Ministre de l’Économie, 25 juin 2007, n° ECEC0759251S
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de l'Union de coopératives agricoles Invivo
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 29 mai 2007, vous avez notifié l'acquisition par l'Union de coopératives agricoles Invivo (ci-après " Invivo ") du contrôle exclusif de la société Evialis (ci-après " Evialis "). Cette opération a été formalisée par une promesse de vente d'actions signée le 13 avril 2007.
1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
Les entreprises concernées par la présente opération de concentration sont les suivantes :
* Invivo est une union de coopératives agricoles, fruit du rapprochement des coopératives UNCAA et SIGMA, autorisé par le Ministre de l'économie le 4 décembre 2001. Elle constitue un groupe coopératif d'achats, de vente et de services dans le secteur agricole et regroupe 292 coopératives agricoles sociétaires. Elle est active dans les secteurs de la production et la commercialisation de semences, de céréales et d'oléo-protéagineux. Elle est également active dans les domaines de la nutrition et de la santé animale, ainsi que de l'agrofourniture.
En 2006, le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes d'Invivo s'est élevé à environ 2,8 milliards d'euro, dont 2 milliards ont été réalisés en France.
* Evialis est une société de droit français, cotée sur le marché Eurolist d'Euronext Paris. Elle est spécialisée dans le secteur de la nutrition et de la santé animale.
En 2006, le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes d'Evialis s'est élevé à 637 millions d'euro, dont 438,8 millions d'euro ont été réalisés en France.
2. L'OPÉRATION DE CONCENTRATION
La société Financière Evialis, véhicule d'acquisition créé pour les besoins de l'opération par Invio, s'est engagée à acquérir, dans un premier temps, 19 % du capital social de la société Evialis auprès de la société Antin Participation 15. Après autorisation du ministre chargé de l'économie, Financière Evialis procédera à une nouvelle acquisition, à hauteur de 19,49 % du capital social de la société Evialis cette fois, toujours auprès de la société Antin Participation 15. A l'issue de cette acquisition d'un bloc de contrôle, une offre publique d'achat sera lancée pour l'ensemble des titres composant le capital de la société Evialis. A terme, Invivo disposera de [> 50]% du capital de la société Evialis*, le solde étant détenu par la société Unigrains ([< 50]%) et Sofipar ([<50]%), filiale du groupe Crédit Agricole. Il ressort de la lettre d'intention signée par l'ensemble des parties que le pacte d'actionnaires, qui devrait être signé à l'occasion de l'entrée d'Unigrains au capital de la Financière Evialis, de même que les modifications ultérieures des statuts, ne conféreront à ces investisseurs financiers aucun droit de véto autre que ceux destinés à protéger leurs intérêts d'associés minoritaires, et qu'ils ne seront en aucune façon en mesure d'interférer sur les décisions stratégiques d'Evialis.
L'opération a ainsi pour effet de conférer à terme à Invivo le contrôle exclusif d'Evialis. A ce titre, elle constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu du chiffre d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
3. LES MARCHÉS CONCERNÉS
3.1. Les marchés de produits
Les parties sont simultanément présentes sur les secteurs de la nutrition et de la santé animale.
3.1.1. Les marchés de la nutrition animale
i) Les marchés en amont
Dans une décision du 22 juin 2006, le Ministre de l'économie a relevé que, dans le secteur de la fabrication des produits à destination de l'industrie de l'alimentation du bétail, les " matières premières utilisées pour fabriquer les aliments sont globalement les mêmes (tourteaux, céréales, premix) selon les espèces " (1).
a) La production et la commercialisation de céréales et de tourteaux
Invivo est actif dans le domaine de la production et de la commercialisation de céréales. Invivo exerce par ailleurs une activité de distribution de tourteaux via la filiale commune Soulès France détenue en commun par Alfred C. Toepfer International. En revanche Evialis n'est pas présente sur ces deux secteurs.
Il ressort des informations communiquées par les parties que les aliments complets sont constitués de céréales (blé, orge, maïs, etc.) pour environ 40 % du poids total, de tourteaux (soja, colza, tournesol, etc.) pour environ 28 % du total et de minéraux (carbonate, phosphate, etc.).
Il ressort de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence communautaires et nationales que les produits à base de céréales et les tourteaux peuvent chacun constituer un segment distinct au sein du marché des produits à destination de l'alimentation animale (2).
b) La production et la commercialisation de pré-mélanges (" prémix ")
La branche Evialis Premix & Spécialités de la société Evialis est spécialisée dans la production de prémix. Cette activité de production s'accompagne de prestations relatives à la formulation, au conseil en nutrition animale, au conseil en technologie d'usine et à l'appui marketing opérationnel. Pour sa part, Inzo°, département d'Invivo, peut également être qualifiée de " firme services ", au sens où il fournit aux fabricants d'aliments complets non seulement le prémix mais également un ensemble de services d'appui tels que la formulation des aliments, le suivi technique des élevages, l'expertise des filières animales, le contrôle qualité, les technologies de fabrication et le marketing des produits.
Les prémix sont des mélanges concentrés de vitamines, d'oligo-éléments et d'additifs techniques destinés à compléter les matières premières végétales (céréales, tourteaux) dans la composition des aliments complets. Le taux d'incorporation du prémix varie entre 1 et 2% du volume total d'aliment complet.
Dans sa décision M.2956, CVC/PAI Europe/Promivi du 28 octobre 2002, la Commission européenne a distingué trois segments au sein du secteur des aliments pour animaux en fonction de critères liés au processus de fabrication, à la nature de la clientèle et aux circuits de distribution : le segment du prémix, celui des aliments complets et celui des aliments pour animaux de compagnie.
Pour l'instruction de la présente opération concentration, l'analyse concurrentielle sera opérée sur le seul marché amont emportant un chevauchement d'activité entre les parties, celui du prémix.
ii) Les marchés en aval de l'alimentation pour bétail
a) La production et la commercialisation d'aliments complets
Evialis Nutrition, filiale d'Evialis, est spécialisée dans le secteur de la fabrication d'aliments complets ou de concentrés destinés à toutes les espèces animales. Invivo est également actif sur ce secteur.
En ce qui concerne le marché des aliments complets, la Commission européenne a relevé, dans la décision M.2956 CVC/PAI Europe/Provimi (3), l'existence d'une substituabilité significative tant du point de vue de l'offre que de la demande, entre les différents types d'aliments complets, tout en laissant la question de la définition des marchés ouverte.
Toutefois, le ministre de l'Economie, qui a déjà eu l'occasion d'analyser une opération dans le même secteur, a envisagé une segmentation plus fine du marché en fonction de chaque espèce animale, dans la mesure où il apparaît que chaque type d'aliment est spécifique à l'espèce animale à laquelle il est destiné (4). Les parties notifiantes proposaient, en effet, de retenir des marchés distincts pour les aliments à destination des espèces porcines, des espèces bovines, des volailles de chair et/ou de ponte, des lapins et des espèces ovines et caprines. Le ministre a toutefois laissé ouverte la question de la segmentation du marché des aliments complets, en considérant notamment que du côté de l'offre, les usines de fabrication d'aliments du bétail pouvaient indifféremment fabriquer tous les types d'aliments destinés aux différentes espèces. En outre, il a souligné que les matières premières utilisées pour fabriquer les aliments sont globalement les mêmes quelles que soient les espèces. Enfin, il a estimé que les normes applicables ont pu contribuer à harmoniser les conditions de production de viande pour animaux.
En l'espèce, les parties estiment que si une segmentation par espèce devait être retenue, une distinction devrait être opérée, au regard de leur activité dans le secteur, entre les aliments complets pour les espèces bovines (i), les aliments complets pour les volailles de chair et/ou de ponte (ii), les aliments complets spéciaux pour les porcelets de premier âge (iii) et les aliments complets spéciaux pour les espèces équines (iv).
Elles fondent cette segmentation sur le fait que les aliments complets sont fabriqués dans des sites de production spécialisés proches des zones d'élevage et livrés majoritairement en vrac, alors que les aliments complet spéciaux sont, pour leur part, le plus souvent livrés en sac. En outre, le prix de vente de l'aliment complet varie, selon les espèces et le type d'aliment, de 160 à 250 euro la tonne alors que pour les aliments spéciaux, leur prix de vente est généralement supérieur à 500 euro la tonne. Enfin, les parties soulignent que cette segmentation est liée au stade de développement de l'animal, les aliments d'allaitement pour porcelets de premier âge répondant, par exemple, à des besoins nutritionnels spécifiques et faisant l'objet d'une réglementation particulière (5).
En tout état de cause, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielles demeurant inchangées.
b) Le marché des aliments composés minéraux et nutritionnels
Inzo°, département d'Invivo et Agro 01, filiale d'Evialis sont toutes deux présentes sur le secteur de la fabrication et de la commercialisation d'aliments composés minéraux et nutritionnels destinés aux éleveurs.
Les aliments composés minéraux et nutritionnels sont des aliments complémentaires composés d'oligo-éléments, de macroéléments et de vitamines. Ils sont destinés à corriger les carences des rations d'aliments complets journalières pour le bétail. Ils peuvent être donnés, en l'état, aux animaux et sont distribués directement auprès des éleveurs.
Les parties notifiantes estiment que les aliments composés minéraux et nutritionnels sont susceptibles de constituer, au sein de l'alimentation animale, un segment distinct dans la mesure où ils répondent à des fonctions nutritionnelles spécifiques et se différencient des autres produits de nutrition animale (notamment des prémix qui ont exclusivement vocation à rentrer dans la composition d'un aliment complet) et des médicaments vétérinaires (dont la commercialisation est soumise à une autorisation de mise sur le marché).
Au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément le marché des aliments complémentaires dans la mesure où quelle que soit la délimitation de marché retenue les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
3.1.2. Les marchés de la santé animale
Le Groupe Invivo dispose de quatre filiales dédiées aux activités de santé et d'hygiène animale : Noé, Mériel, Longimex et Sanicoopa. Ces filiales interviennent pour les activités de fabrication de pré-mélanges médicamenteux et de poudres solubles, de fabrication de poudres vétérinaires et nutritionnelles sous forme liquide, de distribution de spécialités vétérinaires et de fabrication de produits d'hygiène en élevage. Elles assurent également une activité de grossiste répartiteur pour les médicaments vétérinaires des laboratoires pharmaceutiques concurrents.
Pour sa part, Evialis produit et commercialise des produits vétérinaires avec ses filiales Franvet, Santamix et Siprema, spécialisées en santé, hygiène et diététique animale. La gamme de produits concerne des pré-mélanges médicamenteux, des poudres et solutions buvables, adaptés aux différentes espèces animales et destinés à la prévention et au traitement des pathologies.
Le marché du médicament vétérinaire n'a pas encore été défini au niveau national. Toutefois, conformément à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence européennes, les parties proposent de distinguer les spécialités pharmaceutiques en fonction de leurs indications thérapeutiques, qui dépendent elles-mêmes des propriétés pharmacologiques du produit. Dans les décisions antérieures qu'elle a eues à rendre dans le secteur de la santé animale, la Commission européenne a distingué entre les traitements antiparasitaires, antimicrobiens, endocriniens, les anti-inflammatoires et analgésiques (6). Au regard de leurs activités, les parties proposent de retenir un segment supplémentaire correspondant aux anti-infectieux. Elles fondent cette distinction sur la classification mise en place par l'Association Interprofessionnelle d'Étude du Médicament Vétérinaire (ci-après " l'AIEMV ") qui distingue plusieurs familles thérapeutiques, et à ce titre les anti-infectieux, seul segment sur lequel l'opération entraîne un chevauchement d'activité.
Au sein la catégorie des anti-infectieux, deux autres segmentations doivent être envisagées.
La première consiste à distinguer les spécialités pharmaceutiques selon l'espèce de destination dans la mesure où un médicament est, de manière générale, autorisé pour une espèce animale donnée. Cette segmentation est cependant rendue difficile par le fait qu'une autorisation de mise sur le marché (" AMM ") peut parfois être accordée pour plusieurs espèces. Ainsi, à côté des médicaments mono-espèces, coexistent les médicaments pluri-espèces. Compte tenu de ces éléments, les parties estiment qu'il n'est pas pertinent de calculer leurs parts de marché pour chaque espèce animale. Cette approche permet en revanche de distinguer clairement les médicaments destinées aux animaux de rente de ceux destinées aux animaux de compagnie. Au cas d'espèce, les parties ne seront présentes que sur le secteur des médicaments à destination des animaux de rente.
La seconde segmentation revient à distinguer les spécialités pharmaceutiques en fonction de leur mode d'administration qui se révèle plus ou moins adapté selon que l'on envisage un traitement collectif ou individuel des animaux. Cette segmentation est conforme à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, qui conduit à distinguer les médicaments administrés par voie orale des autres modes d'administration (7). En effet, la taille des élevages industriels de bétail nécessite, parfois, de recourir à des traitements de masse, notamment lorsque une épidémie a été constatée au sein d'un cheptel. Dans cette hypothèse, le traitement se fait en incorporant l'antibiotique soit dans l'eau de boisson, par le biais de poudres orales ou de solutions buvables, soit dans l'alimentation, via un aliment médicamenteux, qui ne peut être fabriqué qu'à partir d'un pré-mélange médicamenteux ayant reçu une AMM. Les autres modes d'administration (voie parentérale, voie intra-mammaire, voie externe, etc.) sont en revanche peu adaptés pour traiter de manière simultanée un grand nombre d'animaux en raison des coûts importants et des difficultés techniques que cela impliquerait pour l'éleveur. Ils sont quasi-exclusivement réservés aux traitements individuels.
L'instruction du dossier a conduit le ministre de l'Economie à s'interroger sur l'existence d'une segmentation plus fine, au sein des médicaments administrés par voie orale, entre les boissons médicamenteuses (poudres orales solubles et solutions buvables) et les pré-mélanges médicamenteux. En effet, le segment des pré-mélanges médicamenteux présente certaines spécificités par rapport aux autres médicaments vétérinaires. A la différence des autres médicaments, le pré-mélange doit être incorporé dans un aliment complet, avant de pouvoir être administré aux animaux. Les pré-mélanges sont donc commercialisés auprès des fabricants d'aliments et non auprès des ayants-droits, comme pour les autres médicaments.
Toutefois, l'instruction du dossier a permis de démontrer qu'il existait une substituabilité importante entre ces deux modes d'administration du point de vue des éleveurs et du vétérinaire prescripteur, dans la mesure où les indications thérapeutiques d'un médicament donné restent identiques quelque soit la modalité d'admission envisagée.
En tout état de cause, la question de la délimitation exacte du marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
3.2. Les marchés géographiques
3.2.1. Le marché de la nutrition animale
i) Les marchés en amont
a) Les marchés des céréales servant à la fabrication d'aliments pour animaux
Dans sa décision du 29 mars 2007 relative à l'acquisition de la société Chamtor par la société Champagne Céréales, le ministre de l'Economie a rappelé qu'au regard des chevauchements des zones de couvertures, les autorités de concurrence retiennent une dimension mondiale pour le marché des ingrédients servant à la fabrication d'aliments pour animaux.
Dans sa décision COMP/M.4042-Toepfer/InVivo/Soulès du 18 novembre 2005, la Commission a envisagé de retenir une dimension géographique nationale sur le marché de la distribution de tourteaux.
La présente instruction n'a pas permis de remettre en cause la dimension géographique consacrée par la pratique décisionnelle.
b) La production et la commercialisation de prémix
Les parties proposent de retenir un marché des prémix de dimension européenne en raison de la faiblesse des coûts de transport et de l'absence de barrière réglementaire susceptible de faire obstacle au commerce intra-communautaire. Elles indiquent notamment que le prémix est produit dans des sites de production spécialisés répartis sur l'ensemble du territoire européen. Pour une grande partie, il serait livré en sacs ou en " big bags ", ce qui limiterait l'impact particulier lié à la proximité entre l'usine de production et les sites des clients, fabricants d'aliments. En outre, ces produits peuvent être acheminés facilement et ont une date de péremption de un an. Les parties ajoutent que si le prix de vente des prémix varie de 500 à 1 500 euro la tonne, le coût de transport s'élève à seulement 0,05 euro par tonne et par kilomètre environ, coût non significatif au regard de la valeur du produit.
Toutefois, une segmentation plus étroite du marché limitée à une dimension nationale est envisageable, dans la mesure où l'offre de prémix est, de manière générale, associée à des prestations (8) répondant davantage à une demande nationale. Il apparaît en effet que les firmes services, qui fabriquent les prémix, assurent également des prestations de conseil auprès des clients chez lesquels elles commercialisent leurs produits. Les besoins particuliers des fabricants d'aliments complets sont susceptibles de freiner le commerce transfrontalier. L'instruction du dossier confirme d'ailleurs le faible développement du commerce intra-communautaire sur ce marché.
La Commission européenne a également eu l'occasion de préciser qu'une dimension géographique nationale pouvait être envisagée sur le marché des prémix, compte tenu notamment des attentes des clients en termes de conseils et de prestations techniques, pour lesquels ils auront tendance à s'adresser à des opérateurs locaux (9).
En tout état de cause, la question de la dimension géographique de ce marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
ii) Les marchés en aval de l'alimentation animale
a) Les aliments complets et les aliments complets spéciaux
En ce qui concerne la dimension géographique du marché de l'alimentation animale, le ministre chargé de l'Economie a eu l'occasion d'indiquer que la dimension géographique d'un tel marché pourrait être locale, " correspondant à une zone de livraison de 100 à 150 kilomètres autour du site de production, en raison du caractère volumineux et pondéreux des aliments concernés ". (10)
Les parties rejoignent cette analyse pour les aliments à destination de l'espèce bovine et des volailles de chair et/ou de ponte, en raison du caractère pondéreux et volumineux des aliments concernés et de l'importance des coûts de transport : le prix du transport en vrac représenterait entre 10 et 20 euro par tonne d'aliments complet pour des distances de livraison moyenne de l'ordre de 120 kilomètres à partir du lieu de production.
En revanche, les parties proposent de retenir des marchés de dimension nationale pour les aliments spéciaux à destination des porcelets premier âge et les aliments spéciaux à destination des espèces équines. Ces aliments sont en effet conditionnés en sac, ce qui leur permet d'être conservés pendant plusieurs mois et de parcourir de longues distances. Par ailleurs, la faiblesse des coûts de transport, qui s'élèveraient à 0,05 euro par tonne et par kilomètre, est compatible avec une dimension géographique nationale de ces marchés.
Au cas d'espèce, l'analyse concurrentielle sera menée tant au niveau national qu'au niveau local pour chacun des marchés concernés. La question de la délimitation géographique exacte des marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées, quelle que soit la segmentation envisagée.
b) Le marché des aliments composés minéraux et nutritionnels
La faiblesse des coûts de transport et l'absence de barrière réglementaire conduisent les parties à retenir une dimension européenne pour ce marché. Les parties évaluent ainsi le coût de transport à 0,05 euro par tonne et par kilomètre parcouru. En outre, la fabrication et la commercialisation des prémix font l'objet d'une réglementation européenne : elles sont notamment soumises aux directives 79-373 du 2 avril 1979 et 82-475 du 23 juin 1982.
Cependant, pour les même raisons que celles évoquées pour les prémix, une segmentation plus fine du marché, circonscrit à une dimension nationale, doit être envisagée.
Pour les besoins de l'analyse concurrentielle de l'espèce, et sans qu'il soit besoin de trancher la question de manière définitive, le marché des aliments composés minéraux et nutritionnels sera étudié à l'échelon national.
3.2.2. Le marché de la santé animale
Selon les parties, les marchés géographiques de référence demeurent des marchés essentiellement nationaux, compte tenu de l'existence de fortes contraintes réglementaires nationales susceptibles de faire obstacle au développement du commerce intra-communautaire.
En effet, aucun médicament vétérinaire ne peut être commercialisé sans avoir obtenu préalablement une AMM des autorités sanitaires compétentes. En France, cette autorisation est octroyée par l'Agence nationale du médicament vétérinaire.
Cependant, le secteur du médicament vétérinaire fait l'objet d'une harmonisation au niveau communautaire, concrétisée par la mise en place d'un Code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires, conformément aux dispositions de la directive 2001-82-CE. Aux termes de cette législation, deux autres procédures communautaires ont été mises en place, parallèlement à la procédure nationale:
* Une procédure dite " centralisée ", instituée par le règlement du Conseil n° 2309-93, qui permet d'obtenir une seule AMM valable dans tous les États Membres de l'Union Européenne. La demande d'autorisation présentée pour les États de l'Union européenne est déposée à l'Agence européenne du médicament, qui l'instruit avec le concours d'experts nationaux. La décision est alors prise par la Commission.
* Une procédure de reconnaissance mutuelle, qui permet d'obtenir des AMM identiques dans plusieurs États Membres à partir d'une première AMM obtenue dans un État Membre (qui devient l'État Membre de Référence). En ce cas, le demandeur obtient d'abord une AMM nationale de la part de l'autorité compétente d'un État membre de l'Union Européenne. Le rapport d'évaluation et le dossier d'AMM sont ensuite soumis aux autorités des autres États membres, afin qu'ils reconnaissent cette autorisation initiale dans un délai de 90 jours.
Ces éléments pourraient conduire à retenir l'existence d'un marché unique européen. Toutefois, le nombre d'AMM communautaire (environ 200) reste encore faible au regard du nombre d'AMM nationales (plus de 3 000). Par ailleurs, il existe encore des divergences entre les législations des États membres ; c'est notamment le cas pour les pré-mélanges médicamenteux, pour lesquels la loi française impose un taux d'incorporation du principe actif (5 kilos par tonnes d'aliments) supérieur à la plupart des autres États membres de l'Union (2 kilos par tonnes).
Au cas d'espèce, et compte tenu de ce qui précède, l'analyse concurrentielle sera menée à un niveau national.
Au demeurant, il n'apparaît pas nécessaire de trancher la question de la délimitation des marchés de manière définitive, dans la mesure où quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse resteront inchangées.
4. ANALYSE CONCURRENTIELLE
4.1. Le marché de la nutrition animale
4.1.1. Analyse des effets horizontaux liés à l'opération de concentration
i) La production et la commercialisation de prémix
Au niveau européen, les parts de marché cumulées en volume des parties atteignent environ [0- 10] %, dont [0-10] % pour Invivo et [0-10] % pour Evialis, les principaux acteurs du marché étant BASF, DSM, Nutreco et Provimi.
Au niveau national, la position cumulée des parties en volume est, en 2006, de [30-40]% dont [20-30]% pour Invivo et [0-10]% pour Evialis (11). A l'issue de l'opération, Invivo confortera sa position de leader sur le marché des prémix en France. Les effets horizontaux de l'opération n'auront toutefois qu'un impact limité sur la structure du marché, dans la mesure où la majorité des prémix produits par Evialis est destinée à être autoconsommée par ses propres sites de fabrication d'aliments et n'a donc pas vocation à être mise sur le marché. Les parties resteront par ailleurs confrontées à un nombre élevé de concurrents nationaux, dont Provimi ([20-30]%), BASF/Glon ([10-20]%), CCPA ([10-20]%) et Techna ([0-10]%) et devront également faire face à la concurrence des autres acteurs européens (Nutreco).
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les risques d'atteinte à la concurrence peuvent être écartés sur le marché du prémix, quelle que soit la délimitation géographique retenue.
ii) La production et la commercialisation d'aliments complets
La production nationale d'aliments complets pour animaux de rente est estimée par les parties à 21,6 millions de tonnes pour l'année 2006. La production d'Evialis est évaluée en France à [< 2] million de tonnes (tous sites de production d'aliments complets confondus), alors qu'Invivo n'intervient que de manière marginale avec une production d'environ [30 000 - 40 000] tonnes. Ainsi, sur un marché global de l'alimentation animale de dimension nationale, la part de marché cumulée des parties demeura, à l'issue de l'opération, inférieure à [0-10] %. Le marché se caractérise par ailleurs par la présence de grands groupes tels que Glon ou des coopératives polyvalentes comme Maisadour, Unicopa, Terrena et Coopagri, ainsi que de nombreuses entreprises régionales et locales.
Si l'on considère chacun des segments concernés par l'opération au niveau national, la part de marché cumulée des parties en volume sera de [10-20] % ([20 000 - 30 000] tonnes) pour les aliments porcelets premier âge, les principaux concurrents de la nouvelle entité étant CCPA ([10 000 - 20 000] tonnes), Vitalac ([10 000 - 20 000] tonnes), Cooperi** ([10 000 - 20 000] tonnes), Gouessant ([10 000 - 20 000] tonnes) et Calcialiment ([10 000 - 20 000] tonnes). La part de marché de la nouvelle entité sera de [20-30]% pour les espèces équines, les principaux concurrents étant Destrier ([10-20]%) et Sanders ([10-20]%). Enfin, la nouvelle entité disposera de moins de [0-10]% du marché national de l'alimentation pour les volailles de chair et/ou de ponte et sur le marché national de l'alimentation destinée aux espèces bovines.
Au niveau local, les parties ont donné une estimation de leur part de marché en retenant une découpe régionale administrative dans la mesure où il n'existe pas de données publiques leur permettant d'évaluer leur position sur des marchés locaux plus étroits. Les parties soulignent toutefois que, compte tenu de la définition des marchés limités à un rayon de 100 à 150 kilomètres à partir du lieu de production, le découpage ainsi réalisé ne reflète qu'imparfaitement la position des parties au niveau local. Cette approche n'a constitué qu'une première étape de l'analyse, qui a été précisée le cas échéant.
En Bretagne, la position cumulée en volume des parties est de [0-10] % tous sites d'aliments complets confondus, dont [10-20] % sur les aliments porcelets premier âge, [20-30] % sur les aliments à destination de l'espèce équine et moins de [0-10] % sur les aliments destinés à l'espèce bovine (12). Il n'y a par ailleurs aucun chevauchement d'activité sur le marché des aliments à destination des volailles de chair et/ou de ponte en région Bretagne.
En Normandie, les parts de marchés cumulées en volume des parties sont de [10-20] % tous sites d'aliments complets confondus, dont [20-30] % sur les aliments porcelets premier âge, [10-20] % sur les aliments à destination de l'espèce équine et moins de [0-10]% sur les aliments à destination de l'espèce bovine. En ce qui concerne les aliments à destination des volailles de chair et/ou de ponte, le découpage administratif conduit à retenir une part de marché cumulée des parties d'environ [40-50] %, dont [40-50] % pour Evialis et [0-10] % pour Invivo. Cependant, cette évaluation réalisée en fonction des données disponibles ne correspondrait pas, selon les parties, à la structure des marchés locaux. En effet, les parties indiquent que les usines de production respectives d'Evialis (située à Bures-en-Bray) et d'Invivo (située à Argentan) implantées en Normandie sont distantes l'une de l'autre d'environ 200 kilomètres. L'opération n'entraînerait donc qu'un chevauchement d'activité peu significatif entre les parties sur ce segment local. Par ailleurs, il ressort de l'instruction du dossier qu'Evialis et Invivo ne disposent pas de clientèle commune sur cette région. En outre, il a été déjà été souligné lors de la définition des marchés pertinents qu'il existait une forte pression concurrentielle exercée par les autres fabricants d'aliments complets, qui peuvent facilement réorganiser leur production en cas d'une hausse unilatérale des prix pratiqués par la nouvelle entité.
Au regard des parts de marché détenues par les parties à l'issue de l'opération et du fort degré de concurrence, tant actuelle que potentielle, à laquelle elles devront faire face, l'opération notifiée n'est pas de nature à soulever des problèmes de concurrence sur chacun des segments analysés.
iii) La production et la commercialisation d'aliments composés minéraux et nutritionnels
Le marché global des aliments minéraux et nutritionnels a été estimé en France à 400 000 Tonnes (13). Au niveau national, la part de marché cumulée en volume des parties est d'environ [20-30] %, dont [10-20] % pour Invivo et [0-10] % pour Evialis. A l'issue de l'opération, les parties acquerront la position de leader sur le marché des aliments composés minéraux et nutritionnels.
Toutefois, la nouvelle entité fera face à la concurrence de nombreux acteurs du marché, tels que Provimi ([10-20]% de part de marché), Remond ([10-20]%), Néolait ([0-10]%), Alliance/Cedem ([0- 10]%), Calcialiment ([0-10]%) et CCPA ([0-10]%).
L'instruction du dossier a ainsi fait apparaître une structure atomisée du marché avec de nombreux concurrents dont la production avoisine ou dépasse les [20 000 - 30 000] tonnes, le reste du tonnage étant très éclaté entre de multiples petits fabricants.
Les risques d'atteinte à la concurrence peuvent donc être écartés sur le marché français de la production et de la commercialisation d'aliments composés minéraux et nutritionnels.
4.1.2. Analyse des effets verticaux liés à l'opération de concentration
En amont, Invivo a vendu en 2006 environ 20 000 tonnes de céréales, destinés à être utilisés dans la fabrication d'aliments pour bétail, ce qui constitue une part de marché négligeable au niveau national (inférieure à [0-5]%), et a fortiori mondial. Sur le marché de la distribution d'oléoprotéagineux, la part de marché d'Invivo est de [20-30]% (14). Sur le marché des prémix, la part de marché cumulée des parties a été estimé à [30-40]% au niveau national.
En aval, sur le secteur de la fabrication d'alimentation pour bétail, la part de marché cumulée des parties est inférieure à [0-10] %, ce qui n'est pas de nature à donner aux parties une puissance d'achat significative.
En conséquence, compte tenu de la faiblesse de ces parts de marché et de l'existence de concurrents importants, à chaque stade de la chaîne de production, la présente opération n'est de nature à engendrer un risque de forclusion ou d'éviction sur aucun des marchés identifiés.
4.2. Le marché de la santé animale
A titre liminaire, il est important de relever que le marché du médicament vétérinaire est caractérisé par une offre actuellement insuffisante sur certaines espèces et pour certaines pathologies mineures. Parmi les causes pouvant expliquer la faiblesse de l'arsenal thérapeutique disponible, l'Agence nationale du médicament vétérinaire a notamment relevé l'étroitesse du marché de la santé animale (qui ne représente que 3 % du marché de la santé humaine), son caractère très fragmenté (du fait de la multiplicité des espèces), ainsi que l'augmentation des exigences réglementaires et scientifiques en la matière. Selon elle, le manque de disponibilité des médicaments vétérinaires résulterait " pour une grande part, du manque d'intérêt des entreprises pour des marchés étroits conjugué à la pression des exigences réglementaires ".
Ainsi, le développement de nouveaux médicaments est appelé à se focaliser sur les espèces ou pathologies dont l'intérêt commercial est considéré comme suffisant. Pour ces raisons, il n'est pas forcément anormal que certains petits intervenants disposent de positions de marché importantes sur certains segments de la santé animale.
Le marché national de la santé animale est par ailleurs fortement concentré. En effet, seule une trentaine d'entreprises interviennent dans ce secteur en France, parmi lesquelles des groupes pharmaceutiques implantés à l'échelle mondiale bénéficiant d'une expertise en santé humaine (Pfizer, Bayer Pharma, Lilly France) ou des groupes spécialisés dans la fabrication de médicaments vétérinaires (Virbac, Ceva santé animale, Intervet, Vétoquinol, Noé, Franvet). Selon les estimations de l'AIEMV, les quatre premiers laboratoires français (Pfizer, Mérial, Intervet, Virbac) détenaient, en 2006, plus de 50 % des parts de marché, alors que les dix premiers laboratoires réalisaient environ 80 % du chiffre d'affaires (15).
Evialis et Invivo ne font pas partie des opérateurs majeurs de ce secteur. En effet, sur le marché global de la santé animale, la part cumulée des parties en valeur est d'environ [0-10] %, dont [0-10] % pour Invivo et [0-10] % pour Evialis. Si l'on considère le seul segment des anti-infectieux, la part de marché cumulée des parties en valeur est d'environ [10-20] %, dont [0-10] % pour Invivo et [0-10] % pour Evialis.
Il ressort toutefois de l'instruction du dossier que les parties disposeront d'un fort pouvoir de marché sur le segment des pré-mélanges médicamenteux. En effet, les parties détiendront à l'issue de l'opération, selon leurs propres estimations, une part de marché d'environ [50-60] %, dont environ [40-50] % pour Evialis et [10-20] % pour Invivo (16). Le laboratoire Sogeval ([20-30]%) sera le seul concurrent significatif auquel les parties seront confrontées sur ce segment, le reste du marché étant ensuite atomisé entre de nombreux opérateurs détenant une part de marché marginale.
Toutefois, et si l'on devait supposer que le segment des pré-mélanges médicamenteux correspond bien à un marché pertinent, la part de marché cumulée des parties ne permettrait pas d'établir à elle seule la création ou le renforcement d'une position dominante. En effet d'autres critères doivent être pris en compte afin de démontrer qu'un tel risque puisse résulter de l'opération, qui ne sont pas réunis au cas d'espèce.
En effet, il convient de relativiser l'importance de la part de marché que détiendront les parties à l'issue de l'opération, et son éventuel impact sur le jeu de la concurrence, dans la mesure où, d'une part, les fabricants d'alimentation animale disposent d'un fort contre-pouvoir de négociation (4.2.1), où, d'autre part, les fabricants de poudres orales et de boissons médicamenteuses exercent actuellement une pression concurrentielle non négligeable (4.2.2), où, en outre, la faiblesse des barrières à l'entrée en fait d'indéniables concurrents potentiels sur ce marché (4.2.3) et où enfin le marché des pré-mélanges médicamenteux est actuellement de taille relativement modeste et tendra vraisemblablement à décliner encore dans les années à venir (4.2.4).
4.2.1. Le contrepouvoir de marché des fabricants d'alimentation animale
Il convient d'abord de noter que les fabricants de pré-mélanges sont situés à un stade intermédiaire dans la chaîne de production d'aliments médicamenteux : leur clientèle est constituée en partie de groupes agroalimentaires importants qui disposent d'un contrepouvoir de marché important. Force est par exemple de constater que certains d'entre eux, à l'instar de Gouessant, Cooperl et Cooperi*** procèdent par appels d'offres pour s'approvisionner en pré-mélanges.
En conséquence, à l'issue de l'opération, les parties seront en relation avec des partenaires commerciaux munis d'un pouvoir de négociation non négligeable.
4.2.2. La pression concurrentielle des fabricants de boissons médicamenteuses****
Bien que les parties disposent de positions importantes sur le segment des pré-mélanges médicamenteux, il doit également être tenu compte de la possibilité pour les clients finals de reporter leur demande sur une offre alternative, dans l'hypothèse où la nouvelle entité déciderait d'augmenter unilatéralement ses prix. Sur ce point, il a déjà été souligné que, du point de vue des éleveurs et des vétérinaires prescripteurs, il existait un fort degré de substituabilité entre les boissons médicamenteuses et les aliments médicamenteux.
En effet, il est important de relever que, pour prescrire un médicament plutôt qu'un autre, le vétérinaire tient pour l'essentiel compte des indications thérapeutiques dudit médicament, en fonction de son diagnostic de l'affection qu'il envisage de traiter chez l'animal. Or, il ressort clairement de l'instruction du dossier que chaque spécialité pharmaceutique développée sous forme de pré-mélange, peut également l'être sous forme de poudres orales ou de solutions buvables. Sur ce point, les parties ont été en mesure de démontrer que, pour chacun de ces pré-mélanges, il existait des produits concurrents (développés sous forme de poudres orales ou de solution buvable) répondant aux mêmes fonctions thérapeutiques.
Le choix opéré par le prescripteur entre une boisson médicamenteuse ou un aliment médicamenteux ne repose donc pas sur des considérations thérapeutiques, mais sur la facilité d'administration du traitement pour l'éleveur. Toutefois, il semble qu'en ce qui concerne ce dernier, il n'existe pas de barrière dirimante pour passer de l'un à l'autre des modes d'administration des médicaments : les équipements nécessaires pour pratiquer un traitement par eau de boisson (pompes doseuses et bacs de dilution de la solution mère) ne représentent qu'un faible investissement, de l'ordre de 1 000 euro.
Dès lors, même si elles disposent d'une position forte sur le segment des pré-mélanges médicamenteux, les parties restent confrontées à la pression concurrentielle exercée par les fabricants de poudres orales et de solutions buvables : les éleveurs et les vétérinaires sont toujours en mesure d'arbitrer pour un médicament donné entre ces deux modes d'administration.
4.2.3. La faiblesse des barrières à l'entrée sur le marché des pré-mélanges médicamenteux
L'étude de la substituabilité du côté de l'offre a permis de montrer que le marché des pré-mélanges était facilement contestable par les laboratoires fabricants de poudres orales. En effet, la faiblesse des barrières pour passer d'un processus industriel de fabrication de poudres orales à celle de pré-mélanges médicamenteux, tant technologiques, réglementaires, financières que temporelles, permet de considérer que dans l'hypothèse où les conditions structurelles rendaient désormais rentable l'entrée sur le marché des pré-mélanges, il n'existerait aucun obstacle dirimant pour le faire.
D'un point de vue juridique, il est important de souligner que l'ensemble des antibiotiques vétérinaires sont aujourd'hui fabriqués à partir de molécules anciennes, qui ne font plus l'objet de droit de propriété intellectuelle. Les parties indiquent sur ce point que tous les médicaments pour lesquels elles détiennent des AMM sont constitués à partir de génériques. Par conséquent, les opérateurs actifs sur le marché des poudres orales pourraient facilement contester la position des parties sur le marché des pré-mélanges, sous réserve d'obtenir au préalable une autorisation de mise sur le marché.
Financièrement, le coût pour obtenir une telle autorisation a été estimé par les parties à environ 75 000 euro (17). Quant au délai d'attente, il serait d'environ un an.
Enfin, d'un point de vue industriel, les processus de fabrication et les équipements utilisés sont les mêmes pour chacune de ces deux catégories de produits : il s'agit d'une technologie qui réclame des installations permettant de traiter, au niveau du dosage, du mélange et du conditionnement, des matières premières fluides, sous forme de poudres ou de farines. Les règles d'écoulement dans les silos, les interactions électrostatiques des composants de la formule sont en grande partie comparables pour des pré-mélanges et des poudres orales.
4.2.4. Le segment des pré-mélanges médicamenteux en déclin
Enfin, il convient d'apprécier la position des parties sur le segment des pré-mélanges médicamenteux au regard de la dynamique globale du marché de la santé animale. En l'espèce, le marché des pré-mélanges médicamenteux se caractérise par sa taille relativement modeste : le segment des pré-mélanges est estimé en valeur à 25 millions d'euro, ce qui ne représente que 4 % du marché des médicaments vétérinaires à destination des animaux de rente.
L'instruction du dossier a par ailleurs permis de constater un fort report des volumes de ventes de pré-mélanges médicamenteux vers les poudres orales au cours de ces dernières années. En effet, selon les données communiquées par l'Agence nationale du médicament vétérinaire, les volumes de pré-mélanges ont diminué de 20 % entre 1999 et 2005, alors que ceux des poudres orales ont quasiment doublé sur la même période. A titre d'exemple, Invivo a enregistré une diminution des ventes de ses principaux pré-mélanges (UCAMIX et CAFMIX) d'environ [10-20] % entre juillet 2005 et mars 2007. Ce phénomène trouverait sa cause dans l'interdiction désormais faite aux vétérinaires de distribuer en l'état les pré-mélanges avant leur incorporation dans un aliment complet. Pour contourner cette contrainte, ces derniers auraient alors préférentiellement prescrit des poudres orales qu'ils continuaient à être habilités à distribuer. Selon les personnes interrogées dans les tests de marché, cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
En conséquence, dans la mesure où, bien que disposant d'une position importante sur le segment des pré-mélanges médicamenteux, les parties resteront actives dans un secteur en déclin, confrontées à un contre-pouvoir non négligeable de la demande, et soumises à des pressions concurrentielles tant actuelles que potentielles, il convient d'écarter le risque de création ou de renforcement d'une position dominante simple de la nouvelle entité à l'issue de l'opération.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes
* erreur matérielle : lire " Financière Evialis " au lieu de " société Evialis ".
1 C2005-38 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 1er juillet 2005 au conseil du groupe coopératif Unicopa, relative à une concentration dans le secteur de l'alimentation pour le bétail.
2 C2005-113 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 18 janvier 2006 aux conseils de la société Téréos, relative à une concentration dans le secteur du sucre ; COMP/M.3309 Sofiprotéol/Cereol- Lessieur du 30 janvier 2003 ; COMP/M.4042-Toepfer/InVivo/Soulès du 18 novembre 2005.
3 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.2596, CVC/PAI Europe/Provimi du 28 octobre 2002 et M.3177 BASF/Glon Sanders du 29 juillet 2003.
4 C2005-38 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 1er juillet 2005 au conseil du groupe coopératif Unicopa relative à une concentration dans le secteur de l'alimentation pour le bétail
5 Les aliments porcelets premier âge sont des aliments médicamenteux constitués à partir de prémix médicamenteux. L'activité de fabrication et de distribution de ce type d'aliment est régie par le Code de la santé publique.
6 Voir les décisions de la Commission européenne, M.737-Ciba-Geigy/ Sandoz du 17 juillet 1996 ; M.1681-Akzo Nobel/ Hoechst Roussel Vet du 22 novembre 1999 ; M.2922-Pfizer/ Pharmacia du 27 février 2003.
7 Décision de la Commission européenne M.1681-Akzo Nobel/ Hoechst Roussel Vet du 22 novembre 1999
8 Les firmes-services, offreurs de prémix, proposent aux fabricants d'aliments des prestations individualisées tels que des conseils en nutrition, des formulations de programmes alimentaires, des appuis en action commerciale. Ces prestations sont associées à la vente du produit.
9 Voir le point 10 de la décision M. 3177 BASF/Glon Sanders du 29 juillet 2003.
10 C2005-38 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 1er juillet 2005 au conseil du groupe coopératif Unicopa relative à une concentration dans le secteur de l'alimentation pour le bétail.
11 La production nationale de prémix est estimée à 21,6 millions de tonnes. Sur ce total, seules 16,1 millions de tonnes sont destinées à être mises sur le marché, la production restante étant autoconsommée par les opérateurs disposant de leurs propres sites de fabrication d'aliments complets.
** Erreur matérielle : lire " Cooperl " au lieu de " Cooperi ".
12 Certaines données ont été retraitées par les parties afin d'exclure les volumes de production des sites d'Evialis et d'Invivo, qui ne sont commercialisés sur la zone concernée par l'opération.
13 Communiqué de l'Association française des fabricants de compléments pour l'alimentation animale, " les chiffres clés 2006 ".
14 Invivo restera confronté à la concurrence de Cargill et Bunge qui détiennent respectivement 33% et 28% de part de marché.
15 Communiqués de l'Association Interprofessionnelle d'Étude du Médicament Vétérinaire, " Chiffres clés et commentaires de l'année 2006 ",
16 Pour estimer leur part de marché, les parties retiennent un marché de 25 millions d'euro.
*** Erreur matérielle : " lire Coopagri " au lieu de " Cooperi ".
**** Comme mentionné précédemment dans la décision, le terme de boissons médicamenteuses renvoie aux poudres orales et aux solutions buvables.
17 L'estimation du coût est faite pour un produit élaboré à partir d'un principe actif générique d'un médicament existant et déjà développé sous forme de poudre orale.