Ministre de l’Économie, 22 juin 2007, n° ECEC0764131S
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société France Isolation
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 24 mai 2007, vous avez notifié l'acquisition du groupe Larivière (ci-après " Larivière ") par la société France Isolation (ci-après " France Isolation "), elle-même contrôlée par la société de droit anglais SIG PLC (ci-après " SIG "). Cette acquisition a été formalisée par un protocole d'accord signé le 23 mai 2007.
1. LES ENTREPRISES CONCERNEES
- Le groupe SIG est présent en France à travers sa filiale France Isolation, qui est notamment active dans la distribution et la transformation de matériaux d'isolation, la distribution de plafonds suspendus et de matériaux d'aménagement intérieur. SIG a réalisé en 2006, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires mondial hors taxes de 2 700 millions d'euro, dont [>50] millions d'euro en France.
- Le groupe Larivière est actif en France dans le secteur de la distribution de matériaux de couverture à destination des professionnels. Larivière a réalisé en 2006, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires de 326 millions d'euro, exclusivement en France.
2. L'OPERATION NOTIFIEE
En ce qu'elle consiste en la prise de contrôle exclusif de Larivière par France Isolation (elle-même contrôlée par le groupe SIG), l'opération notifiée constitue bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Eu égard aux chiffres d'affaires des entreprises concernées, l'opération notifiée ne revêt pas une dimension communautaire, mais est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
3. LES MARCHES CONCERNES
3.1. Les marchés de produits
Le secteur économique concerné par l'opération est celui de la construction. Plus spécifiquement, les entreprises sont actives sur le marché du négoce en matériaux de construction, qui a été retenu par le ministre (1) comme relevant d'un marché distinct.
Les produits distribués par Larivière sont principalement des matériaux de couverture destinés à la construction et à la rénovation de toitures pour maisons individuelles, et commercialisés auprès de clients professionnels. Il peut s'agir d'ardoises, de tuiles, de fenêtres de toit et de produits en zinc. Très marginalement ([...] % de son chiffre d'affaires), Larivière distribue également des produits d'isolation de toiture.
SIG est actif dans le secteur de la distribution de matériaux d'isolation industrielle, de plafonds suspendus et de matériaux d'aménagement intérieur pour bureaux.
Chacun des produits négociés par les parties répond à un usage spécifique et non substituable, y compris en matière d'isolation (2).
A ce titre, il convient de rappeler que la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, tant Françaises (3) que communautaires (4), a évoqué la possibilité de procéder, au sein du marché du négoce de matériaux de construction, à une segmentation plus fine en fonction du degré de spécialisation des négociants. En effet, contrairement aux négociants généralistes dont l'offre porte sur un assortiment complet de différentes gammes de produits, les négociants spécialisés proposent des gammes plus profondes et une expertise plus poussée sur des lignes de produits particulières (bois, carrelage, isolation, etc.). Le ministre a estimé, à chaque fois qu'il a été amené à examiner le marché du négoce de matériaux de construction, que la question de leur délimitation exacte pouvait être laissée ouverte.
Si une segmentation devait être opérée en fonction du degré de spécialisation des produits d'isolation de SIG et de Larivière, force serait de constater que les parties ne sont présentes simultanément sur aucun des segments, SIG et Larivière s'adressant, au surplus, à des types de clientèles spécifiques : industriels en ce qui concerne SIG et individuels en ce qui concerne Larivière.
Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher définitivement la question de la segmentation du marché du négoce de matériaux en fonction de leur type, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
Néanmoins, pour les besoins de l'analyse conglomérale, il convient de noter que SIG et Larivière sont présentes, mais non simultanément, sur des marchés connexes à ceux sur lesquels l'opération emporte un chevauchement.
Il est donc proposé d'examiner les segments de produits suivants répondant à un certain degré de spécialisation :
- négoce de matériaux de couverture, (activité de Larivière) ;
- négoce de matériaux d'isolation de toiture, (activité de Larivière) ;
- négoce de matériaux d'aménagement intérieur, (activité de SIG) ;
- négoce de matériaux d'isolation industrielle, (activité de SIG).
3.2. Les marchés géographiques
Dans la décision précitée du ministre (1), les parties alors notifiantes avaient indiqué que " la société Larivière était présente à travers 82 agences sur l'ensemble du territoire national ". En l'absence d'affectation de la concurrence, le ministre avait alors laissée ouverte la question de la définition géographique exacte du marché du négoce de matériaux de construction, et mené une analyse sur un marché circonscrit au territoire national.
Il ressort de l'instruction du présent dossier que les entreprises présentes dans le secteur disposent d'un maillage important du territoire national avec leurs agences, bénéficient de structures centralisées d'approvisionnement et mènent des politiques commerciales communes pour la France entière. A titre d'exemple, France Isolation est actuellement active sur l'ensemble du territoire à travers 52 agences, et l'opération portera à 134 le nombre total d'agences détenues. Autre exemple, Point P est également présent sur l'ensemble du territoire à travers plus de 950 points de vente, dont une cinquantaine dédiés aux produits de couverture (Asturienne). Un autre concurrent, Wolseley, est également présent en France via ses deux réseaux de distribution (Réseau Pro et PBM), à travers 280 agences.
Dans ces conditions, l'analyse du cas d'espèce sera menée sur des marchés du négoce de matériaux de dimension nationale, circonscrite au territoire français.
4. ANALYSE CONCURRENTIELLE
4.1. Analyse horizontale
L'opération fait apparaître un chevauchement d'activité entre les parties sur i) le marché du négoce de matériaux de construction, ii) le segment du négoce de matériaux d'isolation.
En effet, comme indiqué ci-avant, sur la segmentation la plus fine envisageable du segment du négoce de matériaux d'isolation en fonction de la destination (maisons individuelles ou bureaux/entreprises), l'opération n'emporte aucun chevauchement.
i) Sur le marché du négoce de matériaux de construction, évalué au niveau national à 23 milliards d'euro, la part de marché de SIG est tout au plus de [0-5] % et celle de Larivière inférieure à [0-5] % : la part de marché cumulée des parties à l'issue de l'opération sera donc inférieure à [0-5] %.
ii) Sur le segment du négoce des matériaux d'isolation, la part de marché de Larivière est tout au plus de [10-20] % et celle de SIG inférieure à [0-10] %. A l'issue de l'opération, les parties détiendront donc une part de marché cumulée d'au plus [10-20] %.
Il convient par ailleurs de noter que les principaux concurrents des entreprises parties à l'opération que sont Point P et Wolseley disposent d'un réseau très important de points de vente et sont en mesure d'exercer une concurrence active aux parties.
L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par des effets horizontaux, que l'analyse porte sur le marché du négoce pris dans son ensemble ou le seul segment du négoce de matériaux d'isolation.
4.2. Analyse conglomérale
Sur aucun des marchés ou segments connexes identifiés les entreprises ne disposent de parts de marché supérieures à 15%. En raison de la faiblesse de ces positions, les parties ne seront donc pas en mesure, à l'issue de l'opération, de disposer d'un effet de levier de nature à emporter un risque d'effets congloméraux.
L'opération n'est donc pas de nature à modifier les conditions d'exercice de la concurrence selon une analyse conglomérale du marché.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
GUILLAUME CERUTTI
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 du Code de commerce fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Notes
1 Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 24 janvier 2007 aux conseils de la société de la société AXA IMPEE, relative à une concentration dans le secteur de l'immobilier (C2006-153), publiée au BOCCRF n° 3 bis du 23 mars 2007.
2 Les produits d'isolation de SIG et de Larivière répondent notamment à des cahiers des charges techniques différents. A titre d'exemple, les produits de laine de verre utilisés pour l'isolation des toitures particulières (Larivière) présentent une masse volumique de 10 à 20 kg/m3 tandis qu'une isolation technique (SIG) nécessite une laine de verre d'une masse volumique de l'ordre de 80 kg/m3.
3 Décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-30, BOCCRF n°19 du 30 septembre 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur du négoce des matériaux de construction dans la région Rhône-Alpes. Lettre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux. Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 19 décembre 2002, aux conseils de la société Pinault Bois & Matériaux, relative à une concentration dans le secteur de la distribution de matériaux de construction.
4 Décision de la Commission européenne M.764, Saint-Gobain-Poliet, du 4 juillet 1996. Décision de la Commission européenne M.1974, Compagnie de Saint-Gobain/Raab Karcher, du 22 juin 2000.