CA Paris, 5e ch. B, 5 avril 2007, n° 03-12311
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SDA (SA), GGBA (SA)
Défendeur :
Volvo Automobiles France (Sté), FMC Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pimoulle
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Le Bail
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Teytaud
Avocats :
Mes Bourgeon, Gauclère
LA COUR,
Vu l'appel relevé par les SA Société de distribution automobile (ci-après SDA) et GGBA du jugement du Tribunal de commerce de Paris (16e chambre, n° de RG : 2001049671), prononcé le 24 février 2003;
Vu les dernières conclusions des appelantes (18 janvier 2007);
Vu les dernières conclusions (31 janvier 2007) de la SAS FMC Automobiles, venant aux droits de la SA Volvo Automobiles France (ci-après : Volvo) intimée et incidemment appelante;
Sur quoi,
Considérant que Volvo a résilié le 17 décembre 1999 avec effet au 17 décembre 2001 le contrat de concession qu'elle avait conclu le 10 octobre 1996 avec SDA ; que, par suite, GGBA et SDA ont assigné Volvo en paiement de diverses sommes en invoquant, premièrement, le fait que le constructeur avait, selon elles, cessé d'exécuter de bonne foi le contrat depuis 1999, deuxièmement, une résiliation abusive, troisièmement la violation de son exclusivité territoriale; que Volvo s'est opposée à toutes ces demandes et a réclamé reconventionnellement des dommages-intérêts en compensation des faibles volumes de vente réalisés par SDA ; que le tribunal, par le jugement dont appel, a condamné Volvo à payer à SDA 94 470 euro au titre de primes non versées pour 1999 et débouté les parties de toutes leurs autres demandes;
Considérant que SDA et GGBA maintiennent au soutien de leur appel contre Volvo leurs griefs d'exécution de mauvaise foi du contrat de concession depuis le début 1999, de résiliation abusive et de violation de l'exclusivité territoriale; que Volvo reprend sa demande de dommages-intérêts reconventionnelle;
1. Sur l'exécution du contrat depuis 1999:
Considérant que SDA et GGBA reprochent à Volvo d'avoir fait preuve de mauvaise foi, d'une part, en ne maintenant pas les aides accordées au début des relations contractuelles, d'autre part en ne se conformant pas à la procédure prévue en cas de désaccord sur les objectifs;
1.1. Sur le maintien des aides:
Considérant que les parties ont conclu le 28 décembre 1992, soit l'année même qui a marqué le début de leurs relations contractuelles, une convention " Starter " par laquelle, en contrepartie des investissements à réaliser par SDA pour l'ouverture de trois sites à Roncq, Lille et Lens, Volvo acceptait (article 1.2.1 de la convention) " de verser au concessionnaire, à titre exceptionnel et non reconductible, et de manière forfaitaire et définitive, une contribution dite "starter" d'un montant de 1 575 000 F HT " ; que l'article 1.2.3. prévoyait le versement de la somme en deux échéances de 675 000 F en 1992 et 900 000 F en 1993;
Considérant que SDA et GGBA, non seulement ne contestent pas que Volvo a exactement respecté ses engagements, mais ajoutent que le constructeur a reconduit pour 1994 et 1995 une aide sous forme d'une marge complémentaire à la voiture vendue puis a continué à accorder une aide spécifique en 1996, en réduisant les objectifs, et en 1997 en abaissant le seuil de déclenchement des primes ; que les appelantes, qui expliquent que ces aides étaient justifiées par l'état du marché automobile, les parts de marché de Volvo, relativement faibles, et l'âpreté spécifique de la concurrence due à la proximité de la Belgique, s'abstiennent néanmoins de définir le fondement contractuel qui leur permettrait de revendiquer le maintien de ces complaisances pendant quatre ans;
Considérant, en réalité, que les termes clairs de la convention "starter", loin de laisser au concessionnaire l'espoir d'un renouvellement de l'aide initiale, prévoyaient au contraire expressément que celle-ci était exceptionnelle, non reconductible, forfaitaire et définitive;
Considérant, dès lors, que ni la morosité de la conjoncture invoquée par les appelantes, ni la constance de la géographie locale, à défaut de toute base contractuelle, ne suffisaient à créer à la charge de Volvo l'obligation de maintenir pendant toute la durée du contrat des aides qui n'avaient au contraire été prévues que pour atténuer les effets de la charge initiale des investissements du concessionnaire;
Considérant, au demeurant, que les appelantes ne formulent aucune demande chiffrée en relation expresse avec ce grief;
1.2. Sur la définition des objectifs de vente de véhicules neufs en 1999:
Considérant que l'article 19 du contrat intitulé "ventes " comportait les dispositions suivantes:
" 19.1 -Le concessionnaire s'efforcera de vendre chaque année, dans le secteur d'affectation, les quantités minimales de produits Volvo fixées par les parties d'un commun accord.
Si les parties sont en désaccord sur les quantités minimales pour l'année à venir à une date de l'année déterminée selon les modalités figurant en annexe 5, la question sera soumise à un expert indépendant conformément à la procédure définie à l'annexe 5 ";
Considérant que, ensuite du désaccord exprimé par SDA, dans une lettre du 21 janvier 1999, sur les objectifs de vente de véhicules neufs fixés par Volvo, soit 57 unités pour le 1er trimestre alors que le concessionnaire prétendait que ce chiffre devait être réduit à 47, les parties ont sollicité l'arbitrage de M. Barthélémy, expert indépendant, conformément aux dispositions contractuelles précédemment rappelées;
Considérant que dans son rapport daté du 29 juin 1999, l'expert, après avoir relevé : " Volvo, dans un avenant au contrat européen de base baptisé "Plan opérationnel 99", détaille explicitement le mode de calcul permettant d'attribuer un objectif VN à chacun de ses concessionnaires. L'atteinte de l'objectif déclenche le versement d'un bonus s'ajoutant à la marge commerciale; l'ensemble des concessionnaires est en possession des bases de calcul et la règle est identique pour tout le réseau. Les critères sont pertinents (pénétration Volvo sur le secteur concerné, pénétration moyenne immats Volvo France, pénétration Volvo par rapport aux trois marques concurrentes Mercedes, BMW Audi).
Au terme de ces différents calculs, l'objectif de SDA Lille ressort à 235 VN pour 1999";
Considérant que le rapport de M. Barthélémy ne remet nulle part en question le chiffre de 235 véhicules assigné à SDA, déterminé par la méthode de calcul appliquée à tous les concessionnaires, dont il a souligné la pertinence des critères ainsi qu'il résulte de l'extrait reproduit ci-dessus ; que, s'il émet quelques réserves sur le " poids du bonus ", la " pertinence du calcul " et la " rigidité du système ", il admet lui-même que ces remarques rendent l'arbitrage difficile en soulignant : "ce mode de calcul s'applique et s'impose à tous. Chacun conviendra de ce que cette disposition dont on voit bien les mérites et qui est à l'honneur de Volvo ne facilite pas la recherche d'un compromis. Le constructeur peut-il accepter une dérogation qui aurait pour conséquence de réduire l'objectif de SDA et de répartir le solde sur d'autres concessionnaires, confrontés sans doute à un problème identique ";
Considérant que ces observations ont d'ailleurs conduit l'expert, en conclusion de son rapport, non pas à proposer un objectif inférieur, mais, tout au contraire, à inviter SDA à "signer l'objectif tel qu'il ressort du mode de calcul institué par le plan opérationnel 99 tout en étant conscient de ce que l'objectif ne sera pas réalisé" et à accompagner la signature d'une "mention de réserves manuscrites";
Considérant qu'il résulte de ce qui précède d'une part, que Volvo peut soutenir que l'expert n'a pas réellement rempli sa mission, d'autre part, et en toute hypothèse, que SDA n'est pas fondée à se prévaloir de ce rapport qui n'a suggéré aucune diminution de l'objectif mais l'a au contraire incitée à accepter, fût-ce avec des réserves, celui proposé par Volvo qu'elle refusait; que le grief de mauvaise foi tiré du non-respect de la procédure d'arbitrage par Volvo n'est donc pas établi;
Considérant que l'objectif dont la réalisation entraîne le versement de la prime n'a donc pas été accepté ; que, d'ailleurs, SDA n'en a vendu en 1999 que 176, et non 235 ; qu'une situation identique s'est reproduite en 2000, les parties ne s'étant pas accordées sur l'objectif; que les demandes de SDA et GGBA tendant à la condamnation de Volvo à lui payer ces primes seront donc rejetées, le jugement entrepris étant réformé sur ce point;
2. Sur la résiliation:
Considérant que, en conformité avec le règlement CE applicable, le contrat de concession signé le octobre 1996 prévoyait la possibilité (article 37), pour l'une ou l'autre des parties, de le dénoncer à tout moment sans autre condition que de notifier sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception avec un préavis de deux ans;
Que Volvo, en l'espèce, a notifié à SDA sa décision de dénoncer le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 décembre 1999 avec effet au 17 décembre 2001, soit avec un préavis de deux ans;
Considérant qu'il en résulte que tous les développements des appelantes sur l'absence des conditions d'application d'une résiliation avec préavis d'un an seulement, prévue par l'article 38.3 du contrat, sont inopérants; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté SDA et GGBA de toutes leurs demandes fondées sur une prétendue résiliation abusive;
3. Sur la violation de l'exclusivité territoriale:
Considérant que les appelantes ne sont pas fondées à reprocher à Volvo le fait que la société concessionnaire Ford de Lille ait vendu des véhicules Volvo d'occasion ; que le fait qu'un collaborateur de GGBA ait pu passer commande d'un véhicule neuf à cette même société, comme l'exposent les appelantes (p. 7 de leurs écritures), sans d'ailleurs alléguer que cette commande ait été suivie d'une livraison, ne suffit pas à caractériser la violation alléguée ; que, d'ailleurs, les appelantes ne démontrent pas le lien de causalité entre ce fait et leur demande de 249 016 euro de dommages-intérêts, donnée pour l'équivalent de la perte subie par SDA dans le cadre de son activité Volvo au titre de l'exercice 2001;
4. Sur la demande spécifique de GGBA :
Considérant que GGBA, qui explique avoir fait à SDA l'abandon de son compte courant dans SDA à hauteur de 1 MF pour compenser l'absence de versement de la prime de véhicules neufs par Volvo en 1999, n'est pas fondée à réclamer à Volvo le remboursement de cette somme, même en invoquant la responsabilité délictuelle;
Considérant, en effet, qu'il a déjà été dit que Volvo n'avait pas commis de faute en ne versant pas la prime ; que, par ailleurs, il n'existe pas de lien de causalité entre le non-versement de cette prime et la décision de GGBA, laquelle relevait seulement de ses propres choix de gestion ; que le jugement entrepris sera encore confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande;
5. Sur la demande reconventionnelle:
Considérant que Volvo, reprenant les insuffisances qu'elle avait reprochées à SDA dans une lettre du 3 janvier 2001, lui reproche notamment l'absence de directeur à temps plein pour l'activité Volvo depuis mars 2000, l'absence de réceptionnaire après-vente depuis au moins mars 2000, l'absence de secrétaire après-vente depuis le 15 novembre 2000, l'insuffisance de formation des personnels et d'investissements publicitaires;
Considérant que SDA a répondu à tous ces points dans une lettre du 17 janvier 2001 donnant les noms des personnes assurant les fonctions dénoncées comme vacantes et rappelant que, dans le contexte de la fin de l'exécution du préavis et de la recherche d'un repreneur, l'opportunité d'investissements importants était devenue moins actuelle et qu'il s'ensuivait une moindre motivation compréhensible du personnel;
Considérant qu'il en résulte qu'un doute subsiste sur la réalité des manquements allégués de SDA à ses obligations contractuelles ; que, à supposer qu'un certain relâchement ait pu apparaître dans les tout derniers mois du préavis, celui-ci ne suffirait pas à justifier la demande de dommages-intérêts évaluée par Volvo à la perte de marge correspondant au différentiel entre l'objectif de vente de 182 véhicules neufs, dont il n'est pas indiqué qu'il aurait été accepté par SDA, et le nombre de 56 véhicules vendus;
Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SA Volvo France Automobiles à payer 94 470 euro à la SA société de Distribution Automobile, statué sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Statuant à nouveau de ces chefs, Déboute la SA société de Distribution Automobile de toutes ses demandes, Condamne les SA société de Distribution Automobile et GGBA aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile et à payer, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 10 000 euro à la SAS FMC Automobiles, venant aux droits de la SA Volvo Automobiles France.