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Décisions

Ministre de l’Économie, 28 mars 2007, n° ECEC0759198S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Antalis

Ministre de l’Économie n° ECEC0759198S

28 mars 2007

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 21 février 2007, vous avez notifié la prise de contrôle exclusif par Antalis SNC (" Antalis ") de la société Axelium SAS (" Axelium "). Cette opération a été formalisée par une lettre d'intention signée le 29 janvier 2007.

1. LES ENTREPRISES CONCERNEES ET L'OPERATION

Antalis est la filiale française d'Antalis International, distributeur mondial de papier, présent dans trente sept pays. Les secteurs d'activité dans lesquels le groupe Antalis intervient sont les suivants :

- Distribution de produits " Print " : papiers destinés aux imprimeurs, graphistes, designers, éditeurs et agences de communication (12 000 références de produits) ;

- Distribution de produits " Office " : papiers pour photocopieuses et imprimantes destinés à une clientèle de revendeurs, de grandes entreprises et d'administrations ;

- Distribution de produits destinés à l'emballage : large gamme de produits standard et sur-mesure destinés à une clientèle industrielle pour le conditionnement et la protection des biens durant leur transport ;

- Distribution de produits destinés à la communication visuelle : papiers, cartons et plastiques pour la signalétique ainsi que services de découpe à la demande (pour plaques et bobines) pour les spécialistes de la communication ;

- Distribution de produits de produits promotionnels : objets promotionnels et cadeaux d'entreprise personnalisables à la demande. L'actionnaire unique d'Antalis International est la société Sequana Capital, holding financier qui détient des participations majoritaires dans les sociétés suivantes :

- Antalis International, à hauteur de 100 % ;

- Arjowiggins (100 %), producteur français de papiers techniques et de création ;

- Antonin Rodet (100 %), maison de négoce et de production de grands vins de Bourgogne.

Le chiffre d'affaires réalisé par Sequana Capital en 2005 s'est élevé à 4 milliards d'euro hors taxes, dont 685 millions d'euro en France.

Axelium est la filiale française du groupe indépendant australien PaperlinX, contrôlée à 100 % par PaperlinX Investments Europe Limited. Axelium commercialise une large gamme de papiers bureautiques et graphiques ainsi que des supports pour la commercialisation et de la Publicité sur Lieux de Vente (PLV). Le chiffre d'affaires réalisé par Axelium, pour le dernier exercice clos au 30 juin 2006, s'est élevé à 112 millions d'euro hors taxes, exclusivement réalisé en France.

L'opération constitue ainsi une opération de concentration économique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatifs à la concentration économique.

2. MARCHES CONCERNES

Les parties sont simultanément présentes sur l'activité de distribution de papier d'impression et d'écriture à titre principal, et de produits destinés à la communication visuelle à titre accessoire.

2.1. Les marchés de produits

Dans sa décision du 30 octobre 2002, Société Matussière et Forest, le ministre a énuméré les différentes familles de papiers, à savoir : " les papiers d'emballage, les papiers pour journaux, les papiers d'impression et d'écriture, les cartons, les papiers industriels et spéciaux, les papiers à usage sanitaire et domestique ".

La vente des différents papiers et produits concernés par l'opération apparaît comme devant être segmentée en fonction des produits vendus. En effet, pour l'essentiel, les acteurs présents dans la distribution des diverses familles de produits sont différents. En outre, un certain nombre de clients requièrent pour l'essentiel un type de produits.

2.1.1. Le marché de la vente de papier d'impression et d'écriture

a) Segmentation par canaux de distribution

Les papiers d'impression et d'écriture sont majoritairement distribués directement par les producteurs en vente directe usine, ainsi que par les distributeurs de papiers et d'autres canaux de distribution (comme les fournituristes).

Les parties sont actives à un stade intermédiaire de la chaine de valeur de l'industrie papetière : la distribution de papier. Néanmoins, il convient d'indiquer que Sequana Capital, via Arjowiggins est également présent sur la production de papier.

Les parties estiment que l'opération concerne le marché de la commercialisation de papier sur le territoire français. Ce marché engloberait les ventes directes des fabricants de papier ainsi que les ventes effectuées par les distributeurs de papier et celles réalisées par d'autres canaux de distribution (à savoir fournituristes de bureau, les " Office Supply Dealers "/papeteries), les " Other Equipement Manufacturers " ainsi que certaines enseignes de grande distribution ou de vente par correspondance (" vépécistes ").

Cette analyse s'appuie sur une pratique décisionnelle communautaire récente (1) où la Commission européenne, tout en laissant ouverte la définition précise du marché, a envisagé l'existence d'un marché unique de la vente de papier englobant les ventes directes effectuées par les fabricants et celles réalisées par les distributeurs.

Cependant, il convient de noter certaines différences entre les ventes réalisées directement par les producteurs, et celles opérées par des distributeurs. Pour la clientèle, l'avantage du recours au distributeur est de pouvoir centraliser et passer commande de nombreux articles auprès d'un seul intervenant. En effet, ces derniers offrent tout un assortiment de papiers variés destinés à des utilisations différentes, qui ne sont pas substituables entre eux mais complémentaires. Les distributeurs de papiers constituent l'interface entre plusieurs fabricants (éventuellement spécialisés) et les utilisateurs (éditeurs, imprimeurs, agences de publicité, entreprises, administrations). Ils reçoivent le produit fini et assurent vis-à-vis des utilisateurs une fonction de grossiste dans le cadre des ventes sur stock (2), et de représentant des fabricants dans le cadre des ventes de fabrication (3).

Par ailleurs, dans ses décisions antérieures, la Commission européenne a toujours opéré une distinction entre ventes directes de papier et ventes indirectes résultant des structures de marché, de la logistique et des prix (4).

En outre, lorsque le ministre, dans sa décision du 10 février 2000 Arjowiggins Fine Paper/Chartam Paper Mill, a examiné le secteur de la production et vente du papier calque, il a évoqué la pertinence d'un éventuel marché distinct selon les canaux de distribution, dans la mesure où chacun d'entre eux " s'adresse à une clientèle bien spécifique et met en œuvre des stratégies de commercialisation particulière ".

Il convient dès lors d'envisager l'existence de marchés distincts de la distribution de papier d'impression et d'écriture d'une part, et de la distribution de papier de communication visuelle d'autre part. Au demeurant, le test de marché a confirmé la pertinence de cette distinction.

De plus, une segmentation plus fine pourrait être opérée en fonction des catégories d'utilisateurs, les parties intervenant sur les segments du " Print " et de l' " Office ".

b) Segmentation par type d'utilisation

i. L'impression (" Print ") :

Par Print (5), il faut entendre l'imprimerie de labeur (principalement l'impression de documentation commerciale et publicitaire), la transformation (dossiers et couvertures, enveloppes, articles de correspondance, papier dessin et bristol) et différentes activités comme l'impression et la transformation d'étiquettes adhésives, de cartes de voeux et de visite, de cartes postales, de papiers fiduciaires. Dans ces cas, les papiers sont achetés par des imprimeurs, qui s'approvisionnent soit directement auprès des usines, soit auprès des distributeurs de papiers.

ii. Les usages bureautiques (" Office") :

Par Office, il faut entendre tous les papiers à usage bureautique (fax, imprimantes, photocopies, offset de bureau, etc.). Ces produits sont achetés par des entreprises qui s'approvisionnent essentiellement auprès des distributeurs de papiers, des revendeurs (papèteries, vépécistes, fournituristes de bureau, grandes surfaces).

L'essentiel des ventes en office correspond à de la vente de ramettes A4 à usage des photocopieurs et imprimantes.

2.1.2. Le marché des produits destinés à la communication visuelle (" Viscom ")

Par communication visuelle, il faut entendre la vente de produits dits de communication (en carton, plastique, adhésif et métal) destinés à être vendus à des sérigraphes, des imprimeurs numériques, qui les impriment et les transforment en signalétique commerciale et tertiaire (stands, affiches, panneaux,..).

En tout état de cause, au cas d'espèce, la question de l'éventuelle segmentation de l'activité de distribution de papier et autres produits de communication visuelle peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

2.2. Marchés géographiques

S'agissant des marchés géographiques, les parties estiment que les marchés de produits sont de dimension au minimum nationale : les distributeurs intervenant sur une base nationale et les produits s'adressant à des professionnels nationaux.

Dans ses décisions précédentes, la Commission européenne a estimé, tout en laissant la question ouverte, que les marchés étaient plutôt de dimension nationale : dans ce secteur, il serait en effet nécessaire d'approvisionner fournir les clients en flux tendus, ce qui induit la présence de fournisseurs dans des zones géographiques généralement nationales (6).

Aussi, sans qu'il soit nécessaire de trancher définitivement la question de l'étendue exacte de la dimension géographique des marchés, pour les besoins du cas d'espèce, l'analyse concurrentielle peut être menée sur des marchés français, puisque la cible n'est active qu'en France.

3. ANALYSE CONCURRENTIELLE

3.1. Analyse horizontale

3.1.1. Le marché de la commercialisation de papier d'impression et d'écriture

a) Segmentation par canaux de distribution

Analyse des effets non-coordonnés sur le marché français de la commercialisation de papier

Sur le marché de la commercialisation de papier, l'ensemble des distributeurs représente [30-40] % des ventes en volume.

La nouvelle entité ne réalisera que [10-20] % des ventes en volume, et l'opération donnera lieu à une faible addition de parts de marché, Axelium ne représentant que [0-10] % du marché en volume.

La nouvelle entité devra par ailleurs faire face à la concurrence de nombreux autres opérateurs actifs sur ce marché qu'il s'agisse des fabricants de papier, des distributeurs de papiers intégrés (comme Stora Enso, avec les Papeteries de France et Papyrus, ou Mreal avec MAP), d'autres distributeurs de papier (Inapa, Torraspapel, Malmenayde) ou les autres canaux de distribution (fournituristes, grande distribution, vépécistes, etc.).

Il convient de noter que les ventes des fabricants de papier et des autres canaux de distribution n'ont cessé de croître ces dernières années. En effet, le poids des ventes directes usine représente aujourd'hui plus de [50-60] % des ventes totales de papier vendu en France.

Enfin, la nouvelle entité sera confrontée à des clients disposant d'une capacité de négociation importante exerçant un réel arbitrage entre les vendeurs de papiers, et maintenant par ailleurs plusieurs sources d'approvisionnement.

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'un effet non-coordonné sur le marché français de la commercialisation de papier.

Analyse des effets non-coordonnés sur le marché français de la distribution de papier

Le marché français de la distribution papetière se présente comme suit en 2005 :

<emplacement tableau>

A l'issue de l'opération, les parties conserveront leur place de leader du marché français de la distribution papetière avec [30-40] % de parts de marché en valeur. Il existe cependant deux autres acteurs d'importance sur le marché, disposant respectivement de [10-20] % et [10-20] % de parts de marché, ainsi que deux autres acteurs d'importance moindre, mais disposant de parts de marché non négligeables, de l'ordre de [0-10] % chacun.

Les parts de marché fournies en valeur en 2006 conduisent à la même conclusion, puisque la part cumulée de la nouvelle entité se situe à [20-30] %, suivie par Inapa [10-20] %, Papèteries de France et Papyrus à [10-20] %, Malmenayde à [0-10] %, Torraspapel à [0-10] % et les autres à [20-30] %.

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'un effet non-coordonné sur le marché français de la distribution de papier.

Analyse des effets coordonnés sur le marché français de la distribution de papier

En 2005, trois distributeurs importants sont présents au niveau national sur le marché de la distribution papetière : Antalis avec [20-30] % de parts de marché, Inapa avec [10-20] % du marché et Stora Enso par le biais de ses distributeurs intégrés que sont les Papeteries de France et Papyrus, avec [10-20] % du marché. Le marché est donc concentré, les trois principaux concurrents totalisant [60-70] % du marché en 2005.

A l'issue de l'opération, si l'on rajoute à Antalis la part de marché d'Axelium, le poids des trois premiers acteurs du marché s'élèvera à [70-80] %. Les autres distributeurs présents auront des parts de marché plus modestes, mais non négligeables : [0-10] % pour Malmenayde et [0-10] % pour Torraspapel.

L'opération notifiée entraîne la disparition d'un acteur indépendant du marché. Même si Axelium dispose d'une part de marché d'importance moindre ([0-10] %), elle renforce le pouvoir de marché du premier distributeur de papier impression-écriture et accroît ipso facto le degré de concentration d'une structure déjà oligopolistique.

Bien qu'il existe une forte asymétrie dans la distribution des parts de marché entre les trois principaux acteurs limitant les possibilités d'équilibre collusif, il convient d'examiner si l'opération n'induit pas un risque de création ou de renforcement d'une position dominante collective sur le marché français de la distribution de papier, dont les critères d'examen ont été définis cumulativement par l'arrêt Airtours/First Choice (7) du Tribunal de première instance des Communautés européennes (" TPICE ").

Dans son arrêt Airtours contre Commission (8), le TPICE dégage trois conditions nécessaires pour la qualification d'une position dominante collective : la transparence du marché permettant à chaque oligopoleur de connaître la stratégie des autres et de s'assurer que personne ne s'en écarte, la menace de représailles efficaces qui dissuade chaque oligopoleur de s'écarter durablement de l'équilibre collusif et l'absence de possibilité de contestation de la stratégie oligopolistique par les concurrents résiduels ou potentiels, ainsi que par les clients. Ces critères sont cumulatifs : il suffit donc qu'un seul ne soit pas rempli pour que la PDC puisse être écartée et l'étude des trois critères est en théorie superfétatoire. En l'espèce, ce n'est qu'à titre illustratif et que le ministre expose son analyse pour chacun des trois critères.

Les caractéristiques des produits distribués, composant les familles de la filière papetière correspondent à des utilisations différentes. Ces produits ne sont donc pas substituables entre eux. En effet, il apparaît que le papier ne peut être considéré comme un produit homogène dans la mesure où les clients ont des exigences techniques particulières en termes de références et de qualité des produits.

L'instruction du dossier a permis de confirmer ce point, le test de marché réalisé ayant mis en évidence que les clients avaient certaines exigences quant à la qualité ou la variété des gammes proposées.

Du reste, la gamme proposée par les producteurs et les distributeurs comporte un nombre très important de références pour chaque catégorie de produits. De surcroit, les prestations et les prix proposés par les distributeurs sont extrêmement hétérogènes tant en raison de la diversité des produits proposés et des services que de la diversité des organisations logistiques.

Il semble exister une forte élasticité de la demande au prix. Les clients seraient très sensibles aux prix et les distributeurs de papiers n'auraient qu'une incitation limitée à augmenter leurs prix. Du reste, le test de marché a relevé une volatilité des clients assez forte.

Concernant la transparence du marché, il existe certes une organisation professionnelle dénommée l'Association Française des Distributeurs de papiers (AFDP), regroupant 12 entreprises totalisant à elles seules plus de 90 % des ventes relevant du canal distribution, qui assure un suivi statistiques régulier du marché de la distribution (9), mais il s'agit de chiffres agrégés du marché pris dans son ensemble, qui ne permettent pas de surveiller les comportements commerciaux et tarifaires individuels des concurrents sur le marché. Les négociations commerciales se caractérisent en effet par une relative opacité, les négociations étant menées sur une base intuitu personae, et tenant compte de remises de gamme et de volume variables selon des familles de produits et les accords commerciaux.

Dans ces conditions, aucun distributeur de papier ne dispose d'informations précises sur les mécanismes de fixation des prix et sur les politiques tarifaires de ses concurrents. De plus, les différents opérateurs ont des structures de coût sensiblement différentes, ce qui rend tout alignement des prix difficile.

L'absence de transparence des tarifs pratiqués par l'ensemble des opérateurs du marché conduit à considérer que le premier critère posé par l'arrêt Airtours/First Choice n'est pas rempli en l'espèce.

Concernant l'existence de mesures de rétorsion des membres de l'oligopole et la capacité d'exercer des représailles vis-à-vis d'un opérateur déviant de l'équilibre collusif, compte tenu des caractéristiques économiques de la profession, toute perte de client est une menace pour l'équilibre financier d'un établissement.

Il semble donc que pour discipliner un des membres de l'oligopole qui dévieraient de l'équilibre collusif, il suffirait d'accentuant les pratiques de remises : cependant cette stratégie est moyennement crédible en ce qu'elle serait extrêmement coûteuse pour les autres membres de l'oligopole

Par ailleurs, il apparaît qu'en l'absence de transparence sur le marché, la détection des entreprises qui feraient le choix de dévier de l'équilibre collusif pourrait poser problème, et qu'il serait en conséquence difficile aux acteurs de mettre en œuvre un mécanisme dissuasif efficace.

En conséquence, le marché de la distribution de papier impression-écriture n'est non seulement pas suffisamment transparent pour permettre une coordination des comportements des acteurs, mais il ne l'est pas plus pour permettre la détection d'un acteur qui aurait choisi de s'éloigner de la ligne d'action commune ni pour assortir cette détection de la mise en œuvre de mesures de représailles effectives à l'encontre d'un tel déviant : le deuxième critère posé par l'arrêt Airtours/First Choice n'est pas non plus rempli en l'espèce.

Enfin, la troisième condition de l'arrêt Airtours, à savoir l'absence de possibilité de contestation de la stratégie oligopolistique par les concurrents résiduels, potentiels ou les clients ne trouve pas non plus à s'appliquer à la présente opération.

En effet, le rôle joué sur le marché par des distributeurs comme Malmenayde et Torraspapel est significatif.

En outre, force est de constater que sur le marché de la distribution, il n'existe aucune barrière de type réglementaire, commerciale, financière, technologique ou temporelle : l'investissement initial au lancement d'une activité de distributeur de papiers est minime. Ceci est confirmé par l'analyse effectuée par la Commission sur le marché anglais dans la décision précitée Paperlinx/Burhmann Paper Merchanting Division (10), où cette dernière a insisté sur les entrées potentielles sur le marché de distribution de papier anglais. Ainsi, au cours des dernières années, des distributeurs/producteurs professionnels étrangers ont pu s'établir en France (Torraspapel ou Fedrigoni) et d'autres acteurs ont pu se développer avec l'aide de producteurs (Valpaco, Latitude). Outre les concurrents actuels, les concurrents potentiels pourraient donc remettre en cause un éventuel équilibre collusif.

Par ailleurs, le contre-pouvoir exercé par la clientèle sur ce marché est significatif : les clients disposant d'une capacité de négociation importante sur les distributeurs (11) Le test de marché réalisé à l'occasion de la présente instruction a confirmé que les acheteurs étaient principalement des entreprises, dont le prix est le motif essentiel du choix d'un papier, et qui mettent en concurrence différents distributeurs pour assurer leur approvisionnement. Il semble que les clients diversifient systématiquement leurs achats auprès de plusieurs distributeurs de papiers, et soient très sensibles non seulement à la largeur de l'offre proposée, qui doit couvrir le plus largement possible leurs besoins d'impression (du papier couché aux papiers " têtes de lettre " ou aux enveloppes) et en services (livraison en 12 ou 24 heures, échantillonnage, livraisons en étage, reprise...). Comme indiqué précédemment, les clients sont assez volatils sur ce marché, et n'hésitent pas à changer de fournisseur. Dans ce contexte, la valeur de la marque est très limitée pour les clients dans le choix d'un distributeur, hormis pour certains papiers techniques ou ayant des caractéristiques fortes (filigrane, couleur, texture). Mais compte tenu du grand nombre de marque disponibles sur le marché, il semble que les clients n'hésitent pas à changer de produit en raison du prix, même sur ces papiers très spécifiques. Enfin, s'agissant des acheteurs publics, ils ont recours aux appels d'offres qui représentent [10-20] % en Office et [0-10] % en Print (sur le marché de la distribution de papier impression écriture).

Dès lors, il apparaît que le troisième critère posé par l'arrêt Airtours/First Choice n'est pas non plus rempli en l'espèce.

Aussi, en dépit de sa structure oligopolistique, le marché ne réunit pas les caractéristiques propres à une collusion tacite : en conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets coordonnés sur le marché français de la distribution de papier.

b) Segmentation par type d'utilisation

i. L'impression (" Print ") :

Analyse des effets non-coordonnés sur le segment français de la commercialisation de papier " Print"

Sur un volume total de Print vendu en France (soit [2 000-3 000] K.tonnes), les distributeurs vendent [0-1 000] K.tonnes, soit [30-40] % de part de marché en volume. Les ventes réalisées par les producteurs représentent donc [60-70] % de part de marché en volume.

Sur ce segment, les parties auront une position cumulée limitée à [0-10] %, et feront face à la concurrence de nombreux acteurs importants. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets non-coordonnés sur ce segment.

Analyse des effets non-coordonnés sur le segment français de la distribution de papier " Print "

Sur le segment de la distribution du papier Print, la part cumulée des parties atteindra [20-30] % en volume. Cependant, il existe trois autres acteurs d'importance sur le marché, disposant respectivement de [20-30] % de parts de marché pour Inapa, [10-20] % pour Stora Enso et [10-20] % pour Torraspapel.

<emplacement tableau>

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets non-coordonnés sur ce segment.

Analyse des effets coordonnés sur le segment français de la distribution de papier " Print "

En 2005, trois distributeurs majeurs sont présents au niveau national sur le marché du " Print " : Antalis avec [20-30] % de parts de marché, Inapa avec [20-30] % du marché et Stora Enso par le biais de ses distributeurs intégrés que sont les Papeteries de France et Papyrus, avec [10-20] % du marché. Le marché est donc concentré, les trois principaux concurrents totalisant [50-60] % du marché en 2005. Si l'on rajoute Axelium, ce poids s'élève à [60-70] %. Un autre distributeur est présent avec [10-20] % (Torraspapel).

L'opération notifiée entraîne la disparition d'un acteur indépendant du marché. Même si Axelium dispose d'une faible part de marché ([0-10] %), ceci renforce le pouvoir de marché du premier distributeur de papier Print et accroît ipso facto le taux de concentration d'une structure déjà oligopolistique.

A l'issue de l'opération, environ [60-70] % du marché sera détenu par les trois premiers acteurs. Il convient d'examiner l'éventuel risque de création d'une position dominante collective sur le marché distribution papetière impression-écriture, à partir des critères cumulatifs définis par l'arrêt Airtours/First Choice (12) du TPICE. Cependant, les divers éléments listés sur le marché français de la distribution de papier se déclinent au présent segment de la distribution du Print en France et écartent donc le risque de création ou de renforcement d'une position dominante collective.

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets coordonnés sur ce segment.

ii. Les usages bureautiques (" office") :

Analyse des effets non-coordonnés sur le segment français de l' " Office" :

Sur un volume total d'"office " vendu en France (soit [500 000-1 000 000]), les distributeurs vendent [100 000-500 000] tonnes, soit [40-50] % de part de marché en volume. Les ventes réalisées par les autres canaux de distribution (13) représentent donc [40-50] % de part de marché en volume, les producteurs ne vendant pas directement le papier " office ".

Sur ce segment, les parties auront une position cumulée limitée à [10-20] %, et feront face à la concurrence de nombreux acteurs importants. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets non-coordonnés sur ce segment.

Analyse des effets non-coordonnés sur segment français de la distribution de papier " Office" :

<emplacement tableau>

Sur le segment français de la distribution de papier " Office" :, la part cumulée des parties atteindra [40-50] % en volume. Cependant, il existe deux autres acteurs d'importance sur le marché, disposant respectivement de [20-30] et [10-20] % de parts de marché.

A titre illustratif, sur la ramette A4 correspondant à la famille des papiers bureautiques, la position cumulée de la nouvelle entité, selon les estimations des parties, pourrait être estimée à [40-50] %. Dans le secteur de la distribution, la part de marché des autres distributeurs AFDP (Inapa, Papeteries de France et Papyrus, Malmenayde, Papeterie du Dauphiné, Procop) serait de [20-30] %, celles des fournituristes et vépécistes (Lyreco, G3+, Guibert et Office dépôt) de [30-40] %, celle des autres canaux (Xerox, Latitude, EFP, hypermarchés) d'environ [10-20] % et celle des autres distributeurs non adhérents AFDP de [0-10] %.

En outre, sur les [100 000-500 000] tonnes de ramettes vendus en 2006 par la nouvelle entité, [0-10] % de volume de ramettes ont été perdus ou vont être perdus par Axelium au profit d'autres acteurs du marché.

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets non-coordonnés sur ce segment.

Analyse des effets coordonnés sur le segment français de la distribution de papier " Office "

En 2005, trois grands distributeurs sont présents au niveau national sur le marché de l'office : Antalis avec [20-30] % de parts de marché, Inapa avec [10-20] % du marché et Stora Enso par le biais de ses distributeurs intégrés que sont les Papeteries de France et Papyrus, avec [20-30] % du marché. Le marché est donc concentré, les trois principaux concurrents totalisant [70-80] % du marché en 2005. Si l'on rajoute Axelium, ce poids s'élève à [80-90] %. Un autre distributeur est présent avec [0- 10] % (Malmenayde).

L'opération notifiée entraîne la disparition d'un acteur indépendant du marché, même si Axelium dispose d'une part de marché moins importante ([10-20] %) que les autres concurrents, elle renforce le pouvoir de marché du premier distributeur de papier impression-écriture en office et accroît ipso facto le taux de concentration d'une structure déjà oligopolistique.

A l'issue de l'opération, environ [80-90] % du marché sera détenu par les trois premiers acteurs. Il peut être utile d'examiner le risque de création d'une position dominante collective sur le marché distribution papetière impression-écriture en office, à partir des critères cumulatifs définis par l'arrêt Airtours/First Choice (14) du TPICE. Cependant, les divers éléments listés sur le marché français de la distribution de papier s'appliquent au présent segment de la distribution de papier Office en France (à l'exception du caractère non-homogène des produits) et apparaissent donc difficilement compatibles avec l'hypothèse d'une position dominante collective consécutive à l'opération.

3.1.2. Le marché des produits destinés à la communication visuelle (" Viscom ") :

<emplacement tableau>

Sur le marché des produits destinés à la communication visuelle estimé à [0-500] millions d'euro en France, la part cumulée des parties atteindra [0-10] % en valeur à l'issue de l'opération. Les parties seront confrontées à la concurrence de quatre autres acteurs d'importance égale, dans un marché par ailleurs fortement fragmenté. A l'issue de l'opération, sur chaque marché examiné, les parties conserveront donc leur place de leader, mais il continuera d'exister des concurrents significatifs et une frange concurrentielle.

En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effets non-coordonnés sur ce marché.

En définitive, l'opération n'est de nature à emporter de risque concurrentiel horizontal sur aucun des marchés ou segments examinés.

3.2. Analyse verticale:

L'opération examinée a pour conséquence que le groupe Sequana Capital, qui contrôle déjà le producteur de papier Arjowiggins et le distributeur de papier Antalis, prenne le contrôle du distributeur de papier Axelium. Il convient donc d'examiner si la présente opération, en renforçant la position du groupe sur la distribution, est de nature à accroître les risques concurrentiels liés à l'intégration verticale, notamment les risques d'exclusion des concurrents ou de fermeture des marchés.

A titre liminaire, il convient de noter qu'Arjowiggins produit et commercialise lui-même [<100] (15) kilotonnes de papier sur un volume global de [1 000-5 000] kilotonnes vendues en France. L'entité détient en tout état de cause une part de marché inférieure à [0-10] % sur le marché de la commercialisation de papier.

Si l'on restreint l'analyse aux ventes réalisées en Print (16) directement par les producteurs (soit [1 000-5 000] kilotonnes), dans l'hypothèse où la nouvelle entité viendrait à acquérir la totalité de la production d'Arjowiggins, elle ne pourrait accroître sa part de marché en volume que de [0-10] %15, ce qui est insignifiant.

A l'heure actuelle, il convient de remarquer que les deux entités ne reposent pas de façon significative pour leurs achats sur Arjowiggins. En effet, selon les parties, la part des achats réalisés par Antalis auprès d'Arjowiggins représente moins de [10-30] % du montant total de ses achats et la part d'Axelium représente à peine [0-10] % du montant total des siens. Dès lors, la nouvelle entité s'approvisionnera très largement auprès d'autres entreprises qu'Arjowiggins. Enfin, il convient de remarquer que certains concurrents importants sont déjà intégrés : par exemple, les Papeteries de France et Papyrus sont les distributeurs intégrés de Stora Enso.

Ainsi, les producteurs conservent d'autres débouchés parmi les nombreux opérateurs présents dans la distribution de papier d'impression et d'écriture et dans les autres canaux de distribution, y compris en vendant directement aux clients finaux. Ils conserveront donc la possibilité d'écouler leurs produits auprès d'un très grand nombre d'opérateurs actifs dans la distribution papetière.

L'opération ne donnera lieu à aucun effet d'éviction ou de fermeture sur le marché examiné ci-dessus. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence en raison d'effet vertical sur ce marché.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 du Code de commerce fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

1 Décision de la Commission du 7 avril 2005, M.3721-Stora Enso/Scaldia/PdF

2 Il s'agit des ventes de papiers livrés à partir des entrepôts en rames ou palettes par quantités fractionnées. Disponibles à tout moment, les papiers sont livrés sous 12 heures à 24 heures.

3 Il s'agit de ventes de fabrications spéciales portant sur plusieurs tonnes d'une catégorie particulière de papier, de dimension spéciale. Le distributeur recherche le producteur le mieux placé pour fabriquer les commandes de son client non disponibles en magasin. Le producteur livre la commande au client et le distributeur la lui facture.

4 Décisions de la Commission du 10 octobre 2003, M.3227-Paperlinx/Buhrmann paper merchanting division, du 4 août 2000, M.2020-Mesta-Serla /Modo

5 Il existe de nombreuses gammes de papiers. Quatre grandes catégories sont distinguées selon leur mode de fabrication et leur utilisation : papier couchés (avec ou sans bois) et papiers non couchés (avec ou sans bois).

6 Décision de la Commission du 10 octobre 2003, M.3227-Paperlinx/Buhrmann paper merchanting division.

7 TPICE, Aff. T-342-99 du 6 juin 2002 publiée au JOUE n° 191 du 10 août 2002, p. 24.

8 Arrêt du TPI du 06/06/2002 T-342-99 - Airtours/Commission.

9 L'AFDP assure également la gestion des conventions collectives et la conduite des négociations paritaires.

10 Décision de la Commission européenne du 10 octobre 2003, M.3227-Paperlinx/Buhrmann Paper Merchanting Division.

11 Comme relevé par la décision Paperlinx/Buhrmann Paper Merchanting Division précitée.

12 TPICE, Aff. T-342-99 du 6 juin 2002 publiée au JOUE n° 191 du 10 août 2002, p. 24.

13 Fournituristes de bureau, vépécistes, grandes surfaces, OEM.

14 TPICE, Aff. T-342-99 du 6 juin 2002 publiée au JOUE n° 191 du 10 août 2002, p. 24.

15 Information relevant du secret des affaires, y compris pour Antalis.

16 Les producteurs de papier ne vendent pas directement les papiers " office ".