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Décisions

Ministre de l’Économie, 16 juillet 2007, n° ECEC0764801S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Compagnie Altarea Habitation

Ministre de l’Économie n° ECEC0764801S

16 juillet 2007

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 14 juin 2007 vous avez notifié le projet d'acquisition de 99,94 % du capital et 100 % des droits de vote de la société Cogedim SA (ci-après " Cogedim ") par la société Compagnie Altarea Habitation (ci-après " Altarea "). Cette opération a été formalisée par un protocole de cession signé le 1er juin 2007.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

- Altarea est une société foncière active sur les marchés de la gestion locative et technique de centres commerciaux, de la promotion immobilière de locaux à usage de commerces et de la promotion immobilière résidentielle et, de manière très marginale, sur le marché de la gestion d'actifs immobiliers pour compte de tiers.

Altarea a réalisé en 2006, dernier exercice clos, un chiffre d'affaires consolidé mondial hors taxes d'environ 136 millions d'euro, dont 129 millions en France.

- Cogedim est une société foncière* contrôlée à hauteur de 99,94 % par la société de droit néerlandais Inbro N.V.. Cette société est principalement active sur les marchés de la promotion immobilière résidentielle, de la promotion de locaux à usage de bureaux, de la gestion pour compte de tiers d'actifs immobiliers résidentiels et de la gestion pour le compte de tiers d'actifs immobiliers à usage de bureau.

Cogedim a réalisé en 2006, dernier l'exercice clos, un chiffre d'affaires consolidé mondial hors taxes de 511 millions d'euro, exclusivement en France.

2. L'OPÉRATION NOTIFIÉE

A l'issue de l'opération, Altarea détiendra 99,94 % du capital et 100 % des droits de vote de Cogedim. Altarea exercera donc un contrôle exclusif sur Cogedim. Eu égard aux chiffres d'affaires des entreprises concernées, l'opération notifiée ne revêt pas une dimension communautaire, mais est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

3. LES MARCHÉS CONCERNÉS

3.1. Les marchés de services

Le secteur économique concerné par l'opération est celui des services immobiliers, et plus précisément de la promotion immobilière et de la gestion d'actifs immobiliers, sur lesquels les parties sont simultanément présentes.

La pratique décisionnelle du ministre de l'Economie et de la Commission européenne a permis d'envisager diverses segmentations selon la nature des biens ou services offerts (1), la destination (2) (particuliers/entreprises), l'usage (3) (bureaux/commerces/autres) et le mode de fixation des prix (4) (immobilier résidentiel libre ou logements sociaux ou intermédiaires).

3.1.1. Segmentation selon le type de service

La Commission européenne (5) et le ministre (6), tout en laissant la définition ouverte, a étudié dans sa pratique décisionnelle une segmentation fine du secteur des services immobiliers, en distinguant six types de services différents :

(i) promotion immobilière, où se rencontrent un promoteur et un demandeur d'immobilier neuf,

(ii) gestion d'actifs immobiliers pour compte de tiers, où se rencontrent un gérant d'actifs immobiliers et un demandeur qui dispose de fonds à placer,

(iii) administration de biens immobiliers, incluant la gestion technique (ou de copropriété) et la gestion locative, où se rencontrent, à l'amont, un administrateur et un demandeur, propriétaire de biens immobiliers à gérer (échange d'une prestation d'administration), et à l'aval un administrateur ou un propriétaire, et un demandeur, locataire (échange d'un bien immobilier),

(iv) expertise immobilière, où se rencontrent un expert en immobilier et un demandeur d'expertise,

(v) conseil immobilier, où se rencontrent un conseiller en immobilier et un demandeur de conseil,

(vi) intermédiation dans les transactions immobilières, de vente ou de location, qui correspond à deux marchés amont où se rencontrent un intermédiaire et un demandeur, propriétaire d'un bien à vendre ou à louer (échange d'un service d'intermédiation), et à deux marchés aval où se rencontrent un intermédiaire ou un propriétaire, et un demandeur, acheteur ou locataire (échange d'un bien immobilier).

En l'espèce, les parties sont simultanément présentes sur le marché relatif (i) à la promotion immobilière et (ii) à la gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers.

Par ailleurs, Altarea est également présent sur le marché (iii) de l'administration de biens immobiliers, incluant la gestion technique et la gestion locative.

3.1.2. Segmentation selon la destination

La Commission européenne et le ministre de l'économie tout en laissant ouverte la question de leur délimitation exacte ont étudié les marchés des services immobiliers en opérant une distinction entre les services destinés aux entreprises et ceux destinés aux particuliers (7).

Au cas d'espèce, les parties sont actives, simultanément, sur les trois segments de marchés suivants :

* promotion immobilière résidentielle destinée aux particuliers

* promotion immobilière destinée aux entreprises

* gestion pour compte de tiers d'actifs immobiliers destinés aux entreprises.

3.1.3. Segmentation selon l'usage

Il ressort de la pratique de la Commission européenne et du ministère de l'Economie qu'une distinction plus fine peut être envisagée sur le marché des services immobiliers destinés aux entreprises, entre les locaux à usage de bureaux, locaux à usage de commerce et les autres types de locaux (8).

Pour sa part, Altarea est présent sur les segments de la gestion locative et technique d'actifs immobiliers (i) à usage de bureaux et (ii) à usage de commerces et sur le segment de la gestion pour compte de tiers de locaux à usage de commerces.

Cogedim, quant à lui, est présent sur le segment de la gestion pour compte de tiers de locaux à usage de bureaux.

En conclusion, l'analyse concurrentielle portera d'une part sur les marchés emportant des chevauchements (marché de la promotion immobilière et marché de la gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers) et d'autre part, au titre des effets de gamme, sur le marché de l'administration de biens immobiliers, incluant la gestion technique et la gestion locative sur lequel Altarea est seul actif.

3.2. Les marchés géographiques

Les autorités de concurrence estiment qu'un marché de services immobiliers peut être, en certaines circonstances, de dimension nationale, par exemple lorsque les investissements sont réalisés par de gros investisseurs professionnels (9). Ainsi la gestion d'actifs immobiliers pour compte de tiers a-t-elle analysée à l'échelle nationale uniquement dans l'affaire citée (Banque Fédérale des Banques Populaires). Toutefois, les parties considèrent qu'une analyse au niveau régional peut être pertinente. En l'espèce, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées selon que l'on étudie un marché régional ou national, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question de la définition des marchés géographiques, et les deux niveaux seront envisagés

En ce qui concerne la définition géographique des autres marchés et des segments concernés, cette question a été laissée ouverte tant par les autorités communautaires que nationales (10). A cet effet, la dimension infranationale a été précédemment établie par les autorités nationale et communautaire de la concurrence. En particulier, deux niveaux d'analyse infranationale ont été retenus, la région (11) et l'aire urbaine (12). Le marché régional est généralement pris en compte lorsque la taille de l'aire urbaine est trop réduite pour permettre une véritable analyse concurrentielle.

En l'espèce, les parties étant présentes quasi exclusivement en France, une présentation des positions des parties sera opéré au niveau national. Par ailleurs, comme ces dernières sont simultanément présentes dans les régions Île de France et Provence-Alpes-Côte d'Azur (" PACA "), une analyse sera également menée dans ces deux régions. En PACA, l'opération n'emporte de chevauchement que dans les départements du Var (83) et des Alpes-Maritimes (06). Une analyse plus étroite que le niveau départemental n'est pas pertinent dans ces départements, les parties n'étant pas présentes sur les mêmes aires urbaines (Gassin, La Môle, Villeneuve Loubet en ce qui concerne Altarea ; Nice, Mandelieu-la-Napoule, Cannes, Antibes, Cagnes-sur-Mer, Toulon, Six-Fours, Draguignan, La-Seyne-sur-Mer, Roquebrune-sur-Argens en ce qui concerne Cogedim).

En Île de France, l'opération n'emporte pas de chevauchements au niveau départemental : Altarea est présent en région parisienne hors Paris et Cogedim est présent à Paris hors périphérie parisienne.

En tout état de cause, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées au cas d'espèce selon que l'on étudie un marché régional ou national, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question de la définition des marchés géographiques, et les deux niveaux seront envisagés.

4. ANALYSE CONCURRENTIELLE

4.1. Analyse horizontale

L'opération emporte des chevauchements sur le marché de la promotion immobilière et le marché de la gestion d'actifs pour compte de tiers. Le troisième marché concerné par l'opération (administration de biens immobiliers, incluant la gestion technique et la gestion locative) n'emporte, quant à lui, aucun chevauchement d'activité et sera donc étudié au titre de l'analyse conglomérale.

4.1.1. Le marché de la promotion immobilière

a) Parts de marché à l'échelon national

<emplacement tableau>

Selon la segmentation retenue, la part cumulée des parties sera tout au plus de [0-10] % sur un marché national. La part de marché de [10-20] % sur le segment de la promotion immobilière de locaux à usage de commerces ne résulte pas d'une addition de parts de marché.

L'opération n'emporte pas de problème concurrentiel sur un marché national de la promotion immobilière.

b) Parts de marché à l'échelon local

L'opération emporte des chevauchements en Île de France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (" PACA ") et notamment dans les départements du Var (83) et des Alpes-Maritimes (06), sur le segment particulier de l'immobilier résidentiel. Il est à noter que selon une segmentation plus fine (à l'échelle du département), les parties ne sont pas simultanément présentes dans les mêmes départements de l'Île de

France : Altarea est présent en région parisienne hors Paris et Cogedim est présent à Paris hors périphérie parisienne.

<emplacement tableau>

Ainsi, selon l'hypothèse la plus défavorable, les parties disposent seulement d'une part de marché inférieure à [0-10] %. Ce marché présente la double particularité d'être d'une part fortement atomisé, et de connaître d'autre part la présence d'acteurs au moins aussi importants que la nouvelle entité tels que Bouygues, Kaufman & Broad ou encore Nexity.

4.1.2. Le marché de la gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers

a) Parts de marché à l'échelon national

Au niveau national, la part de marché de la nouvelle entité sera de tout au plus [0-10] % (Alratea et Cogedim : moins de 5 % chacun).

Selon la segmentation retenue, l'opération n'emporte de chevauchements que sur le segment de la gestion d'" actifs immobiliers d'entreprises à usage de locaux commerciaux " pour compte de tiers sur lequel Altarea dispose de moins de 5 % de parts de marché. Cogedim, qui vient de débuter cette activité, dispose quant à lui de parts de marché tout à fait marginales.

Ainsi, sur un marché national de la gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers, l'opération n'emporte aucun risque d'atteinte à la concurrence.

b) Parts de marché à l'échelon local

Si l'on étudie des marchés de la gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers de dimension locale (à l'échelon régional comme départemental), les parties ne sont simultanément présentes qu'en Provence-Alpes-Côte d'Azur où elles ne disposent qu'au plus de 15 % de parts de marché avec un chevauchement très marginal de Cogedim. Ce constat est établi à l'échelle départementale comme à l'échelle régionale.

Ainsi, sur le marché de la gestion d'actifs immobiliers pour le compte de tiers, l'opération n'est pas de nature à emporter un quelconque problème concurrentiel.

4.2. Analyse des effets de gamme

Outre les deux segments de marchés sur lesquels apparaissent des chevauchements horizontaux (promotion immobilière et gestion d'actifs pour le compte de tiers), Altarea est également présent sur le marché de l'administration de biens immobiliers, incluant la gestion technique et la gestion locative d'actifs immobiliers destinés aux entreprises (locaux à usage de bureaux et locaux à usage de commerce).

Pour qu'il y ait un risque d'atteinte à la concurrence par mise en œuvre d'un effet de gamme, il est nécessaire que la détention d'une gamme de produits puisse constituer un avantage décisif, par le biais par exemple d'une forte position sur au moins un des marchés qui permette de faire jouer un effet de levier. Or, concernant le segment de marché relatif à la gestion locative et technique d'actifs immobiliers, Altarea ne dispose tout au plus de [10-20] % de parts de marché quelle que soit la segmentation retenue. Par ailleurs, sur les autres marchés, l'analyse au titre des effets horizontaux a montré que les parties disposent de positions limitées.

En définitive, il apparaît que les parties ont de faibles parts de marché, et que les contraintes concurrentielles pesant sur leur activité sont telles qu'elles ne sont pas en mesure d'exercer un quelconque effet de levier au bénéfice de leurs autres activités.

En conséquence, l'opération n'emporte pas d'effets congloméraux dommageables aux consommateurs.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

* erreur matérielle : lire " Cogedim est une société de promotion immobilière " au lieu de " Cogedim est une société foncière "

1 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI et du ministre C2007-34 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 20 juin 2007, aux conseils du groupe Caisse d'Épargne, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers (en cours de publication).

2 Voir notamment C2006-151 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 10 janvier 2007, au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle.

3 Voir notamment la décision de la Commission COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI, précitée, et C2006-151 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 10 janvier 2007, au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle.

4 Voir notamment C2006-151 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 10 janvier 2007, au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle.

5 Décision de la Commission européenne n° M.3370 - BNP Paribas/ARI.

6 C2007-52 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 22 mai 2007, aux conseils de la société Unibail, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers (BOCCRF n° 6 bis du 28 juin 2007). C2007-34 / Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi du 20 juin 2007, aux conseils du groupe Caisse d'Épargne, relative à une concentration dans le secteur des services immobiliers (en cours de publication).

7 Cas M.3370 - BNP Paribas/Atis Real International - décision de la Commission du 9 mars 2004, paragraphe 9. Cas M.2110 - Deutsche Bank/SEI/JV - décision de la Commission du 25 septembre 2000, paragraphe 9. Cas M.2825 - Fortis AG SA/Bernheim-Comofi SA- décision de la Commission du 9 juillet 2002, paragraphe 8 (voir également Cas M.1289 - Harbert Management/DB/Bankers Trust/SPP/Öhman, Cas M.1937 - Skandia Life/Diligentia, Cas M.1975 - DB/Eurobank/ Lamda). Lettre du ministre de l'Economie du 12 novembre 2003 aux conseils de la société foncière lyonnaise SA, relative à une concentration dans le secteur de la gestion d'actifs immobiliers (voir également lettres du ministre de l'Economie des 8 novembre 2003 et 17 avril 2003).

8 Voir notamment le cas M.2863 - Morgan Stanley/Olivetti/Telecom Italia/Tiglio et la lettre du Ministre français de l'économie, des finances et de l'industrie du 17 avril 2003 aux conseils de la société CBRE Holding Inc.

9 Voir notamment la lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du 26 mars 2007, aux conseils de la société Banque Fédérale des Banques populaires, relative à une concentration dans le secteur de l'immobilier (BOCCRF n° 6 bis du 28 juin 2007).

10 Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie du 21 août 2006, aux conseils de la société Foncière des Régions, relative à une concentration dans le secteur de l'immobilier (BOCCRF n° 8 bis du 26 octobre 2006).

11 Décision de la Commission européenne M. 2110 du 25 septembre 2000, Deutsche Bank/SEI/JV.

12Décision de la Commission européenne M.2863 du 30 août 2002, Morgan Stanley/Olivetti/Telecom Italia/Tiglio.