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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 12 avril 2007, n° 06-21792

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LSO Production (SNC), LSO International (SNC)

Défendeur :

Côté Scène (SARL), Huertas (ès qual.), Garnier (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Maynard-Simoni, SCP de Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Valette, Agnetti

T. com. Cannes, du 14 déc. 2006

14 décembre 2006

Faits, procédure et prétentions des parties

La SNC LSO Production et la SNC LSO International ayant toutes deux leur siège social dans le ressort du Tribunal de commerce d'Antibes d'une part, et la SARL Côté Scène d'autre part, ont été en relations d'affaires suivies depuis 1989 aux contours aujourd'hui controversés. La SNC LSO Production et la SNC LSO International ont pour activité respectivement 1- " la création et l'organisation de soirées, entreprise de spectacle, la création et le décor, l'installation technique" et 2- "le conseil et la réalisation en organisation de congrès, séminaires, campagnes et voyages de stimulation, conventions, lancement de tous produits". La SARL Côté Scène a pour activité principale "l'éclairage et la sonorisation de spectacles ou de toutes autres activités". La SNC LSO Production a mis fin, le 6 octobre 2006, à la relation commerciale établie avec la SARL Côté Scène.

Par jugement contradictoire en date du 14 décembre 2006, le Tribunal de commerce de Cannes s'est déclaré territorialement compétent pour connaitre de l'action en responsabilité engagée par la SARL Côté Scène, placée sous la procédure de sauvegarde, le 10 octobre 2006, et par les organes de la procédure à l'encontre de la SNC LSO Production et de la SNC LSO International et a enjoint aux parties de conclure pour l'audience de plaidoiries au fond fixée au 27 janvier 2007.

La SNC LSO Production et la SNC LSO International ont régulièrement fait un contredit motivé à l'encontre de ce jugement dans les formes et délais légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 en date du 28 décembre 1993.

Vu les conclusions récapitulatives de la SNC LSO Production et de la SNC LSO International en date du 5 mars 2007 tendant à faire juger :

- qu'il convient, à titre principal, de surseoir à statuer en raison de l'adage " le criminel tient le civil en l'état " suite à leur plainte avec constitution de partie civile déposée devant le Doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Grasse pour des délits "de présentation de faux bilans, abus de biens sociaux, tentative d'escroquerie au jugement" ... à l'encontre de la SARL Côté Scène et de ses dirigeants sociaux, outre de son expert-comptable,

- subsidiairement, que le lieu permettant de déterminer la juridiction territorialement compétente est celui où le fait dommageable s'est produit, en l'espèce le fait dommageable est constitué par l'envoi de la lettre de rupture à partir d'Antibes et non celui où les conséquences dommageables ont été ressenties, à savoir à Cannes, lieu où la plupart des prestations de service étaient fournies par la SARL Côté Scène et où la procédure de sauvegarde a été ouverte (une telle ouverture ne s'analysant pas à l'évidence comme un préjudice causé à l'entreprise qui en fait l'objet);

Vu les conclusions récapitulatives de la SARL Côté Scène en date du 13 mars 2007 tendant à faire juger :

- que peut être compétent territorialement le tribunal de commerce dans le ressort duquel le préjudice subi par le demandeur a été réalisé, que le préjudice est constitué par la perte de marchés exécutés principalement à Cannes et par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de l'entreprise devant le Tribunal de commerce de Cannes, découlant des agissements imputés à la SNC LSO Production et à la SNC LSO International et que le Tribunal de commerce de Cannes était donc bien compétent territorialement,

- qu'il convient en toute hypothèse d'évoquer l'affaire par application de l'article 89 du nouveau Code de procédure civile,

- que, enfin, la décision pénale susceptible d'intervenir n'exercera aucune influence sur la solution du litige civil, la demande n'étant pas fondée sur les pièces comptables arguées de faux mais sur le volume des relations d'affaires tel qu'il résulte de pièces incontestables (factures acquittées par la SNC LSO Production et/ou la SNC LSO International);

Motifs et décision

Attendu qu'il ressort de pièces versées au débat que la SARL Côté Scène a noué des relations d'affaires tant avec la SNC LSO Production qu'avec la SNC LSO International ; qu'ainsi plusieurs délégations de créances instituant la SNC LSO International comme " débiteur délégué " mentionnent que la SARL Côté Scène est le fournisseur habituel de la SNC LSO International "qui est son principal client et à qui elle facture régulièrement ses prestations" ; que la SNC LSO Production est présentée comme une "division" ou un "contact" de la SNC LSO International, a échangé de nombreux courriers commerciaux avec la SARL Côté Scène relativement aux prestations de sonorisation et d'éclairage "d'événements" qui ont été fournies par la SARL Côté Scène et a adressé à cette dernière la lettre de rupture du 6 octobre 2006 sur son papier à en-tête commercial portant son numéro de Siret, les deux sociétés en nom collectif ayant le même président ;

Attendu que la SARL Côté Scène, assistée des organes de la procédure, a engagé une action en réparation fondée sur l'article L. 442-6 5° du Code de commerce prévoyant la responsabilité contractuelle d'un commerçant en cas de rupture brutale à son initiative d'une relation commerciale établie ; qu'en application de l'article 46 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile le demandeur peut choisir à son choix en matière contractuelle, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur (en l'occurrence le Tribunal de commerce d'Antibes), la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation ; que s'agissant de la rupture d'une relation commerciale globale en vertu de laquelle de nombreuses prestations de service en matière de sonorisation et d'éclairage de "manifestations" ou "événements" ne se déroulant pas exclusivement à Cannes étaient exécutées par la SARL Côté Scène, celle-ci ne peut se prévaloir de l'option ouverte par l'article 46 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en vertu d'accords commerciaux sans cesse réitérés, des prestations ont été exécutées dans différents ressorts de tribunaux consulaires ; que la SARL Côté Scène ne peut rattacher l'exécution de la relation globale la liant à la SNC LSO Production et à la SNC LSO International à un seul lieu à Cannes, même si dans ce lieu elle a fourni la plupart de ses prestations ; que le Tribunal de commerce de Cannes était territorialement incompétent ; que le Tribunal de commerce d'Antibes juridiction du lieu où demeurent les défenderesses était, lui, compétent;

Attendu qu'il convient de faire application de l'article 89 du nouveau Code de procédure civile et d'évoquer le fond de l'affaire dès lors que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence est juridiction d'appel relativement aux deux juridictions consulaires considérées et qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive;

Attendu que le jugement attaqué n'avait statué que sur la compétence; que la cour d'appel saisie par la voie du contredit ne se trouve investie que de la seule connaissance du litige relatif à l'exception d'incompétence ; qu'il ne lui appartient pas de vider d'autres questions qui lui sont posées incidemment et secondairement, et dont la résolution suppose que le litige sur la compétence soit tranché; qu'après constitution régulière d'avoué requise par l'article 90 du nouveau Code de procédure civile en cas d'évocation, la cour d'appel qui s'est reconnue compétente pourra examiner la demande de suspension d'instance fondée sur les articles 378 et suivants du nouveau Code de procédure civile et 4 du Code de procédure pénale ; que le sursis à statuer suppose que la décision pénale à intervenir est susceptible d'exercer une influence sur l'instance civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant suivant arrêt contradictoire par sa mise à la disposition des parties au greffe de la cour d'appel, Déclare recevable le contredit formé par la SNC LSO Production et par la SNC LSO International ; Dit que le Tribunal de commerce de Cannes n'était pas compétent territorialement et que le litige relève de la compétence territoriale du Tribunal de commerce d'Antibes. Évoque le fond de l'affaire et invite les parties à constituer avoué dans le délai d'un mois suivant le prononcé du présent arrêt, par application de l'article 90 du nouveau Code de procédure civile. Dit que l'affaire est renvoyée à l'instruction devant le conseiller de la mise en état. Réserve les dépens de l'instance.