Ministre de l’Économie, 18 juin 2007, n° ECEC0759249S
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Refresco
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 18 mai 2007, vous avez notifié le projet d'acquisition de la société Sun Beverages Company NV (" SBC ") par la société Refresco SPV BV (" Refresco "). Cette acquisition a été formalisée par un contrat de cession signé le 14 mars 2007.
1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION
Le groupe Refresco est actif dans le secteur des boissons sans alcool et des eaux minérales. Ses principales activités sont la fabrication et l'embouteillage de boissons sans alcool pour le compte d'industriels et de distributeurs. Il détient les sociétés Délifruits et Nuits Saint-Georges Production SAS (" NSGP ").
Le groupe Refresco a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires hors taxes consolidé mondial de [...] millions d'euro*, dont [> 50] millions d'euro en France.
SBC est une société de droit belge active sur les marchés de la production et du conditionnement de jus de fruits, de boissons non alcoolisées et d'eaux minérales. Elle détient deux filiales opérationnelles en France :
* European Logistic and Distribution Services (" Eldis ") ; active dans les secteurs de la logistique, l'entreposage et les activités annexes ;
* Eaux minérales de Saint Alban les Eaux dont l'essentiel de la fabrication est tourné vers les boissons gazeuses, à l'exception du thé glacé pour Unilever (marque Lipton Tea).
Il existe une troisième société, Font Traille SARL, aujourd'hui en inactivité, faisant l'objet d'une procédure judiciaire.
SBC a réalisé en 2006, un chiffre d'affaires mondial hors taxes de [...] millions d'euro*, dont [> 50] millions en France.
L'opération constitue ainsi une opération de concentration économique au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatifs à la concentration économique.
2. MARCHÉS CONCERNÉS
Les parties sont actives à un stade intermédiaire de la chaine de valeur de l'industrie des boissons sans alcool : la production de boissons et leur embouteillage pour le compte d'industriels (Unilever, Pepsi, Coca-Cola, Orangina/Schweppes, Danone) et de distributeurs (Système U, Carrefour, Auchan, Casino, Leclerc, Intermarché, Aldi et Leader Price).
Les parties produisent simultanément des jus de fruits, des thés glacés, des boissons à base de fruits et des boissons gazeuses Cola et hors Cola.
2.1. Marchés amont d'approvisionnement
Les parties sont présentes sur différents marchés amont de l'approvisionnement en matières premières destinées à la production et à l'embouteillage de boissons sans alcool : concentrés, pur jus, arômes, sucre et emballages.
Cependant, dans la mesure où l'analyse concurrentielle n'en serait pas affectée, il n'est pas nécessaire de définir de façon précise ces marchés au cas d'espèce.
2.2. Marchés intermédiaires de produits
Dans sa décision du 18 mars 2004, société L'européenne d'embouteillage, le ministre a envisagé un marché de la production et de l'embouteillage de boissons rafraichissantes sans alcool (" BRSA "), tout en laissant ouverte la délimitation exacte des marchés.
Les parties estiment que l'opération concerne le marché intermédiaire de la production et de l'embouteillage de boissons sans alcool (" BSA "), qui comprennent à la fois les BRSA et les boissons gazeuses sans alcool (" BGSA "). Elles précisent qu'il convient d'opérer une distinction selon les modes de production : qu'il s'agisse de modes aseptique ou non-aseptique.
Les modes de production aseptiques permettent de préserver de l'oxygène, de la lumière et des microbes, les boissons sans ajout de conservateurs, tout en variant les contenances, les formes, les emballages, les étiquetages. Ils sont particulièrement adaptés aux BRSA.
D'après les parties, il existerait une forte substituabilité au niveau de l'offre de production : les mêmes chaînes de production aseptiques permettraient de mettre en production différents types de produits : thés glacés, boissons plates aux fruits, eaux aromatisées plates, jus de fruits, sports drinks et produits laitiers.
Par ailleurs, sur ce marché intermédiaire, les consommateurs sont des distributeurs : les différentes boissons produites et embouteillées constituent pour eux des biens complémentaires, et non substituables, dont ils souhaitent proposer un large éventail à leurs clients finals.
En conséquence, bien que la pratique décisionnelle sur les marchés avals ait segmenté le marché des BRSA par type de produits, il apparaît qu'au stade intermédiaire de la production et de l'embouteillage, cette segmentation ne soit pas pertinente, les processus de fabrication restant très proches.
Cet élément a été confirmé par le test de marché.
En revanche, la technologie de production aseptique ne s'appliquerait qu'aux boissons plates et les BGSA sont issues d'un autre procédé de fabrication, non substituable au mode aseptique : le mode non-aseptique.
Il convient dès lors d'envisager l'existence de deux marchés distincts de la production et de l'embouteillage : sur lignes aseptiques, d'une part, pour les BRSA, et sur lignes non-aseptiques, d'autre part, pour les BGSA.
Par ailleurs, au sein de chacun de ces modes de production, il est possible d'étudier une segmentation des marchés par type d'emballages utilisé : les bouteilles en polyéthylène téréphtalate (appelé communément " PET ") n'utilisant par les mêmes lignes de production que les canettes.
Cependant, pour les besoins du cas d'espèce, la question de la définition exacte des marchés et des segments éventuels peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront
1- Le marché de la production et de l'embouteillage sur lignes aseptiques (essentiellement BRSA)
Il s'agit d'adapter l'offre à des demandes sur mesure : ces lignes de production permettent de conditionner des produits basiques comme des produits sophistiqués et personnalisés à plus forte valeur ajoutée.
Sont ainsi produits sur ces lignes des boissons diverses comme le thé glacé, les boissons plates, les jus de fruits, les sports drinks et les produits laitiers (lait, yaourt à boire). Les embouteilleurs sont donc en mesure d'offrir à leur clientèle un large éventail de boissons.
Pour les besoins de l'analyse concurrentielle, seul le segment des PET du marché de la production et de l'embouteillage sur lignes aseptiques sera examiné, les parties n'étant pas présentes sur le segment des canettes.
2- Le marché de la production et de l'embouteillage sur lignes non-aseptiques (essentiellement BGSA)
Les BGSA sont fabriquées par addition d'eau, de sirop et de gaz carbonique. Leur production ne requiert pas la mise en œuvre de techniques industrielles complexes.
Pour les besoins de l'analyse concurrentielle, seul le segment des canettes du marché de la production et de l'embouteillage sur lignes non-aseptiques sera examiné, les parties n'étant pas présentes sur le segment des PET.
En tout état de cause, pour la présente opération, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la délimitation exacte de ces deux marchés de produits, car quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.
2.3. Les marchés géographiques
La pratique tant communautaire que nationale a analysé l'offre de boissons à l'échelon national, ceci tenant tant à des considérations gustatives qu'à des règlementations différentes en matière de conditionnement et d'emballage variant d'un État à l'autre.
3. ANALYSE CONCURRENTIELLE
3.1. Marchés amont d'approvisionnement
Sur le marché des jus de fruits, SBC est très peu présente : l'effet sur le marché de l'approvisionnement en constituants pour jus de fruits est à hauteur de ce chevauchement marginal.
Sur le marché du sucre, Refresco est très peu présent car son activité concerne essentiellement les jus de fruits dans lesquels il n'y a pas d'ajouts de sucres ; en outre, les parties ne représentent qu'une portion très limitée des achats de sucres par rapport aux fabricants d'autres produits contenant du sucre, à l'instar de Coca-Cola par exemple.
Sur les marchés de l'approvisionnement en emballages et en concentrés, SBC n'est en réalité présente que marginalement puisque son activité pour ses deux principaux clients (Unilever et Pepsi) est de l'embouteillage pur et simple (" copacking ") : ce sont Unilever et Pepsi qui négocient avec les fabricants de concentrés et de PET auprès desquels SBC doit s'approvisionner. Le pouvoir d'achat des parties résultant de l'opération ne sera donc pas modifié car seuls les clients de SBC négocient les achats et fournissent SBC en matières premières. Enfin, sur le marché des emballages en PET, les parties ne représentent qu'une part infime des achats en France, ceux-ci étant dominés par les fabricants d'eau minérale, comme Danone ou Nestlé.
En conséquence, l'opération n'est en aucune façon susceptible de porter atteinte à la concurrence par création ou renforcement d'une puissance d'achat.
3.2. Marchés intermédiaires de produits
1- Marché de la production et de l'embouteillage sur lignes aseptiques
D'après les parties, sur le marché de la production et de l'embouteillage sur lignes aseptiques, la nouvelle entité détiendra [10-20] % de parts de marché en volume.
La nouvelle entité devra faire face à la concurrence de nombreux opérateurs actifs sur ce marché comme Wesergold, avec [10-20]% de parts de marché en volume, EMIG avec [10-20]%, l'Européenne d'embouteillage avec [10-20]% et Roxane avec [0-10]%, tout en restant confrontée au fort contre-pouvoir de la demande.
Sur le segment de la production et de l'embouteillage sur lignes aseptiques en PET, la nouvelle entité détiendra [10-20] % de parts de marché en volume ; l'opération ne donne par ailleurs lieu qu'à une faible addition de parts de marché, SBC représentant moins de [0-10]% de parts de marché en volume.
Dès lors, l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence sur les marchés et segments considérés.
2- Marché de la production et de l'embouteillage sur lignes non-aseptiques
D'après les parties, sur ce marché, la nouvelle entité détiendra après l'opération [10-20] % de parts de marché en volume.
La nouvelle entité devra faire face à la concurrence de nombreux opérateurs actifs sur ce marché comme Roxane avec [30-40]% de parts de marché, l'Européenne d'embouteillage avec [20-30] %, et Abeille (sous-traitant des enseignes Carrefour et Leclerc), avec [10-20]% .
Sur le segment de la production et de l'embouteillage sur lignes aseptiques en canettes, la nouvelle entité détiendra [30-40] % de parts de marché en volume, Refresco représentant par ailleurs moins de [0-10]% de parts de marché en volume.
Il en résulte que l'opération n'est pas de nature à emporter un risque d'atteinte à la concurrence sur les marchés et segments considérés.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
* cumul > 150 millions d'euro