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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 13 février 2007, n° 05-02385

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Descal (SAS)

Défendeur :

Lalanne (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mettas

Conseillers :

MM. Billaud, de Sequeira

Avoués :

SCP Longin, SCP de Ginestet Duale Ligney

Avocats :

Mes de Brisis, Malherbe

T. com. Dax, du 7 juin 2005

7 juin 2005

Faits et procédure

La société Lalanne SARL commercialise des grains, engrais et aliments. Elle s'approvisionne auprès de la SAS Descal.

Courant août 2004, la SARL Lalanne a vendu son fonds de commerce à la Saga Bouet et a informé ses clients par lettre du 9 août 2004 qu'elle distribuerait "la gamme complète d'aliments Saga Bouet et les agro fournitures comme auparavant".

Considérant que cette attitude constituait une rupture abusive de leur relation commerciale exclusive depuis 1976, la SAS Descal a exigé des réparations financières.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 septembre 2004, la société Descal a mis en demeure la SARL Lalanne de lui payer la somme de 185 319 euro.

Par acte d'huissier en date du 22 novembre 2004, la société Descal a fait assigner la SARL Lalanne devant le Tribunal de commerce de Dax afin d'obtenir sa condamnation à lui payer cette somme et 3 000 euro au titre de ses frais irrépétibles.

Par jugement en date du 7 juin 2005, le Tribunal de commerce de Dax a débouté la société Descal de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant en principal que sur les dommages et intérêts.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 28 juin 2005, la SAS Descal a relevé appel de cette décision.

Moyens et prétentions des parties

Par conclusions en date du 28 février 2006, la société Descal demande à la cour:

- de réformer le jugement du Tribunal de commerce de Dax,

- de débouter la société Lalanne de ses demandes,

- de la condamner à lui verser 185 319 euro et 3 000 euro au titre de ses frais irrépétibles.

Par conclusions récapitulatives en date du 13 juin 2006, la société Lalanne demande à la cour:

- de confirmer intégralement la décision entreprise,

- de débouter la société Descal,

- et de la condamner à lui verser 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi,

Attendu que la demande initiale de la société Descal comme ses conclusions d'appel sont fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce qui prévoit qu'"engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant comte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ;

Attendu que ce texte a été voté et mis en œuvre par le législateur pour assurer la sécurité des opérations commerciales et la pérennité de l'entreprise et qu'il y a lieu pour son application de rechercher si la brutalité éventuelle de la rupture des relations commerciales existant entre les parties ne constitue pas une faute de la part de la SARL Lalanne et ce peu important l'absence d'exclusivité contractuelle;

Attendu en effet qu'il n'est pas contesté que les relations commerciales existant entre les parties étaient anciennes et - comme l'a constaté le premier juge - établies à un niveau moyen annuel de l'ordre de un million d'euros depuis 10 ans au vu des extraits de compte;

Attendu qu'il est également constant que la société Descal, même si elle appartient au même groupe commercial que la SARL Lalanne, si elle n'est qu'une filiale de la cocontractante, n'a été officiellement avisée du changement de politique d'achats de la SARL Lalanne que par l'effet de la lettre circulaire de cette société à ses clients en date du 9 août 2004;

Attendu que ces deux sociétés ont une personnalité morale totalement distincte et une totale autonomie de gestion l'une par rapport à l'autre;

Attendu que la SARL Lalanne n'a officiellement avisé la société Descal de la rupture de leurs relations commerciales que le 31 août 2004 avec effet le lendemain 1er septembre alors que cette rupture est le résultat de la vente du fonds de commerce survenue antérieurement le 11 août 2004 et nécessairement précédée de transactions;

Attendu qu'il y a lieu de juger que cette rupture a été brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 susvisé;

Attendu qu'il y a lieu de rechercher en conséquence si cette rupture a occasionné un préjudice à la société Descal;

Attendu sur ce point que le mode de calcul qui a conduit cette société à chiffrer son préjudice à la somme de 185 319 euro d'après divers postes de son bilan comptable n'est pas admissible:

* elle est le résultat de l'application d'un pourcentage appliqué aux charges fixes ou variables de l'entreprise Descal sur lesquelles seule cette entreprise et ses dirigeants ont un pouvoir juridique de gestion et de contrôle;

* il est fait référence et demandé une réparation fondée sur un pourcentage en rapport avec la sous-traitance sans que les contrats ne soient produits;

* idem pour des locations, des assurances, de la documentation, des intérêts sur financements voire des honoraires;

Attendu que la demande ainsi chiffrée unilatéralement et sans justificatif est manifestement exagérée voire audacieuse car elle implique que l'on rende la SARL Lalanne responsable de la gestion de la SAS Descal;

Attendu que cette méthode se réfère par ailleurs à l'unique bilan de l'exercice 2003-2004 et que cet unique document est très insuffisant à rendre compte de l'ancienneté des relations entre les deux entreprises d'une part et de l'impact de la rupture qui nécessite une observation du bilan suivant soit 2004-2005;

Attendu qu'aucun élément comptable relatif à cet exercice n'est versé aux débats;

Qu'au contraire les comptes produits par la SAS Descal établissent que le chiffre d'affaires de cette société provenant du commerce avec la SARL Lalanne avait déjà baissé en 2003-2004;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de juger que la SAS Descal est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de l'existence d'un préjudice en relation de causalité avec la rupture brutale des relations commerciales qu'elle avait avec la SARL Lalanne,

Attendu que la décision du Tribunal de commerce de Dax du 7 juin 2005 doit être confirmée en toutes ses dispositions;

Que la SAS Descal qui succombe doit les entiers dépens et la somme de 2 000 euro à la SARL Lalanne au titre de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Rejetant toutes autres demandes, fins et conclusions des parties, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Dax en date du 7 juin 2005, Condamne la SAS Descal aux entiers dépens avec application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, au profit de la SCP de Ginestet Duale Ligney, avoués à la cour. La condamne à payer à la SARL Lalanne la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.