CA Paris, 1re ch. H, 25 septembre 2007, n° ECEC0801476X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vendasi et Cie (Sté)
Défendeur :
Président du Conseil de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guyot
Conseillers :
Mmes Horbette, Mouillard
Avoués :
SCP Fanet, Serra, Ghidini
Avocat :
Me Seatelli
A la suite de l'effondrement de l'une de ses tribunes, survenu en 1992, le district de Bastia a procédé à la reconstruction complète du stade Armand Cesari à Furiani. Les travaux ont été effectués par tranches successives, de 1994 à 2001, donnant lieu à une trentaine de marchés de travaux pour un montant total de 100 millions de francs. Ils étaient d'autant plus attendus par l'opinion publique qu'aux dires de la presse locale, leur réalisation conditionnait le maintien du club de football de Bastia en première division.
Le 20 mars 2000, le district de Bastia a lancé un appel d'offres pour la tribune Ouest, prévoyant cinq lots correspondant aux différents corps d'état concernés.
Pour le lot n°2, gros œuvre-maçonnerie-VRD (voirie et réseaux divers), estimé par le maître d'œuvre à 7 829 000 F HT, trois offres ont été déposées, émanant de la SNC Vendasi (10 631 021 F HT), de la société Trojani BTP (11 213 755 F HT) et de la société Les Frères Piacentini (10 914 060 F HT). Le 25 avril 2000, l'appel d'offres a été déclaré infructueux par le maître d'œuvre " compte-tenu du dépassement constaté et de la présentation sommaire des offres ".
Du fait de cet échec, l'estimation du coût des travaux a été portée à 8 142 160 F HT et le district de Bastia a contacté quinze entreprises du secteur, dont cinq entreprises italiennes, dans la perspective d'une procédure de marché négocié. Les trois entreprises qui ont déposé une offre recevable ont, cette fois encore, proposé un montant supérieur à l'estimation du maître de l'ouvrage : la société Codelfa (11 120 027 F HT), la société Vendasi (10 301 021 F HT) et la société Les Frères Piacentmi (10 822 828 F HT).
Compte-tenu de cet écart persistant, l'arbitrage d'un expert en bâtiments et travaux publics près la Cour d'appel de Bastia a été requis. Cet expert a estimé les travaux à un montant de 8 645 617 F dans des conditions d'exécution normales, porté à 9 636 651 F au cas où ces conditions seraient particulièrement difficiles (délais courts, haute saison, réduction de la main d'œuvre...).
Après de nouvelles discussions, la société Vendasi a réduit son offre à 9 989 021,50 F HT (soit 10 788 143,22 F TTC) et s'est vu attribuer le marché pour ce montant le 26 décembre 2000.
C'est dans ces conditions que, le 27 août 2003, le ministre des Finances a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques mises en œuvre lors de l'attribution du marché public de travaux pour la reconstruction de la tribune Ouest du stade.
Après avoir notifié des griefs d'entente à la société Vendasi, à la société Trojani BTP, à la société Les Frères Piacentini et à la société Codelfa, le Conseil de la concurrence a, le 6 juin 2006, rendu la décision n° 06-D-13 suivante :
"Article 1er : Il n'est pas établi que la société Codelfa a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 2 : Il est établi que les sociétés Vendasi, Trojani BTP et Frères Piacentini ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce à l'occasion du marché public de la reconstruction de la tribune Ouest du stade Armand Cesari à Furiani.
Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
. à la société Vendasi, une sanction de 680 000 euro ;
. à la société Frères Piacentini, une sanction de 38 000 euro.
Article 4 : Aucune sanction n'est prononcée à l'encontre de la société Trojani BTP en liquidation judiciaire.
Article 5 : Le dossier est transmis au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bastia en application de l'article L. 420-6 du Code de commerce.
Article 6 : Dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, les sociétés Vendasi et Frères Piacentini feront publier à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans une édition du "Figaro" et de "Corse Matin", le résumé suivant de la décision complété par les articles 1er à 5 inclus du dispositif de la décision(...)."
LA COUR,
Vu le recours contre cette décision formé par la SNC Entreprise Vendasi et Cie (ci-après la société Vendasi) le 10 juillet 2006 ;
Vu le mémoire déposé le 9 août 2006 par la société Vendasi à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 30 avril 2007, par lequel cette société demande à la cour :
- à titre principal, de juger :
. qu'elle n'a participé à aucune concertation qui aurait eu pour objet ou pour effet de limiter la concurrence,
. que la condition de l'accord de volontés nécessaire à la qualification d'entente illicite au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce fait défaut,
. qu'elle n'a pas enfreint les dispositions de ce texte,
. qu'il n'y a pas lieu à sanction à son encontre,
. qu'il y a lieu de lui rembourser les sommes acquittées au titre de la condamnation prononcée par le Conseil,
- à titre subsidiaire, de juger que le Conseil a prononcé une sanction disproportionnée compte-tenu de la réalité des faits reprochés, du préjudice susceptible d'avoir été causé à l'économie, en conséquence, de réformer la décision du Conseil en réduisant sensiblement le montant de la sanction prononcée et d'ordonner le remboursement de la différence entre la sanction prononcée par la cour et celle prononcée par le Conseil,
- de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 2 mars 2007 ;
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 22 février 2007, tendant au rejet du recours ;
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience, tendant au rejet du recours ;
Ouï à l'audience publique du 29 mai 2007, en leurs observations orales, le conseil de la société Vendasi, qui a été mis en mesure de répliquer et a eu la parole en dernier, ainsi que le représentant du Conseil de la concurrence et celui du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public ;
SUR CE :
- sur la procédure
Considérant qu'il résulte de l'article 2 du décret du 19 octobre 1987, devenu l'article R. 464-12 du Code de commerce, que l'objet et la cause du recours formé contre une décision du Conseil de la concurrence sont circonscrits aux prétentions et moyens présentés lors de la déclaration du recours ou dans le mémoire déposé dans les deux mois de la notification de la décision attaquée ; qu'il suit de là que n'est pas recevable le moyen de procédure discutant la validité des procès-verbaux, invoqué par la société Vendasi pour la première fois dans son mémoire en réplique du 30 avril 2007 ;
- sur le fond
. sur les pratiques
Considérant que le Conseil a relevé notamment :
- en ce qui concerne l'appel d'offres du 20 mars 2000 :
. qu'une copie de la page 3 de l'acte d'engagement de la société Trojani, sur laquelle figurait le prix proposé par cette entreprise, a été retrouvée dans le dossier de la société Vendasi,
. que les offres proposées par ces deux entreprises présentent des similitudes,
. que les trois offres sont supérieures de 30 à 40 % à l'estimation du maître d'œuvre,
. qu'aucune d'entre elles ne respecte le règlement de l'appel d'offres,
. que les sociétés Trojani BTP et société Les Frères Piacentini n'avaient pas la capacité d'effectuer les travaux demandés ;
- en ce qui concerne la procédure de marché négocié :
. que les offres déposées par les sociétés Les Frères Piacentini et Codelfa présentent des similitudes avec celle de la société Vendasi et que celle de la société Les Frères Piacentini présente des similitudes avec celle déposée par la société Trojani BTP pour l'appel d'offres,
. que les offres sont supérieures de 20 % à l'estimation réévaluée du maître d'œuvre,
. qu'aucune d'entre elles ne respecte le règlement de l'appel d'offres,
. que l'offre déposée au nom de la société Codelfa est un faux,
. que la société Les Frères Piacentini n'avait pas la capacité d'effectuer les travaux demandés ;
Qu'il en a déduit qu'était caractérisé un faisceau d'indices précis, graves et concordants démontrant que les entreprises Vendasi, Les Frères Piacentini et Trojani avaient échangé des informations préalablement au dépôt des offres en réponse à l'appel d'offres du 20 mars 2000, que les sociétés Vendasi et Les Frères Piacentini avaient échangé des informations préalablement au dépôt de leurs réponses au marché négocié, et que les trois sociétés s'étaient concertées pour désigner l'attributaire du marché de travaux relatifs à la reconstruction de la tribune Ouest du stade Armand Cesari à Furiani et fausser les mises en concurrence organisées par le district de Bastia ;
Considérant que la société Vendasi critique cette décision en faisant valoir que le Conseil a commis des erreurs factuelles, en ce qu'il résulte du dossier que le devis quantitatif et estimatif (ci-après DQE), ou cadre de décomposition, n'a pas été remis aux entreprises dans le dossier de consultation de l'appel d'offres, mais seulement dans celui du marché négocié, et que le niveau élevé des offres, qui résultait des contraintes du marché en cause et non de la situation d'urgence créée par l'échec de la procédure d'appel d'offres, n'est pas la conséquence d'une entente ;
Qu'elle soutient aussi que le Conseil a mal apprécié la valeur probante des éléments retenus, en objectant que :
- la page émanant de la société Trojani se trouvait dans le "dossier marché" remis par le district de Bastia, avec un cadrage insuffisant pour inclure le paraphe de cette entreprise qui figure sur l'original, ce qui explique l'absence de paraphe sur ce document,
- il serait contradictoire que les entreprises échangent des informations sur les prix afin que l'une d'elle soit la moins-disante si, simultanément, elles ont décidé de présenter des offres non conformes,
- il n'est pas démontré que le prétendu échange d'informations aurait eu lieu avant la remise par la société Vendasi de son acte d'engagement,
- en l'absence de DQE remis aux entreprises préalablement au dépôt des offres, les similitudes relevées par le Conseil sur la base d'un DQE commun sont inopérantes,
- le Conseil ne pouvait utilement comparer le cadre de décomposition proposé par la société Trojani BTP lors de l'appel d'offres et celui proposé par la société Vendasi lors du marché négocié,
- seules ont été relevées 11 similitudes sur un total de 113 postes de l'offre Vendasi,
- toutes les propositions présentent des similitudes, y compris celle de l'expert judiciaire, en raison de l'utilisation d'un même logiciel de feuilles de calcul.
- la localisation de la proposition Trojani à Bastia au lieu de Querciolo, lieu d'établissement de l'entreprise, n'est pas significative dans la mesure où Querciolo est dans la banlieue de Bastia,
- son offre n'était pas volontairement incomplète, d'autant que l'architecte a déclaré que celle remise pour le marché négocié permettait de faire une analyse et de se faire une idée de la structure globale et forfaitaire du prix,
- il résulte des déclarations du représentant de la société Les Frères Piacentini qu'il a effectué une "offre carte de visite", ce qui ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle,
- il a été établi qu'elle n'a aucun lien avec la fausse soumission déposée au nom de la société Codelfa ;
Mais considérant tout d'abord que c'est contre toute vraisemblance que la société Vendasi soutient dorénavant que la page de l'acte d'engagement de la société Trojani qui a été retrouvée dans son dossier de soumission lui avait été remise avec le "dossier marché" par le maître de l'ouvrage alors que cette page, à la différence de celle détenue par le district de Bastia, ne comporte pas le paraphe du dirigeant de la société Trojani, que la comparaison des deux documents démontre que cette absence ne résulte pas d'un cadrage différent de la photocopie comme elle le prétend et que, même en la suivant dans son raisonnement, aucune raison ne justifiait qu'elle maintînt dans son dossier de soumission une pièce émanant d'une entreprise concurrente qui s'était manifestement trouvée par erreur dans le dossier remis par le maître de l'ouvrage ; que cet élément révèle que la société Trojani BTP a communiqué à la société Vendasi le prix auquel elle entendait soumissionner à l'appel d'offres du 20 mars 2000 ;
Considérant ensuite qu'il n'est pas déterminant pour la démonstration des pratiques en cause qu'un DQE ait préalablement été remis aux entreprises à l'occasion de l'appel d'offres - ce que conteste la requérante en dépit des affirmations contraires du maître d'œuvre - dès lors que, selon l'article 3 du règlement d'appel d'offres, l'offre des entreprises soumissionnaires devait être chiffrée et présentée sous la forme d'un projet de marché comprenant, notamment, un devis quantitatif estimatif reprenant les 61 postes détaillés dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), les entreprises devant calculer elles-mêmes les quantités et les prix unitaires ; qu'au demeurant, l'absence de trame commune aux différents soumissionnaires accuse de plus fort les similitudes relevées sur les devis qu'elles sont censées avoir librement élaborés, constituant autant d'indices d'un échange d'informations ;
Qu'à cet égard, au vu des offres figurant au dossier, c'est à juste titre que le Conseil a retenu que les trois entreprises qui ont répondu à l'appel d'offres n'avaient présenté que des devis condensés, la société Vendasi elle-même ayant remis un devis regroupant les quantités et les prix en 13 rubriques au lieu des 61 prévues, en particulier sans détailler les trois postes majeurs "poutres-crémaillères", "gradins" et "panneaux garde-corps" qui s'écartaient le plus sensiblement des estimations du maître d'œuvre, alors qu'il est apparu par la suite qu'elle avait établi dès le 21 avril 2000 un devis détaillé inspiré des clauses techniques particulières, qu'elle ne s'était décidée à produire que dans le cadre de la procédure de marché négocié et seulement après deux rappels du district de Bastia du 31 juillet et du 18 octobre 2000 ;
Qu'il en est de même d'ailleurs pour la procédure de marché négocié, le district de Bastia ayant dû, par courrier du 31 juillet 2000, inviter les entreprises soumissionnaires à remettre des offres conformes ;
Que si le maître d'œuvre a déclaré aux enquêteurs que la seconde proposition formulée par cette entreprise pour le marché négocié permettait quand même de se faire une idée de la structure globale et forfaitaire du prix, il avait aussi relevé dans son rapport d'analyse des offres que le DQE remis par la société Vendasi n'était pas conforme à ce qui avait été demandé et ne lui permettait pas d'analyser les prix des postes "poutres crémaillères-gradins-panneau préfabriqué-marches" qui représentaient environ 50 % du marché et regroupaient l'ensemble des éléments préfabriqués, vraisemblablement sous-traités à un "préfabricateur" ;
Qu'au surplus, l'enquête a révélé que, si l'entreprise Vendasi avait chiffré ces éléments au prix de 5 601 940 F HT, son fournisseur italien ne lui en avait demandé que 3 290 000 F HT, ce qui lui conférait une marge de 41,27 %, sans qu'il puisse être retenu que cette différence était justifiée par les frais de transport sur l'île de produits pondéreux, comme elle le prétend sans fournir aucun élément à cet égard ;
Qu'enfin, la société Codelfa elle-même avait relevé que l'offre faussement présentée en son nom était incomplète, ce qui est "inhabituel s'agissant d'une entreprise structurée et compétente, habituée à répondre à des marchés et possédant les services aptes à remplir de tels actes ;"
Que c'est donc à juste titre que le Conseil a déduit de ces éléments que les sociétés soumissionnaires, dont la société Vendasi, avaient délibérément déposé des offres incomplètes, non conformes aux spécifications du marché ; qu'un tel procédé ayant pour effet d'empêcher le maître d'œuvre de procéder à une analyse comparative des offres reçues et, partant, d'apprécier dans quelle mesure elles sont surévaluées, il n'est pas contradictoire, comme le soutient la requérante, que des entreprises qui se sont concertées pour que l'une soit la moins-disante déposent dans ce but des offres peu lisibles, contrairement aux prescriptions du règlement du marché public ; qu'au demeurant, le gérant de la société Les Frères Piacentini, qui prétend s'être borné à présenter une "offre carte de visite", a également précisé qu'il avait délibérément majoré tous les postes afin de ne pas obtenir ce marché qu'il n'était pas en mesure d'honorer, confirmant ainsi l'appréciation du Conseil selon laquelle les prix proposés par ces entreprises, qui excédaient de 30 à 40 % l'offre du maître d'œuvre, étaient surévalués ;
Considérant qu'en ce qui concerne les similitudes relevées dans les offres déposées, il résulte des constatations de la décision (points 24 à 33 et 49), qui ne sont pas utilement critiquées par la société Vendasi et que n'explique pas à elle seule l'utilisation d'un même logiciel, que les DQE remis lors du premier appel d'offres par la société Vendasi et par la société Trojani BTP présentaient des similitudes, et alors au surplus que la société Trojani BTP avait domicilié le sien à Bastia, tout comme la société Vendasi, au lieu de Querciolo, siège de son établissement visé par elle habituellement ; que le DQE remis par la société Les Frères Piacentini lors du marché négocié présentait des similitudes non seulement avec celui de la société Vendasi mais également avec celui déjà remis par la société Trojani BTP lors de l'appel d'offres, étant observé que s'agissant d'une entente ayant vicié l'ensemble de la procédure d'attribution du lot n°2, les rapprochements des devis présentés lors des phases successives de mise en concurrence ne sont pas dénués de pertinence, contrairement à ce que soutient à tort la requérante ; qu'enfin, l'offre de la société Codelfa présentait également des similitudes avec celle de la société Vendasi, alors que l'enquête à laquelle il a été procédé en Italie à la suite de la plainte de cette société, qui niait être l'auteur de l'offre, a révélé qu'il s'agissait d'un faux dont l'auteur n'a toutefois pu être identifié ;
Qu'en définitive, en l'état des éléments relevés à juste titre par la décision, soit la communication du prix d'une autre entreprise soumissionnaire préalablement au dépôt du dossier, le niveau élevé des offres, les similitudes relevées entre les offres déposées, par ailleurs incomplètes, et le caractère artificiel des offres prétendument présentées en concurrence, c'est par une appréciation pertinente que la cour fait sienne que le Conseil a retenu l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant la réalité des pratiques imputées à la société Vendasi ;
. sur la sanction
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2, alinéa 3, du Code de commerce, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées par le présent titre ;
Considérant que le Conseil a retenu à juste titre que les ententes entre soumissionnaires aux appels d'offres lancés dans le cadre de marchés publics sont, par nature, particulièrement graves puisque seul le respect des règles de concurrence garantit la sincérité de l'appel d'offres et l'utilisation optimale des fonds publics ; que le dommage à l'économie ne se limite pas au préjudice subi par le maître de l'ouvrage mais tient aussi à la valeur d'exemple de telles pratiques, ressenties comme banales par les acteurs du secteur, a fortiori dans les conditions d'insularité qui sont celles de cette affaire ;
Qu'en l'espèce, le préjudice subi par le district de Bastia résulte du surcoût qu'il a dû accepter de payer finalement sous la pression de l'urgence, le retard subi étant particulièrement mal ressenti localement compte-tenu des enjeux administratifs pour le club de Bastia ; qu'à cet égard cependant, c'est à juste titre que la requérante objecte que le préjudice subi par le maître de l'ouvrage ne s'élève pas à 1 343 404 F comme le retient la décision mais à 352 370 F (53 718 euro), l'expert ayant proposé une évaluation haute des travaux en tenant compte, non des circonstances modifiées par l'échec de l'appel d'offres, mais des conditions particulières du marché en cause, à savoir la durée d'exécution concentrée sur six mois, la période de haute saison pour les transports et de vacance de la main d'œuvre liée à la date prévue pour l'exécution des travaux ; qu'au demeurant, le maître d'œuvre lui-même, dans son rapport d'analyse des offres, avait également souligné le surcoût résultant des spécifications propres au marché, nécessitant de recourir à une sous-traitance coûteuse, notamment en frais de transport ;
Qu'en tenant compte de ces éléments, mais aussi du rôle majeur joué dans ces pratiques par la société Vendasi qui, exploitant le contexte particulier de ce marché pour aggraver une situation d'urgence néfaste à la concurrence, a rendu le district captif tout au long de la procédure d'appel d'offres puis de marché négocié afin de pousser les prix à la hausse, et du chiffre d'affaires de cette entreprise pour l'année 2005 (23 385 453 euro), la sanction prononcée sera plus justement ramenée à 470 000 euro ;
Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Réforme la décision n° 06-D-13 du 6 juin 2006 du Conseil de la concurrence, mais seulement en son article 3 ; Et statuant à nouveau, Prononce contre la société Vendasi une sanction de 470 000 euro ; Rejette le recours de la société Vendasi pour le surplus ; La condamne aux dépens.