Ministre de l’Économie, 21 août 2007, n° ECEC0763341A
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Arrêté
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
La ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi,
Vu le Titre III du Livre IV du Code de commerce, et notamment son article L. 430-8; Vu la partie réglementaire du Code de commerce relative à la concentration économique, et notamment son article R. 430-10 ; Vu la lettre du 4 novembre 2003 de Norbert Pineau, Directeur juridique France du groupe Carrefour, par laquelle le groupe Carrefour s'engage à la mise en œuvre d'un dispositif de rétrocession de fonds de commerce remédiant aux risques d'atteinte à la concurrence soulevés par le projet d'acquisition par sa filiale Erteco de la société Sonnenglut, propriétaire des magasins Treff Marché ; Vu la décision du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 7 novembre 2003, autorisant sous réserve des engagements pris par le groupe Carrefour l'acquisition par ce dernier, via sa filiale Erteco, de la société Sonnenglut ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 8 juillet 2005, relative à l'exécution des engagements souscrits par le groupe Carrefour ; Vu l'avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-03 du 28 mars 2007 ; Vu les observations écrites du 15 juin 2007 des conseils du groupe Carrefour sur le projet du présent arrêté ; Vu les autres pièces du dossier ;
Considérant que par une décision du 7 novembre 2003, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (ci-après " le ministre ") avait autorisé l'acquisition de la société Sonnenglut, propriétaire des magasins Treff Marché, par la filiale Erteco du groupe Carrefour, qui possède notamment les magasins ED (ci-après " la Décision ") ;
Considérant que l'autorisation était conditionnée à la réalisation d'engagements pris par le groupe Carrefour par lettre du 4 novembre 2003, aux termes desquels ce dernier céderait l'un des deux magasins (un magasin TREFF ou un magasin ED) situés sur la commune de Bavilliers, Territoire de Belfort ;
Considérant que les modalités de réalisation de l'engagement de cession était formalisées dans la lettre d'engagements ;
1. LE DISPOSITIF DES ENGAGEMENTS
Considérant que la lettre d'engagements précisait en les termes suivants les exigences à satisfaire par le repreneur pour que l'accord de reprise soit approuvé par le ministre : " Le groupe Carrefour devra présenter à l'agrément du ministre un repreneur. Ce repreneur devra être une société viable, indépendante et n'entretenant aucun lien capitalistique et/ou contractuel avec les parties à l'opération et capable de maintenir durablement et de développer l'activité à céder. Le groupe Carrefour devra fournir une proposition documentée et motivée, comprenant une copie de l'accord de reprise par le repreneur ainsi que les éléments permettant au ministre de vérifier que les conditions tenant à l'identité et aux capacités du repreneur sont satisfaites. L'accord de reprise devra être conditionné à l'approbation du ministre " ;
Considérant qu'un calendrier de l'opération de reprise de l'activité cédée était mis en place comme il suit :
- un repreneur répondant aux exigences précitées devait être proposé à l'agrément du ministre par le groupe Carrefour dans un délai de 6 mois à compter de la date de la décision;
- en cas de difficulté pour réaliser intégralement cet engagement dans le délai de 6 mois, le groupe s'engageait " à confier un mandat irrévocable à un intermédiaire indépendant des parties et agrée par le ministre, en vue de la cession ";
- dans cette hypothèse, il revenait au mandataire, dans un délai de 3 mois, de proposer un repreneur à l'agrément du ministre et de s'assurer de la cession effective de l'activité à céder concernée par le mandat ;
- à l'expiration du délai de 3 mois susmentionné, le mandataire devait vendre sans prix de réserve l'activité à céder avec les mêmes exigences concernant le repreneur ;
2. APPLICATION DE L'ARTICLE L. 430-8 IV DU CODE DE COMMERCE
Considérant que par lettre du 21 janvier 2005, le groupe Carrefour a informé le ministre qu'il avait procédé à la cession du magasin TREFF de Belfort le 5 octobre 2004 ;
Considérant que par une lettre au groupe Carrefour du 14 février 2005, les services du ministre ont opposé que la cession intervenue le 5 octobre 2004 n'avait pas été soumise à l'agrément ministériel, et ont sollicité du groupe Carrefour des explications ; qu'aux termes d'échanges téléphoniques intervenus par suite entre les services du Ministre et le groupe Carrefour, il est en outre apparu que le fonds cédé n'était toujours pas exploité depuis la cession et que le repreneur était en liquidation judiciaire ;
Considérant qu'alors, par lettre du 8 juillet 2005, le ministre a saisi le Conseil de la concurrence (ci-après " le Conseil ") d'une demande d'avis relative à l'exécution des engagements souscrits par le groupe Carrefour, en application des dispositions de l'article L. 430-8-IV du Code de commerce ;
Considérant qu'au terme de son instruction, dans un avis du 28 mars 2007 (1) (ci-après " l'Avis "), le Conseil conclut au non respect de ses engagements par le groupe Carrefour, engagements conditionnant l'autorisation de l'acquisition par le groupe des magasins TREFF marchés ; qu'il constate, sur la base d'éléments factuels qui ne souffrent aucune interprétation, que le groupe Carrefour n'a :
- " ni soumis un mandataire à l'agrément du ministre, passé un délai de six mois à compter de la décision du 7 novembre 2003, c'est-à-dire à la date du 7 mai 2004,
- ni confié, à la même date du 7 mai 2004, au mandataire qu'il avait choisi un mandat irrévocable,
- ni supprimé du mandat tout prix de réserve passé un délai de trois mois après ce premier délai de six mois, soit à compter du 7 août 2004,
- ni mis en œuvre quelque moyen que ce soit pour s'assurer que le repreneur présentait " des caractéristiques de compétence professionnelle et d'assise financière suffisante pour assurer qu'il sera un concurrent actif des parties ", alors que les éléments en sa possession ne pouvaient le laisser ignorer que ce repreneur ne présentait pas ces caractéristiques,
- ni soumis ce repreneur à l'agrément du ministre. " ;
Considérant que, conformément à l'article L. 430-8 IV de Code de commerce, si le Conseil constate l'inexécution des engagements, le ministre peut :
" 1°- Retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. [...]
2°- Enjoindre sous astreinte aux parties auxquelles incombait l'obligation non-exécutée d'exécuter dans un délai qu'ils fixent les injonctions, prescriptions ou engagements. "
a) Sur les options offertes au ministre par l'article L. 430-8 IV du Code de commerce
Considérant que le retrait de la décision, auquel ferait suite une nouvelle notification de l'opération, impliquerait une analyse nouvelle de l'opération sur tous les marchés locaux concernés tenant compte des évolutions intervenues depuis la réalisation de l'opération initiale ; qu'une telle analyse a posteriori ne serait pas pertinente sur le marché géographique concerné par les engagements puisqu'un des magasins a disparu du fait de la non exécution de ses engagements par le groupe Carrefour ;
Considérant par ailleurs qu'une injonction d'exécution des engagements paraît plus efficace, à la fois en terme de sécurité juridique (seul le marché géographique initialement concerné demeure en cause) et en terme de délai ; considérant notamment, s'agissant du délai de mise en œuvre, qu'une injonction d'exécution n'implique pas un nouveau temps d'analyse, qui résulterait en revanche d'une décision de retrait et d'une nouvelle notification de l'opération ; considérant en outre que, compte tenu de ce que le groupe Carrefour n'a pas exécuté ses engagements dans le temps qui lui était imparti, le calendrier de mise en œuvre de l'injonction n'a plus à reprendre la phase préalable à la désignation d'un mandataire au mandat de vente irrévocable ;
Considérant que le groupe Carrefour s'était engagé à céder l'un ou l'autre des deux supermarchés discount qu'il détenait dans la zone de Belfort-Bavilliers à la suite de l'acquisition des magasins Treff, soit le magasin Treff Belfort situé 8, rue de Budapest (ci-après " Treff Belfort "), soit le magasin ED Belfort situé rue de Madrid (ci-après " Ed Belfort ") ;
Considérant que l'engagement qui concerne la cession de l'activité est présenté en ces termes : " Le groupe Carrefour s'engage à céder l'un des deux fonds de commerce suivants (ci-après " activité à céder ") : TREFF Belfort (commune de Bavilliers, Territoire de Belfort) ; ou Ed Belfort (commune de Bavilliers, Territoire de Belfort) " ; Considérant qu'aux termes de la Décision (dont les engagements sont partie), si Carrefour était dans un premier temps libre de ses négociations aux fins de la mise en œuvre de ses engagements, et donc libre de privilégier la vente de l'un ou l'autre des deux fonds de commerce avec le repreneur de son choix sous réserve de l'agrément de ce dernier par le ministre, cette première phase est close depuis le 7 mai 2004 ; considérant que depuis lors, et au contraire du processus mené par le groupe Carrefour, c'est à un mandataire qu'il appartenait de mettre en œuvre les engagements (tout en tenant compte des intérêts légitimes du groupe Carrefour) ;
Considérant que l'engagement de cession du groupe Carrefour était alternatif ; que toutefois, dans le cadre du processus de cession qu'il avait initié suite à la décision, le groupe Carrefour a entrepris des négociations de vente pour le seul fonds de Treff Belfort ;
Considérant qu'interrogé par le Conseil de la concurrence sur ce choix unique, le groupe Carrefour explique qu'il venait de reprendre l'exploitation du fonds d'Ed Belfort et qu'il ne voulait pas déstabiliser cet établissement par un nouveau changement d'exploitant ;
Mais considérant que par un courrier du 5 avril 2005, en réponse à une demande d'explication du ministre formulée par lettre du 14 février 2005 sur le non respect des modalités de mise en œuvre des engagements Alain Gauvin, Directeur juridique de Carrefour, précisait que " il fut très difficile de trouver un acquéreur, ont été contactés notamment SPAR, Aldi, Leader Price et Norma " (2) ;
Considérant que le Conseil de la concurrence relève dans son Avis que " l'échec des démarches entreprises [...] pour trouver un repreneur doit être mis en regard du choix initial du magasin à céder fait par le groupe, choix que cet échec n'a pas remis en cause, alors même que le groupe s'était engagé sur la cession de l'un des deux magasins " ;
Et considérant que, pour expliquer la cessation d'activité du fonds de Treff Belfort immédiatement survenue après sa cession, le groupe Carrefour a indiqué au Conseil de la concurrence que " cela s'explique uniquement par la situation difficile qui prévaut dans cette zone " ; considérant qu'il ajoute " qu'il s'agit d'un quartier sensible qui se caractérise par de l'insécurité et de la délinquance, ceci se répercutant sur les coûts d'exploitation (vigiles, démarque importante) et aussi sur les recettes (panier moyen faible) " ; que " le fait que le fonds soit inexploité aujourd'hui (tout comme celui de Saveurs d'Orient à notre connaissance) montre bien que les difficultés que nous avons rencontrées étaient réelles et que la situation n'a pas changé fondamentalement depuis " ; et considérant que le groupe Carrefour conclut à ce propos que " [...] ". (3)
Considérant que selon la pratique constante des autorités de concurrence, tant nationales que communautaire, " la cession doit porter sur une activité viable, c'est-à-dire une activité qui, si elle est exploitée par un acquéreur approprié, peut concurrencer effectivement et durablement la nouvelle entité " ; que " cette activité doit pouvoir être exploitée de façon autonome, c'est-à-dire indépendamment des parties à la concentration " (4) ;
Considérant en outre que " en cas de doutes sur le caractère autonome de l'activité à céder, le ministre peut accorder aux parties un premier délai pour céder l'activité " ; que " si, à l'expiration de ce délai, l'activité n'a pas été cédée, les parties peuvent être tenues de céder un ensemble plus vaste, de nature à garantir avec certitude le caractère autonome de l'activité cédée " (5) ;
Considérant qu'au cas d'espèce, l'engagement de désinvestissement du groupe Carrefour était alternatif ; et considérant qu'au regard des éléments du dossier, et notamment des déclarations du groupe Carrefour, il existe un doute sérieux sur la viabilité économique du fonds Treff Belfort si non adossé à une enseigne nationale ;
Considérant que le fonds Treff Belfort est inexploité depuis octobre 2004 ; que cet état de fait qui résulte du non respect de ses engagements par le groupe Carrefour a eu pour corollaire la disparition d'une contrainte concurrentielle et le report d'une grande partie de la clientèle vers le fonds Ed Belfort telle qu'illustrée par la croissance du chiffre d'affaires mensuel de ce dernier depuis octobre 2004 ([20-30%] en moyenne) ;
Considérant alors qu'il convient de mettre en œuvre dans les délais les plus ajustés l'engagement du groupe Carrefour en sa deuxième branche alternative ;
Considérant toutefois que le groupe Carrefour s'oppose à cette mise en œuvre ; qu'à cet effet, il fait valoir qu'à l'instar du fonds Treff Belfort, l'environnement social du fonds Ed Belfort autorise à douter de l'intérêt des enseignes nationales à sa reprise ; qu'il fait en outre valoir que l'analyse concurrentielle du Ministre qui avait conduit le groupe Carrefour à prendre l'engagement de cession de l'un des deux fonds ici concernés n'a pas été vérifiée dans les faits ; et qu'il argue enfin qu'une injonction de cession du fonds ED Belfort dénaturerait les engagements alternatifs souscrits en ce qu'il conduirait de fait une exigence de cession des deux fonds, le fonds Treff Belfort ayant déjà été cédé ;
Mais considérant que l'argument selon lequel l'environnement social du fonds ED Belfort autoriserait à douter de l'intérêt des enseignes nationales n'est pas recevable à ce stade ; que seule la mise en œuvre effective du processus de cession permettrait de le vérifier ou de l'infirmer ; qu'il est en revanche vérifié par le groupe Carrefour lui-même que les enseignes nationales n'ont manifesté aucune appétence à la reprise du fonds Treff Belfort ;
Considérant en outre que la discussion sur le bien fondé de l'analyse concurrentielle qui a conduit le groupe Carrefour à déposer des engagements n'est pas recevable ; que ses fondements ont été discutés avec le groupe Carrefour lors de l'instruction de l'acquisition par sa filiale Erteco des magasins Treff Marchés ; que le groupe Carrefour en a convenu puisque les remèdes ont été proposés par le groupe Carrefour lui-même ; qu'il n'a pas en outre usé de son droit de recours en annulation devant le Conseil d'État pour contester le sens de la décision, seul temps où sa contestation aurait été recevable ; et considérant enfin qu'à supposer, par extraordinaire, que le groupe Carrefour serait recevable à contester l'analyse concurrentielle menée dans la Décision, alors les faits ne sauraient infirmer sa validité puisque, ainsi que ses conseils l'admettent dans leurs observations du 15 juin 2007, " on ne saura jamais si les effets unilatéraux décrits ci-dessus auraient pu se produire du fait de l'acquisition par ERTECO d'un second magasin dans la zone de Belfort, dans la mesure où l'ex- TREFF a effectivement été vendu puis fermé par le repreneur " ;
Mais considérant qu'a contrario la fermeture du magasin Treff Belfort, qui résulte du non respect de ses engagements par le groupe Carrefour, a eu pour corollaire la disparition d'une contrainte concurrentielle et le report d'une grande partie de la clientèle vers le fonds Ed Belfort ; considérant en effet qu'il n'est pas montré que ce report résulte de la seule efficacité du groupe Carrefour ; et considérant que l'augmentation du chiffre d'affaires du fonds ED Belfort et la fermeture du fonds Treff Belfort coïncident ; considérant au surplus que la disparition du fonds Treff Belfort entraîne une perte de bien être du consommateur par la disparition d'une alternative et d'un service de proximité dans un quartier enclavé et sensible ;
Et considérant que si le fonds Treff Belfort a bien été cédé, le groupe Carrefour a initialement fait valoir devant la DGCCRF et devant le Conseil de la concurrence, notamment dans ses observations du 13 mars 2007 sur le Rapport préparatoire au délibéré du Conseil de la concurrence, qu'il était " prêt à favoriser encore maintenant la réouverture d'un magasin alimentaire dans les locaux [du fonds Treff Belfort] " ; considérant qu'il fait valoir aujourd'hui que l'exploitation du fonds Treff Belfort ne serait plus possible en raison de la perte de son autorisation au titre de la législation sur l'équipement commercial ; mais considérant que cette perte de commercialité était déjà opposable au moment de la procédure devant le Conseil de la concurrence, c'est-à-dire au moment où le groupe Carrefour affirmait possible une réouverture ; considérant qu'il peut donc être présumé qu'une demande d'une nouvelle autorisation d'exploitation serait très probablement satisfaite ; considérant qu'à cet égard, au plan des critères d'appréciation d'un tel dossier devant la Commission Départementale de l'Équipement Commercial (CDEC) compétente, il serait pris en compte le fait que le quartier des Résidences, lieu d'implantation du fonds Treff Belfort, constitue une Zone de Redynamisation Urbaine où le développement des activités commerciales doit être facilité aux termes de l'article L. 750-1 du Code de commerce ; considérant en outre qu'il résulte du contact pris avec M. Christian Proust, Conseiller Général et actuel Président de la SEMPAT, propriétaire des locaux à travers la SCI des Résidences que la SEMPAT contrôle à 100 %, que les objectifs de la SEMPAT et de la Ville de Belfort sont toujours de réaffecter ces locaux à une activité de supermarché alimentaire ; que la SEMPAT n'a pas trouvé à ce jour de partenaire prêt à reprendre le magasin vacant ; et que les locaux sont donc parfaitement disponibles ; considérant donc que le groupe Carrefour est parfaitement en mesure de reprendre l'exploitation du fonds Treff Belfort ;
b) Sur la sanction
Considérant que, conformément à l'article L. 430-8 IV du Code de commerce, si le Conseil constate l'inexécution des engagements, le ministre peut, outre prendre l'une des deux décisions visées précédemment, " infliger aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée une sanction pécuniaire qui ne peut dépasser le montant le montant de la sanction défini au I (6) " ;
Considérant que lors de son audition par le Rapporteur chargé de l'instruction par le Conseil, M. Jean-Pierre Choplain, directeur du développement de la société ED, reconnaît ne pas avoir respecté des engagements qu'il qualifie de " formels ", mais affirme avoir agi de bonne foi pour rechercher un repreneur satisfaisant aux exigences ministérielles ;
Considérant toutefois que le Conseil constate dans son Avis que " le groupe Carrefour, qui, sans avoir sur ce point une obligation de résultat, avait une obligation de moyen, n'a justement mis aucun moyen en œuvre pour s'assurer que le repreneur présentait les compétences professionnelles et l'assise financière suffisante pour garantir la viabilité de la reprise " ; qu'il relève, en outre, " que les éléments en la possession du vendeur étaient de nature à en faire douter " ; et que " ce dernier ne peut donc invoquer son impuissance en ce qui concerne la cessation de toute activité dans les locaux de la rue de Budapest, à la suite de la cession du fonds " ;
Considérant que le chiffre d'affaires du point de vente à l'enseigne Ed situé rue de Madrid s'est élevé, pour la période allant d'octobre 2004 à décembre 2005, à une moyenne mensuelle d'environ [montant + environ [20-30%]] euro contre [montant] avant la cession intervenue rue de Budapest ; considérant que cet accroissement de chiffres d'affaires, et partant le profit qui en résulte, provient pour une très large part de ce que le groupe Carrefour n'a pas respecté les modalités de ses engagements ;
Considérant enfin que le non respect des engagements ou injonctions pris en application du titre relatif à la concentration économique par la partie à laquelle ils incombaient revêt un caractère particulièrement grave ;
Arrête :
Article 1er - Le groupe Carrefour n'a pas respecté ses engagements conditionnant l'autorisation ministérielle du 7 novembre 2003 de l'acquisition par le groupe des magasins TREFF marchés dont elle destinataire.
Article 2 - Il est enjoint au groupe Carrefour de nommer un mandataire indépendant, dont l'identité et le mandat seront soumis à l'agrément du ministre chargé de l'Economie, aux fins de mettre en œuvre la cession du magasin ED sis rue de Madrid à Belfort (cession du fonds de commerce de l'établissement cédé, transfert des salariés affectés au fonctionnement de l'établissement, transfert des éléments corporels).
Article 3 - La nomination du mandataire devra être effective dans un délai [...] mois à compter de la notification du présent arrêté, sous astreinte d'une sanction pécuniaire de deux mille (2 000) euro par jour de retard. La période d'instruction par les services du ministre chargé de l'Economie de la demande d'agrément prévu à l'article 2 suspend le délai de [...] mois prévu au présent article ; si le ministre refuse d'agréer le mandataire proposé, la nomination du mandataire devra être effective, à compter de la notification de la décision de refus d'agrément, dans un délai égal à la durée restant à courir au jour de la demande d'agrément, sous astreinte d'une sanction pécuniaire de deux mille (2 000) euro par jour infligée au groupe Carrefour.
Article 4 - Le mandat de cession confié sera irrévocable et [...], étant entendu que le mandataire s'attachera à préserver les intérêts légitimes du groupe Carrefour.
Article 5 - Le mandataire rendra compte au ministre chargé de l'Economie, tous les mois, de la gestion pendant la période transitoire des activités à céder, et du progrès de l'opération de cession.
Article 6 - Dans un délai de [...] mois à compter de sa nomination, le mandataire devra avoir procédé à la cession.
Article 7 - Le repreneur devra être agréé par le ministre chargé de l'Economie. La période d'instruction par les services du ministre chargé de l'Economie de la demande d'agrément prévu au présent article suspend le délai de [...] mois prévu à l'article 6 ; si le ministre refuse d'agréer le repreneur proposé, la cession devra être effective, à compter de la notification de la décision de refus d'agrément, dans un délai égal à la durée restant à courir au jour de la demande d'agrément.
Article 8 - Il est infligé une sanction pécuniaire de 100 000 euro au groupe Carrefour pour n'avoir pas exécuté ses engagements.
Article 9 - Le Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes :
1 Avis n° 07-A-03 du 28 mars 2007 relatif à l'exécution des engagements souscrits par le groupe Carrefour à l'occasion d'une opération de concentration.
2 Lettre annexée au rapport du 19 février 2007, cote 75 - Saisine 05/0049A
3 Rapport du 19 février 2007, Annexe 7: PV d'audition Page 8 sur 9 Cote 131 - Saisine 05/0049A
4 Paragraphe 466 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations du 17 octobre 2005, repris au paragraphe 516 des lignes directrices consolidées d'avril 2007.
5 Paragraphes 467 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations du 17 octobre 2005, repris au paragraphe 517 des lignes directrices consolidées d'avril 2007.
6 Soit 5% de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, augmenté, le cas échéant, de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise.