonnes. Cet atout a été partiellement valorisé lors d'opérations de compactage de charbon pour le compte de CAPCOL, dans le cadre de stockage de longue durée (stocks stratégiques). "

85. Le chiffre de 1 850 000 tonnes est même dépassé dans la plaquette de présentation de la CIPHA et dans les brochures éditées par le port autonome du Havre. La plaquette de présentation indique une capacité de stockage de 850 000 tonnes en première zone et jusqu'à 2 millions de tonnes en seconde zone (annexe 6 du rapport de la rapporteure, cote 1344). La brochure " Le Havre, pôle d'importation du charbon vapeur " indique que la CIPHA dispose d'un stockage de 2 millions de tonnes (annexes n° 177 à 183 du rapport d'enquête administrative). Une autre brochure du mois de juin 1999, intitulée " Le port du Havre ", indique que la CIPHA dispose d'un parc de stockage de 2 millions de tonnes équipé des moyens techniques pour le criblage, le broyage, le mélange, le stockage de longue durée et la réexpédition sur trains complets et camions (annexe n° 1 222 du rapport d'enquête).

86. La capacité de stockage de la CIPHA à hauteur minimale de 1 850 000 tonnes, confirmée par l'entreprise auprès des services d'enquête, est donc une donnée dont fait état l'entreprise elle-même pour attirer la demande sur le marché où elle opère. En séance, la CIPHA a indiqué qu'il s'agissait en réalité de données de nature " publicitaire " ou " commerciale ", mais que la capacité de stockage était nettement plus faible, 850 000 tonnes " opérationnelles " et tout au plus 1 000 000 de tonnes. Le Conseil s'étonne d'un tel argument. En tout état de cause, si la CIPHA fait d'une importante capacité de stockage un élément de son attractivité dans le jeu de la concurrence, qui influence nécessairement la demande s'exprimant sur ce marché, c'est bien sur la base de cette donnée que doit être apprécié son pouvoir de marché.

87. S'agissant de l'existence d'autres emplacements de stockage disponibles, il ressort de l'instruction que CAPCOL dispose, en sa qualité d'importateur du charbon EDF, des deux parcs de stockage du terminal MC6 d'une capacité totale de 220 000 tonnes de charbon, auxquels il convient d'ajouter le troisième parc passif dédié à EDF d'une capacité de 250 000 tonnes de charbon, soit une capacité de stockage totale de 470 000 tonnes. Il n'y a pas lieu de prendre en compte la capacité de stockage de 530 000 tonnes de la centrale EDF du Havre car celle-ci ne constitue pas un espace portuaire.

88. Sur le terminal minéralier de Rouen, la SOGEMA dispose d'un parc de stockage de 420 000 tonnes. Sur ce même terminal, EDF loue un autre parc de stockage de 500 000 tonnes de charbon. Selon la CIPHA elle-même, qui rejoint sur ce point les écritures de la SOGEMA, il n'y a pas lieu de tenir compte des 100 000 tonnes du terminal des vracs solides (TVS) du port autonome de Rouen, car ce parc de stockage n'est pas équipé pour la manutention du charbon et ne dispose pas d'une autorisation pour cette activité.

89. Le calcul aboutit ainsi à 3 240 000 tonnes de capacité de stockage du charbon sur la basse vallée de la Seine.

90. Or, l'activité de stockage de charbon est un service intermédiaire dans le cadre d'une activité industrielle. Dans les lignes directrices sur les restrictions verticales (JOCE 2000, C 291, p. 1), la Commission indique : " La production interne, c'est-à-dire la fabrication par une entreprise d'un bien intermédiaire aux fins de sa propre production, peut revêtir une très grande importance dans une analyse de la concurrence en tant que contrainte concurrentielle ou en tant que facteur qui renforce la position d'une entreprise sur le marché. Cependant, pour définir le marché et calculer la part de marché pour les biens et les services intermédiaires, la production interne ne sera pas prise en considération (point 98). "

91. Les 970 000 tonnes de capacité des parcs de stockage d'EDF exclusivement dédiées au charbon EDF, à Rouen comme au Havre, non disponibles pour d'autres utilisateurs, ne sont donc pas sur le marché et ne doivent pas être prises en compte pour apprécier la position des opérateurs qui y font l'offre.

92. Dès lors, sur la basse vallée de la Seine, seules sont disponibles pour les utilisateurs, d'une part, les capacités des stockages de la CIPHA et, à supposer qu'elles puissent être regardées comme telles dans leur intégralité, d'autre part, celles de la SOGEMA à Rouen. Sur 2 270 000 tonnes de capacités disponibles, la CIPHA en détient 81,5 % et la SOGEMA, 18,5 %.

93. En admettant même que la CIPHA ne dispose - comme elle le soutient désormais - que de 850 000 tonnes de capacité, les 1 000 000 de tonnes supplémentaires qui lui sont attribuées au minimum dans la communication commerciale n'étant dans cette hypothèse que " virtuelles ", elle disposerait encore de 67 % des capacités de stockage environ (850 000 tonnes sur 1 270 000).

94. Dans une autre hypothèse, si l'on tenait compte des capacités de stockage de CAPCOL, internes au groupe EDF ; la CIPHA, avec 1 850 000 tonnes, détiendrait 57 % de ces capacités, la SOGEMA, avec 420 000 tonnes, en détiendrait 13 % et EDF-CAPCOL, avec 970 000 tonnes, en détiendrait 30 %.

95. Quant à l'hypothèse consistant à ne pas intégrer les capacités " virtuelles " pour le marché de la CIPHA, mais celles " virtuelles " qui seraient libérées par EDF-CAPCOL, elle est incohérente et il n'y a pas lieu de s'y attarder.

96. S'agissant de l'activité constatée de stockage, selon les chiffres avancés par la CIPHA à la page 35 de ses observations en réponse à la notification de griefs, en 1999, son parc de stockage a accueilli 1 035 776 tonnes de charbon contre 683 800 pour le parc de stockage de la SOGEMA, à Rouen. En 2001, le parc de stockage de la CIPHA a accueilli 804 949 tonnes de charbon contre 447 350 tonnes pour la SOGEMA à Rouen. Dans les deux cas, le parc de stockage de la CIPHA accueille près du double des tonnages accueillis sur le parc de la SOGEMA, à Rouen. L'année 2000, au cours de laquelle le parc CIPHA n'a accueilli que 426 151 tonnes de charbon contre 932 406 tonnes pour le parc SOGEMA à Rouen, constitue une exception. Elle illustre manifestement la situation conflictuelle entre la CIPHA et la société CAPCOL et la difficulté à trouver un accord pour que le charbon destiné à EDF soit déchargé et stocké sur le terminal MTV.

97. Il convient d'ajouter que la CIPHA détient les seules capacités disponibles permettant d'accueillir les grands navires non allégés, le port de Rouen ne pouvant la concurrencer sur ce terrain faute de tirant d'eau suffisant. De plus, la CIPHA est le partenaire historique et jusque là privilégié du port autonome du Havre, lequel est en situation de position dominante sur le marché des infrastructures portuaires destinées au charbon.

98. Il s'ensuit que la CIPHA doit être regardée comme disposant d'une position dominante sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine.

4. SUR LES ABUS REPROCHES

a) Sur l'existence d'une discrimination tarifaire de la part du port autonome du Havre

99. Il est reproché au port autonome du Havre de ne pas avoir appliqué à la SOGEMA les tarifs négociés avec le concessionnaire du parc de stockage du MTV pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port, lorsque la SOGEMA a voulu y décharger du charbon et de lui avoir appliqué au contraire les tarifs publics deux fois plus élevés.

100. Il est également reproché au port d'avoir appliqué ces mêmes tarifs négociés à la CIPHA lorsqu'elle est intervenue comme simple manutentionnaire pour des opérations de transbordement direct sans utilisation du parc de stockage, alors que les tarifs publics ont été, là aussi, appliqués à la SOGEMA pour ce type d'opération.

101. L'article L. 420-2 du Code de commerce mentionne au titre des pratiques d'abus de position dominante les conditions de vente discriminatoires.

102. Comme indiqué précédemment, il existe une double tarification pour l'utilisation des outillages publics gérés par le port autonome du Havre. A côté des tarifs publics pour l'utilisation de cet outillage au terminal MTV, des tarifs spécifiques, d'un montant nettement moins élevé, ont été institués pour favoriser l'activité du concessionnaire dans le cadre de la concession d'outillage public de stockage et de rechargement du 7 décembre 1983 qui lie la CIPHA au port autonome du Havre.

103. L'article 3 du contrat de concession stipule : " Le concessionnaire pourra engager son capital dans des activités autres que la concession. Ces activités devront être en étroite relation avec celles de la concession, par exemple : construction et exploitation d'une usine de traitement des charbons, activités de manutention, valorisation du charbon et autres activités connexes. "

104. L'article 16 du cahier des charges de la concession, relatif aux obligations du concessionnaire, poursuit : " Le concessionnaire sera tenu de mettre les appareils à la disposition du public, non seulement pendant les jours et heures réglementaires du travail de la douane, mais encore en dehors de ces périodes, de jour et de nuit, quand le travail à effectuer aura été autorisé par la douane. Lorsque le concessionnaire se chargera de la manutention, il devra y affecter le personnel nécessaire pour assurer la bonne utilisation du matériel, conformément aux usages du port. "

105. Ces dispositions établissent que le périmètre de la concession s'étend seulement au parc de stockage et à son outillage et que la manutention n'y est pas incluse. La manutention n'est qu'une activité facultative pour le concessionnaire et elle peut relever soit de la CIPHA, soit d'un autre intervenant.

106. A cet égard, le titre IV du cahier des charges porte, d'une part, sur les tarifs de location du parc de stockage et de son outillage (article 26) et, d'autre part, sur la tarification des éventuelles prestations complémentaires de la CIPHA comme la manutention (article 31).

107. Par ailleurs, l'annexe spéciale au contrat de concession consacrée aux conditions d'usage des outillages gérés par le port autonome, prévoit, comme déjà indiqué : " l'association d'intérêt ainsi établie entre le PAH et la CIPHA doit comprendre l'application en faveur du concessionnaire d'un tarif spécial relatif à l'usage de l'outillage public géré par le PAH. Ceci exposé, il a été convenu ce qui suit entre les soussignés :

Article 1er : Le port autonome s'engage à appliquer les conditions tarifaires définies ci-après à toute tonne de charbon chargée ou déchargée à l'appontement, destinée aux installations de la CIPHA. "

108. Il se déduit de l'ensemble de ces stipulations du contrat de concession, en particulier de la dernière et du fait que la CIPHA n'a aucun monopole pour la manutention, que la tarification spéciale doit s'appliquer à tout manutentionnaire chargeant ou déchargeant du charbon à l'appontement du MTV dès lors que ce charbon est destiné aux installations de la CIPHA et non pas seulement à cette dernière, ou à ses sous-traitants, lorsqu'elle se charge de l'activité de manutention. Cette tarification spéciale est destinée à rendre plus attractif le parc de stockage géré par la CIPHA, quel que soit le manutentionnaire choisi et non à favoriser des opérateurs particuliers.

109. Dès lors, la tarification différente appliquée par le port autonome pour l'utilisation de son outillage public de chargement ou de déchargement des bateaux pour du charbon stocké ou transitant par le MTV, selon que la manutention est confiée soit à la CIPHA ou à ses sous-traitants, soit à une autre entreprise, constitue une discrimination non justifiée par une incitation économique.

110. De même, la différence de tarification appliquée à la CIPHA et à ses sous-traitants d'une part, aux autres manutentionnaires d'autre part pour les opérations qui n'appellent pas l'utilisation du parc de stockage, comme les opérations de transbordement direct, n'a pas de justification et relève d'un comportement discriminatoire.

111. Ainsi, en appliquant à la SOGEMA, en février 2001, les tarifs publics pour le déchargement du charbon du navire Toscanini importé par la société CAPCOL, alors que ce charbon était destiné à être stocké sur le parc de la CIPHA, le port autonome du Havre a engendré un désavantage à la SOGEMA de 237 230 euro par rapport à la CIPHA si celle-ci avait assuré les opérations de manutention en cause.

112. De même, ces pratiques discriminatoires ont conduit la SOGEMA à voir lui échapper les prestations qu'auraient pu lui confier la CPCU et la société Terval à l'été 2000 (voir cotes 1925 et 1926) et CAPCOL en octobre 2000 pour le déchargement du navire MV/Manna (cote 1565).

113. A supposer même que, techniquement parlant, la SOGEMA ait pu décharger le navire Toscanini sur le terminal MC6 et s'occuper des opérations de transbordement direct des sociétés Terval et CPCU sur ce terminal en bénéficiant des tarifs préférentiels appliqués à la société CAPCOL pour l'utilisation de l'outillage portuaire, cela est sans incidence sur les pratiques tarifaires du port autonome du Havre sur le terminal MTV.

114. En appliquant de manière discriminatoire des tarifs de manutention qui ont eu pour effet de désavantager la SOGEMA dans la concurrence sur le marché de la manutention, voire de l'évincer, le port autonome du Havre a commis un abus de position dominante prohibé par l'article L. 420-2 du Code du commerce.

b) Les pratiques d'offres couplées de la CIPHA

115. Selon une jurisprudence constante, lorsqu'un opérateur économique, en position dominante sur le marché d'un produit dit " liant ", lie, de façon obligatoire, la vente de ce produit, considéré comme indispensable, à la vente d'un autre produit, dit produit " lié ", cette pratique de couplage est, sauf circonstances particulières, constitutive d'un abus de cette position dominante.

116. Ainsi, dans l'arrêt du 13 février 1979, Hoffmann - La Roche & Co Ag / Commission (85/76, Rec. p. 461) la Cour de justice des Communautés européennes a jugé :

" ..., pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier - fut-ce à leur demande - des acheteurs par une obligation ou promesse de s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 86 du traité, soit que l'obligation en question soit stipulée sans plus, soit qu'elle trouve sa contrepartie dans l'octroi de rabais ;

(...) Il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d'accords passés avec des acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c'est-à-dire de remises liées à la condition que le client - quel que soit par ailleurs le montant, considérable ou minime, de ses achats - s'approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l'entreprise en position dominante ;

(...) En effet, les engagements d'approvisionnement exclusif de cette nature, avec ou sans la contrepartie de rabais ou l'octroi de rabais de fidélité en vue d'inciter l'acheteur à s'approvisionner exclusivement auprès de l'entreprise en position dominante, sont incompatibles avec l'objectif d'une concurrence non faussée dans le Marché commun parce qu'ils ne reposent pas - sauf circonstances exceptionnelles rendant éventuellement admissible un accord entre entreprises dans le cadre de l'article 85, et en particulier du paragraphe 3 de cette disposition - sur une prestation économique justifiant cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l'acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d'approvisionnement et à barrer l'accès du marché aux autres producteurs ;

(...)

Enfin, ces pratiques, dans le chef d'une entreprise en position dominante et particulièrement dans un marché en expansion, tendent à renforcer cette position par une concurrence non fondée sur des prestations et, dès lors, faussée ; " (points 89 et 90).

117. S'agissant plus particulièrement de la situation dans laquelle le produit liant et le produit lié sont sur deux marchés voisins, la Cour a aussi dit pour droit :

" Constitue un abus (...) le fait, pour une entreprise détenant une position dominante sur un marché donné, de se réserver ou de réserver à une entreprise appartenant au même groupe, et sans nécessité objective, une activité auxiliaire qui pourrait être exercée par une tierce entreprise dans le cadre des activités de celle-ci sur un marché voisin, mais distinct, au risque d'éliminer toute concurrence de la part de cette entreprise. " (Arrêt du 3 octobre 1985, CBEM / CLT et IPB, 311/84, Rec. p. 3261, point 27).

118. Dans un cas où l'entreprise en position dominante arguait que le lien fait entre la vente de deux produits différents résultait de motifs d'intérêt général, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé, dans l'arrêt du 6 octobre 1994, Tetra Pak / Commission (T 83/91, Rec. p. II - 755, point 83) :

" Par ailleurs, l'argumentation de la requérante relative aux exigences de la protection de la santé publique et de ses intérêts ainsi que de ceux de ses clients ne saurait être accueillie. En effet, il n'appartient pas aux producteurs d'équipements complets de décider que, pour satisfaire à des impératifs d'intérêt général, des produits consommables, tels que les cartons, constituent, avec les machines avec lesquelles ils sont destinés à être utilisés, un système intégré indissociable. Selon une jurisprudence bien établie, en l'absence de normes et de règles générales contraignantes, tout producteur indépendant est parfaitement libre, au regard du droit communautaire de la concurrence, de fabriquer des produits consommables destinés à être utilisés dans des appareils fabriqués par d'autres à moins que, ce faisant, il ne porte atteinte à un droit de propriété intellectuelle détenu par un concurrent (voir l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti / Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 68, ainsi que l'arrêt de la Cour du 2 mars 1994, Hilti / Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, points 11 à 16). "

119. Dans l'arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak / Commission (C-333/94 P, Rec. p. I-5951, point 37), rendu sur pourvoi contre l'arrêt du Tribunal, la Cour de justice a précisé :

" (...) la liste des pratiques abusives établie à [l'article 82 CE] deuxième alinéa, du traité n'est pas limitative. En conséquence, même lorsque la vente liée de deux produits est conforme aux usages commerciaux ou lorsqu'il existe un lien naturel entre les deux produits en question, elle peut néanmoins constituer un abus au sens de [l'article 82 CE], à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée. "

120. Les autorités de concurrence ont à de nombreuses reprises condamné de telles pratiques de couplage. Peuvent notamment être mentionnées, outre les décisions ayant donné lieu aux arrêts précités, la décision de la Commission européenne 88/138/CEE du 22 décembre 1987 Eurofix-Banco / Hilti (JOCE L 65, p. 19, points 30 à 34, 74, 75 et 98) ainsi que les décisions du Conseil de la concurrence n° 03-D-35 du 24 juillet 2003, Novartis Pharma et n° 05-D-44 du 21 juillet 2005, relative à des pratiques mises en œuvre par le groupe La Provence dans le secteur de la publicité dans la presse quotidienne régionale à Marseille.

121. En l'occurrence, la CIPHA est en situation de position dominante sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine, qui est le produit " liant ". Contrairement à ce qu'elle allègue, elle intervient directement en qualité de manutentionnaire sur le terminal MTV sur le marché connexe de la manutention. C'est elle qui se charge officiellement des opérations de manutention, comme l'y autorisent à titre accessoire les articles 3 et 16 de la concession d'outillage public, et le port autonome du Havre lui facture directement les frais de location de son propre outillage. La SHGT et Havre manutention ne sont que des sous-traitants.

122. Dans son courrier du 18 janvier 2000 adressé à CAPCOL, la CIPHA indique clairement que le contenu du contrat consiste en une prestation globale incluant aussi bien l'utilisation de l'outillage de manutention que le stockage, le relevage et le compactage et que retirer l'un des composants essentiels du contrat aurait pour effet d'en bouleverser l'économie. Les pièces annexées à ce courrier indiquent un tarif de 24 F/t pour le déchargement des navires et mise au stock, manutention comprise (annexe 1256 du rapport d'enquête).

123. Lors des négociations commerciales qui ont suivi avec la société CAPCOL, la CIPHA a proposé un tarif de 22 F/t pour le déchargement des navires et mise au stock. C'est ce tarif que l'on retrouve dans les projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000.

124. Or, il ressort du barème des tarifs publics d'usage des installations concédées à la CIPHA approuvés par le port autonome du Havre reproduit au paragraphe 27 de la présente décision, que le tarif de location des outillages pour le déchargement d'un navire, transfert et mise sur parc CIPHA est de 34,56 F/t, hors prestation de manutention. Ainsi, dans son courrier du 31 octobre 2000 cité au point 37 de la présente décision, CAPCOL indique qu'il faudrait ajouter à ce tarif la manutention et l'assurance, car il ne s'agirait que du tarif de location des installations appartenant à la CIPHA, ensemble avec le tarif de location des installations du port.

125. Le rabais consenti par la CIPHA lorsqu'elle se charge des prestations de manutention pour décharger et mettre sur le parc de stockage le charbon importé par CAPCOL, est donc très important par rapport aux tarifs officiels et au coût total supporté par le chargeur lorsque cette prestation n'est pas incluse. L'utilisation des outillages publics gérés par le port au tarif public, à laquelle il faut rajouter la location des outillages concédés et le stockage au tarif public, ainsi que les coûts de manutention, revêt un caractère dissuasif pour les importateurs de charbon par rapport à la prestation globale proposée par la CIPHA. Ce rabais très important constitue le lien entre le produit liant (le stockage) et le produit lié (la manutention).

126. Les entreprises de manutention concurrentes ne disposent pas de solution alternative pour pouvoir concurrencer en prix les offres de la CIPHA, puisque ce sont les tarifs publics pour l'utilisation de l'outillage public géré par le port et la location de l'outillage concédé qui leur sont appliqués.

127. Il ressort du dossier que dans plus de 80 % des cas, le charbon déchargé sur le terminal MTV est destiné à être stocké sur les parcs de la CIPHA. Les chargeurs sont donc captifs, dès lors qu'il n'existe pas d'autres emplacements de stockage. Les autres parcs de stockage existant au Havre sont exclusivement dédiés au charbon EDF et, s'agissant de CAPCOL, cette entreprise ne demande à décharger et à stocker du charbon sur le MTV que lorsque les capacités du MC6 sont atteintes. Dans l'un ou l'autre cas, l'importateur de charbon ne peut se passer des installations de stockage de la CIPHA lorsque les navires qu'il affrète ne peuvent accoster à Rouen.

128. La CIPHA lie ainsi la location des installations de stockage sur lesquelles elle est en situation de position dominante (et même en situation de monopole sur le terminal MTV, la demande d'implantation de la SOGEMA n'ayant pas abouti) à la vente d'une prestation de manutention en concurrence sur un marché connexe.

129. Ces pratiques d'offre couplée ne trouvent pas de justification dans la circonstance, invoquée par la CIPHA, que pèseraient sur elle les responsabilités découlant de sa qualité d'exploitant d'une installation classée, celles-ci devant être assumées quel que soit le manutentionnaire. Même si ce critère n'est pas pertinent au regard de l'arrêt Tetra Pak / Commission, précité, il peut être noté que les pratiques ne peuvent pas non plus être expliquées par une demande des chargeurs qui souhaiteraient confier l'ensemble des prestations à un opérateur unique. Comme l'illustrent les faits à l'origine de la saisine, le chargeur CAPCOL a souhaité dissocier les opérations de manutention des opérations de stockage, tandis que les sociétés Terval et CPCU étaient prêtes à faire appel à la SOGEMA pour la manutention de leur charbon, mais les prix résultant des pratiques en cause les en ont dissuadées.

130. Enfin, ces pratiques ne sont pas justifiées par la défense d'intérêts légitimes ni par une contribution au progrès économique au sens de l'article L. 420-4 du Code du commerce.

131. Contrairement à ce que suggèrent les entreprises dans leur défense, il n'est en particulier pas établi que si la SOGEMA avait bénéficié des tarifs conventionnels pour l'utilisation de l'outillage public portuaire de manutention et avait pu présenter une offre de manutention économiquement viable, elle aurait acquis une situation de monopole sur le marché de la fourniture des prestations globales ou sur le marché de la manutention de la basse vallée de la Seine.

132. Hormis sur son propre parc de stockage de 420 000 tonnes à Rouen, la SOGEMA n'était prestataire global que dans la mesure où elle était manutentionnaire de CAPCOL et chargée de la gestion des parcs de stockage du charbon destiné à EDF. Or, cette situation n'était pas immuable. C'est ainsi que la convention conclue avec CAPCOL sur le terminal MC6 était limitée à deux ans et n'a pas été renouvelée à son expiration, le 31 décembre 2001 (voir points 56 à 59 de la notification de griefs). De plus, sur le terminal MTV, la SOGEMA n'est pas en mesure de proposer une prestation globale en l'absence de parc de stockage dont elle aurait la gestion. Elle est obligée de passer par la CIPHA pour stocker le charbon et celle-ci reste de toute façon maîtresse de ses tarifs de stockage dans une telle situation.

133. En outre, en admettant que le développement d'activités de manutention par la SOGEMA au terminal MTV ait compromis l'équilibre de la CIPHA, il y a lieu de rappeler que la concession pour le stockage et le rechargement est prévue pour assurer son propre équilibre et que le concessionnaire accepte l'activité à ses risques et périls.

134. Les pratiques reprochées ne contribuent pas non plus, contrairement à ce qui est soutenu par la CIPHA, à assurer un progrès économique dont bénéficieraient les utilisateurs. En y recourant, la CIPHA est parvenue à éliminer toute concurrence sur la manutention au terminal MTV au détriment des entreprises clientes.

135. C'est ainsi que la société CAPCOL a finalement décidé de faire manutentionner le charbon du navire MV/Manna par la CIPHA, au mois de novembre 2000, car l'offre couplée de la CIPHA aboutissait, pour une prestation de déchargement, manutention et mise sur parc, à un tarif de 22 F la tonne alors que les tarifs officiels de location des outillages conduisaient, pour une prestation de déchargement et de mise sur parc seulement, à 34 F la tonne, auxquels il fallait rajouter, selon le courrier précité du 31 octobre 2000, celui d'une prestation de manutention.

136. Il s'ensuit qu'en pratiquant cette offre couplée, la CIPHA a abusé de sa position dominante, au sens de l'article L. 420-2 du Code du commerce, sur le marché du stockage du charbon de la basse vallée de la Seine afin d'exclure des concurrents sur le marché connexe de la manutention au terminal MTV.

137. Le Conseil estime qu'en l'espèce il n'est pas nécessaire d'examiner le second grief d'abus de position dominante reproché à la CIPHA, relatif aux clauses contenues dans les projets d'accords commerciaux du 24 octobre 2000, qui se confond en réalité avec celui de l'entente anticoncurrentielle conclue entre la CIPHA et la SHGT.

5. SUR LES PRATIQUES D'ENTENTE

138. Le grief d'entente concerne la CIPHA et la SHGT qui se seraient entendues afin d'empêcher ou de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention sur le terminal MTV.

139. Ce grief n'a pas été notifié à la société Havre Manutention, au motif que cette société était filiale à 100 % de la SHGT, qui l'a absorbée en 2002, et n'apparaissait donc pas comme une entité autonome par rapport à cette dernière.

140. En revanche, la SHGT ne détient que 38,75 % du capital de la CIPHA, dont les autres actionnaires étaient, en 2003, Total Coal pour 38,75 %, Sea Invest pour 9 %, CEF Energie pour 8,5 %, CPE pour 4 % et Bolloré pour 1 %. En ce qui concerne la SHGT, la Sofrino Sogena figurait parmi ses actionnaires principaux en 2003.

141. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que la SHGT disposerait d'un pouvoir de contrôle, susceptible de porter atteinte à l'autonomie de la CIPHA. En particulier, dans le cadre de la convention du 3 juin 1985 qui lie ces deux sociétés pour l'exploitation du parc de stockage du terminal MTV, la CIPHA a conservé la fonction de direction générale, les fonctions techniques d'exploitation et d'entretien et la maîtrise d'ouvrage.

142. La CIPHA et la SHGT apparaissent donc comme des entreprises autonomes dont le concours de volonté anticoncurrentielle relèverait, s'il est établi, de l'article L. 420-1 du Code du commerce.

143. L'entente est en l'espèce révélée par les projets d'accords commerciaux que devaient conclure la CIPHA et CAPCOL pour permettre le déchargement du charbon destiné à EDF sur le terminal MTV.

144. L'article 8 de la première version du projet du 24 octobre 2000 indique : " Le présent contrat sous-entend des accords complémentaires entre des sociétés non signataires du présent accord. Cependant, la réalisation de ce contrat est totalement subordonnée au constat par les parties de la réalisation des engagements suivants, pris lors de la réunion du 18 octobre 2000 et approuvés par la SHGT, Havre Manutention, CAPCOL et CIPHA. Ceux-ci sont les suivants :

- SOGEMA suspend auprès du port autonome du Havre sa demande d'établissement d'un terminal sur le site du centre Multivrac. CAPCOL adressera à CIPHA copie du courrier de la SOGEMA ;

- SOGEMA s'est engagé auprès du PAH et du GEMO à ne pas traiter les trafics de CIPHA et de SHGT. Afin d'appliquer la présente convention, Havre Manutentions notifiera auprès du PAH et du GEMO son accord pour que le trafic CAPCOL traité au centre Multivrac le soit dans le mode d'organisation ci-avant décrit et pour la période considérée. CIPHA adressera à CAPCOL copie du courrier de Havre Manutentions. L'application du présent contrat est suspendue au constat que les engagements ci-dessus ont bien été réalisés. "

145. L'organisation prévue était que la SOGEMA agissait en qualité de sous-traitant de Havre Manutention, elle-même sous-traitante de SHGT, elle-même sous-traitante de CIPHA. La CIPHA conservait donc officiellement la manutention du charbon destiné à EDF sur le MTV.

146. Ce projet de contrat apporte la preuve qu'une concertation anticoncurrentielle a eu lieu. Les termes de l'article 8 sont sans ambiguïté : ils révèlent l'existence d'une réunion qui s'est tenue au Havre le 18 octobre 2000 à laquelle participaient la CIPHA et la SHGT, qui ont donné leur accord aux clauses citées. C'est cette entente entérinée lors de cette réunion qui est visée. Une seconde version du projet ne comporte certes plus que la première condition suspensive anticoncurrentielle. Elle n'en conserve pas moins un objet de cet ordre.

147. La circonstance que ces projets d'accords commerciaux n'ont pas été appliqués ne suffit pas à écarter l'objet anticoncurrentiel de l'entente entre la CIPHA et SHGT pour contrer en commun la concurrence que pouvait apporter la SOGEMA.

148. La clause selon laquelle la SOGEMA devait s'engager à ne pas traiter les trafics CIPHA et SHGT avait clairement pour objet de limiter l'accès de la SOGEMA au marché de la manutention sur le terminal MTV. Cette clause a par la suite été abandonnée.

149. L'autre clause demandant à la SOGEMA de suspendre sa demande de terminal sur le MTV avait pour objet de l'empêcher de développer à la fois une activité de manutention et de stockage, l'activité de manutention de la SOGEMA en qualité de sous-traitante étant subordonnée à l'adoption de cette clause.

150. Ces deux clauses servaient directement les intérêts de la SHGT et de la CIPHA, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur l'identité de leur auteur initial. Elles avaient indubitablement un objet anticoncurrentiel, de sorte que l'entente entre la CIPHA et la SHGT sur leur contenu revêt également un caractère anticoncurrentiel. L'entente a pleinement eu l'effet escompté puisque, la SOGEMA ayant refusé de suspendre sa demande de terminal sur le MTV, CAPCOL a dû choisir la CIPHA et son sous-traitant la SHGT, au détriment de la SOGEMA, pour décharger, en novembre 2000, le charbon du navire MV/Manna, afin d'éviter de payer le prix fort. La SOGEMA s'est ainsi vu écartée du terminal MTV.

151. Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, la SHGT et la CIPHA ne peuvent invoquer la défense de leurs intérêts légitimes ni l'existence d'un progrès économique au sens de l'article L. 420-4 alinéa 2 du Code du commerce.

152. Enfin, la circonstance que le parc de stockage de la CIPHA ne constituerait pas une facilité essentielle pour la SOGEMA, qui pourrait en sa qualité de manutentionnaire exercer ses activités ailleurs, est sans incidence sur le caractère anticoncurrentiel de ces clauses, qui visaient clairement à écarter une concurrence entre, d'une part, la CIPHA et la SHGT et, d'autre part, la SOGEMA.

153. La CIPHA et la SHGT ont donc participé à une entente anticoncurrentielle prohibée par l'article L. 420-1 du Code du commerce.

C. SUR LES SANCTIONS

154. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite et en vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.

155. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. "

1. SUR LA GRAVITE DES FAITS

156. La gravité des faits doit être examinée au regard de chacune des trois pratiques mises en cause.

a) Sur les pratiques de discrimination tarifaires

157. La discrimination tarifaire pratiquée par le port autonome du Havre est significative, par son étendue comme par ses effets. Ainsi, la CIPHA pouvait bénéficier pour l'utilisation de l'outillage public, d'un tarif net au déchargement de 9,88 F/tonne, assortie de possibilités de ristournes, alors qu'à l'inverse la SOGEMA se voyait offrir le tarif public, soit 20 F/tonne. A l'occasion du déchargement du navire Toscanini, l'application injustifiée de ce tarif à la SOGEMA a contraint cette dernière à supporter un surcoût de 237 230 euro. L'utilisation de ce tarif pour des opérations de bord à bord n'appelant pas l'utilisation du parc de stockage a aussi empêché la SOGEMA de concurrencer effectivement les opérateurs locaux auprès de la CPCU et de la société Terval. L'attitude du port autonome a aussi contribué à ce que la SOGEMA ne puisse pas décharger le MV/Manna pour CAPCOL. Au-delà de ces épisodes, cette attitude a empêché la SOGEMA, et le cas échéant, d'autres manutentionnaires, d'exercer leur activité au terminal MTV.

158. Ces pratiques sont graves car elles émanent d'un opérateur public chargé d'une mission de service public qui gère les outillages publics de déchargement des navires. Les chargeurs ne peuvent se passer de ces outillages s'ils doivent décharger du charbon sur le terminal MTV en vue d'un transbordement direct ou d'un stockage sur le parc de la CIPHA. Ils sont donc captifs de la politique tarifaire du port.

159. En outre, le tarif privilégié a été attribué au seul concessionnaire CIPHA pour ses activités accessoires. Or, celui-ci est incontournable puisqu'il dispose, avec son parc de stockage, des seules capacités de stockage disponibles de charbon sur le port du Havre, pour CAPCOL lorsque le MC6 ne peut être utilisé, et pour tous les autres importateurs. Ce traitement discriminatoire a eu pour effet d'aggraver l'effet d'éviction des manutentionnaires autres que ceux choisis par la CIPHA du fait de ses propres pratiques.

b) Sur les pratiques d'offre couplée

160. L'objet et l'effet anticoncurrentiels du couplage des prestations offertes par CIPHA et ses sous-traitants manutentionnaires sont sensibles. Ainsi, à partir d'un tarif net au déchargement de 9,88 F/t, assorti de possibilités de ristournes, payé par la CIPHA au port autonome du Havre, le prix applicable à CAPCOL pour des prestations de déchargement et mise sur parc, comprenant la manutention, était de 22 F/t dans l'hypothèse où CAPCOL confiait à la CIPHA l'intégralité de l'opération, et de 34,56 F/t, hors manutention, dans le cas où CAPCOL conservait la SOGEMA comme manutentionnaire. Une telle différence de tarif a incité CAPCOL à ne pas choisir la SOGEMA et à s'adresser au contraire à la CIPHA, qui a choisi la SHGT comme sous-traitant.

161. Cette pratique d'offre couplée est grave car elle révèle de la part de la CIPHA une stratégie d'éviction pour la manutention au MTV mise en œuvre grâce à une concession d'outillage public lui accordant à la fois une position dominante sur le marché du stockage et le droit d'exercer des activités complémentaires à celle de la concession, telles que la manutention.

c) Sur l'entente entre la CIPHA et la SHGT

162. Le retrait de la demande de la SOGEMA d'un terminal sur le site MTV auprès du port autonome, exigé en échange de la signature d'un contrat entre la CIPHA et CAPCOL pour une prestation de déchargement au tarif conventionnel de 22 F/t, s'est avéré porter sur un point suffisamment important pour que la SOGEMA refuse cette condition, entraînant ainsi pour elle la perte de son contrat de manutention sur le MTV en qualité de sous-traitant.

163. M. X..., directeur de la SHGT, a déclaré lors de l'enquête (p. 20 du rapport d'enquête) : " La SHGT a été créée en 1999 à la suite d'une restructuration de l'ancienne Société Havraise de Gestion et de Transport (SHGT). Fin 1999, la société Chamar, filiale de SCAC (manutention), qui avait deux clients, (CAPCOL et SHGT), s'est vue retirer la clientèle EDF (CAPCOL) au profit de SOGEMA. EDF craignait la vente de Chamar à Sea Invest comme d'autres sociétés de manutention du groupe SCAC (Bolloré). SHGT a donc compris que son manutentionnaire risquait d'être SOGEMA, qui est, par ailleurs à Rouen, son concurrent en tourteaux de soja et en charbon (CIPHA). Il n'y avait pas de place pour plus d'un manutentionnaire vrac au Havre (Charges fixes dockers importantes et trafic très variable). Les trois autres manutentionnaires conteneurs auraient refusé de sortir de leurs métiers (création de Port 2000) ... Nous avons donc pris la décision de devenir manutentionnaire en créant Havre Manutention, désormais absorbée par SHGT. Havre Manutention a acheté à Chamar sa filiale dockers trans-manutention. "

164. Le but avoué de la SHGT était donc bien qu'il n'y ait qu'un seul manutentionnaire pour le vrac au Havre, que ce soit sur le MTV ou le MC6. La CIPHA a pleinement adhéré à cet objectif. Mais à défaut d'atteindre cet objectif, le but de l'entente anticoncurrentielle était d'empêcher les différents manutentionnaires de se concurrencer pour l'obtention des contrats de manutention, gelant ainsi les positions de chaque entreprise et ne les incitant aucunement, ni à diminuer leurs tarifs, ni à améliorer leur productivité.

165. Cette pratique est grave, puisqu'elle a eu pour effet d'exclure la SOGEMA de la manutention sur le MTV, même en qualité de sous-traitante de Havre Manutention.

2. SUR L'IMPORTANCE DU DOMMAGE A L'ECONOMIE

166. Avant 2000, la société havraise Chamar assurait l'ensemble des tonnages de charbon CAPCOL sur le MC6 et sur le MTV, en qualité de sous-traitante de la SHGT, elle-même sous-traitante de CIPHA. Après la cession de Chamar fin 1999, deux entreprises de prestation de manutention exerçaient leurs activités dans le secteur du charbon au Havre : la SOGEMA et Le Havre Manutention, filiale de SHGT. Puis, la SHGT a repris le contrat auprès de CAPCOL et s'est donc trouvée en situation de monopole pour la manutention du charbon au Havre.

167. Les pratiques ci-dessus dénoncées ont abouti à exclure directement la SOGEMA de la manutention sur le terminal MTV, et, indirectement, sur le terminal MC6.

168. Par ailleurs, au-delà des pertes occasionnées à la SOGEMA, ces pratiques ont eu pour effet d'obliger les différents prestataires opérant sur le site MTV à choisir un manutentionnaire moins efficace que la SOGEMA sur le plan des prestations proprement dites, mais plus attractif sur le plan tarifaire grâce au couplage pratiqué par la CIPHA ainsi qu'à la discrimination tarifaire opérée par le port autonome. Des pertes ont ainsi été subies par ces clients, qui, en l'absence des pratiques en cause, auraient pu bénéficier d'un prix encore inférieur ou d'un prix équivalent accompagné de prestations supérieures.

169. De manière générale, les pratiques en cause ont significativement réduit ou visé à réduire la concurrence pouvant s'exercer sur le stockage et la manutention sur le site MTV. Cette réduction de concurrence est dommageable à plusieurs titres.

170. En premier lieu, des deux terminaux dédiés au déchargement du charbon, le MTV est celui qui présente les meilleures perspectives de marché dans le domaine des vracs solides. En effet, il n'est pas dédié exclusivement au charbon, mais peut traiter tous les types de produits pondéreux ou agro-alimentaires, tels que tourteaux de soja et matières premières pour l'alimentation animale (SHGT) ou encore céréales (SMEG). Dans le contexte d'une forte réduction des tonnages de charbon déchargés, ce terminal pouvait donc représenter un marché attractif.

171. Ce potentiel économique est aussi représenté par les capacités de stockage plus importantes existant sur ce site. L'attractivité du site est également reflétée par le souhait de la SOGEMA d'y développer ses activités et d'y demander l'établissement d'un terminal au port autonome, et de son refus de retirer cette demande.

172. En second lieu, l'entrée de la SOGEMA, tant sur l'activité du stockage que sur celle de la manutention, au MTV, aurait permis de modérer la position dominante de la CIPHA et de ses sous-traitants sur les marchés en cause et d'exercer une pression concurrentielle sur les entreprises CIPHA, SHGT et Havre Manutention. Il est probable que cette pression concurrentielle aurait conduit à une diminution des prix pour les entreprises logistiques et pour leurs clients. A l'inverse, la détention d'une position incontournable sur le site MTV a permis de maintenir la fixation d'un prix plus élevé, au regard de l'absence de solution alternative, le site du MC6 s'avérant " bien occupé " et les entreprises clientes devant disposer d'une grande flexibilité dans leurs capacités de stockage.

173. Enfin, la malheureuse valeur d'exemple des comportements adoptés par le port autonome du Havre et par son concessionnaire, en leur qualité d'acteurs institutionnels pour le trafic du charbon sur la basse vallée de la Seine, contribue également au dommage à l'économie.

174. En ce qui concerne l'estimation des marchés concernés, à l'époque des faits, la manutention de vracs de charbon représentait sur le MTV 480 000 tonnes en 2000 et 917 000 tonnes en 2001 (pages 19 et 20 du rapport d'enquête).

175. La valorisation économique de cette activité de manutention du trafic de charbon donnerait une indication, certes toute relative, des dommages subis par l'économie à la suite des pratiques mises en cause. Mais du fait des pratiques de tarifs couplés par la CIPHA, il est difficile d'évaluer le prix auquel l'activité de manutention était tarifée sur le site MTV. En effet, le prix de 22 F/t proposé par CIPHA lorsqu'elle contrôlait l'activité de manutention incorpore à la fois l'utilisation de l'outillage public et l'activité de manutention. Néanmoins, plusieurs indicateurs permettent d'élaborer une estimation du prix de l'activité de manutention :

1. la CIPHA verse au port autonome du Havre une taxe de 9,88 F/t avec possibilités de remise pour l'utilisation de l'outillage public, le prix pratiqué pour la prestation manutention est donc au maximum de 12,12 F/t, sachant que d'autres prestations peuvent être incluses dans ce tarif total de 22 F/t ;

2. la CIPHA sous-traite son activité de manutention à la SHGT. Les tarifs sont indiqués page 62 du rapport d'enquête. Pour des quantités supérieures à 10 000 tonnes, ces tarifs sont inférieurs à 12,12 F/t et vont de 7,02 F/t à 4,37 F/t ;

3. les tarifs de la SOGEMA au site MC6 (page 58 du rapport d'enquête) se situent entre 2,4 F/t et 3,5 F/t ;

4. enfin, le rapport d'enquête estime en page 59 que la prestation de manutention représenterait 37,5 % en 2000 et 41,38 % en 2001, du tarif global pratiqué par la SOGEMA sur le MC6. Une analyse approfondie indique que le prix de la manutention pratiqué par la SOGEMA est de 0,54 euro, soit 3,55 F/t (pages 72 et 73 du rapport d'enquête).

176. Si l'on estime que la SOGEMA pratique le même tarif sur le MTV, le marché concerné pourrait être valorisé pour les années 2000 et 2001 à 480 000 + 917 000 x 0,54 euro, soit 750 000 euro.

177. Le volume qui aurait pu être traité par la SOGEMA sur le site du MTV est difficile à évaluer. Il faut néanmoins signaler que la SOGEMA indique avoir perdu deux contrats de manutention, l'un de la CPCU portant sur 60 000 tonnes, l'autre de Terval, sans indication de tonnage. La SOGEMA avait également sollicité l'octroi d'un terrain sur le site MTV afin de faire transiter un nouveau trafic d'environ 100 000 tonnes de charbon d'un de ses clients. Les projets d'accords du 24 octobre 2000 faisaient finalement état d'un engagement de CAPCOL sur 140 000 tonnes entre le 1er novembre 2000 et le 31 mars 2001, qui a priori devaient être manutentionnées par la SOGEMA.

178. De plus, l'objectif de la SOGEMA en s'installant sur le MTV était aussi d'y développer son activité et pas uniquement d'y effectuer des opérations ponctuelles de déchargement du charbon destiné à EDF. En effet, du MC6 et du MTV, ce dernier était, comme il est indiqué ci-dessus, celui qui présentait les meilleures perspectives de développement dans le domaine des vracs solides.

179. En étendant son activité de manutention du MC6 au MTV, la SOGEMA aurait ainsi été en mesure d'exercer une pression concurrentielle significative sur la CIPHA et ses différents manutentionnaires (SHGT, Havre Manutention). En empêchant cette pression concurrentielle, les pratiques en cause sont donc responsables d'un dommage significatif à l'économie significative. La réduction de la concurrence sur ce marché a conduit à une augmentation des prix, compte tenu, d'une part, de la faible élasticité des prix caractérisant la demande de manutention et, d'autre part, des barrières à l'entrée générées par les pratiques de discrimination tarifaire et de couplage. Il y a lieu de rappeler en outre que du fait de sa position géographique, le port autonome du Havre n'est pas soumis à la concurrence des ports de la zone ARA (Amsterdam, Rotterdam, Anvers) ou de Dunkerque en matière de vracs solides lourds comme le charbon et les minerais. A l'inverse, une concurrence accrue des deux principaux manutentionnaires sur le site, notamment par le biais d'une plus grande interpénétration de leurs activités sur les deux sites, aurait pu permettre une diminution des tarifs, étant donné la relative homogénéité des prestations offertes.

3. SUR LA SITUATION DES SOCIETES CONCERNEES

180. Le port autonome du Havre, en qualité d'établissement public gestionnaire des infrastructures portuaires, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire dont a été victime la SOGEMA pour l'utilisation de l'outillage portuaire de manutention. Le montant du chiffre d'affaires pour le dernier exercice clos (2006) s'est élevé à 184 695 595 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire de 2 600 000 euro.

181. La CIPHA, en qualité de concessionnaire d'outillage public pour le stockage du charbon sur le terminal MTV du port autonome du Havre, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques tendant à empêcher ou limiter l'accès de nouveaux concurrents sur les marchés du stockage et de la manutention sur le terminal MTV. Le montant du chiffre d'affaires pour le dernier exercice clos (2005) s'est élevé à 7 983 484 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction de 150 000 euro.

182. La SHGT a pris part, dans le cadre d'une réunion préparatoire aux projets d'accords commerciaux entre la CIPHA et CAPCOL, aux pratiques tendant à empêcher ou limiter l'accès de nouveaux concurrents sur le marché connexe de la manutention sur le terminal MTV. Même si elle n'a pas à assumer une responsabilité particulière liée à une mission de service public, elle a été le premier bénéficiaire de ces pratiques. Le montant de son chiffre d'affaires pour le dernier exercice clos (2005) s'est élevé à 6 409 193 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui appliquer une sanction de 55 000 euro.

4. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION

183. Afin d'informer les acteurs et utilisateurs des services portuaires de la présente décision, il y a lieu d'ordonner au port autonome du Havre, à la CIPHA et à la SHGT de faire publier à leurs frais dans les journaux " Paris-Normandie " et " l'Antenne " le résumé de la présente décision figurant au point suivant :

184. " Le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre (CIPHA) et la Société havraise de gestion et de transport (SHGT) ont commis en 2000 et 2001 des pratiques anticoncurrentielles ayant conduit à écarter la Société générale maritime (SOGEMA) des activités de manutention et de stockage du charbon au terminal Multivrac (MTV) du port du Havre. Le port autonome du Havre a appliqué à cet égard une politique tarifaire discriminatoire pour l'utilisation de l'outillage public portuaire du terminal ; la CIPHA a présenté à la clientèle des offres couplées rendant en pratique impossible la dissociation entre les prestations de stockage qu'elle doit fournir en tant que concessionnaire et les prestations de manutention qu'elle fournit dans un cadre concurrentiel ; enfin, la CIPHA et la SHGT se sont concertées pour écarter toute concurrence significative de la SOGEMA en matière de manutention et de stockage. Le Conseil de la concurrence a souligné la gravité de ces pratiques et leurs effets néfastes tant pour les opérateurs portuaires que pour les utilisateurs. Il a infligé au port autonome du Havre une sanction de 2 600 000 euro, à la CIPHA une sanction de 150 000 euro et à la SHGT une sanction de 55 000 euro.

Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est accessible sur le site www.conseil-concurrence.fr "

DÉCISION

Article 1er : Le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour statuer sur les griefs tirés d'un abus de position dominante du port autonome du Havre et d'une entente entre celui-ci et la CIPHA du fait de l'approbation des tarifs d'utilisation des outillages publics concédés à la CIPHA sur le terminal MTV : la saisine de la société SOGEMA est déclarée, dans cette mesure, irrecevable.

Article 2 : Il est établi que le port autonome du Havre et la société CIPHA ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 3 : Il est établi que les sociétés CIPHA et SHGT ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code du commerce.

Article 4 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

* au port autonome du Havre, une sanction de 2 600 000 euro ;

* à la CIPHA, une sanction de 150 000 euro ;

* à la SHGT, une sanction de 55 000 euro.

Article 5 : Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, le port autonome du Havre, la CIPHA et la SHGT feront publier le texte figurant au point 184 de la présente décision, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans le journal " Paris-Normandie " et dans le journal spécialisé " L'Antenne ". Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à 5 mm sous le titre suivant, en caractères gras de même taille : " Décision n° 07-D-28 du 13 septembre 2007 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre (CIPHA) et la Société havraise de gestion et de transport (SHGT). " Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris, si un tel recours est exercé. Le port autonome du Havre, la CIPHA et la SHGT adresseront chacun sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de ces publications, dès leur parution.

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